6. Conclusions et mesures envisageables

Dans la plupart des pays, la philanthropie revêt un rôle important en concourant, par l’apport de financements privés, à diverses activités d’intérêt général. Elle se distingue en cela des initiatives du secteur public (action publique au service de l’intérêt général) et de celles à but lucratif (action privée au service d’intérêts privés). La quasi-totalité des pays de l’OCDE réservent, sous une forme ou une autre, un traitement fiscal préférentiel à la philanthropie. Les organismes à vocation philanthropique se voient accorder directement des allégements fiscaux au titre de leurs activités tandis que leurs bienfaiteurs, qu’il s’agisse d’entreprises ou de particuliers, bénéficient généralement de mesures d’incitation fiscale qui permettent d’abaisser le coût de leurs dons.

Ce rapport a dressé un état des lieux détaillé de la fiscalité des organismes et des dons à caractère philanthropique dans 40 pays membres de l’OCDE et plusieurs pays participants. Il a examiné dans un premier temps les différents arguments pour et contre le traitement fiscal préférentiel des organismes philanthropiques et des dons à la philanthropie. Ses auteurs ont ensuite passé en revue divers régimes fiscaux appliqués à la philanthropie d'abord à l’échelle nationale, puis dans un contexte transfrontalier. Ce dernier chapitre fait la synthèse de cette analyse et examine ses implications en matière de politique fiscale.

Il s'articule de la façon suivante : les points 6.2 à 6.5 résument les principaux enseignements des chapitres précédents. Le point 6.6 en tire les conclusions et envisage plusieurs options en matière de politique publique.

Le chapitre 2 a passé en revue les différents arguments pour et contre l’octroi d’avantages fiscaux aux organismes et aux dons philanthropiques. Les auteurs ont souligné qu'aucun principe généralement admis ne justifiait à lui seul l’application d'un traitement fiscal préférentiel aux organismes philanthropiques. La théorie économique légitime dans une certaine mesure le traitement fiscal préférentiel de la philanthropie (en faveur tant des organismes que des dons) lorsque l’offre d’un bien public est insuffisante ou que l’activité de l'organisme philanthropique comporte des externalités positives. L'argument de l’offre insuffisante d'un bien public s’appuie sur la concomitance de trois « défaillances », à savoir du marché, de l’État, et de la philanthropie, dans le sens où ces acteurs ne sont pas en mesure de fournir les biens publics à un niveau suffisant pour optimiser le bien-être social.

Dans sa théorie des aides, la doctrine juridique propose une variante de l’argument du bien public selon laquelle la mise en place d'un statut fiscal préférentiel (tant pour les organismes que pour les donateurs, donc) se justifie par le soutien apporté à l'offre de biens publics qui devrait, sans cet appui, être assurée par l’État. Autre argument invoqué, celui de la « détermination de l’assiette », qui fait valoir que l’excédent dégagé par un organisme philanthropique est par nature différent d'un bénéfice et n’entre donc pas dans l’assiette de l'impôt sur les bénéfices. Enfin, certains allèguent que les dons philanthropiques, ainsi que les institutions qu'ils soutiennent, méritent d’être encouragés parce qu'ils contribuent au renforcement de la société civile et à la décentralisation des processus décisionnels, deux marqueurs fondamentaux des nations démocratiques.

Plusieurs arguments plaident en revanche contre un traitement fiscal préférentiel des organismes et/ou des dons à caractère philanthropique, à commencer par celui du coût. Parce qu’ils amputent les recettes publiques, les allégements fiscaux en faveur de la philanthropie ont pour effet d’accroître la charge fiscale pesant sur les autres contribuables (ou à réduire les dépenses publiques consacrées à d’autres priorités gouvernementales). Un autre argument consiste à dire que les contribuables sont souvent relativement peu sensibles aux incitations fiscales en faveur des dons philanthropiques, ce qui laisse penser que celles-ci ne sont peut-être pas « rémunératrices » au sens où l’augmentation des dons qui en résulte n’égale pas la perte de recettes subie. Certaines données empiriques sur l’élasticité des dons semblent valider cet argument. Néanmoins, il convient de souligner qu'une incitation fiscale peut être peu rémunératrice tout en améliorant le bien-être social si la contrepartie, pour la société, de l’activité financée par les dons est suffisamment conséquente. À cet égard, des subventions publiques pourraient être plus efficaces, mais leur effet d’éviction potentiel sur les dons privés peut continuer, dans certains cas, à justifier le recours aux incitations fiscales. L’approche qui consiste à exonérer d'impôt les revenus commerciaux des organismes philanthropiques comporte quant à elle le risque de leur conférer un avantage compétitif déloyal vis-à-vis des entreprises à but lucratif.

Les incitations fiscales en faveur des dons soulèvent en outre deux préoccupations interdépendantes tenant à leur caractère potentiellement régressif et antidémocratique. Leur caractère régressif peut résulter du fait que les contribuables à haut revenu bénéficient d'incitations fiscales plus importantes que ceux à faible revenu. Ce constat vaut tout autant si l'on considère cet avantage en valeur absolue qu’en valeur relative ; une déduction fiscale se traduira en effet par un avantage plus grand pour les contribuables à haut revenu s’ils sont assujettis à des taux d’imposition marginaux plus élevés que pour les contribuables à faible revenu. L’argument démocratique repose sur la crainte que, parce qu'une incitation fiscale a pour effet de redéployer des recettes fiscales au bénéfice de l’organisme philanthropique favorisé, les contribuables à haut revenu puissent exercer une influence disproportionnée sur l’affectation de ces recettes. C’est une éventualité particulièrement inquiétante lorsque les priorités des donateurs ne coïncident pas avec celles de la société en général. Un renforcement du contrôle de l’État sur les types d'organismes pouvant bénéficier de dons subventionnés peut limiter ce risque dans une certaine mesure.

Nonobstant ces différents arguments, la plupart des pays ont effectivement recours à des incitations fiscales pour encourager les dons tous en exonérant le plus souvent les organismes philanthropiques de certains impôts. Les points ci-dessous résument les solutions retenues par les pays.

