2. Taxes sur la valeur ajoutée - Principales caractéristiques et problématiques de mise en œuvre

Bien que la plupart des systèmes de TVA reposent sur les mêmes principes fondamentaux (voir le chapitre 1), on observe une très grande diversité entre les pays de l’OCDE dans la mise ne oeuvre des systèmes de TVA. Cette diversité s’exprime dans la variété des taux réduits, des exonérations et autres traitements préférentiels et régimes spéciaux, très répandus dans les pays de l’OCDE, que ce soit pour des raisons pratiques, historiques, pour soutenir certains secteurs économiques ou pour atteindre des objectifs sociaux d’équité.

Ce chapitre s’ouvre sur une présentation générale de la structure des taux de TVA dans les pays de l’OCDE et de leur évolution entre 1975 et 2020 (section 2.2), avant d’examiner plus en détail les exonérations de TVA qui existent dans ces pays (section 2.3). Il comporte ensuite une description et une analyse de la grande variété des régimes spéciaux en vigueur dans les pays de l’OCDE axées sur les aspects suivants : restrictions spécifiques au droit à déduction de la TVA sur certains intrants (section 2.4), seuils d’enregistrement et de collecte (section 2.5) et application de régimes de la marge (section 2.6). Il présente également le ratio des recettes de TVA qui donne une indication de l’effet sur les recettes des exonérations de TVA des taux réduits et de la fraude fiscale (section 2.7) ainsi que les mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (section 2.8).

Le présent chapitre se conclut sur une section spéciale consacrée aux mesures de politique et d’administration fiscales en matière de TVA qui ont été prises par les pays de l’OCDE dans le cadre de la réponses budgétaire et fiscale des pouvoirs publics à la pandémie de COVID-19. Ces mesures en matière de TVA ont joué un rôle particulièrement important dans le soutien à la trésorerie des entreprises et l’allègement de leurs obligations fiscales dans le contexte des restrictions instaurées dans un grand nombre de pays. La plupart des pays de l’OCDE ont également pris des mesures en matière de TVA destinées à faciliter les réponses médicales face à l’urgence et à soutenir le secteur de la santé. Ces mesures sont étudiées plus en détail dans la section spéciale consacrée aux mesures prises en matière de TVA face à la pandémie de COVID-19. En outre, un panorama complet des modifications temporaires des taux de TVA appliquées par les pays dans ce contexte est présenté dans la section 2.2 et dans les notes pays figurant dans le Tableau annexe 2.A.2.

L’évolution des taux de TVA dans la zone OCDE peut être divisée en cinq périodes. Durant la première période, comprise entre 1975 et 2000, on a pu observer un relèvement progressif des taux, le taux normal moyen de TVA étant passé de 15.6 % en 1975 à 18.1 % en 2000.

Durant la deuxième période, entre 2000 et 2009, le taux normal de la TVA est resté stable dans la plupart des pays : 26 des 35 pays ont ainsi conservé un taux compris entre 15 % et 22 %. Au 1er janvier 2009, seuls quatre pays affichaient un taux normal supérieur à 22 % (Danemark, Islande, Norvège et Suède – voir Tableau annexe 2.A.1).

La troisième période, de 2009 à 2014, a été marquée par une hausse considérable du taux normal de TVA dans de nombreux pays, souvent en réponse aux obligations d’assainissement budgétaire imposées par la crise économique et financière. Le relèvement du taux normal de TVA a joué un rôle déterminant dans les stratégies d’assainissement de nombreux pays car l’augmentation de la TVA est souvent considérée comme plus efficace pour générer de nouvelles recettes (son effet est immédiat) et moins préjudiciable à la croissance économique et à la compétitivité que la hausse d’autres impôts sur le revenu (Jens Matthias Arnold, 2011[1]). Entre janvier 2009 et décembre 2014, 23 pays ont relevé leur taux normal de TVA au moins une fois. Il s’agissait en majorité de pays de l’Union européenne (UE) (Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni et Slovénie), mais aussi d’un certain nombre de pays n’appartenant pas à l’UE (Islande, Israël, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande et Suisse). Deux pays de l’OCDE ont temporairement abaissé leur taux normal de TVA avant de le relever à nouveau au cours de cette période (Irlande et Royaume-Uni). Cette évolution a entraîné une hausse du taux normal de TVA moyen non pondéré dans les pays de l’OCDE : il est passé de 17.7 % en janvier 2009 à un niveau record de 19.2 % au 1er janvier 2015. Dix pays de l’OCDE appliquaient un taux normal de TVA supérieur à 22 % au 1er janvier 2015, contre seulement quatre en 2009. Tous ces pays appartiennent à l’Union européenne, à l’exception de l’Islande et de la Norvège.

Les augmentations des taux normaux de TVA observées jusqu’à fin 2014 ne se sont pas poursuivies et les pays de l’OCDE sont entrés dans une nouvelle période caractérisée par une relative stabilité des taux normaux de TVA. Seuls quatre pays de l’OCDE ont relevé leur taux normal de TVA entre janvier 2015 et janvier 2020 : la Colombie (de16 %à 19 %), la Grèce (de 23 % à 24 %), le Japon (de 8 % à 10 %) et le Luxembourg (de 15 % à 17 %). Pendant la même période, deux pays de l’OCDE ont abaissé leur taux normal de TVA : l’Islande (de 25.5 % à 24 %) et Israël (de 18 % à 17 %). Le résultat de ces variations à la hausse comme à la baisse est que l’augmentation du taux normal de TVA moyen non pondéré dans la zone OCDE est restée modeste : il est passé de 19.2 % en 2015 à 19.3 % en 2020. (voir Tableau annexe 2.A.1).

On peut observer d’importantes différences entre les pays de l’OCDE en matière de taux normal de TVA. Les taux les plus faibles s’établissent à 5 % au Canada (il y a toutefois lieu de noter que la plupart des provinces canadiennes prélèvent des taxes de vente spécifiques ou des taxes de vente harmonisées avec les 5 % de TPS prélevés par l’État fédéral), 7.7 % en Suisse et 10 % en Australie, en Corée et au Japon, tandis que les plus élevés atteignent 25 % au Danemark, en Norvège et en Suède et 27 % en Hongrie (voir Graphique 2.2). Au 1er janvier 2020, 23 pays de l’OCDE appliquaient un taux normal de TVA égal ou supérieur à 20 %, et neuf d’entre eux un taux égal ou supérieur à 23 %. Tous ces pays appartiennent à l’Union européenne, à l’exception de la Norvège (qui applique un taux normal de TVA de 25 %).

Le taux normal moyen pour les 23 pays de l’OCDE membres de l’UE (Royaume-Uni compris jusqu’au 1er février 2020), qui s’établit à 21.8 %, est nettement supérieur au taux moyen de la zone OCDE (19.3 %). Les États membres de l’UE sont liés par des règles communes en matière de TVA (Directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée) qui fixe le niveau minimum du taux normal de TVA à 15 %.

La plupart des pays de l’OCDE continuent d’appliquer de multiples taux réduits et exonérations de TVA (voir Tableau annexe 2.A.2 et 2.A.3). À l’exception du Chili, tous les pays de l’OCDE ayant un régime de TVA appliquent un ou plusieurs taux réduits pour répondre à divers objectifs stratégiques. L’une des principales raisons de l’application de taux réduits est la promotion de l’équité. Les pays jugent généralement souhaitable d’alléger la pression fiscale sur les biens et services de première nécessité (alimentation, eau), qui entrent en principe pour une part plus importante dans les dépenses des ménages à faible revenu, en leur appliquant un taux de TVA préférentiel. La plupart des pays appliquent également des taux réduits ou des exonérations de TVA aux médicaments, aux services de santé, à l’éducation et au logement. Les taux réduits de TVA visent en outre à encourager la consommation de « biens d’intérêt social » (comme la culture) ou à promouvoir des activités locales à fort coefficient de main-d’œuvre (tourisme) et à corriger des externalités environnementales.

Les études suggèrent que les exonérations et les taux réduits de TVA ne sont pas un moyen efficace d’atteindre ces objectifs (OECD/KIPF, 2014[2]) et peuvent même être régressifs dans certains cas. D’autres mesures, notamment des mesures de soutien ciblé passant par l’impôt sur le revenu et/ou le système de prestations et de transferts sociaux, semblent être plus efficaces pour remédier aux problèmes d’équité et pour atteindre d’autres objectifs que l’accroissement des recettes fiscales (Thomas, 2020[3]). Les taux de TVA réduits spécialement destinés à apporter un soutien aux ménages à faible revenu (dans un objectif de redistribution) ont généralement l’effet redistributif souhaité. Il convient de noter que les taux réduits appliqués aux produits alimentaires de base aident en général davantage les ménages modestes que les ménages aisés, en proportion des dépenses. Néanmoins, malgré cet effet progressif, il ressort des travaux de recherche réalisés notamment par l’OCDE que ces taux réduits de TVA restent un outil redistributif très peu efficient. En effet, en termes absolus, les taux réduits de TVA tendent à profiter davantage aux ménages aisés qu’aux ménages à faible revenu. Les ménages aisés consomment davantage de biens et de services bénéficiant d’un régime fiscal plus favorable que les ménages modestes puisqu’ils achètent généralement plus de produits, et des produits plus chers. En ce qui concerne les taux préférentiels de TVA instaurés pour stimuler l’emploi (notamment dans les secteurs du tourisme et de l’hébergement) ou encourager des activités culturelles (le théâtre par exemple), ou encore pour atteindre des objectifs non redistributifs, les études ont également montré que les ménages aisés en profitent plus, et souvent nettement plus, que les catégories plus modestes

Les régimes préférentiels relatifs à la TVA comme les taux réduits et les exonérations (voir la section 2.3) ont également tendance à rendre le système de TVA, nettement plus complexe, à accroître les coûts de conformité à la charge des entreprises et à avoir des effets négatifs sur le respect des obligations fiscales (C. Evans; R. Highfield; B. Tran-Nam; M. Walpole, 2020[4]). Pour atteindre des objectifs redistributifs, il est généralement plus efficace de limiter la portée des taux réduits de TVA, lorsque c’est possible, et d’adopter des mesures ciblées visant à accroître le revenu réel des ménages modestes et l’offre de services publics qui leur sont destinés. Toutefois, bien que cette analyse soit largement partagée, il est souvent difficile, voire impossible, de lui donner un prolongement dans la pratique. Les obstacles à l’élargissement de la base d’imposition à la TVA tenant à l’économie politique (en particulier leurs conséquences redistributives supposées) peuvent en effet être très importants, et souvent insurmontables, en particulier lorsque le système de prestations et de transferts sociaux n’est pas suffisamment efficace pour assurer aux ménages modestes une compensation suffisante au regard de l’impact de la hausse de la TVA sur le prix du panier de consommation.

Les États membres de l’UE sont liés par des règles communes relatives à l’application des taux réduits de TVA (Directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée). Ce cadre commun les autorise à appliquer un ou deux taux réduits qui ne peuvent être inférieurs à 5 % à une liste restreinte de biens et de services définis dans la Directive. Certains pays de l’UE sont autorisés à appliquer des taux spéciaux de TVA inférieurs au taux normal, qui ne peuvent toutefois pas descendre en dessous de 12 %, à des biens ne figurant pas dans la liste des biens auxquels il est possible d’appliquer des taux réduits (taux « parking ») et à appliquer des taux super-réduits, inférieurs à 5 %, à certaines livraisons. Pour l’heure, plus de 40 taux normaux et réduits de TVA sont appliqués dans l’UE, souvent au titre de dérogations spécifiques accordées à des États membres.

