Résumé

Sur les deux dernières décennies, les niveaux de produit intérieur brut (PIB) par habitant ont convergé entre les économies de la zone OCDE, sous l’effet, en grande partie, d’une croissance plus rapide dans les pays à plus faible revenu. En revanche, sur la même période, dans plus de la moitié des 27 pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, les inégalités de revenu entre les régions se sont creusées. De plus, dans la plupart des autres pays, même ceux où ces inégalités régionales de revenu ont reculé, elles sont restées importantes. Globalement, sur les deux dernières décennies, les pays ont suivi quatre trajectoires :

  • Haut revenu/inégalités croissantes : dans certains pays dont le PIB par habitant est supérieur à la moyenne OCDE, tels que la Belgique, le Danemark, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Suède, les inégalités régionales se sont creusées.

  • Revenu croissant/inégalités croissantes : parmi les pays qui sont en train de rattraper leur retard sur la moyenne OCDE en termes de PIB par habitant, nombreux sont ceux où les inégalités régionales se creusent, y compris parmi les pays d’Europe orientale ayant connu une forte croissance.

  • Haut revenu/inégalités décroissantes : d’autres pays tels que l’Allemagne, la Finlande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas ont montré qu’il était possible de combiner un niveau élevé de PIB par habitant et la réduction des inégalités territoriales.

  • Croissance faible/inégalités décroissantes : des pays d’Europe méridionale tels que l’Espagne, la Grèce et le Portugal ont enregistré un fort recul des inégalités régionales, mais dans un contexte de croissance économique en berne.

Ces trajectoires différentes montrent que l’aggravation des inégalités régionales n’est pas une fatalité et qu’avec des politiques publiques adaptées, il est possible d’ébranler cette géographie persistante des inégalités.

Qu’elles soient de grande taille ou de taille moyenne, la plupart des régions métropolitaines continuent de bénéficier d’économies d’agglomération, c’est-à-dire de gains de productivité liés à des considérations de taille et de proximité, qu’il s’agisse de la présence d’infrastructures partagées, de services publics de meilleure qualité, d’une meilleure correspondance entre la main-d’œuvre disponible et les emplois proposés ou d’un effet de diffusion des connaissances. Ces facteurs créent de nouvelles possibilités et favorisent la croissance. En moyenne, les régions métropolitaines de la zone OCDE affichent un PIB par habitant supérieur d’environ 32 % à celui des autres régions, et, dans la plupart des pays abritant de grandes régions métropolitaines, les différences entre ces régions et les autres expliquent la plus grande part des inégalités régionales de revenu.

Les plus grandes régions métropolitaines ont bénéficié d’une croissance plus forte que les autres territoires, mais elles font face à des défis majeurs, qui sont la rançon de leur succès. Il s’agit notamment de défis liés à l’accessibilité financière du logement, à la congestion et aux inégalités intrarégionales. Ce constat montre qu’il faut, non seulement resserrer l’écart entre les régions les plus et les moins prospères, mais aussi mener, dans les grandes zones métropolitaines, des politiques territoriales ciblées face aux déséconomies d’agglomération, qui peuvent entraver leurs performances.

Pendant que les villes prospères poursuivent leur croissance et continuent d’attirer les travailleurs qualifiés, d’autres territoires sont aux prises avec le vieillissement et la contraction de leur population. Entre 2001 et 2021, près de 40 % des régions éloignées et 22 % des zones urbaines fonctionnelles de la zone OCDE ont perdu des habitants ; ce déclin pèse sur les recettes publiques locales tout en faisant augmenter les dépenses par habitant liées aux services publics et aux infrastructures et tout en entraînant des difficultés supplémentaires liées à la prise en charge souvent coûteuse d’espaces abandonnés et dégradés.

De nombreux territoires sont à la peine non seulement sur le plan des revenus, mais aussi par d’autres aspects qui influent sur la qualité de vie au sens large. Ainsi, il existe d’importantes disparités régionales au niveau de l’accessibilité et de la qualité des services publics et des infrastructures. Ces disparités ont des conséquences directes sur la qualité de vie, mais elles compliquent aussi la tâche des régions à la traîne désireuses d’attirer et de conserver les habitants, les compétences et les investissements dont elles ont besoin pour rompre le cercle vicieux de la stagnation et du déclin, ce qui se répercute une nouvelle fois sur la qualité de vie, mais aussi sur la productivité et le revenu.