Dans la quasi-totalité des pays examinés dans ce rapport, les organismes bénéficiant du statut d'organisme philanthropique (fonds et OIG) peuvent à la fois percevoir des dons subventionnés de la part de particuliers et d’entreprises et se voir accorder directement des avantages fiscaux au titre de leurs activités. Le rapport constate que, pour accéder au statut d’OIG ouvrant droit au traitement de faveur, les organismes doivent répondre à trois critères : le but non lucratif, la défense d’une noble cause, et l'intérêt général.

Sans pour autant leur interdire de dégager un excédent, le critère du but non lucratif est généralement assorti d’une obligation de non-distribution, cet excédent ne pouvant être distribué sous forme de dividendes ou de bénéfices qui ne serviraient pas la cause défendue. Mais la question de savoir si le versement d'une rémunération aux employés enfreint la notion de non-distribution peut parfois se poser. En général, cette obligation ne fait pas obstacle à une rétribution « raisonnable » en contrepartie de la fourniture de services (ou de biens). Certains pays prévoient des restrictions sur ce point, tandis que d'autres sont moins exigeants.

Pour ce qui est du second critère, la protection sociale, l’éducation, la recherche scientifique et la santé sont considérées comme des causes nobles dans la plupart des pays. Enfin, s’agissant du critère de l'intérêt général, les pays stipulent généralement que les avantages doivent être ouverts à tous, qu’ils peuvent être réservés à des groupes de personnes présentant certaines caractéristiques, ou que les caractéristiques choisies pour déterminer les bénéficiaires doivent être liées à la cause défendue par l'organisme.

Par ailleurs, pour être en mesure de vérifier qu'ils respectent ces critères, les pays ont tendance à imposer aux organismes un certain nombre d’obligations administratives. Dans la grande majorité des pays couverts par ce rapport, les organismes philanthropiques doivent ainsi suivre une procédure de demande spécifique pour être éligibles à un traitement fiscal préférentiel. Afin de déterminer l’organe de contrôle administratif et de surveillance, les pays adoptent généralement l’une des trois solutions suivantes : la première est de confier les prérogatives de surveillance (et d’accréditation) du secteur philanthropique à l’administration fiscale. Dans la seconde, elles sont dévolues à l’administration fiscale et à une autorité compétente, qui peut prendre la forme d’une commission indépendante. Enfin, la dernière attribue l’ensemble des missions d’accréditation et de surveillance à un autre service que l’administration fiscale.

S’agissant du traitement fiscal préférentiel éventuellement appliqué aux revenus des organismes philanthropiques, le rapport fait état de deux approches : la première consiste à exonérer tous les revenus (ou certains revenus spécifiques), la seconde à intégrer dans l'assiette toutes les catégories de revenus imposables, mais en autorisant les organismes à réduire cette assiette en réinvestissant (immédiatement ou ultérieurement) ces revenus dans l’objectif de servir la cause qu’ils défendent. Les pays adeptes de la première solution excluent généralement de la base d’imposition les revenus non commerciaux (dons ou subventions reçus). La façon dont sont traités les activités commerciales et les revenus provenant de ces activités diffère selon les pays. Ceux qui exemptent totalement les organismes philanthropiques d'impôt sur les revenus limitent les activités qu'ils peuvent mener, tandis que les pays qui souhaitent que les organismes philanthropiques paient un impôt sur une partie de leurs revenus établissent généralement une distinction entre les revenus commerciaux liés à la cause et les revenus commerciaux non liés.

Le rapport indique également que les pays qui accordent aux organismes philanthropiques un traitement de faveur en matière de TVA ont tendance à les dispenser de collecter cette taxe sur une partie (ou la totalité) des biens ou services fournis. Toutefois, cette dispense pouvant créer pour ces organismes une charge fiscale sur les intrants, certains pays ont mis en place des mécanismes leur permettant de récupérer une partie de la taxe acquittée sur ces intrants.

Les organismes philanthropiques sont parfois propriétaires de biens immobiliers qu'ils utilisent pour réaliser leurs objectifs sociaux, ou comme source de revenus. Le rapport relève que, dans certains pays, les organismes qui utilisent ces biens aux fins de la cause qu'ils défendent, par exemple en y installant leurs bureaux ou en y menant des activités philanthropiques, peuvent être exemptés des impôts fonciers.

Le rapport identifie ensuite plusieurs types d'abus du traitement fiscal préférentiel réservé aux organismes philanthropiques. Il peut s’agir de détournement de fonds destinés à des fins publiques pour servir des intérêts privés ; d’usurpation de la qualité d’OIG par un organisme à but lucratif pour bénéficier d'avantages fiscaux ; d’investissements par un organisme philanthropique dans des sociétés détenues ou contrôlées par des employés ou des dirigeants de l’organisme ; de salariat déguisé en bénévolat ; ou d’organismes qui ne sont pas inscrits à la TVA mais qui exercent des activités imposables.

Dans la plupart des pays étudiés, les contribuables personnes physiques qui donnent, de leur vivant, à un fonds ou à un OIG reconnu reçoivent une forme d’avantage fiscal. Dans la grande majorité des pays étudiés, les dons en espèces faits par les particuliers sont déductibles fiscalement. D’autres optent pour un système de crédits d’impôt et, dans certains cas, pour un dispositif d’abondement ou de dotation. L’abondement consiste, pour l’État, à compléter les dons à un certain taux afin que l’organisme bénéficiaire puisse réclamer l’allégement fiscal. Tandis que dans les pays qui ont opté pour un dispositif de dotation, les contribuables peuvent désigner directement, depuis leur déclaration fiscale, un fonds ou un OIG comme donataire d’un pourcentage ou d’un montant déterminé de leur impôt sur le revenu. Bien que les dispositifs de dotation ne soient pas des incitations fiscales à proprement parler, ils sont couverts par ce rapport car ils ont pour objet de soutenir la philanthropie et sont gérés par le biais de la fiscalité. Contrairement aux donateurs personnes physiques, les entreprises peuvent en outre bénéficier de déductions d'impôt (soumises aux règles générales des dépenses professionnelles) lorsqu’elles parrainent des organismes philanthropiques. Le rapport en conclut que les déductions sont plus souvent utilisées pour soutenir les donateurs lorsque ces derniers sont des entreprises que lorsqu’il s’agit de particuliers.