Entre 2018 et 2020, un certain nombre de pays ont élargi le champ d’application de leurs taux réduits de TVA. La Grèce a reclassé un certain nombre de produits alimentaires de base afin de les inclure dans le champ d’application de son taux réduit de TVA de 13 %, lequel a d’ailleurs été étendu aux hôtels et aux restaurants, aux aliments et autres produits destinés aux nourrissons, notamment aux couches et sièges auto ainsi qu'aux casques de vélo. La Grèce a en outre abaissé de 13 % à 6 % le taux de TVA applicable à la fourniture d’électricité et de gaz à usage domestique. L'Espagne a étendu l’application de son taux super-réduit de TVA de 4 % à un éventail plus large de produits issus de la panification. La République slovaque a allongé, en y incluant notamment les fruits et les légumes, la liste des produits alimentaires soumis au taux réduit de TVA de 10 %. La Pologne a adopté un barème de TVA revu et simplifié, et elle a ouvert aux entreprises la possibilité d’avoir une meilleure visibilité sur les taux de TVA applicables en prenant une décision contraignante à cet égard. L'Italie, la Belgique et l’Allemagne ont abaissé leurs taux de TVA applicables aux produits d’hygiène féminine, ramenés de 22 % à 5 %, de 21 % à 6 % et de 19 % à 7 % respectivement. Le Royaume-Uni a annoncé son intention d’appliquer un taux zéro aux produits d’hygiène féminine à compter du 1er janvier 2021. L'Allemagne a élargi l’application de son taux réduit de 7 % aux voyages ferroviaires à longue distance dans le cadre de mesures de politique environnementale. La Suède a étendu l’application du taux réduit de 6 % à l’exploitation des zones naturelles situées en dehors des zones urbaines, des parcs nationaux, des réserves naturelles et des parcs nationaux urbains. Certains pays ont élargi le champ d’application de leurs taux réduits de TVA afin de soutenir des secteurs économiques spécifiques. La Hongrie et la République slovaque ont abaissé le taux de TVA applicable aux services d’hébergement, ceux-ci ayant été ramené de 18 % à 5 %, et de 20 % à 10 %, respectivement. La République tchèque a abaissé à 10 % le taux de TVA applicable aux services de coiffure et de réparation de vêtements. Le Portugal a étendu l’application de son taux réduit de TVA de 6 % aux services téléphoniques d’assistance à domicile aux personnes âgées et aux malades chroniques ainsi qu’aux droits d’entrée à des expositions culturelles, parcs zoologiques, aquariums, jardins botaniques, musées et monuments d'intérêt national. La Slovénie a adopté un nouveau taux réduit de TVA, fixé à 5 %, qui s’applique aux publications imprimées et électroniques (notamment aux livres électroniques). Un certain nombre de pays de l’UE ont abaissé leurs taux de TVA sur les publications électroniques à la suite d'un accord par lequel le Conseil de l’UE a autorisé les États membres, en 2018, à appliquer des taux réduits à ce type de publications (y compris aux livres et journaux électroniques) de façon à aligner les règles communautaires en matière de TVA applicables respectivement aux publications électroniques et aux publications sur support physique. Des taux réduits sont désormais appliqués aux livres et publications électroniques dans 16 des 36 pays de l’OCDE ayant mis en place une TVA, ceux-ci étant tous des États membres de l’UE à l’exception de la Norvège.

Le Japon est passé d'un taux de TVA unique à un système à deux taux depuis qu’il a institué un taux réduit, fixé à 8 %, applicable à un certain nombre de produits alimentaires et de boissons, et porté le taux normal de TVA de 8 % à 10 %. Le Chili est à présent le seul pays de l’OCDE à n’appliquer qu'un seul taux de TVA.

Compte tenu des difficultés politiques que rencontrent les pays pour restreindre de manière significative la portée des taux réduits (et des exonérations) et des possibilités limitées de relèvement des taux normaux de TVA, qui sont déjà relativement élevés dans la plupart des cas, les pays misent de plus en plus sur d’autres mesures pour mobiliser des recettes de TVA supplémentaires et améliorer l’efficacité de leurs régimes de TVA (OECD, 2018[5]). Ces mesures comprennent principalement la perception de la TVA sur les ventes en ligne de biens et de services (voir le chapitre 1) et les mesures élaborées pour renforcer le respect des obligations et lutter contre la fraude (voir la section 2.8).

Plusieurs pays de l’OCDE ont adopté des réductions temporaires des taux de TVA, parfois jusqu’à zéro, dans le cadre de leur réponse fiscale à la crise du COVID-19. Ces mesures visent pour la plupart à soutenir le secteur de la santé. Certains pays ont abaissé temporairement leur taux pour stimuler la consommation et/ou soutenir les secteurs économiques les plus durement frappés par la crise du COVID-19 (tourisme, hébergement). Un panorama complet décrivant ces réductions de taux de TVA décidées par les pays de l’OCDE apparaît dans les notes pays du Tableau annexe 2.A.2 (en italique).

La plupart des pays de l’OCDE ont instauré des taux nuls ou réduits pour les fournitures et importations de matériel médical et de produits sanitaires (gants, masques, désinfectant pour les mains...) et pour les services de santé lorsqu’ils n'étaient pas déjà exonérés de TVA ou soumis à des taux réduits selon les règles normales. L'Union européenne a décrété une suspension de six mois de la TVA et des droits de douane pour les équipements de protection, les kits de dépistage et le matériel médical, notamment les respirateurs. La Commission européenne a publié une liste indicative des biens susceptibles d’être être couverts par cette mesure d’allègement, mais la décision d’en accorder le bénéfice est laissée à la discrétion des États membres en fonction des besoins nationaux. Cette disposition s’applique aux biens importés par ou pour le compte d’organismes publics, caritatifs ou philanthropiques agréés par les autorités compétentes de l'État membre. Prise initialement pour une période de six mois, elle a ensuite été prorogée jusqu’à fin avril 2021.

Un certain nombre de pays de l’OCDE appliquent à titre temporaire des taux réduits de TVA (y compris des taux nuls) aux livraisons de toute une palette de matériels et équipements médicaux nécessaires pour lutter contre l’épidémie de COVID-19, dont l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. L'Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne et le Portugal appliquent un taux de TVA de 0 % aux dons aux hôpitaux de certaines catégories de matériels et équipements médicaux. Aux Pays-Bas, un taux (effectif) de 0 % est appliqué aux services fournis par les professionnels de santé qui sont recrutés par des établissements ou institutions de santé éligibles à l’exonération de TVA des services médicaux.

Certains pays ont adopté des réductions de taux de TVA pour soutenir des secteurs économiques spécifiques comme la restauration (Allemagne, Autriche, Belgique, Grèce) ; l’hébergement (Autriche, République tchèque) ; le cinéma, la culture ou les sports (Autriche, Grèce, Pays-Bas, Royaume-Uni) ; ou le transport de passagers (Grèce et Turquie). Le Royaume-Uni a institué à titre temporaire, du 15 juillet 2020 au 31 mars 2021, un taux réduit de 5 % applicable à certaines livraisons dans les secteurs de l’hôtellerie et de l’hébergement de vacances et aux droits d’accès à certaines attractions. La Pologne a instauré temporairement un taux de TVA de 0 % pour les livraisons d’ordinateurs portables et de tablettes à des établissements d’enseignement.

Un petit nombre de pays de l’OCDE ont mis en place, à titre temporaire, des réductions de taux de portée plus générale. L'Allemagne a abaissé son taux normal de TVA de 19 % à 16 % et son taux réduit de TVA de 7 % à 5 %, avec effet à partir du 1er juillet et jusqu’au 31 décembre 2020. L'Irlande a ramené son taux normal de TVA de 23 % à 21 %, avec effet à compter du 1er septembre 2020 et jusqu’au 28 février 2021. La Norvège a décidé un abaissement de son taux réduit de TVA, de 12 % à 6 %, applicable à compter du 1er avril et jusqu’au 31 décembre 2020.

La composante TVA de la réponse fiscale des pays de l’OCDE à la crise du COVID-19 est examinée plus en détail dans la section spéciale figurant à la fin de ce chapitre.

Hormis les taux réduits, les régimes de TVA des pays de l’OCDE reposent largement sur des exonérations (voir Tableau annexe 2.A.3). Dans ce contexte, une exonération signifie que le fournisseur ne facture pas la TVA sur ses ventes et n’est donc pas en droit de récupérer la TVA acquittée sur ses intrants. Dans certaines juridictions, l’exonération est appelée « imposition en amont », afin d’indiquer que la livraison n’est pas exonérée de TVA, mais que son prix contient une « TVA rémanente », autrement dit que la TVA acquittée sur les intrants est incorporée dans le prix des ventes exonérées. L’exonération n’est donc pas identique à l’absence de taxation.

Bien qu’elles constituent une entorse notable au principe général de la TVA, tous les pays de l’OCDE appliquent un certain nombre d’exonérations. Les raisons qui justifient l’application d’exonérations de TVA sont très diverses. Elles tiennent notamment à la difficulté qu'il y a à déterminer la base d’imposition (services financiers et d’assurance, par exemple) ou à la volonté d’exclure de l’assiette de la TVA les activités qui sont considérées comme des services publics ou comme remplissant une mission d’intérêt général et/ou social (éducation, santé, services postaux, organismes de bienfaisance). Un certain nombre d’autres exonérations trouvent leur origine dans la tradition, comme la location d’immeubles et la vente de terrains et de bâtiments. Certains secteurs exonérés de TVA peuvent aussi être assujettis à d’autres taxes spécifiques (biens immobiliers, services d’assurance et financiers par exemple).

En dehors de ces catégories traditionnelles, les exonérations sont nombreuses et couvrent un large éventail de secteurs comme la culture, l’assistance judiciaire, le transport de voyageurs, les services publics d’inhumation, les déchets et matériaux recyclables, la distribution d’eau, les métaux précieux et l’agriculture (voir tableau annexe 2.A.3). À cet égard, les États membres de l’UE sont soumis à des règles communes prévoyant l’exonération des livraisons ou prestations considérées d’intérêt public comme les services postaux, les services médicaux, les services liés à l’éducation, les activités de radiodiffusion publique et les services fournis par des organismes sans but lucratif, mais aussi d’un certain nombre de prestations spécifiques comme les services financiers et d’assurance, les opérations portant sur des biens immeubles et les jeux de hasard ou d’argent. Cependant, les États membres peuvent choisir d’autoriser les entreprises à opter pour la taxation de certaines transactions et de soumettre à des conditions spécifiques certaines exonérations.

Un certain nombre de services qui sont généralement exonérés dans les pays de l’OCDE sont imposés dans certains pays. Les services postaux par exemple sont taxés en Australie, au Canada, au Japon, au Mexique, en Nouvelle-Zélande et en Norvège ; les jeux de hasard et d’argent le sont en Australie, au Canada, en Corée, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et en Turquie ; et les services d’assurance sont imposés au Mexique, en Nouvelle-Zélande et en Turquie, et taxés au taux zéro en Australie. Par ailleurs, le transport de passagers, taxé dans la plupart des pays, est exonéré (dans une certaine mesure) au Chili, en Corée, au Danemark, en Irlande et au Mexique. Le Chili considère les services qui ne sont pas expressément cités dans la législation TVA comme des services situés en dehors du champ d’application de la taxe, ce qui signifie qu'ils sont de fait traités comme s'ils étaient exonérés. Il s’agit notamment des services juridiques et comptables, des services d’ingénierie et d’architecte et autres services professionnels.

Il est généralement recommandé que le système de TVA ne prévoie qu’une liste restreinte d’exonérations, limitée aux services de santé de base, à l’éducation et éventuellement aux services financiers. Parce qu’elles n’ouvrent pas droit à la déduction de la taxe sur les intrants, les exonérations de TVA créent en effet une exception importante à la neutralité de cette taxe (voir le chapitre 1). Les paragraphes suivants donnent un aperçu des principales conséquences des exonérations, qui sont souvent négatives.

Les exonérations de TVA créent des effets de taxe en cascade lorsqu’elles s’appliquent aux transactions entre entreprises. On peut s’attendre à ce que l’entreprise qui vend un bien ou un service exonéré répercute la taxe d’amont non déductible sur ses prix. L’entreprise qui les achète ne pourra pas non plus déduire ou récupérer cette « taxe rémanente », qui est dissimulée dans le prix d’achat. Si la production de l’entreprise destinataire n’est pas exonérée de TVA, cette taxe cachée sera sans doute intégrée dans le prix des biens sur lesquels elle va facturer la TVA sur ses ventes. Cette situation aboutit à une taxe cachée d’un poids variable selon le nombre de stades de production soumis à l’impôt, ce qui fausse les décisions de production et les choix d’organisation de l’entreprise. L’ampleur des effets de cascade dépend du moment où l’exonération intervient dans la chaîne. Si l’exonération s’applique au stade de la vente au consommateur final, il n’y a pas d’effet de cascade et elle entraîne simplement une perte de recettes fiscales puisque la valeur ajoutée au stade final n’est pas imposée. Si l’exonération s’applique à un stade intermédiaire, l’effet de cascade consécutif peut conduire à une augmentation des recettes nettes qui n’est pas transparente.

Les exonérations incitent les entreprises à réduire le montant de leur impôt par le biais d’une intégration verticale (« livraison à soi-même ») et à ne pas externaliser, car elles ont intérêt à produire leurs biens en interne plutôt qu’à les acheter, et à supporter une TVA en amont irrécupérable. Cet effet de cascade peut entraîner des inefficiences économiques en provoquant une distorsion dans la structure de la chaîne d’approvisionnement. Il peut également créer une dynamique de l’exonération auto-entretenue : lorsqu’un secteur bénéficie d’une exonération, il est incité à faire pression pour que des exonérations soient accordées aux autres secteurs auprès desquels il s’approvisionne afin d’éviter de payer une TVA cachée sur ses intrants.