Dans de nombreuses zones rurales, il est difficile pour les habitants d’accéder à une offre de qualité en matière d’éducation et de formation. À deux exceptions près, dans tous les pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, les élèves des établissements d’enseignement urbains obtiennent des scores plus élevés en lecture que leurs pairs des établissements d’enseignement situés en zone non urbaine. Investir dans des infrastructures de qualité dans le domaine du transport, et notamment du transport public, constitue un levier d’action important pour améliorer l’accès à l’éducation en milieu rural. Toutefois, dans bon nombre de ces zones, il faut aussi améliorer la qualité de l’offre éducative, afin de jeter les bases d’une croissance future.

Les temps de trajet vers les établissements de santé sont bien sûr beaucoup plus longs – cinq fois plus – dans les zones rurales éloignées qu’en ville. Ces temps de trajet contribuent au fait que près d’un tiers des habitants des zones rurales des pays de l’OCDE déclarent que des problèmes de santé les empêchent de faire des choses que les gens de leur âge font normalement, alors que ce n’est le cas que d’un quart des urbains.

Les données émanant de régulateurs de 26 pays de l’OCDE montrent qu’une fracture persiste entre les zones urbaines et rurales sur le plan des infrastructures numériques. En moyenne, un tiers des foyers installés en zone rurale n’ont pas accès au haut débit, et seuls 7 pays de l’OCDE sur 26 assurent une connexion haut débit à au moins 80 % des foyers ruraux. Au Mexique et au Canada, les habitants des zones rurales bénéficient de vitesses de connexion inférieures de 40 points de pourcentage à la moyenne nationale. Du fait de ces inégalités d’accès au numérique, ces zones vont peiner à tirer parti des nouvelles possibilités de télétravail et de télémédecine qui pourraient les aider à compenser leur manque d’accès physique aux emplois et aux services.

Pour s’attaquer à la géographie persistante des inégalités, il sera crucial de s’employer à améliorer la productivité des régions à la traîne. Si la spécialisation dans des secteurs différents explique pour partie les écarts de productivité entre les régions, les trois quarts de ces écarts sont liés à des différences de productivité entre entreprises du même secteur. Les disparités régionales sur le plan de la qualité des infrastructures et de l’accès aux compétences, à l’innovation, aux financements, aux marchés et aux investissements sont autant de facteurs à l’œuvre. Cela signifie que des politiques territorialisées visant à lutter contre ces inégalités peuvent aussi jouer un rôle important pour améliorer la productivité au sein des activités et des spécialités sectorielles préexistantes.

Toutefois, les gains de productivité ne se traduisent pas nécessairement par une amélioration de la situation de l’emploi. Dans les zones urbaines, les gains de productivité se sont généralement accompagnés d’une progression de l’emploi. Les régions non métropolitaines ont, pour leur part, été proportionnellement moins nombreuses à voir les gains de productivité coïncider avec des créations d’emplois, et ce sous l’effet d’un mouvement d’automatisation, couplé à la pression concurrentielle exercée par des économies à plus faible revenu. Dans le même temps, ces régions ont peiné à attirer et à fidéliser les travailleurs hautement qualifiés qui sont nécessaires pour exploiter de nouvelles pistes de croissance, y compris dans le cadre de nouvelles activités industrielles.

Les politiques territorialisées doivent couvrir un large champ d’action afin de favoriser tout à la fois la productivité et l’emploi. Des investissements axés sur les écarts au niveau des compétences, du numérique, des infrastructures et des communications ; sur l’accès aux financements, à la connaissance et aux réseaux d’innovation ; et sur la qualité des services publics et de l’administration locale peuvent améliorer l’attractivité de toutes les régions, encourager les entrées d’investissement direct étranger et aider les entreprises à investir, à exporter, à innover ou adopter des innovations et à monter en puissance. De plus, la transition vers la neutralité carbone peut être une nouvelle source de gains de productivité pour les régions, et le télétravail ouvre des perspectives pour convaincre des travailleurs hautement qualifiés de quitter les zones métropolitaines au profit de villes moyennes.