Dans les pays sans réelle tradition du don philanthropique, un dispositif de dotation peut être utile pour sensibiliser les contribuables, soutenir financièrement des fonds et des OIG, et renforcer les liens entre le grand public et les organismes philanthropiques. Le rapport constate enfin que les dispositifs de dotation sont principalement mis en œuvre dans les pays d’Europe de l’Est, ce qui suggère une tendance régionale.

Les méthodes adoptées pour limiter le coût financier des incitations varient. Les pays qui proposent des déductions fiscales peuvent plafonner la fraction du don qui est déductible, limiter le montant de la déduction à une fraction du revenu total ou imposable ou à un montant fixe, ou panacher ces techniques. Les pays qui ont recours à des crédits d’impôt peuvent plafonner leur montant à une fraction du revenu total ou imposable, le limiter à une fraction de l’impôt sur le revenu exigible, appliquer plusieurs plafonds cumulatifs, ou plafonner le montant du don qui ouvre droit au crédit d'impôt. Afin de limiter le coût des systèmes d'abondement, les pays concernés fixent le taux de l’allégement fiscal auquel peut prétendre l’organisme philanthropique bénéficiaire.

Le rapport indique également que les pays qui prélèvent un impôt sur la succession ou sur la masse successorale prévoient généralement un dispositif d’allégement fiscal préférentiel pour les legs à caractère philanthropique. Dans les pays dotés d’un impôt sur la succession, celui-ci est dû par le fonds ou l’OIG recevant le legs ; c’est donc lui qui bénéficiera de l’allégement fiscal. En revanche, dans les pays qui imposent la masse successorale, l’impôt comme l’allégement fiscal sont attachés au patrimoine du défunt.

La majorité des pays qui offrent des incitations aux dons en espèces des particuliers encouragent également les dons non monétaires. Certains choisissent cependant de limiter leurs incitations fiscales aux seuls dons en espèces, d’autres de restreindre rigoureusement l’importance et le type des dons non monétaires éligibles. Pour ce qui est des pays qui prévoient des incitations pour ce type de dons, le rapport relève différentes approches quant à la conception des règles d’estimation de leur valeur : certains exigent une estimation uniquement si la valeur du don dépasse un certain seuil, d'autres appliquent des règles d’estimation différentes suivant le type d’actifs, d’autres encore n’imposent pas d’estimation et contrôlent la valeur du don lors d'audits.

Dans la plupart des pays, le parrainage d’organismes philanthropiques par des entreprises (paiements en contrepartie d'une publicité) est considéré comme une dépense professionnelle dès lors qu’un lien suffisant peut être établi avec les revenus d’activité. Néanmoins, le rapport constate que, dans plusieurs pays, ces paiements peuvent être assimilés à des revenus commerciaux pour les organismes philanthropiques qui les perçoivent, avec les conséquences fiscales que cela implique.

Les risques d’évasion et de fraude fiscales communément associés aux allégements fiscaux pour les dons philanthropiques recouvrent des situations variées : la falsification de reçus de dons par l’organisme philanthropique, par un professionnel de l’établissement des déclarations fiscales, ou par le donateur ; les achats de biens et de services déguisés en dons ; les surévaluations de dons ; et les dons d’actifs dans lesquels le donateur conserve une participation. Sachant que l'un des premiers remparts utilisés contre la fraude est l’accréditation des organismes pouvant bénéficier de dons philanthropiques, la majorité des mesures identifiées dans ce rapport consistent à imposer aux fonds et aux OIG des obligations déclaratives et des règles de transparence. L’administration fiscale peut ainsi concentrer ses moyens sur ces organismes et a tendance à transférer la charge de la preuve du respect des critères de la noble cause et de l’intérêt général aux organismes destinataires des dons.

Ce rapport s’est penché sur le traitement fiscal de la philanthropie transfrontalière, qui peut revêtir plusieurs formes. Il peut s’agir de philanthropie directe, quand une personne (physique ou morale) fait un don à un organisme situé dans une autre juridiction. Ou bien de philanthropie indirecte, lorsqu’un organisme philanthropique national mène des activités dans une autre juridiction, ou qu’un organisme étranger opère sur le territoire national.

Le rapport révèle que, en dehors de l’Union européenne (UE), les pays accordent peu d’aides fiscales au titre des dons transfrontaliers. Au sein de l’UE, les États membres sont soumis à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui leur impose d’effectuer une analyse de « comparabilité » pour déterminer si les dons à un organisme philanthropique établi dans un autre État membre ouvrent droit aux avantages fiscaux. L'éligibilité doit donc généralement être étudiée au cas par cas, et les disparités entre les États membres en matière d’avantages fiscaux sont source de complexité et d’incertitude considérables. Le rapport constate que certains États membres de l’UE n'ont pas encore tiré toutes les conséquences des arrêts de la CJUE. En dehors de l’UE, quelques rares traités bilatéraux (notamment entre les États-Unis et le Canada, ou entre les États-Unis et le Mexique) prévoient des avantages fiscaux pour les dons à un organisme établi dans l’autre pays partie au traité. Enfin, un petit nombre de pays (à l’instar du Canada) prévoient également des avantages fiscaux pour les dons en faveur de certains OIG étrangers reconnus. Les restrictions dont est assorti le soutien fiscal aux dons transfrontaliers ont amené certains organismes philanthropiques à imaginer des stratagèmes de « contournement » faisant appel à des organismes établis dans diverses juridictions : les dons sont effectués à des organismes nationaux (qui ont droit à l’allégement fiscal) puis transmis à des organismes situés dans d'autres pays.