Les exonérations aboutissent généralement à une sous-imposition des ventes aux consommateurs, qui supportent une charge fiscale égale à la taxe sur les intrants consommés par les entreprises sans qu'il y ait de valeur ajoutée correspondante, et à une surimposition des entreprises qui ne peuvent pas déduire la « taxe cachée » incorporée dans le prix de leurs achats. Elles conduisent également à taxer les investissements plutôt que la consommation, ce qui va à l’encontre du principal objectif de la TVA.

L’exonération de TVA des services financiers est souvent citée comme un point de plus en plus problématique. Dans un document récent (GFV N°087 de mars 2019), la Commission européenne rappelle que les règles d’exonération de la TVA des services financiers et d’assurance en vigueur au sein de l’Union européenne n’ont pas évolué au même rythme que ces secteurs si bien qu’elles deviennent de plus en plus complexes et difficiles à appliquer dans la pratique. Cette situation a entraîné une hausse du nombre de litiges, une incertitude sur le plan juridique et des frais d’ordre administratif et réglementaire élevés. Ces règles sont en outre interprétées et appliquées de façon hétérogène dans les différents États membres, ce qui crée des distorsions de concurrence au sein de l’UE. C’est pourquoi la Commission européenne a lancé une consultation publique sur ce sujet en octobre 2020.

Dans le contexte international, les exonérations portent atteinte au principe de destination sur lequel repose l’imposition des biens et services faisant l’objet d’échanges internationaux (voir le chapitre 1). Lorsqu’un exportateur utilise des intrants exonérés, il lui est impossible de récupérer la TVA résultant de l’exonération appliquée à un stade antérieur dans la chaîne de production. L’exportation devient donc effectivement « taxée sur les intrants ». Par ailleurs, les entreprises qui utilisent des intrants exonérés sont incitées à importer des biens de pays où ces intrants sont soumis au taux zéro au lieu de les acheter à des fournisseurs non assujettis sur le marché intérieur. En outre, l’idée que la gestion des exonérations accroîtrait les coûts administratifs et les coûts de conformité a été avancée. Comme dans le cas de structures de taux différenciés, il peut souvent s’avérer difficile pour les entreprises et les administrations fiscales de faire la distinction entre biens assujettis et biens exonérés, en particulier dans des domaines complexes comme les services financiers. Les entreprises qui réalisent à la fois des ventes exonérées et assujetties sont souvent confrontées à des règles d’affectation complexes lorsqu’elles cherchent à déterminer la fraction des ventes de produits taxés qui ouvre droit à déduction de la taxe acquittée en amont. Il existe toutefois peu de données sur l’ampleur de l’accroissement des coûts administratifs et des coûts de conformité imputables aux exonérations (Bird and Gendron, 2007[6]).

Pour de plus amples informations sur la justification théorique et pratique des exonérations, voir (de la Feria, n.d.[7]); et sur la possibilité d’élargir l’assiette de la taxe par la réduction du champ des exonérations comme alternative valable à l’augmentation des taux de TVA, voir (European Commission, 2011[8]).

Même si la charge de la TVA ne devrait pas être supportée par les entreprises, le droit de déduire la TVA sur les intrants est limité aux cas où les entreprises utilisent ces intrants pour produire des ventes imposables. Le droit à déduction de la TVA sur les intrants est légitimement refusé lorsque ces intrants sont utilisés pour réaliser des ventes non imposables, c’est-à-dire exonérées et n’ouvrant pas droit à déduction (santé et services financiers – voir la section 2.3) ou situées hors du champ d’application de la TVA (fournitures sans contrepartie, par exemple). Ce droit ne s’applique pas non plus lorsque les achats ne sont pas (intégralement) employés pour exercer une activité économique imposable, par exemple lorsqu’ils sont utilisés à des fins privées par le propriétaire de l’entreprise ou ses salariés (consommation finale). Toutes ces restrictions du droit à déduction de la TVA sur les intrants résultent de l’application des principes de base de la TVA.

Outre les règles indiquées plus haut, la législation en vigueur dans la plupart des pays de l’OCDE restreint également la déduction de la TVA acquittée en amont sur un certain nombre de produits et services en raison de la nature de ces biens et services, et non de leur utilisation par les entreprises. Il s’agit généralement de permettre une imposition (en amont) de la consommation réputée finale desdits bien et services (voir Tableau annexe 2.A.4).

Les restrictions les plus répandues au droit à déduction de la TVA acquittée en amont sont celles qui portent sur les frais de divertissement bien que le contenu de cette catégorie soit très variable. Les restrictions peuvent porter sur la TVA acquittée sur les repas au restaurant, les boissons (alcoolisées), les frais de réception, l’hébergement en hôtel, les droits d’accès à des manifestations sportives ou culturelles, les cadeaux et les services de transport. Sept pays de l’OCDE (Chili, Colombie, France, Israël, Japon, Suisse et Turquie) n’ont pas appliqué cette limitation spécifique du droit à déduction de la TVA. La déduction de la TVA acquittée en amont sur les achats et/ou l’usage de véhicules est également soumise à des limitations dans 23 des 36 pays de l’OCDE appliquant une TVA. En revanche, Israël, le Japon et la Suisse ne font état d’aucune de ces restrictions. Au Mexique, il n’existe pas de restrictions spécifiques, mais la législation prévoit une déduction de la TVA acquittée en amont uniquement sur les intrants « strictement indispensables » à l’activité principale. Les dépenses déductibles aux fins de la TVA doivent aussi être déductibles en vertu de la Loi sur l'impôt sur le revenu, laquelle prévoit une liste de « déductions autorisées » pour chaque catégorie de régime.

La déduction de la taxe acquittée en amont est souvent limitée à une fraction de celle-ci. Par exemple, la déduction de la TVA sur l’utilisation de véhicules par les salariés d’une entreprise peut être limitée à un pourcentage fixe. Dans certains pays, seule la moitié de la TVA acquittée en amont sur les véhicules est déductible, même si le véhicule est strictement utilisé à des fins professionnelles.

Trois raisons principales justifient ces restrictions. Premièrement, elles permettent d’éviter la charge administrative que suppose le contrôle de l’utilisation effective de ces biens et services, qui, par nature, peut être double, à la fois privée et professionnelle. Deuxièmement, elles constituent un moyen de réduire les risques de fraude. Troisièmement, les biens et services visés relèvent en partie de la « consommation » - repas pris au restaurant, par exemple. La troisième raison indiquée ici peut toutefois être jugée contradictoire avec les principales caractéristiques du système de TVA. De fait, les entreprises (ou leurs salariés) ne « consomment » jamais vraiment les biens et services au sens de la TVA lorsqu’ils les utilisent dans le cadre de l’accomplissement d’une activité économique imposable.

Tous les impôts entraînent des coûts de conformité pour les entreprises et des coûts administratifs pour les autorités fiscales, mais les obligations relatives à la TVA sont souvent considérées comme particulièrement lourdes pour les petites et moyennes entreprises (PME) (European Commission, 2013[9]) (Evans et al., 2018[10]). De nombreux pays ont donc mis en place des régimes simplifiés destinés aux PME afin de faciliter le respect de la législation. Ces régimes peuvent être regroupés en trois grandes catégories : non-assujettissement au régime de TVA (seuils d’exonération), calcul simplifié du montant de la TVA due et simplification des obligations en matière de comptabilité, de déclaration ou de paiement (OECD, 2015[11]).

La plupart des pays de l’OCDE (à l’exception du Chili, de l’Espagne, du Mexique et de la Turquie) appliquent des seuils d’exonération en dessous desquels les petites entreprises ne sont pas tenues de facturer et de collecter la TVA sur leurs ventes et ne déduisent pas la TVA sur leurs intrants. En Colombie et en Turquie, le seuil d’exonération ne s’applique qu'aux personnes physiques, et non aux sociétés ou entreprises constituées en sociétés. Cette dispense d’assujettissement revient à traiter les petites entreprises comme des entreprises non-assujetties à la TVA. Il existe deux types de seuils de dispense d’assujettissement : les seuils d’enregistrement qui dispensent les fournisseurs à la fois de s’enregistrer et de collecter la TVA, et les seuils de collecte en dessous desquels les assujettis sont certes tenus de s’immatriculer à la TVA, mais pas de collecter la taxe. Des types d’activités (prestations de services par opposition à livraison de biens, par exemple) ou des secteurs différents (secteur à but non lucratif notamment) peuvent être soumis à des seuils différents, voire peuvent échapper à leur application (secteur de la construction, par exemple). Dans la plupart des cas, les seuils d’enregistrement ne s’appliquent pas aux entreprises étrangères et dans certains cas, les seuils de collecte ne s’appliquent qu’aux personnes physiques ou aux entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation de tenir une comptabilité commerciale.

Le Tableau annexe 2.A.5 offre une vue d’ensemble des seuils d’enregistrement et de collecte en vigueur dans les pays de l’OCDE. En principe, les seuils sont généralement calculés à partir du chiffre d’affaires annuel. Au Japon, les entreprises (individuelles ou non) ne sont pas tenues de s’enregistrer à la TVA et de collecter la TVA pendant les deux années qui suivent leur création dès lors qu’elles restent en dessous d’un seuil défini en fonction de leur capital ; un seuil reposant sur le chiffre d’affaires imposable annuel ne s’applique qu’après cette période (à quelques exceptions près, selon les niveaux de chiffre d’affaires). Bien que les seuils soient généralement fonction du chiffre d’affaires annuel, leur application peut dépendre d’autres règles et critères. Le niveau de ces seuils est très variable selon les pays. On peut distinguer trois grands groupes.

Vingt pays appliquent un seuil relativement élevé, supérieur à 30 000 USD de chiffre d’affaires par an : Australie, Autriche, Belgique, Corée, Estonie, France, Hongrie, Irlande, Italie, Japon, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Pologne, République slovaque, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie et Suisse. Parmi ces pays, la France, l’Italie, le Japon, la Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni ont un seuil particulièrement élevé, supérieur à 90 000 USD.

Neuf pays appliquent un seuil relativement bas, compris entre 5 000 et 30 000 USD : Allemagne, Canada, Danemark, Finlande, Grèce, Islande, Israël, Pays-Bas et Portugal. Deux pays appliquent un seuil bas, inférieur à 5 000 USD : Norvège et Suède.

Depuis 2018, six pays de l’OCDE ont relevé leur seuil : Allemagne, Autriche, Corée, France, Hongrie, Israël, Pays-Bas et Portugal, et aucun ne l’a abaissé.

Aucun argument définitif ne justifie la nécessité ou le niveau des seuils. La principale raison qui justifie l’exclusion des petites entreprises (notion très différente selon les pays) est le caractère disproportionné tant des coûts pour l’administration fiscale, par rapport aux recettes de TVA générées, que des coûts de conformité pour nombre de petites entreprises, comparés à leur chiffre d’affaires. En outre, les petites entreprises sont souvent suspectées de moins respecter leurs obligations fiscales. Un seuil d’enregistrement relativement élevé peut avantager les petites entreprises, en faussant la concurrence avec les grandes entreprises. Un seuil relativement bas peut être perçu par une entreprise comme un frein à son développement ou comme une incitation à échapper à la TVA en segmentant artificiellement ses activités. Ces seuils peuvent également entraver les efforts des pouvoirs publics pour lutter contre l’économie informelle. Ce dernier inconvénient peut être cependant atténué en soumettant les entreprises qui n’atteignent pas le seuil à une autre taxe, plus simple, qui permettrait de les inclure dans l’économie formelle. Le niveau du seuil est souvent le résultat d’un compromis entre d’une part, l’objectif de limiter les coûts administratifs et les coûts de conformité et d’autre part, la nécessité de préserver les recettes et d’éviter toute distorsion de la concurrence.

Tous les pays de l’OCDE qui appliquent un seuil d’enregistrement ou de collecte donnent la possibilité aux entreprises qui n’atteignent pas ce seuil de s’immatriculer et d’appliquer volontairement la TVA, sauf la Corée et Israël. L’immatriculation volontaire vise souvent à pallier les inconvénients de la non-immatriculation pour les petites entreprises, mais elle accroît les coûts supportés par l’administration fiscale et impose des contraintes de conformité aux entités qui choisissent de rejoindre le système. Elle augmente également le risque de fraude à la TVA par des entreprises « douteuses » qui pourraient s’enregistrer et demander des remboursements avant de disparaître à nouveau. Les pays imposent donc souvent une durée minimale d’enregistrement aux assujettis qui ont opté pour une immatriculation volontaire. Cette période varie d’un an (Australie, Canada, Grèce, Hongrie, Japon, République slovaque, République tchèque, Suisse) à deux ans (Danemark, France, Norvège), parfois trois ans (Pays-Bas et Suède) ou même cinq ans (Allemagne, Autriche, Portugal et Slovénie).