Un certain degré d’inégalité entre les régions est naturel et inévitable. Toutefois, la géographie déjà ancienne des inégalités est en train de s’ancrer profondément, à une échelle et avec des coûts qu’il devient de plus en plus difficile d’ignorer, et notamment :

  • Des coûts économiques. Les régions à la traîne et/ou prises au piège d’un cercle vicieux de stagnation durable représentent une part considérable de l’activité économique de tous les pays, et elles recèlent un potentiel de croissance inexploité. Leurs sous-performances s’accompagnent aussi de coûts budgétaires, en raison des niveaux élevés d’aides sociales qu’elles concentrent.

  • Des coûts sociaux. En parallèle, les inégalités persistantes limitent les capacités budgétaires et administratives des administrations infranationales à assurer un accès suffisant aux services publics et infrastructures essentiels. Ces coûts sociaux se font sentir aussi bien dans les régions économiquement dynamiques, où la cherté de l’immobilier et la congestion posent problème, que dans les régions à la traîne, où les services publics peuvent être débordés par la demande, perdre en qualité ou devenir de plus en plus difficiles d’accès.

  • Des coûts politiques. Les inégalités régionales peuvent saper la confiance à l’égard des pouvoirs publics dans les pays de l’OCDE, où l’on constate des écarts pouvant aller jusqu’à 30 points de pourcentage entre la région d’un pays où la confiance est la plus élevée et celle où elle est la plus faible. Des niveaux de confiance bas peuvent révéler une montée en puissance du mécontentement et du désengagement et un faible niveau de cohésion sociale, et ils peuvent, à terme, fragiliser la démocratie.

Les récentes crises planétaires et les adaptations urgentes exigées par les mégatendances montrent, plus que jamais, qu’il est nécessaire d’adopter des cadres d’action plus agiles et flexibles. On trouvera, au chapitre 4 de cette publication, trois scénarios de prospective à l’horizon 2045 qui évoquent différents avenirs possibles pour les régions et leurs politiques. Ce chapitre évoque aussi les moyens pouvant permettre de mieux préparer l’avenir au niveau des politiques de développement régional, en adaptant les systèmes budgétaires et les structures de gouvernance et en renforçant les capacités de prospective à l’échelon national et local de façon à mieux armer les régions face à ce qui les attend.

Ce rapport propose une feuille de route pour aider les régions à la traîne et stagnantes à rattraper leur retard sans mettre en péril la prospérité des régions les plus dynamiques. À cet égard, il sera nécessaire d’agir de façon coordonnée sur cinq leviers prioritaires :

  • Assurer l’accès aux services publics et infrastructures essentiels, par exemple en améliorant l’accès à des services publics proches des habitants, y compris grâce aux outils numériques, et en attirant et fidélisant des agents publics qualifiés.

  • Stimuler la productivité et la compétitivité, par exemple en favorisant l’intégration des régions aux chaînes de valeur mondiales, en investissant dans les infrastructures numériques et de transport et en assurant un soutien aux villes petites et moyennes.

  • Assurer la présence de bons profils de compétences et d’emplois de qualité au sein des marchés régionaux du travail, par exemple en assurant des services flexibles de formation, d’éducation et d’emploi, en créant des écosystèmes régionaux d’entrepreneuriat et en développant l’économie sociale.

  • Améliorer la qualité des systèmes de gouvernance pluri-niveaux, par exemple en précisant plus clairement les responsabilités incombant aux administrations infranationales et en choisissant l’échelon administratif le plus adapté pour mener les politiques et assurer les services.

  • Renforcer les capacités à l’échelon national et infranational, par exemple en investissant dans les capacités budgétaires infranationales et en renforçant les capacités stratégiques et administratives.

Ces actions s’inscrivent dans le prolongement de la Recommandation de 2023 de l’OCDE sur la politique de développement régional, qui guidera les pouvoirs publics dans l’action qu’ils mèneront pour mettre en œuvre des politiques de développement régional territorialisées et efficaces.

Avertissement

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région.

Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

Note de la République de Türkiye
Les informations figurant dans ce document qui font référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Ile. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’Ile. La Türkiye reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu'une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Türkiye maintiendra sa position sur la « question chypriote ».

Note de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne
La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Türkiye. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.

Crédits photo : Couverture © iStock/Getty Images Plus.

Les corrigenda des publications sont disponibles sur : www.oecd.org/fr/apropos/editionsocde/corrigendadepublicationsdelocde.htm.

© OCDE 2024

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : https://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.