La plupart des pays n’accordent pas d’allégements fiscaux aux organismes philanthropiques étrangers qui opèrent sur leur territoire. À cet égard, la position au sein de l’UE est une fois de plus dictée par la jurisprudence de la CJUE, qui exige des États membres une analyse de « comparabilité » pour décider de l’éligibilité aux allégements fiscaux d'un organisme établi dans un autre État membre. Hors des frontières de l’UE, un petit nombre de pays octroient des avantages fiscaux aux organismes philanthropiques étrangers au cas par cas (c’est le cas de l’Australie, du Canada et de l’Indonésie). L'impossibilité pour des organismes étrangers de prétendre à des allégements fiscaux a conduit de nombreux organismes opérant à l’échelle internationale à établir des entités dans d'autres pays afin de bénéficier d’avantages fiscaux.

Enfin, de nombreux pays prévoient un traitement de faveur pour les organismes nationaux qui œuvrent à l’étranger, notamment lorsque leurs activités ont trait à l’action humanitaire et à l’aide au développement. L’octroi des avantages est généralement subordonné au respect par l'organisme des critères de noble cause définis par la législation nationale, qui sont souvent similaires à ceux qui sont imposés aux OIG opérant sur le territoire national.

Si, comme nous l’avons vu, l'on trouve à la fois des arguments pour et contre les incitations fiscales en faveur de la philanthropie, en pratique, la plupart des pays les estiment justifiées. Cette section s’appuie sur l’analyse effectuée dans les précédents chapitres pour mettre en lumière un certain nombre de problématiques clés auxquelles sont confrontés les pays lorsqu’ils conçoivent les règles fiscales applicables à la philanthropie.

Premièrement, il importe que les pays veillent à ce que la conception des incitations fiscales en faveur des dons à caractère philanthropique soit cohérente avec les objectifs de politique publique sous-jacents. Deuxièmement, de nombreux pays ont la possibilité de revoir la manière dont sont conçus les allégements fiscaux en faveur des organismes philanthropiques. De façon plus générale, les pays devraient également s’employer à réduire la complexité tout en améliorant la surveillance des régimes fiscaux en faveur des organismes et des dons philanthropiques. Enfin, ils pourraient avoir intérêt à réévaluer les restrictions qui pèsent généralement sur les activités philanthropiques transfrontalières. Ces questions sont abordées plus en détail ci-dessous.

Concevoir des incitations fiscales en faveur des dons à caractère philanthropique n’est pas chose aisée compte tenu de la nécessité de concilier divers objectifs de politique publique. Bien que le but ultime d’une incitation fiscale soit d’optimiser le bien-être social, déterminer comment y parvenir est difficile et implique de poser différents jugements de valeur. De manière générale, il faut trouver un juste équilibre entre encourager les dons, limiter le coût budgétaire et gérer les conséquences de l’incitation fiscale sur le plan redistributif et démocratique (en tenant compte de l'influence exercée sur l’affectation des recettes fiscales). Les choix de conception auront un impact sur ces objectifs.

La plupart des pays prévoient des incitations fiscales pour un large éventail de causes. Le choix des critères d'éligibilité offre aux responsables publics la possibilité de cibler les avantages fiscaux. Des conditions d'éligibilité plus restrictives garantiront un ciblage plus étroit sur les activités qui cadrent avec les priorités des pouvoirs publics, mais elles risquent de réduire le montant total des dons. À l’inverse, des conditions d’éligibilité plus généreuses auront pour conséquence que les préoccupations philanthropiques d'un éventail plus large de contribuables bénéficient d’un traitement préférentiel, ce qui pourrait augmenter le niveau global des dons.

Les pays qui souhaitent tout particulièrement restreindre leur soutien aux seuls domaines jugés prioritaires par les pouvoirs publics peuvent envisager de resserrer les critères d’éligibilité. Par exemple, en la réservant aux activités qui viennent directement en aide aux personnes souffrant de la pauvreté, de maladies ou de handicaps. Limiter les incitations fiscales à un éventail étroit d’activités est probablement un moyen plus efficace de cibler l’aide que de plafonner leur montant (voir ci-après).

Comme mentionné précédemment, la forme d’incitation fiscale la plus répandue dans les pays examinés dans le rapport est la déduction d’impôt. Toutefois, dans les pays dotés d’un régime progressif d’imposition du revenu des personnes physiques, une déduction avantagera de façon disproportionnée les contribuables à haut revenu, puisque le montant de la déduction augmente en fonction du taux marginal d’imposition du donateur. Cette situation peut susciter des préoccupations au regard des objectifs plus larges de progressivité et de redistribution poursuivis par les systèmes progressifs de l’impôt sur le revenu en vigueur dans la plupart des pays. En outre, elle peut renforcer l’influence que les riches contribuables exercent sur l'affectation des ressources publiques (sachant que les ménages les plus aisés ne favorisent pas nécessairement le même type d’activités philanthropiques que les ménages modestes), et contredire ainsi certains principes démocratiques. En retour, ce système peut exacerber les préoccupations tenant à la redistribution si les contribuables à haut revenu bénéficient non seulement d’avantages fiscaux plus importants mais également d’une contrepartie accrue au titre des types d'activités financées. Cela étant, accorder des avantages fiscaux plus généreusement aux contribuables aisés est susceptible d’accroître le montant total des dons, car ils en sont les plus grands pourvoyeurs tout en étant également plus sensibles aux incitations fiscales.

À l’inverse, les pays qui se soucient plus particulièrement des conséquences en matière de redistribution seront peut-être plus enclins à faire le choix d’un crédit d’impôt, qui assurera à tous les contribuables un avantage fiscal de même valeur relative, indépendamment de leur niveau de revenus. Accorder un crédit d’un montant inférieur à la déduction offerte aux contribuables les plus fortement imposés risque de freiner leur générosité. À l’inverse, s'aligner sur le taux supérieur peut entraîner un surcoût budgétaire. C’est sur ces points que les États doivent procéder à des arbitrages. Tout du moins, les pays qui accordent des déductions devraient réexaminer leur pertinence et, s’ils décident de les maintenir, assumer le choix de favoriser ainsi les contribuables à revenus plus élevés.