Des études récentes (Li Liu, 2019[12]) montrent que les petites entreprises s’efforcent généralement de rester en dessous du seuil d’enregistrement en limitant leur chiffre d’affaires déclaré pour éviter d’avoir à effectuer les formalités d’inscription à la TVA lorsque leurs ventes aux consommateurs privés représentent une forte proportion de leur chiffre d’affaires, mais qu’elles ont tendance à s’immatriculer volontairement à la TVA, même lorsque leur chiffre d’affaires est inférieur au seuil, dès lors que la part des ventes à des consommateurs finals dans leur chiffre d’affaires est faible, que le coût des intrants est élevé et que la concurrence s’intensifie dans leur secteur d’activité.

L’une des difficultés soulevées par la mise en place d’un seuil de TVA réside dans la nécessité de limiter le plus possible les dispositifs incitant les petites entreprises à sous-évaluer le chiffre d’affaires déclaré dans le but de rester en dessous du seuil de dispense d’assujettissement et/ou d’inciter les petites entreprises à développer leur activité. Une solution consiste à adopter un seuil flexible. Dans un régime de ce type, les petites entreprises qui dépassent le seuil ordinaire ne sont pas tenues de s’enregistrer immédiatement et peuvent continuer à bénéficier de la dispense tant que le dépassement n’excède pas un certain pourcentage du seuil. Par exemple en France, lorsqu’une entreprise réalise un chiffre d’affaires supérieur au seuil ordinaire de 85 800 EUR (pour les biens) ou de 34 400 EUR (pour la plupart des services), elle peut continuer à bénéficier du régime de la dispense d’assujettissement si son chiffre d’affaires sur l’année n’excède pas respectivement 94 300 EUR et 36 500 EUR.

Il existe d’autres moyens de réduire les coûts de conformité supportés par les PME tout en évitant les inconvénients d’une dispense d’assujettissement. De nombreux pays ont ainsi mis en place des régimes forfaitaires simplifiés pour faciliter le calcul de la TVA due. Par exemple, certaines petites entreprises peuvent être autorisées à appliquer un taux forfaitaire unique à leur chiffre d’affaires afin de déterminer le montant de la TVA due au lieu de procéder à un calcul détaillé de la TVA sur leurs achats et sur leurs ventes. Il est également possible de mettre en place un régime reposant sur un calcul simplifié de la taxe déductible en amont. Ce régime est présenté plus en détail dans une récente étude de l’OCDE sur la fiscalité des PME (OECD, 2015[11]).

Dans la plupart des cas, les seuils d’enregistrement ne s’appliquent pas aux entreprises étrangères. Néanmoins, il est recommandé dans les Principes directeurs internationaux de l’OCDE pour la TVA/TPS que les pays qui appliquent un régime de collecte de la TVA reposant sur l’enregistrement des vendeurs pour les ventes B2C de services et de biens incorporels par des fournisseurs étrangers appliquent ce régime sans créer de charges administratives, ni de charges en termes d’obligations fiscales, qui seraient disproportionnées par rapport aux recettes en jeu, ou contraires à l’objectif de neutralité entre fournisseurs nationaux et étrangers. Il est expressément reconnu dans ces Principes que des seuils ont été mis en place par certains pays pour atteindre cet objectif et qu’il convient en outre de trouver un équilibre entre le souci de réduire le plus possible les charges administratives et les coûts de conformité, tant pour les administrations fiscales que pour les fournisseurs étrangers, et la nécessité de continuer d’appliquer des règles du jeu équitables aux entreprises nationales et étrangères. Le rapport « Mécanismes pour la collecte effective de la TVA/TPS lorsque le fournisseur n’est pas situé dans la juridiction d’imposition » (OECD, 2017[13]) contient d’autres orientations sur les principaux aspects à prendre en compte dans l’éventualité de l’application d'un tel seuil. Il s’agit notamment d’aspects ayant trait à la neutralité au regard de la situation concurrentielle des fournisseurs nationaux et étrangers ; à la simplification et à ses répercussions éventuelles sur la réduction des coûts de conformité pour les entreprises étrangères comme pour les administrations fiscales ; et à la détermination du niveau du seuil, y compris à la méthode de calcul (fondée sur le chiffre d’affaires du fournisseur dans la juridiction d’imposition ou à l’échelle mondiale).

Sur les 12 juridictions de l’OCDE imposant aux fournisseurs étrangers de services et de biens incorporels à des consommateurs finals de s’enregistrer à la TVA et de déclarer la TVA sur leur territoire, six appliquent un seuil d’enregistrement correspondant au chiffre d’affaires en dessous duquel les fournisseurs étrangers sont dispensés de cette obligation : Australie, Islande, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande et Suisse. Dans ces pays, le seuil d’enregistrement est le même pour les fournisseurs nationaux et étrangers. L’UE est considérée comme une seule juridiction dans ce contexte car l’absence de seuil d’enregistrement pour les fournisseurs de pays tiers de services de télécommunication, de radiodiffusion et de services fournis par voie électronique dans le cadre du régime du « mini-guichet unique » (MOSS - régime non UE) prévaut au niveau de l’UE. Un seuil volontaire de 10 000 EUR a été institué le 1er janvier 2019 pour les fournitures à distance intra-communautaires de services de ce type à des consommateurs finals par des vendeurs de l’UE (régime UE).

La plupart des pays autorisent ou utilisent des méthodes spécifiques de collecte de la TVA dans des cas particuliers. L’objectif de ces méthodes est généralement de simplifier les charges d’administration et de conformité de la TVA et/ou de traiter des cas spécifiques. Des exemples caractéristiques sont fournis par les régimes de la marge qui sont souvent employés lorsqu’il serait difficile ou impossible de déduire la taxe acquittée en amont selon les règles habituelles, comme dans le cas de la revente de biens d’occasion achetés à des particuliers ou pour les activités des agences de voyages. L’assiette de la taxe correspond alors à la différence entre le prix d’acquisition d’un bien par l’assujetti et son prix de revente, et non au prix de revente intégral. L’application du régime de la marge interdit au revendeur toute déduction de la TVA acquittée à l’achat du bien (TVA acquittée en amont).

Le Tableau annexe 2.A.6 montre que tous les pays de l’UE appliquent un régime de la marge pour les agences de voyages, les biens d’occasion, objets d’art, de collection ou d’antiquité puisqu’ils ont la même base légale. Hors de l’UE, huit autres pays de l’OCDE emploient des régimes de la marge : l’Australie (sur les immeubles résidentiels neufs, les jeux de hasard et les biens d’occasion), le Chili (sur la revente de biens immobiliers), la Colombie (sur la vente de véhicules d’occasion, la vente d’actifs immobilisés par un intermédiaire, la vente d’essence) ; Israël (sur les pièces de monnaie, les timbres postaux, les meubles, les logements, les véhicules d’occasion et les opérations de change) ; le Mexique (sur les véhicules d’occasion) ; la Norvège (sur les biens d’occasion et les objets d’art, de collection et d’antiquité) ; la Suisse (sur les objets de collection, notamment les objets d’art ou d’antiquité) ; et la Turquie (sur les agences de voyages).

La performance de la TVA peut se mesurer à l’aide de différentes méthodes, selon la dimension de la performance à mesurer. Elle est traditionnellement estimée par le « ratio d’efficience », c’est-à-dire le ratio (exprimé en pourcentage) des recettes de la TVA au PIB, divisé par le taux normal. Quoique le ratio d’efficience soit un outil diagnostique largement employé pour évaluer la TVA, il ne permet pas de distinguer une TVA qui grèverait la production d’une TVA sur la consommation. Pour remédier à cette faiblesse, on retient comme base d’imposition potentielle la consommation finale et non la production (Ebrill et al., 2001[14]) Si on calcule le rapport entre la recette nette de la TVA et les recettes qui seraient obtenues en appliquant la TVA au taux normal à la consommation finale totale, on obtient un ratio d’efficience de la TVA sur la consommation ou « C-efficiency ratio ». Ce ratio atteindrait 100 % si toute la consommation finale était imposée et si l’administration fiscale recouvrait la totalité des impôts dus.

Les estimations du ratio de recette TVA (RRT) pour les pays de l’OCDE présentées dans cette section reposent sur le principe du « ratio d’efficience par rapport à la consommation ». Il donne un indicateur prenant en compte les pertes de recettes dues aux exonérations et aux taux réduits ainsi qu’à la fraude, l’évasion et la planification fiscales. Même si le RRT doit être interprété avec toutes les réserves qui s’imposent et si l’érosion de la base d’imposition peut être imputable à divers facteurs, cet outil peut aider les décideurs à appréhender l’efficacité du recouvrement de la TVA et à identifier des moyens de procurer à l’État des recettes supplémentaires en rendant le système de TVA plus performant.

Le RRT a vocation à donner une indication de la mesure dans laquelle un pays perçoit la TVA sur sa base d’imposition naturelle : les dépenses de consommation finale. Il mesure donc l’écart entre les recettes de TVA effectivement collectées et celles qui auraient théoriquement pu être obtenues dans l’hypothèse où l’on aurait appliqué uniformément le taux normal à la totalité de la base d’imposition potentielle et où la totalité de ces recettes aurait été perçue.

RRT=RTB .  r

où : RT = recettes de TVA effectives ; B = base d’imposition potentielle et t = taux de TVA normal

Le taux « normal » désigne le taux applicable par défaut à la base d’imposition en l’absence de dispositions contraires dans la législation. La législation (et la pratique de nombreux pays) prévoit l’application de taux différents, soit plus bas, soit plus élevés, à une liste déterminée de produits. Les taux de TVA réduits sont encore très répandus dans la zone OCDE, essentiellement par souci d’équité ou en raison de considérations sociales (dépenses de première nécessité, santé, éducation, etc.). Aucun pays membre de l’OCDE n’applique de taux de TVA majorés (voir Tableau annexe 2.A.1).

Dans la formule de calcul du RRT présentée ci-dessus, la base d’imposition potentielle (B) est mesurée par les dépenses de consommation finale consignées dans le poste P3 des comptes nationaux (System of National Accounts – SNA). Cependant, le SNA mesure les dépenses de consommation aux prix du marché, c’est-à-dire qu’elles incluent la TVA. Pour calculer le RRT, il convient donc de déduire les recettes de TVA du montant figurant dans P3, car il ne faut pas que la base d’imposition théorique inclue le montant de l’impôt.

C’est pourquoi les estimations des RRT présentées dans le Tableau annexe 2.A.7 ont été calculées comme suit :

RRT=RT DCF-RT.r

où : RT = recettes de TVA réelles ; DCF = dépenses de consommation finale (poste P3 des Comptes nationaux) ; et t = taux de TVA standard.

Le premier obstacle méthodologique sur lequel bute le calcul du RRT réside dans l’évaluation de la base d’imposition potentielle, puisqu’il n’existe aucune évaluation standard de ladite base d’imposition pour tous les pays membres de l’OCDE. La base d’imposition potentielle est constituée de tous les biens, services et biens incorporels vendus (ou réputés être vendus) à titre onéreux aux consommateurs finaux par les entreprises ou par toute autre entité agissant comme une entreprise (comme, par exemple, les personnes physiques, les organismes publics dispensant des services contre un paiement direct, etc.). La base d’imposition est en principe égale aux dépenses réalisées par les consommateurs finaux pour se procurer des biens, des services et des biens incorporels. Cependant, en pratique, de nombreux systèmes de TVA font peser la TVA non seulement sur la consommation finale des ménages, mais aussi sur diverses entités se livrant à des activités non commerciales ou à des activités exonérées de TVA (voir le chapitre 1 et le présent chapitre). Dans de telles configurations, on peut appliquer la TVA en traitant ces entités comme des consommateurs finaux ou en les taxant sur leurs intrants, car on part du principe que, dans leurs activités non commerciales, elles répercuteront la TVA payée sur les prix de leur production. Au bout du compte, le montant de la TVA qui sera recouvrée par l’État dans ces cas de figure est celui de la taxe sur ces intrants.

Faute d’évaluation uniforme de la base d’imposition potentielle pour tous les pays membres, ce sont les dépenses de consommation finale mesurées par les comptes nationaux qui s’en rapprochent le plus, la TVA étant en définitive un impôt sur la consommation finale. Les dépenses de consommation finale des comptes nationaux sont calculées selon une norme internationale, le poste P3 du Système de comptabilité nationale (SNA 2008) (sauf en Turquie, au Chili et au Japon, qui utilisent encore le SNA 1993).

Dans la zone OCDE, le RRT moyen non pondéré est demeuré relativement stable puisqu'il s’est établi à 0.56 en 2017 et 2018, soit 0.1 % de plus qu’en 2016, comme illustré dans le Tableau annexe 2.A.7. La moyenne de l’OCDE est restée aux alentours de ce niveau depuis 2010 (0.55) après avoir décliné pendant la crise économique et financière de 2008-9 (ramenée de 0.59 en 2007 à 0.53 en 2009). Cette estimation donne à penser qu’en moyenne, 44 % des recettes potentielles théoriques de TVA ne sont pas collectées.

Les estimations des RRT présentent des variations considérables entre les pays de l’OCDE. En 2018, elles s’échelonnaient de 0.34 au Mexique et 0.38 en Colombie et en Italie à 0.89 au Luxembourg et 0.99 en Nouvelle-Zélande. Quatre autres pays de l’OCDE ont un RRT estimé à plus de 0.65, à savoir l’Estonie (0.74), le Japon (0.72), la Suisse (0.69) et la Corée (0.68).

Tous les autres pays de l’OCDE qui appliquent une TVA (30 sur 36) ont un RRT inférieur à 0.65 ; onze de ces pays enregistrent un chiffre inférieur à 0.50. Cette constatation porte à croire qu’une grande partie des recettes potentielles théoriques de TVA n’est pas collectée dans un grand nombre de pays. Par rapport à 2016, le RRT a augmenté dans 26 pays, la hausse la plus marquée étant observée en Pologne, où il est passé de 0.45 à 0.52, et en Lettonie et en Hongrie, où il est passé de 0.55 à 0.59 et 0.54 à 0.58, respectivement. L’effet, sur la moyenne de l’OCDE, de la hausse du RRT estimé dans ces 26 pays a été en partie compensé par l’arrivée de la Colombie, dont le RRT, de 0.38, est nettement inférieur à la moyenne de l’OCDE, et par une baisse du RRT estimé en Australie (ramené de 0.50 à 0.47) et au Luxembourg (de 0.92 à 0.89). Pour huit pays de l’OCDE, les estimations du RRT n’ont pas varié.

Le niveau des RRT en particulier rend compte du fait que les pays de l’OCDE recourent encore à grande échelle aux régimes préférentiels sous la forme de taux réduits et d’exonérations (voir Tableaux annexes 2.A.2 et 2.A.3). Ce fait est confirmé par les données sur les dépenses fiscales, qui mesurent le coût des avantages fiscaux (OECD, 2010[15]).

Il apparaît qu’il n’existe pas de corrélation directe entre le RRT et le niveau du taux normal de TVA. Des pays aux taux de TVA très différents peuvent avoir un RRT comparable. Ainsi, l’Australie et l’Irlande ont toutes deux des RRT très similaires, estimés à 0.47 et 0.49 respectivement, alors que leurs taux de TVA normaux sont très différents, 10 % et 23 % respectivement. Si les deux tiers des pays membres (25 sur 36) ont un RRT compris entre 0.45 et 0.65, leurs taux de TVA normaux sont très disparates, puisqu’ils varient de 5 % (Canada) à 25 % (Danemark, Norvège et Suède), et même 27 % (Hongrie). Ces quatre derniers pays allient des taux de TVA normaux élevés (25 % et 27 %) à un RRT supérieur à la moyenne de l’OCDE (respectivement 0.62, 0.58, 0.59 et 0.59), tandis que le Mexique et la Turquie ont à la fois un taux normal de TVA (respectivement 16 % et 18 %) et un RRT estimé (respectivement 0.34 et 0.40) nettement inférieurs à la moyenne de l’OCDE. Le Japon se distingue par un taux de TVA faible (8 % en 2017-18), l’absence de taux réduits et un RRT relativement élevé (0.72).

Le poids des divers facteurs influant sur le RRT peut varier considérablement d’un pays à l’autre selon les circonstances. Les deux pays dont le RRT est le plus élevé, à savoir le Luxembourg et la Nouvelle-Zélande, se situent tous deux très au-dessus de la moyenne de l’OCDE (respectivement 0.99 et 0.89 contre une moyenne de 0.56) et distancent même nettement l’Estonie, troisième pays du classement, dont le RRT est de 0.74. Cependant, c’est pour des raisons très différentes que leurs ratios sont élevés.

Le RRT du Luxembourg n’a cessé d’augmenter entre 1996 (0.54) et 2014 (1.23). Cette hausse est corrélée à une transformation profonde du marché de l’UE, qui se caractérise en particulier par la libéralisation des services financiers et l’essor du commerce électronique. On peut raisonnablement supposer que ces paramètres de marché et leur traitement spécifique au regard de la TVA ont fortement concouru à la hausse du RRT au Luxembourg. Il est vraisemblable que le statut de ce pays en tant que grand centre financier international lui ait valu des recettes de TVA supplémentaires. Les ventes de services financiers sont généralement exonérées de TVA au Luxembourg sans que la déduction de la taxe payée en amont soit possible, conformément aux règles de l’UE sur la TVA, y compris quand l’acheteur est situé dans d’autres États membres de l’UE. Il s’ensuit qu’en raison de l’expansion des ventes transfrontières de services financiers, la TVA non déductible supportée par les sociétés de services financiers au Luxembourg augmente les recettes de TVA dans ce pays alors qu’une grande partie de la consommation finale a lieu dans d’autres États membres de l’UE. Le Luxembourg est en outre devenu un centre majeur du commerce électronique international, en raison notamment du traitement de ce type d’activité prévu par la législation de l’UE sur la TVA avant le 1er janvier 2015. En effet, celle-ci disposait que les livraisons réalisées dans le contexte du commerce électronique à des consommateurs finaux d’autres États membres étaient taxées dans le pays où le fournisseur était établi. Le faible taux normal de TVA en vigueur au Luxembourg, le plus bas de l’UE (15 % jusqu’en 2014), a incité les entreprises se livrant au commerce électronique à s’établir dans ce pays et le Luxembourg y a gagné des recettes de TVA supplémentaires, qui n’ont cessé d’augmenter grâce à l’essor du commerce numérique. La situation a changé le 1er janvier 2015. Depuis cette date, les ventes intracommunautaires à des consommateurs finaux dans le contexte du commerce électronique ne sont plus assujetties à la TVA dans l’État membre dans lequel le fournisseur est établi (qui était souvent le Luxembourg). Elles sont désormais assujetties à la TVA dans l’État membre du lieu de résidence du client et au taux qui y est appliqué. La perte de recettes de TVA pour le Luxembourg qui a résulté de cette modification des règles intracommunautaires relatives au lieu d’imposition dans le contexte du commerce électronique transparaît dans les recettes de TVA et les estimations du RRT (recul de 1.25 en 2014 à 0.89 en 2018).

Les facteurs qui sous-tendent un RRT systématiquement très élevé depuis l’entrée en vigueur de la TVA (TPS) en Nouvelle-Zélande sont très différents de ceux prévalant au Luxembourg. Premièrement, contrairement au Luxembourg, la Nouvelle-Zélande applique une TPS dont l’assiette fiscale est très large car le champ des exonérations (voir Tableau annexe 2.A.3) est limité, de même que celui du taux zéro (voir Tableau annexe 2.A.2). Deuxièmement, la Nouvelle-Zélande considère les services publics comme imposables à la TPS (voir le chapitre 1). Bien qu’il n’en résulte pas de recettes supplémentaires (la TPS facturée par les organismes publics à l’État est compensée par des transferts budgétaires et celle qui est collectée sur les activités des collectivités territoriales est incluse dans les impôts locaux), la part de la TPS dans le total des recettes s’accroît mécaniquement, ce qui fait augmenter le RRT. Cependant, la base d’imposition potentielle de la TPS déterminée à partir des comptes nationaux (voir la section ci-dessus) n’inclut pas la valeur ajoutée par l’État. L’ensemble de ces considérations pourrait expliquer pourquoi le RRT de la Nouvelle-Zélande est si élevé, et parfois même supérieur à 1.

À l’autre extrémité du spectre, le Mexique et la Colombie sont les pays de l’OCDE dont les RRT sont les plus bas (0.33 et 0.38 respectivement). Cette situation s’explique vraisemblablement par plusieurs facteurs, notamment l’étendue des exonérations de TVA, l’application d’un taux zéro et la faible observation de leurs obligations fiscales par les assujettis.

En théorie, plus le régime de TVA d’un pays est « pur », avec un impôt à large assise pesant sur l’ensemble de la consommation finale des ménages, plus son RRT est proche de 1. Un RRT proche de 1 peut être interprété comme une preuve que la TVA pèse uniformément sur une large assiette et qu’elle est efficacement recouvrée. Les taux réduits, les exonérations et l’incapacité de collecter la totalité des impôts dus le font baisser par rapport à cette valeur de référence. Un RRT supérieur à 1 n’est théoriquement possible que si le taux normal s’applique à la quasi-totalité de la base d’imposition et si un certain nombre d’exonérations sans droit à déduction existent de telle sorte que l’effet en cascade des exonérations procure à l’État des recettes supplémentaires excédant leur coût. En pratique, le RRT est rarement égal à 1 et il peut varier, dans un sens ou dans l’autre, sous l’action de plusieurs facteurs complexes, jouant indépendamment les uns des autres ou produisant des effets conjugués, à savoir :

  • L’application de taux de TVA réduits à un certain nombre de biens et services et le niveau de ces taux, qui se traduisent par une perte de recettes et ont une incidence négative sur le RRT.

  • Le niveau du seuil d’enregistrement et/ou de collecte au-dessous duquel les petites entreprises sont dispensées de payer la TVA. Ces seuils amoindrissent le montant de la TVA collectée même s’il est vraisemblable que le coût, en termes de recettes publiques, est limité du fait que les entreprises se situant en deçà des seuils n’ont généralement pas le droit de déduire la TVA acquittée en amont et que leur valeur ajoutée est probablement modeste.

  • Le champ des exonérations. Les exonérations peuvent, en fonction de leurs propres caractéristiques et de celles du marché, agir à la hausse ou à la baisse sur le RRT. Les exonérations peuvent éroder les recettes quand elles s’appliquent à des biens et services fournis directement au consommateur final sans nécessiter beaucoup d’investissements ou de dépenses en dehors du propre travail du fournisseur. Elles peuvent les gonfler quand elles interviennent à un stade précoce de la chaîne d’approvisionnement et que les recettes résultant de la non-récupération de la TVA acquittée en amont et de l’effet de cascade tout au long de la chaîne d’approvisionnement dépassent la taxe qui aurait pu être obtenue moyennant une imposition au taux normal ouvrant droit à déduction de la TVA acquittée en amont (dans le cas de services financiers aux entreprises, par exemple). L’exonération des services financiers en particulier peut avoir un impact considérable sur le RRT compte tenu de l’importance économique de ce secteur dans de nombreux pays.

  • Le traitement des activités de service public au regard de la TVA. La consommation finale des administrations publiques est le deuxième poste de la consommation finale dans les comptes nationaux après celle des ménages. Les activités de l’État sont exonérées ou exclues du champ de la TVA dans la plupart des pays, la Nouvelle-Zélande étant l’unique exception puisqu’elle y soumet toutes les activités des administrations publiques. En conséquence, les organismes publics ne peuvent déduire la TVA payée en amont sur leurs dépenses assujetties, sauf en Nouvelle-Zélande où ils ont le droit de déduire intégralement la taxe acquittée en amont. Plusieurs pays se sont dotés de mécanismes destinés à compenser les effets néfastes de l’exonération des activités de service public, prenant par exemple la forme de remboursements de TVA ciblés, d’un droit à déduction totale ou partielle de la TVA acquittée en amont, de compensations budgétaires ou d’une imposition de vastes pans des activités des administrations publiques. Les différentes options choisies par les gouvernements ont des effets inégaux sur le RRT. La compensation par des mécanismes autres que la TVA (par exemple une simple compensation budgétaire) n’a pas d’incidence directe sur le RRT parce que les activités de l’État demeurent soumises à la TVA sur leurs intrants, ce qui génère les recettes de TVA correspondantes, avant et après les mesures de compensation. Une mesure autorisant les organismes publics à déduire la TVA sur les intrants a normalement pour effet de réduire les recettes fiscales si les ventes demeurent exonérées et elle agira donc à la baisse sur le RRT. À l’inverse, l’application de la TVA aux activités des administrations publiques, comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande, a pour effet d’accroître le montant de la TVA collectée et d’agir à la hausse sur le RRT, car elle tend à grever la totalité des ventes plutôt que les intrants uniquement.