Limiter le montant des incitations fiscales est une pratique courante au regard de la volonté des pays de contenir le coût budgétaire de leurs incitations fiscales en faveur de dons. Certains pays les limitent à un montant fixe tandis que d’autres adoptent un plafond exprimé en pourcentage du revenu du donateur ou de l’impôt dont il est redevable ; d’autres encore combinent les deux systèmes.

Mais ces plafonnements ont un impact sur le caractère incitatif de l'avantage fiscal et sur ses effets distributifs. Avec un montant fixe, les contribuables qui dépassent le plafond ne seront pas davantage incités à céder une partie de leur gain marginal, ce qui peut réduire le montant des dons. L'ampleur de la restriction dépendra du niveau du plafonnement décidé. Le choix d'un plafond peut produire de meilleurs résultats sur le plan de la redistribution en garantissant que l'avantage global maximal potentiellement accordé aux ménages pauvres et aux ménages riches sera identique. En outre, il limitera l’influence exercée par les contribuables fortunés sur l’affectation des ressources publiques. Néanmoins, un plafond fixe relativement élevé pourra avoir un effet restrictif pour les contribuables à revenus élevés mais pas pour les contribuables plus modestes ; et il aura toujours pour conséquence, en pratique, d’octroyer un avantage plus important aux plus fortunés.

En revanche, un plafond exprimé en pourcentage accordera le même avantage proportionnel maximal potentiellement accordé aux ménages pauvres et aux ménages riches. Les ménages aisés bénéficieront toujours d’un avantage plus élevé en valeur absolue, mais pas en valeur relative (et ce plafond proportionnel pourra avoir un effet plus restrictif pour les ménages modestes qu’un plafond fixe et élevé). Cette stratégie pourrait, pour un coût budgétaire donné, entraîner une plus grande augmentation des dons que le choix d’un plafond fixe, en raison de la plus forte sensibilité des contribuables à haut revenu. Par conséquent, si un pays vise à maximiser le montant total des dons pour un coût budgétaire donné, il doit s’orienter vers un plafond exprimé en pourcentage plutôt qu’un montant fixe. Si au contraire il privilégie des objectifs de redistribution, il devra envisager un montant fixe. Une troisième option permettant de concilier ces différentes ambitions serait d'associer un plafond exprimé en pourcentage et un montant fixe généreux. Une telle approche pourrait être particulièrement pertinente pour les pays qui s’inquiètent de l’influence disproportionnée exercée par les contribuables à hauts revenus sur l’affectation des recettes fiscales.

Un petit nombre de pays appliquent des dispositifs de dotation qui permettent aux contribuables d’attribuer directement à un organisme philanthropique, depuis leur déclaration fiscale, un pourcentage déterminé ou un montant fixe de leur impôt sur le revenu. Ces dispositifs peuvent accroître la visibilité du secteur philanthropique et ont vocation à instiller une culture du don dans les pays où elle n’existe pas. Cependant, ils ne constituent pas une incitation fiscale à faire des dons et il est peu probable, de ce fait, qu'ils aient un impact notable sur le montant des dons effectués. La préférence devrait donc généralement être donnée au recours à des incitations fiscales visant à accroître le montant des dons.

Comme indiqué précédemment, les pays qui accordent des allégements fiscaux aux organismes philanthropiques ont en commun d’exonérer tout ou partie des revenus de ces organismes. Un certain nombre d’entre eux dispensent en outre les organismes philanthropiques de l’obligation de recouvrer la TVA sur certaines de leurs prestations, voire sur toutes. Cette section analyse les difficultés susceptibles de découler de ces allégements et propose des solutions qui permettraient aux pouvoirs publics de réduire la complexité et les distorsions tout en améliorant la discipline fiscale.

Les organismes philanthropiques peuvent générer des revenus commerciaux et non commerciaux, mais la distinction n’est pas toujours claire et varie d’un pays à l’autre. En général, les revenus non commerciaux désignent les revenus provenant des dons à caractère philanthropique (abordés au chapitre 4) et des subventions publiques ou, dans le cas des OIG, des dons des fonds de soutien. Alors que les revenus commerciaux recouvrent, dans l’ensemble, les revenus générés par la fourniture de biens ou de services en contrepartie d’une certaine forme de rémunération.

Un organisme philanthropique libre de s’engager dans des activités commerciales sans aucune restriction et dont la totalité des revenus générés par ces activités seraient exonérés d’impôt pourrait nuire à la neutralité concurrentielle et être à l’origine de pertes de recettes. Pour éviter ces écueils, le rapport recense un certain nombre de solutions à disposition des pouvoirs publics. Une approche courante consiste à exonérer uniquement les revenus issus d’activités commerciales qui sont liées à la noble cause poursuivie par l’organisme philanthropique. Toutefois, la définition des revenus générés par des activités commerciales liées et non liées varie considérablement d’un pays à l’autre, et cette approche est souvent source d’une grande complexité.

Il existe d'autres approches moins complexes mais qui n’offrent pas la certitude qu’une fraction des revenus commerciaux non liés ne bénéficiera pas du traitement fiscal préférentiel. L’une d’elles consiste à n’exonérer les revenus commerciaux que s’ils sont réinvestis en temps voulu dans la cause défendue par l’organisme. Afin d’instaurer davantage de souplesse du côté des organismes, une telle politique pourrait prévoir des exceptions ou des tolérances pour permettre la constitution de réserves limitées nécessaires à la poursuite ou au développement des activités de l’organisme directement liées à la cause défendue. Une autre approche pourrait être de limiter le champ des activités commerciales en fixant un seuil au-delà duquel les revenus provenant d'activités commerciales sont imposés.