  • L’application d'un régime efficace de collecte de la TVA sur les ventes en ligne de biens, de services et de produits numériques par des fournisseurs étrangers et sur des marchés électroniques. De nombreux régimes de TVA sont sources de difficultés lorsqu'il s’agit de recouvrer comme il se doit la TVA sur les ventes en ligne, en particulier lorsque la collecte doit s’opérer auprès de fournisseurs étrangers ; ces difficultés sont à l’origine de pertes de recettes qui sont de plus en plus importantes au fur et à mesure que le volume et la valeur des échanges numériques vont croissant (voir le chapitre 1).

  • La capacité d’une administration fiscale de gérer efficacement la TVA et le niveau de discipline fiscale des assujettis influent aussi sur le RRT parce qu’une prévalence élevée de la fraude ampute les recettes de TVA. Le nombre de cas d’insolvabilité et de faillites d’assujettis peuvent aussi influer sur le RRT.

  • De même, l’incapacité d’un régime de TVA à assurer l’application effective du principe de destination aux exportations de biens et/ou de services, notamment par la taxation des exportations dans le pays d’origine ou par l’exonération des exportations non assortie du droit pour l’exportateur de récupérer la TVA acquittée en amont, peut entraîner une hausse du RRT (pour de « mauvaises » raisons).

  • Le fait que l’administration fiscale n’applique pas un système approprié de remboursement de la TVA (par des remboursements, en temps voulu, des excédents de TVA sur les intrants aux entreprises nationales et/ou des remboursements aux entreprises non résidentes), au mépris du principe fondamental de neutralité de la TVA, peut aboutir à une hausse du RRT (pour de « mauvaises » raisons).

  • L’évolution des modes de consommation peut aussi affecter les recettes. À titre d’illustration, le RRT peut diminuer, toutes choses égales par ailleurs, si la part de la consommation de biens et services de première nécessité qui sont imposés à un taux de TVA réduit augmente, à la suite d’une crise économique par exemple (OCDE, 2020[16]).

  • Enfin, l’effet éventuel des écarts entre les dépenses de consommation finale mesurées par les comptes nationaux et la base d’imposition potentielle de la TVA des pays doit être pris en considération dans l’interprétation du RRT.

Pour un examen technique approfondi des facteurs qui influent sur le calcul du RRT, voir (OCDE, 2017[17]).

Le niveau du RRT dépend rarement d’une cause unique, mais plutôt des liens réciproques entre plusieurs facteurs. À titre d’illustration, un taux normal élevé peut inciter à la fraude alors que l’existence de plusieurs taux réduits peut entraîner des pertes de recettes à cause de déclarations erronées ou trompeuses aboutissant à une mauvaise classification. L’exonération de certains secteurs d’activité peut engendrer des distorsions et favoriser l’évitement de l’impôt, ce qui exige de mobiliser des moyens administratifs supplémentaires qui autrement pourraient être consacrés à une collecte efficace de la TVA. Par ailleurs, une administration de l’impôt inefficace, des obligations administratives trop contraignantes ou la complexité des mécanismes de TVA peuvent amener des assujettis à se soustraire à leurs obligations.

On peut regrouper ces facteurs en deux grandes catégories :

  • ceux qui résultent de décisions politiques, affectant principalement la base d’imposition ou le champ d’application du taux normal (ou, autrement dit, les taux réduits et exonérations de TVA (« déficit lié à la politique fiscale »), et

  • ceux qui relèvent de l’efficacité de la collecte de la taxe et de la discipline fiscale (« déficit lié au non-respect des obligations fiscales »).

Le RRT est la somme du résultat des décisions politiques et de ce « déficit lié au non-respect des obligations fiscales ». Il est possible de procéder à une analyse visant à affiner encore la décomposition du RRT. L’une des méthodes envisageables pour décomposer le RRT entre les éléments relevant de la politique fiscale et ceux relevant du non-respect des obligations fiscales consiste à utiliser les données relatives aux dépenses fiscales résultant de l’application de régimes préférentiels de TVA (à savoir du manque à gagner fiscal lié à une dérogation au système de l’application du taux de TVA normal à l'intégralité de la base d’imposition théorique) pour estimer le « déficit lié à la politique fiscale ». L’écart subsistant entre 1 et le RRT estimé d’un pays donne alors, par déduction, une estimation du « déficit lié au non-respect des obligations fiscales ». Ces chiffres doivent toutefois être interprétés avec prudence en raison du grand nombre de facteurs pouvant influer sur le RRT.

Une autre méthode consiste à calculer le « déficit lié au non-respect des obligations fiscales » (ou « écart de TVA »), c’est-à-dire la différence entre les recettes effectivement collectées et le produit théorique de la taxe si l’ensemble des consommateurs et des entreprises respectaient parfaitement les règles en vigueur dans un pays donné en matière de TVA. Cette méthode est employée pour produire les estimations de l’écart de TVA annuel dans l’Union européenne où l’écart de TVA correspond à la différence entre le montant de la TVA effectivement collectée et le montant théoriquement dû selon la législation fiscale (montant total de l’impôt dû au titre de la TVA ou montant total de la TVA due – MTTD). (Institute for Advanced Studies, 2015[18]). (CASE – Center for Social and Economic Research, 2020[19]). L’écart de TVA est estimé selon une démarche descendante consistant à appliquer les différents taux de TVA en vigueur dans un pays aux composantes de la consommation (consommation finale des ménages, consommation finale des administrations publiques et des organismes sans but lucratif, consommation intermédiaire des entreprises partiellement exonérées, dépenses de logement, éléments spécifiques à un pays, corrections, etc.). L'Australie utilise une méthode similaire (Australian Taxation Office, 2020[20]). Dans le modèle d’analyse de l’écart fiscal (RA-GAP) du Fonds monétaire international (Eric Hutton, 2017[21]) les données sur les comptes nationaux sont utilisées pour calculer la base d’imposition potentielle à la TVA par secteur économique. Les recettes potentielles de TVA pour un système de TVA donné sont ensuite calculées en appliquant le barème d’imposition en vigueur (exonérations, taux zéro, taux réduits) à cette base d’imposition à la TVA. Les recettes potentielles de TVA obtenues en application de la politique de référence sont calculées en appliquant le taux normal de TVA en vigueur à la base d’imposition. L’écart de TVA est calculé en comparant les recettes de TVA effectives aux recettes potentielles susceptibles d’être recouvrées en appliquant la politique en vigueur et la politique de référence.

La réduction des pertes de recettes dues aux infractions à la législation sur la TVA reste un enjeu majeur et une priorité pour les pays partout dans le monde. De nombreuses administrations fiscales réalisent des études pour évaluer le déficit de TVA, autrement dit la perte de recettes découlant de la fraude et des infractions à la TVA. Dans l’Union européenne (UE), le déficit de TVA des 28 États membres a été estimé à 140 milliards EUR en 2018 dans le dernier rapport consacré à la question (CASE – Center for Social and Economic Research, 2020[19]). Bien que ce déficit reste très élevé, la Commission de l’UE observe qu’il s’est légèrement réduit ces dernières années, en valeur nominale comme en termes relatifs. En termes relatifs, le déficit de TVA à l'échelle de l’UE a été ramené à 11 % du montant total de TVA due (MTTD) en 2018, contre 12.3 % en 2016 et 14.3 % en 2014. En valeur nominale, le déficit de TVA total de l’UE a reculé de près d’un milliard EUR pour s’établir à 140.04 milliards EUR en 2018, après une baisse plus marquée de 2.9 milliards EUR en 2017. Toutefois, les prévisions pour 2020 tablent sur une inversion de tendance, avec une perte potentielle de 164 milliards EUR à cause des répercussions de la pandémie de coronavirus sur l'économie.

Les plus petits écarts de TVA dans l’UE ont été observés en Suède (0.7 %), en Croatie (3.5 %) et en Finlande (3.6 %), et les plus grands en Roumanie (33.8 %), en Grèce (30.1 %) et en Lituanie (25.9 %). Le Royaume-Uni a estimé son déficit de TVA à 10.0 milliards GBP en 2018-19, soit 7.0 % du montant net estimé du MTTD (HMRC, 2020[22]), ce qui représente une baisse par rapport à 2017-18 (déficit de 13.3 milliards GBP, soit 9.6 % du MTTD). Un certain nombre d’autres pays de l’OCDE ont donné des estimations de leurs propres déficits de TVA. En Australie, le déficit de TPS est estimé à 5.8 milliards AUD, ou 8.1 % du MTTD (Australian Taxation Office, 2020[20])) ; au Canada, le déficit pluriannuel moyen de TPS/TVH est estimé à 5.6 % du MTTD pour 2000‐2014 (CRA, 2016[23]). En Amérique latine, les déficits de TVA variaient considérablement d’un pays à l’autre en 2017 (CEPAL, 2020[24]), mais les pays membres de l’OCDE dans cette région affichaient un déficit de TVA relativement bas par rapport à d'autres : 21.4 % au Chili, 23.6 % en Colombie et 16.4 % au Mexique (contre 45.3 % au Panama et 43.8 % en République dominicaine, par exemple).

Les pertes de recettes de TVA imputables à des infractions peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs. En plus des mécanismes « traditionnels » d’évasion fiscale (dispositifs destinés à réduire la charge fiscale qui peuvent être légaux au sens strict, mais contraires à l’esprit de la loi) et de fraude (mécanismes illégaux utilisés pour se soustraire à une obligation fiscale), les systèmes de TVA sont souvent la cible d'attaques criminelles organisées. Il a été démontré que cette fraude à la TVA, organisée et de nature criminelle, est liée, dans de nombreux cas, à d’autres activités criminelles comme le terrorisme et le blanchiment de capitaux (EUROPOL, 2020[25]).

Le type le plus courant de fraude à la TVA organisée est la fraude dite des « sociétés éphémères » ou « carrousel ». Elle survient lorsqu’une société effectue un achat sans verser de TVA (habituellement une transaction soumise à autoliquidation de la taxe), puis collecte la TVA sur une vente en aval et disparaît sans payer la TVA collectée. Initialement, la fraude concernait principalement des biens de valeur qui faisaient l’objet d’échanges internationaux, comme les micro-processeurs et les téléphones mobiles, mais elle s’est étendue aux services pouvant être achetés et vendus comme des marchandises. La fraude organisée à la TVA dans le cadre de l’échange de quotas d’émission de CO2 a ainsi entraîné des pertes de recettes de TVA se chiffrant en milliards d’euros dans un certain nombre de pays. Les marchés de l’énergie sont également exposés à cette fraude organisée à la TVA. Les régulateurs européens du secteur énergétique, les opérateurs sur les marchés de l’énergie et les sociétés de gaz et d’électricité ont notamment mis en garde les autorités de l’UE à propos des graves conséquences de la fraude de type carrousel sur le fonctionnement des marchés du gaz et de l’électricité en Europe (Europex – Association of European Energy Exchanges, 2018[26]). Ils ont rendu compte de signes d’« une forte infiltration de fraudeurs à la TVA sur les marchés du gaz et de l’électricité ». Des recherches ont également révélé que certains logiciels de comptabilité contiennent des outils cachés (zappers ou camoufleurs de ventes) servant à manipuler les recettes de TVA (OECD, 2013[27]). La numérisation de l’économie pose de nouveaux défis aux régimes de TVA en matière de lutte contre la fraude et le non-respect des obligations, notamment dans le contexte de croissance exponentielle du commerce électronique transfrontière (OCDE, 2017[28]).

Les administrations fiscales élaborent et mettent en œuvre une diversité croissante de mesures pour répondre au problème de plus en plus complexe de la protection des recettes cruciales de la TVA contre la fraude et les infractions. Les sections suivantes examinent de manière un peu plus détaillée les trois catégories de réponses les plus fréquentes dans les pays de l’OCDE : modifications des mécanismes de collecte de la TVA ; renforcement des obligations déclaratives de l’assujetti et analyse des données ; et coopération administrative internationale et échange de renseignements.

Dans un régime de TVA standard, la TVA est perçue auprès des fournisseurs selon un processus de paiement fractionné, par lequel le fournisseur collecte la TVA auprès de ses clients et la verse aux autorités, après avoir déduit la TVA récupérable sur les intrants, le cas échéant (voir le chapitre 1). Avec un mécanisme d'autoliquidation, la responsabilité du paiement de la TVA aux autorités fiscales est transférée du fournisseur à son client (dans les transactions B2B). Ce transfert de la responsabilité du paiement de la TVA du fournisseur au client supprime le risque que des fournisseurs malhonnêtes disparaissent sans reverser à l'administration fiscale la TVA qu’ils ont collectée auprès de leurs clients, une pratique caractéristique de la fraude dite des « sociétés éphémères ». De même, les entreprises ne peuvent pas demander la déduction ou le remboursement de montants de TVA qu’ils n’ont pas acquittés (TVA sur de fausses factures, par exemple) ou reversés aux autorités fiscales, une pratique caractéristique de la fraude dite « carrousel ».

Les pays de l’OCDE qui ont adopté le mécanisme national d’autoliquidation le réservent généralement aux secteurs économiques qui sont particulièrement exposés à ces types de fraude organisée. Il est notamment employé pour contrecarrer la fraude des sociétés éphémères et la fraude carrousel dans des secteurs tels que les téléphones mobiles, les circuits intégrés, les consoles de jeu, les tablettes et les ordinateurs portables, les céréales et les cultures industrielles, les métaux bruts et semi-finis, le gaz et l’électricité, ainsi que les services de télécommunication.

Aucun pays de l’OCDE n'applique un système d'autoliquidation plus généralisé pour la collecte de l’ensemble de la TVA sur les transactions nationales entre entreprises. Un tel système réduirait les possibilités de fraude décrits ci-avant, mais présenterait plusieurs inconvénients, notamment des contraintes supplémentaires à la charge des entreprises et des administrations fiscales, en générant un risque croissant d'autres types de fraude au niveau des détaillants (suppression des ventes, utilisation abusive de numéros d’identification à la TVA par exemple). Il risquerait de transformer effectivement la TVA en une taxe sur les ventes au détail, en concentrant les risques pour les recettes au stade de la vente finale ou à un nombre limité de points de la chaîne de valeur, avec les faiblesses inhérentes à un tel système (voir chapitre 1).

Les États membres de l’UE peuvent adopter, sur une base facultative et temporaire, un mécanisme d’autoliquidation sur les transactions domestiques pour une liste déterminée d’opérations. Depuis 2013, les États membres de l’UE sont également autorisés à appliquer un mécanisme local d’autoliquidation à tout type d’opération en cas de fraude soudaine et massive à la TVA.

Le Tableau annexe 2.A.12 montre que le recours à un mécanisme d’autoliquidation domestique en tant que moyen pour lutter contre la fraude est très répandu dans les 23 pays de l’OCDE qui sont membres de l’UE, notamment pour la délivrance de certificats d’émissions de CO2 (tous sauf la Lettonie, la Lituanie et la Pologne) ; les débris de matériaux et les déchets (tous sauf la Belgique, le Luxembourg, la Pologne et le Royaume-Uni) ; et les travaux de construction (tous sauf l’Estonie, le Luxembourg, la Pologne et le Royaume-Uni). L’autoliquidation domestique s’applique aussi dans de nombreux pays de l’UE à la fourniture d’or (14 pays) ; aux appareils électroniques comme les ordinateurs portables, les microprocesseurs, les téléphones mobiles, etc. (11 pays) et à la livraison de gaz et d’électricité à des revendeurs assujettis (10 pays). D’autres pays de l’OCDE ont également recours à un mécanisme d’autoliquidation domestique, mais dans une bien moindre mesure, à savoir l’Australie (ventes de bâtiments neufs à usage d'habitation) ; le Canada (ventes de biens immobiliers par des non-résidents et certaines fournitures entre provinces) ; le Chili (fournitures de riz, travaux de construction, déchets, certaines plantes et certains animaux) ; Israël (débris de métaux) ; le Mexique (déchets, certaines ventes effectuées par des personnes physiques) ; la Norvège (vente de quotas d’émissions de CO2 et d’or à des fins d’investissement) ; la Nouvelle-Zélande (vente de terres soumises à tort à un taux zéro) et la Turquie (certaines opérations effectuées par des personnes non assujetties). Plus de la moitié des pays de l’OCDE (19 sur 36) appliquent le mécanisme de l’autoliquidation aux fournitures dans le secteur de la construction.

L'autoliquidation n’a pas été mise en œuvre en Corée, en Colombie, en Islande, au Japon et en Suisse. En novembre 2019, la Pologne a remplacé son mécanisme national d’autoliquidation par un mécanisme de paiement scindé obligatoire (applicable uniquement aux ventes qui étaient auparavant assujetties au système national d’autoliquidation ; voir également la section ci-dessous).

Un autre moyen de réduire l’exposition des régimes de TVA à la fraude et au non-respect des obligations consiste à recourir au mécanisme dit du paiement scindé (ou retenue à la source). Dans le cadre de ce mécanisme, le fournisseur facture la TVA sur ses ventes nationales au client selon les règles habituelles, mais soit le client paie (une partie de) la TVA directement aux autorités fiscales (« mécanisme de retenue »), soit il la dépose sur le compte de TVA spécial du fournisseur (« paiement scindé ») au lieu de la payer au fournisseur. En général, dans un régime de paiement scindé, le fournisseur peut utiliser les montants déposés sur son compte de TVA spécial uniquement pour payer la TVA à l'administration fiscale ou à un autre fournisseur (et uniquement sur le compte de TVA spécial de ce fournisseur). La Pologne, qui a adopté un tel système de paiement scindé (voir la section précédente), autorise l’utilisation des montants déposés sur les comptes de TVA pour payer un certain nombre d'autres taxes.

Un régime de paiement scindé ou de retenue produit les mêmes effets de prévention de la fraude que le mécanisme local d’autoliquidation dans la mesure où il empêche un fournisseur de percevoir la TVA sans la reverser à l’administration fiscale. Parmi les inconvénients de ces régimes figurent le surcroît de complexité (notamment l’obligation pour les fournisseurs de déterminer pour chaque transaction si elle relève ou non du régime) et l’impact sur la trésorerie des entreprises, qui peut être particulièrement élevé dans un régime de retenue, puisque les entreprises ne perçoivent plus (ou perçoivent moins) de TVA sur les ventes dont elles peuvent déduire la TVA d'amont (ce qui peut entraîner un excédent permanent de TVA d'amont). Certains observateurs estiment que les mécanismes de paiement scindé ne seraient pas en mesure d’empêcher les fraudes de sociétés éphémères plus complexes (Bartosz Gryziak, 2020[29]). Le Tableau annexe 2.A.12 montre que ce régime est mis en œuvre dans cinq pays de l’OCDE seulement, et qu’il cible systématiquement des secteurs ou des fournitures spécifiques.

En Pologne, un mécanisme obligatoire de paiement scindé s’applique aux ventes entre entreprises (B2B) d’une liste définie de biens et de services considérés comme vulnérables à la fraude (comme les débris de métaux, les quotas d’émissions de CO2, les téléphones mobiles, les tablettes, les services de construction, etc. qui étaient auparavant assujettis au mécanisme national d’autoliquidation), si le montant brut facturé dépasse 15 000 PLN. Si le client le décide, un mécanisme facultatif de paiement scindé peut s'appliquer aux ventes B2B qui ne sont pas couvertes par le paiement scindé obligatoire.

L’Italie demande aux autorités ou aux organismes publics, aux entreprises publiques et aux entreprises cotées à la bourse italienne de verser la TVA sur leurs achats de biens et services directement à l'administration fiscale, plutôt qu’à leurs fournisseurs. Avec ce régime de retenue, les fournisseurs peuvent bénéficier de remboursements plus rapides de la TVA payée sur leurs intrants. La Corée a opté pour un régime de retenue concernant les ventes d’or, de cuivre et de déchets d’or et de fer. En République tchèque, un tel système est proposé à titre facultatif aux clients qui souhaitent éviter d’être solidairement responsables avec le fournisseur en cas d'impayés. Dans certains secteurs comme la construction, les débris de métaux, verre, plastique et papier, les services de conseil, de surveillance et d’audit et certains services de réparation, la Turquie applique un régime de retenue partiel qui impose aux clients de retenir à la source un pourcentage de la TVA qui leur a été facturé par le fournisseur et de le reverser directement à l’administration fiscale.

La Colombie, le Chili et le Mexique ont adopté un mécanisme de retenue à la source en tant que solution de secours pour la collecte de la TVA sur les fournitures entrantes B2C de services et de biens incorporels d’origine étrangère. Lorsque le fournisseur étranger de ces services et biens incorporels B2C ne s'immatricule pas à la TVA dans le pays, les intermédiaires qui facilitent le paiement correspondant (émetteurs de cartes de crédit et de débit, portefeuilles électroniques et établissements bancaires) doivent prélever la TVA sur le paiement de ces fournitures et la reverser à l’administration fiscale.

De nombreux pays de l’OCDE ont recours à la technologie pour améliorer la communication des données fiscales pertinentes aux autorités fiscales. Après avoir généralisé les déclarations de TVA électroniques obligatoires (OECD, 2015[30]), de nombreux pays de l’OCDE ont mis en place, ou envisagent de mettre en place, l’obligation pour les assujettis de communiquer aux autorités fiscales, parfois en temps réel, les données relatives à toutes leurs opérations. Ces mesures exigent généralement la communication, sous forme électronique, d’informations détaillées sur chaque opération imposable. Il peut s’agir d’informations de facturation et de données comptables ou de toute autre information permettant aux autorités fiscales de contrôler les biens et services achetés ou vendus par les assujettis.

Le Tableau annexe 2.A.11 indique que, depuis 2000, la plupart des pays de l’OCDE ont mis en place des obligations de déclaration des opérations, à l’exception de la Belgique, du Canada, de l’Estonie, de la Finlande, de l’Islande et du Japon. Parmi les pays qui ont adopté des obligations de déclaration des opérations, dix-neuf imposent un format spécifique à ces déclarations (Chili, Colombie, Corée, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Lituanie, Luxembourg, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Slovénie et Turquie). Huit d’entre eux emploient (une variante) du format de Fichier normalisé d'informations comptables à des fins fiscales (Standard Audit File for Tax – SAF-T) mis au point par le Forum sur l’administration fiscale de l’OCDE (OECD, 2005[31]). Ce système implique l’utilisation d’un logiciel comptable pour créer le fichier électronique (SAF-T) contenant les données comptables pertinentes sur le plan fiscal. Le format SAF-T permet de transférer ces données de l’assujetti à l’administration fiscale dans un format électronique standard.

La moitié des pays qui imposent une déclaration électronique des opérations (15 sur 30) exigent la transmission systématique de ces informations à l’administration fiscale (Chili, Colombie, Corée, Espagne, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Lituanie, Mexique, Pologne, Portugal, République tchèque, République slovaque et Turquie) et huit d’entre eux exigent que cette transmission ait lieu en temps (quasi) réel (Chili, Colombie, Corée, Espagne, Hongrie, Italie, Mexique et Turquie).

Les pays sont également de plus en plus préoccupés par le contrôle des transactions en espèces dans le contexte des transactions entre entreprises et consommateurs finaux (B2C) et plus d’un tiers des pays de l’OCDE (16 sur 36) ont imposé aux assujettis l’utilisation de caisses enregistreuses électroniques (Autriche, Belgique, Corée, France, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pologne, République slovaque, République tchèque, Slovénie et Suède). Six de ces pays exigent la transmission systématique de données à l'administration fiscale (Autriche, Corée, Grèce, Israël, République slovaque et Slovénie), en temps (quasi) réel pour la Corée, la République slovaque et la Slovénie.

Le volume d’informations réunies par les administrations fiscales a considérablement augmenté ces dernières années. Pour pouvoir tirer parti des possibilités offertes par cette collecte de données, les pays et leurs assujettis doivent avoir confiance dans la sécurité et la confidentialité des informations réunies par les administrations fiscales. Face au risque de communication inappropriée d'informations, intentionnelle ou fortuite (piratage des bases de données de l'administration fiscale, par exemple), les pays doivent veiller à mettre en place un cadre juridique et des systèmes de protection des données efficaces (OECD, 2012[32]).

Il est aussi de plus en plus reconnu que les stratégies efficaces de lutte contre la fraude et les infractions en matière de TVA auraient tout à gagner d’un renforcement de la coopération administrative internationale. Les États admettent de plus en plus largement que l’échange de renseignements et la coopération administrative jouent un rôle important pour lutter contre la fraude internationale en matière de TVA et garantir le recouvrement effectif de la TVA, en particulier dans le contexte de la numérisation de l’économie (OCDE, 2017[28]) ; (Court Auditors, 2015[33]). Cette nécessité est également reconnue par le rapport 2015 de l’OCDE - Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie (OCDE, 2017[34]) et l’OCDE mène des travaux sur cette question.

Il existe déjà un certain nombre d’instruments qui fournissent une base juridique pour une telle coopération administrative internationale en matière de TVA, entre autres la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (OCDE/Conseil de l'Europe, 2011[35]), les traités bilatéraux mettant en œuvre les articles 26 et 27 actuels des Modèles de Convention fiscale de l’OCDE et des Nations Unies, et les Accords d’échange de renseignements fiscaux (Tax Information Exchange Agreements, ou TIEA) fondés sur le Modèle d’accord de l’OCDE. Les accords régionaux servent également de base juridique à une telle coopération. Ils comprennent le Règlement (UE) n° 904/2010, la Convention nordique d’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, le Modèle d’accord du CIAT sur l’échange de renseignements fiscaux et l’Accord sur l’assistance mutuelle en matière fiscale du Forum africain sur l’administration fiscale.