Les risques de distorsion de la concurrence associés à l’exonération des revenus commerciaux des organismes philanthropiques soulèvent des questions importantes qui requièrent l’attention des pouvoirs publics. Sur ce point, les pays devraient reconsidérer l’intérêt d’accorder des exonérations fiscales au titre de ces revenus commerciaux, tout au moins dans la mesure où ces revenus sont sans rapport avec la cause défendue par l’organisme. Il y a alors lieu de tenir compte des difficultés supplémentaires liées à la nécessité d’opérer une distinction entre les revenus imposables (c’est-à-dire sans lien avec la mission de l’organisme) et les revenus exonérés, et de mettre en balance les coûts de conformité et la charge administrative supplémentaires avec la recherche de la neutralité concurrentielle.

Exonérer de TVA les organismes philanthropiques ou leurs activités peut aussi entraîner des préoccupations de neutralité concurrentielle entre les organismes à but lucratif et ces entités. En outre, les dispositifs visant à rembourser une fraction de la taxe acquittée sur les intrants sont généralement très complexes. Aussi, les pays qui accordent actuellement une exonération devraient envisager d’assujettir pleinement à la TVA les organismes philanthropiques. Comme c’est habituellement le cas pour les entreprises à but lucratif, un seuil d'assujettissement devrait être appliqué afin d’exclure les petits organismes qui, sinon, supporteraient probablement des coûts de conformité disproportionnés au regard des recettes de TVA collectées.

Une autre difficulté que pose la conception des incitations fiscales en faveur de la philanthropie est de trouver un juste équilibre entre l’adaptation des politiques au large éventail d'activités philanthropiques et la nécessité de limiter la complexité du système fiscal. Le rapport recense trois principaux domaines dans lesquels un certain nombre de pays auraient intérêt à simplifier les règles fiscales : les critères d’éligibilité aux différents types d’incitations fiscales, les règles fiscales applicables aux dons non monétaires, et les dons sur salaire.

Des règles fiscales trop complexes risquent d’augmenter les coûts de conformité et l’incertitude, qui peuvent à leur tour favoriser la fraude fiscale, fortuite ou délibérée. En outre, des règles fiscales complexes et les coûts de conformité qu’elles génèrent peuvent pénaliser excessivement les donateurs modestes et les petits organismes philanthropiques. En effet, en valeur relative, ces coûts seront souvent inférieurs pour les donateurs aisés et les grands organismes, qui sont également davantage susceptibles de pouvoir s'offrir les conseils d’un spécialiste de la fiscalité. Aussi conviendrait-il de limiter la complexité dans la mesure du possible afin que les incitations fiscales en faveur de la philanthropie soient plus efficaces et moins régressives, ainsi que pour améliorer la discipline fiscale globale.

Le rapport constate que, dans la quasi-totalité des pays, les organismes dont le statut philanthropique est reconnu se voient accorder directement des allégements fiscaux au titre de leurs activités tandis que leurs bienfaiteurs, qu’il s’agisse d’entreprises ou de particuliers, bénéficient généralement d’incitations fiscales aux dons. Pour être éligible au traitement fiscal préférentiel, les organismes doivent répondre à trois critères : le but non lucratif, la défense d’une noble cause, et l'intérêt général. Dans un souci de simplicité, les pays devraient envisager d'appliquer les mêmes critères d’éligibilité aux deux catégories d’incitations.

Un don à caractère philanthropique peut être en espèces ou non monétaire (en nature). Les dons non monétaires peuvent porter sur : des biens immobiliers et des droits de propriété intellectuelle ; des actions ou des parts sociales dans une société ; des stocks de marchandises ; des actifs culturels ; d'autres biens mobiliers ; des services (bénévolat ou volontariat) ; voire des dons de sang et d’organes. Pour appliquer une incitation fiscale à des dons non monétaires, il faut pouvoir leur attribuer une valeur. Les règles et les modalités d’évaluation peuvent augmenter les coûts de conformité et les frais administratifs pour les donateurs, pour l’État ainsi que, dans certains cas, pour l'organisme bénéficiaire. Le montant de l’incitation fiscale accordée dépendant de la valeur du don non monétaire, les donateurs peuvent être tentés de gonfler artificiellement la valeur de leur don. Les règles d’évaluation des dons en nature sont donc destinées à limiter les abus. De plus, la valeur des actifs peut considérablement fluctuer. Étant donné le caractère subjectif de la valeur de ces actifs, il est nécessaire d’instaurer des procédures permettant de les évaluer de la façon la plus objective possible. Par ailleurs, l’intervention d’un professionnel peut être nécessaire (estimation d’une œuvre d'art, par exemple), ce qui augmente les coûts de conformité supportés par la personne tenue de déterminer la valeur du don.

Au regard de la difficulté posée par l’évaluation des dons et des coûts de conformité associés, il peut être judicieux de fixer une valeur en-deçà de laquelle un don non monétaire n’ouvrirait pas droit au traitement fiscal préférentiel. Les pays pourraient également envisager de réexaminer les catégories de dons éligibles aux incitations fiscales. Pour déterminer le type de dons non monétaires à encourager, il serait opportun de comparer l’avantage généré par ce don (qui n’est pas monétaire, contrairement aux espèces) au coût supplémentaire induit par le processus d’évaluation et le risque de fraude.

D’un autre côté, il peut être compliqué de déterminer le type de dons non monétaires qui pourraient être remplacés plus efficacement par un don en espèces, étant donné que les besoins futurs sont par définition empreints d’incertitude. Par exemple, la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a mis en lumière la façon dont une pénurie non anticipée, en l’occurrence d’équipements de protection individuels (EPI), pouvait créer une demande de dons non monétaires, à savoir de masques et autres EPI. Des besoins similaires peuvent se faire jour à l’occasion de catastrophes naturelles, où la fourniture d’urgence de biens et équipements peut être plus utile que des dons en espèces.

Un certain nombre de pays ont mis en place des mécanismes de dons sur salaire qui permettent aux salariés d'autoriser leur employeur à prélever sur leur fiche de paie des dons à des organismes philanthropiques agréés tout en bénéficiant de l’incitation fiscale correspondante (déduction ou crédit d’impôt), dans le cadre d’un système de retenue d'impôt à la source. Dans les faits, ces mécanismes opèrent un transfert des coûts de conformité associés aux dons des salariés aux employeurs, probablement mieux à même de supporter cette charge administrative. Dans certaines circonstances, ils peuvent renforcer l’efficacité, sur le plan administratif, des incitations fiscales en faveur de dons.

Il est important d'améliorer la surveillance du secteur philanthropique pour préserver la confiance du public et faire en sorte que les allégements fiscaux ne soient pas détournés par des mécanismes de fraude et d'évasion fiscales. Cette section donne un aperçu des options permettant aux pouvoirs publics de préserver la confiance du public, d’améliorer la conformité, de limiter les failles et à terme, d’améliorer la surveillance du secteur philanthropique et de ses activités.

Renforcer la confiance du public dans le secteur philanthropique est une priorité essentielle pour l’État comme pour le secteur lui-même. La philanthropie reposant en partie sur des dons privés, la confiance du public est un paramètre essentiel du financement du secteur. La philanthropie bénéficiant en outre d’un soutien fiscal considérable, cette confiance est également importante au regard de la justification et du maintien des concessions fiscales utilisées pour subventionner les activités philanthropiques. Pour améliorer la transparence et la responsabilisation des organismes bénéficiant d’allégements fiscaux et de dons subventionnés tout en amenant à davantage de certitude quant à ces organismes, certains pays optent pour la mise en place d’un registre public des organismes philanthropiques. Les pays qui ne l’ont pas encore fait devraient y réfléchir.

Cette solution peut contribuer à déjouer les stratagèmes d’entités qui se feraient passer pour des organismes philanthropiques dans le but de percevoir des dons. L’existence d’un registre public permet aux donateurs de vérifier les informations. En outre, elle incite le public à se montrer vigilant, ce qui peut accroître la conformité et améliorer la détection des fraudes.

Les organismes de surveillance, qu'il s’agisse de l’administration fiscale, d’un autre service de l’État ou d'une commission indépendante, sont confrontés à la difficulté de réunir les informations nécessaires pour déterminer si les entités philanthropiques respectent la réglementation en vigueur et les critères à remplir pour bénéficier d’un statut fiscal préférentiel. À cette fin, le rapport relève que la majorité des pays soumettent les organismes à une procédure de demande. Néanmoins, ce système permet seulement de vérifier que les organismes respectent la réglementation et les critères applicables à la date de la demande (qui, généralement, intervient au début de leur activité).

La surveillance pourrait être améliorée en imposant aux fonds et aux OIG une obligation déclarative annuelle. En effet, les organismes de surveillance peuvent utiliser les rapports annuels pour effectuer un suivi des organismes philanthropiques une fois le statut fiscal préférentiel accordé. Les pays seraient en outre en mesure d’identifier les erreurs et les problèmes de conformité de manière plus précoce, ce qui peut également présenter un intérêt pour les organismes eux-mêmes. De plus, les rapports annuels contribuent à renforcer la confiance du public, surtout si une partie des informations qu’ils contiennent sont accessibles à tous. Les obligations déclaratives annuelles générant des coûts de conformité supplémentaires, les pays peuvent envisager d’instaurer un seuil de chiffre d'affaires en-deçà duquel elles ne s'appliqueraient pas.

L’éventail des activités dans lesquelles les organismes philanthropiques peuvent s’engager est souvent très large, et il peut être difficile pour l’administration fiscale d'évaluer et de surveiller efficacement les organismes actifs dans des domaines dont elle n’est pas spécialiste. En outre, la difficulté éventuelle pour l’administration fiscale de justifier l’affectation de ressources importantes à la surveillance d’un secteur philanthropique qui échappe en grande partie à l’impôt peut entraîner un certain manque de contrôle. Pour pallier ces inconvénients dans des domaines qui nécessitent des compétences particulières et alléger la charge de travail de l’administration fiscale, les pays devraient réfléchir à adopter une stratégie de surveillance conjointe. Avec une telle stratégie, l'administration fiscale et un ministère compétent ou une commission réunissant des experts d’un domaine en rapport avec la noble cause assureraient conjointement la surveillance de l'organisme philanthropique et de ses activités.

Les abus portant sur les incitations en faveur de la philanthropie peuvent priver les États de recettes essentielles et saper la confiance du public dans ses gouvernants et le secteur philanthropique. Pour réduire les risques de fraude fiscale, les pays devraient envisager un certain nombre d’options :

  • Gérer une base de données des activités douteuses pour permettre de dégager des tendances et renforcer les compétences concernant les fraudes aux avantages fiscaux octroyés au secteur philanthropique. La collecte de données sur les activités suspectes peut également aider les organismes de surveillance à mener des audits plus ciblés, et donc accroître leur efficacité.

  • Confronter les bonnes pratiques et partager l’information avec les administrations fiscales et les autorités répressives peut améliorer l’efficacité de la surveillance, les contrevenants du secteur philanthropique étant peut-être déjà dans le collimateur d’autres autorités répressives. Plus particulièrement, l’échange d'informations entre les autorités répressives peut contribuer à s’assurer que les organismes impliqués dans des activités illégales ou inappropriées n’exploitent pas les avantages fiscaux octroyés au secteur philanthropique pour financer ces activités.

  • Instaurer des plafonds pour les dépenses liées à l'organisation de collectes de fonds peut être efficace pour éviter que les organismes consacrent trop de ressources à ce type d’événements.

  • De même, la mise en œuvre de règles pour limiter certaines dépenses de fonctionnement des OIG qui présentent un risque accru d’utilisation aux fins des intérêts personnels des personnes associées à l’organisme (véhicules, immobilier résidentiel, etc.) peut faire obstacle aux stratagèmes de certains dirigeants, employés, administrateurs ou généreux bienfaiteurs qui chercheraient à utiliser les actifs d'un organisme exempté d'impôt pour leur intérêt personnel.

  • Plafonner la rémunération du personnel, des responsables et des membres du conseil d’administration des organismes philanthropiques peut aider à garantir que les revenus exonérés et les dons perçus par les organismes philanthropiques ne servent pas les intérêts personnels de personnes associées à l'organisme. Le caractère excessif des rémunérations peut par ailleurs présager d’un stratagème visant à contourner l’obligation de non-distribution attachée au statut d’OIG. Par conséquent, limiter la rémunération des personnes impliquées dans l'organisme peut être un moyen efficace de garantir le respect du critère de non-distribution.

  • Recenser les OIG et fonds non-résidents habilités à recevoir des dons subventionnés peut contribuer à assurer que les obligations imposées par les pays aux organismes résidents éligibles à ces dons sont également satisfaites à l’étranger. Ce recensement des OIG non-résidents est d’ailleurs une stratégie utilisée par plusieurs pays pour lutter contre les mécanismes de financement du terrorisme impliquant des organismes philanthropiques.

  • Mettre en œuvre des procédures claires et transparentes permettant aux autorités de traiter rapidement les cas de fraude.

Comme nous l’avons vu au chapitre 4, les entreprises qui souhaitent soutenir un organisme philanthropique peuvent faire des dons ou des paiements dans le cadre de parrainages. Le parrainage de fonds et d’OIG génère un avantage pour l’entreprise sous la forme d’une publicité. Le rapport met en lumière que, dans de nombreux pays, les paiements à visée publicitaire ou effectués dans le cadre d'un parrainage (dès lors qu’un lien suffisant peut être établi avec les revenus d’activité) sont déductibles en qualité de dépense professionnelle et échappent aux limites de déductibilité applicables aux dons d’entreprise. Cela peut inciter les gestionnaires ou propriétaires d’entreprises à soutenir des causes en recourant au parrainage plutôt qu’à des dons individuels, de manière à contourner les limites imposées par un certain nombre de pays en matière d’incitations fiscales aux dons philanthropiques. Aussi, les pays devraient harmoniser les règles applicables aux dons d’entreprises et de particuliers afin de lutter contre les distorsions et les zones grises. Ils pourraient par exemple appliquer des plafonds identiques aux incitations fiscales en faveur des dons d’entreprises et de particuliers.

Pour ce faire, les règles fiscales doivent établir une distinction claire entre les dons et le parrainage. Cela peut notamment se faire en exigeant l'établissement d’un contrat de parrainage qui définirait clairement la publicité dont l’entreprise bénéficiera. Les responsables publics pourraient ainsi octroyer des déductions proportionnelles à la valeur de marché de la publicité dont jouit l’entreprise en contrepartie du paiement. La fraction du paiement qui dépasse la juste valeur de marché pourrait alors être considérée comme un don et soumise aux plafonds correspondants.

Une distinction claire entre les dons et les parrainages peut également avoir des conséquences fiscales importantes pour l’entité bénéficiaire. Les pays qui imposent les revenus commerciaux des organismes philanthropiques peuvent assimiler la publicité à une activité commerciale et imposer en conséquence les paiements issus de parrainages (alors que les revenus issus de dons sont généralement exonérés).

Améliorer la surveillance des incitations fiscales en faveur de la philanthropie passe par l’évaluation du coût de ces incitations. À cette fin, les pays devraient collecter des données, procéder à des estimations et publier les dépenses fiscales engagées pour subventionner la philanthropie. La disponibilité de données sur les dépenses fiscales pourrait également permettre aux pays de mener des études visant à mesurer l’efficacité de leurs différentes incitations.

Les préoccupations touchant aux avantages (ou à l’absence d'avantages) que retire le pays de l’octroi d'un traitement fiscal préférentiel ainsi qu’au manque de surveillance potentiel ont conduit à n'accorder qu’un soutien fiscal très limité à la philanthropie transfrontalière. Pourtant, la dimension mondiale de nombreux enjeux de politique publique souligne l’importance pour les pays d'adopter une perspective internationale plutôt que nationale. Les réponses à des enjeux tels que la pauvreté, les guerres et les conflits, les questions environnementales, la recherche médicale et les problèmes de santé publique tels que les pandémies pourraient passer par une coopération internationale entre pays et institutions. Divers pays considèrent aujourd’hui que la philanthropie internationale pourrait jouer un rôle dans certaines circonstances, notamment dans le domaine de l’aide au développement ou dans les situations de conflit.

Dans ce contexte, les pays auraient intérêt à s’interroger sur l’éventuelle nécessité d’appliquer un traitement fiscal équivalent à la philanthropie nationale et internationale. Ils pourraient par exemple s'assurer que les organismes philanthropiques nationaux qui interviennent à l'étranger pour répondre à certains besoins sanitaires, environnementaux et d'aide au développement, ou qui procurent un soutien humanitaire direct dans les situations de conflit, bénéficient d’un traitement fiscal équivalent à ceux opérant uniquement sur leur territoire.

Afin de lever les inquiétudes en matière de surveillance et de risque de fraude, les pays pourraient imposer des obligations équivalentes à celles en vigueur sur leur territoire, ou exiger des vérifications supplémentaires avant d’accorder un traitement fiscal avantageux. Compte tenu de la difficulté à surveiller les organismes philanthropiques œuvrant à l’étranger et à garantir qu'ils respectent les réglementations en vigueur, il pourrait être judicieux d’instaurer des contrôles et des mécanismes supplémentaires pour s’assurer que le soutien fiscal apporté est bien affecté aux causes nobles défendues par les organismes, et que ces derniers s’acquittent de toutes les obligations applicables aux organismes opérant sur le territoire national.

Enfin, au sein de l’Union Européenne, les pays pourraient étudier la possibilité d'incorporer expressément dans leur législation la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) sur le principe de non-discrimination et ses implications pour les organismes philanthropiques. Une telle transposition pourrait réduire non seulement les incertitudes pour les organismes philanthropiques et les donateurs, mais également les coûts administratifs et de conformité associés à l'analyse de comparabilité au cas par cas actuellement imposée par les décisions de la CJUE.

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