Parmi ces instruments, la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (la Convention) passe pour la plus prometteuse. Elle a été élaborée conjointement par le Conseil de l’Europe et l’OCDE et a été ouverte pour signature aux pays membres des deux organisations en 1988. Elle a ensuite été alignée sur la norme internationale sur la transparence et l’échange de renseignements et ouverte à tous les pays en 2011. Elle prévoit toutes les formes possibles de coopération administrative entre les Parties pour la détermination et le recouvrement des impôts, en particulier en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. De très vaste portée, la Convention couvre toutes les formes de paiements obligatoires aux administrations publiques (que ce soit l’administration centrale ou ses subdivisions politiques), y compris la TVA (même si les obligations prévues dans la Convention peuvent faire l’objet de réserves par les Parties). En novembre 2020, 141 juridictions étaient Parties à la Convention.

Au sein de l’UE, la Directive sur la TVA (2006/112/CE) et le Règlement d'application (904/2010) constituent le fondement juridique de la coopération administrative et de l’échange de renseignements entre les Membres. Cette coopération s'appuie sur un réseau opérationnel de responsables d’administrations fiscales, Eurofisc. En décembre 2018, la Commission européenne a adopté une proposition visant à renforcer la coopération administrative au sein de l’UE et à améliorer l'échange et l’analyse des renseignements communiqués par les administrations fiscales des États membres et avec les autorités répressives. Le paquet TVA sur le commerce électronique, applicable à compter de juillet 2021, supprimera l’exonération de TVA sur les importations de biens de faible valeur, et obligera les fournisseurs à payer la TVA sur tous les biens importés dans l’UE ; il renforcera la coopération entre autorités fiscales et douanières, en réduisant les possibilités de certaines fraudes impliquant ces biens. Par ailleurs, Eurofisc renforce sa coopération et l’échange de renseignements avec l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et Europol. En outre, le Conseil a adopté en février 2020 un programme législatif qui impose aux prestataires de services de paiement de transmettre des informations sur les paiements internationaux provenant d’États membres et sur leurs bénéficiaires. Un nouveau système électronique centralisé d'informations sur les paiements (« CESOP ») sera mis sur pied afin de stocker les informations sur les paiements en vue de leur traitement par les responsables nationaux de la lutte contre la fraude. En février 2018, l’UE a également signé un accord bilatéral avec la Norvège pour l’échange de renseignements relatifs à la TVA.

Les pouvoirs publics ont pris des mesures rapides et d'une portée sans précédent pour faire face à la crise sanitaire et à la chute de l’activité économique provoquées par la pandémie de COVID-19. La première priorité des autorités publiques a été de contenir et d’atténuer la propagation du virus. Une fois les mesures de confinement mises en place, les pays ont d’abord agi pour atténuer les difficultés et maintenir la capacité productive de l’économie. À mesure que la pandémie se prolonge et que l’incertitude sur son évolution perdure, les responsables publics commencent à étoffer et à compléter ces mesures d’urgence. Certains pays ont assoupli leurs règles de confinement et annoncent des programmes de relance de leur économie.

Cette section recense les mesures fiscales qui ont été prises en vue d'atténuer l’impact de la crise du COVID-19, en mettant l'accent sur les mesures afférentes à la TVA qui ont été intégrées dans les réponses de politique fiscale et budgétaire de la plupart des pays. Après avoir rappelé le contexte général dans lequel s’inscrivent les réponses des pays à la pandémie de COVID-19, cette section décrit les mesures qui se rattachent à la politique et à l'administration de la TVA mises en place par les pays de l’OCDE, en insistant sur les réactions immédiates et à court terme à la pandémie. Elle examine tour à tour les mesures relatives à la TVA destinées à soutenir la trésorerie des entreprises, alléger les coûts de la discipline fiscale pour les entreprises et aider le secteur de la santé, avant de conclure et d’envisager les politiques d'après-crise.

Cette section s'appuie sur une base de données (https://oecd.org/tax/covid-19-tax-policy-and-other-measures.xlsm) compilée par l’OCDE sur les réponses de politique fiscale à la crise du COVID-19. Les autres sources importantes de données sont l'édition 2020 des Réformes des politiques fiscales : Pays OCDE et économies partenaires (OECD, 2020[36]) et le rapport intitulé Les réponses de politiques fiscale et budgétaire à la crise du coronavirus : Accroître la confiance et la résilience (OECD, 2020[37]).

L’incertitude qui entoure l’évolution de la crise sanitaire et économique du COVID-19 reste élevée. Pour analyser les réponses des pouvoirs publics à cette crise, il est utile de décomposer la crise en différentes phases qui peuvent chacune justifier une approche spécifique. Reconnaissant les possibilités de chevauchement et de variations d'un pays à l’autre, et étant entendu que les pays n’ont pas tous traversé la crise au même rythme dans la mesure où l’épicentre de la pandémie s’est déplacé entre régions, le graphique 2.4 donne une vision schématique de ces différentes phases et de l'évolution attendue des réponses des pouvoirs publics.

En phase initiale (Phase 1), les pays confrontés au nouveau virus ont mis en œuvre des mesures de confinement et d’atténuation, visant essentiellement à interrompre la propagation de l’épidémie. Pendant cette phase, les politiques fiscales et budgétaires au sens large se sont attachées à améliorer la liquidité et à apporter des compléments de revenu. Alors que la crise sanitaire se poursuit et que les mesures de confinement restent en vigueur, les mesures fiscales et budgétaires évoluent peu à peu vers un effort plus durable pour atténuer les effets négatifs du confinement (Phase 2). À mesure que les pays assouplissent leurs mesures de confinement et d’atténuation, les dispositions visant à maintenir les entreprises et les ménages à flot et à limiter les difficultés cèdent la place à des programmes de redémarrage de l'activité, comprenant des politiques de relance budgétaire (Phase 3). Le chemin vers la reprise n’est probablement pas linéaire : il pourrait y avoir un certain chevauchement avec la Phase 2, dès lors que la levée des mesures de confinement et d’atténuation est progressive ou partielle. Il est probable que des mesures de confinement soient reconduites dans les pays touchés par une nouvelle vague de la pandémie. Une fois la reprise installée, on peut s'attendre à ce que les pouvoirs publics mettent l'accent sur le redressement des finances publiques, et s'attachent à renforcer la résilience face aux risques sanitaires, mais aussi à d'autres risques connus, y compris le changement climatique (Phase 4).

Les responsables de la politique budgétaire dans les pays de l’OCDE se sont employés à amortir l’effet immédiat de la crise, en poursuivant des objectifs très similaires : éviter les difficultés et alléger les contraintes pour les ménages et les entreprises provoquées par la pandémie de COVID-19 et par les restrictions imposées pour contenir le virus ; et faire en sorte que les ménages et les entreprises puissent reprendre une activité économique lorsque le pire de la crise sera passé. Pour les entreprises, il s’est généralement agi de soutenir leur trésorerie pour les maintenir à flot. Pour les particuliers, la priorité a consisté à apporter une aide aux revenus des ménages les plus directement touchés. La plupart des pays de l’OCDE ont également pris des mesures destinées à alléger les coûts de la discipline fiscale pour les entreprises et à assurer la continuité de l'administration publique, ainsi qu’à améliorer le financement et le fonctionnement du secteur de la santé. La plupart des mesures adoptées pendant la phase d’urgence ont pris immédiatement effet et étaient limitées dans le temps. Ces réponses d’urgence reposaient souvent sur l’hypothèse selon laquelle la phase de confinement serait plus courte qu’elle ne l'a été en réalité. Alors que la crise se prolongeait, les pays ont poursuivi leurs efforts pour maintenir les entreprises et les ménages à flot, et ont souvent étoffé leur programme initial de mesures. Certains pays ont prorogé les mesures de crise existantes, et renforcé leur soutien aux catégories qui n’étaient pas couvertes par les mesures initiales.

Cet aperçu se concentre sur les mesures prises par les pays de l’OCDE dans le domaine de la TVA, dans le cadre de leurs réponses fiscales et budgétaires pour aider les ménages et les entreprises au cours des phases d’urgence, d'atténuation et de confinement de la crise du COVID-19 (Phases 1 et 2 décrites ci-avant). Les mesures visant les personnes physiques avaient généralement pour but de prévenir les difficultés et d’alléger les contraintes dues aux restrictions induites par les stratégies d'atténuation et de confinement. La plupart des pays ont pris des mesures de soutien au revenu des ménages, généralement au moyen de transferts monétaires majorés en faveur des ménages les plus vulnérables. Cette aide aux ménages s’est faite principalement sous forme de paiements directs, plutôt que par le système fiscal.

Les mesures relatives à la TVA ont fait avant tout partie des réponses fiscales des pays visant à soutenir les entreprises. Les mesures fiscales à l’intention des entreprises, qu’il s’agisse de personnes morales ou de travailleurs indépendants, avaient généralement pour objet de contribuer à atténuer les difficultés de trésorerie afin d’éviter des problèmes en cascade, notamment des licenciements, une incapacité à payer des fournisseurs, des fermetures ou des faillites. Le soutien à la trésorerie s’est appuyé sur des mesures fiscales et non fiscales. Les dispositifs de garantie de prêts, par lesquels l’État garantit tout ou partie de la valeur des prêts accordés à des entreprises éligibles, ont été l’instrument non fiscal le plus souvent utilisé par les économies de l’OCDE et les économies partenaires pendant la crise. L’octroi de prêts à taux zéro et de subventions de faible montant, qui ciblent le plus souvent les petites entreprises et les entreprises appartenant aux secteurs les plus touchés, fait partie des autres mesures engagées. La mesure fiscale la plus fréquemment utilisée pour soutenir la trésorerie des entreprises a été le report des paiements de l’impôt. De nombreux pays ont complété ces mesures de soutien à la trésorerie des entreprises par des dispositions visant à alléger les obligations déclaratives et autres contraintes de discipline fiscale pendant la phase d'atténuation et de confinement de la crise. La plupart des pays ont également pris des mesures fiscales pour aider le secteur de la santé et faciliter les réponses médicales d’urgence.

Les mesures en matière de politique et d’administration de la TVA ont été un volet important des réponses fiscales des pays pour aider les entreprises et le secteur de la santé au cours des phases d'atténuation et de confinement. La section suivante passe en revue les mesures relatives à la TVA visant à renforcer la trésorerie des entreprises. Elle décrit ensuite les dispositions prises pour alléger les contraintes liées à la discipline fiscale pour les entreprises et, en dernier lieu, recense les mesures liées à la TVA destinées à aider le secteur de la santé.

La plupart des mesures prises par les pays de l’OCDE ont cherché à faire en sorte que les entreprises disposent d’une trésorerie suffisante, en recourant à un panachage de mesures fiscales et non fiscales. La mesure fiscale la plus fréquemment utilisée pour soutenir la trésorerie des entreprises a été le report des paiements de l’impôt. Elle s'applique habituellement aux impôts qui nécessitent des versements fréquents (mensuels ou trimestriels), y compris les paiements d'acompte de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et des cotisations de sécurité sociale (CSS).

Les décisions de report du paiement de la TVA ont joué un rôle essentiel dans les réponses de politique et d'administration fiscales à l’appui de la trésorerie des entreprises. La TVA est souvent due avant que les entreprises aient effectivement été payées par leurs clients (au moment de la facturation, par exemple). Lorsque le volume des retards ou des défauts de paiement monte en flèche, les entreprises sont de plus en plus incitées à préfinancer la TVA sur les ventes que leurs clients ne leur ont pas encore payées ou qu’ils risquent de ne jamais leur payer. Compte tenu de la périodicité rapprochée des déclarations et des paiements de la TVA (mensuelle ou trimestrielle), la pression subie par les entreprises pour préfinancer des montants potentiellement très élevés de TVA qui n'ont pas été payés par leurs clients peut très vite aggraver leurs problèmes de trésorerie. Aussi, le report du paiement de la TVA a occupé une place de choix parmi les mesures fiscales adoptées par la plupart des pays de l’OCDE pour soulager les pressions sur la trésorerie des entreprises. Ces mesures ont non seulement affranchi temporairement les entreprises de l’obligation de préfinancer la TVA sur des factures non payées, mais se sont aussi avérées être un moyen efficace et simple de leur apporter un soutien financier en leur permettant d’affecter temporairement à leur fonds de roulement les montants de TVA encaissés.

La plupart des pays ont complété les reports de paiement de la TVA par une suspension ou une réduction des pénalités et/ou des charges d'intérêts normalement appliquées en cas de retard de paiement. Le paiement de pénalités ou d’intérêts peut aggraver les problèmes de trésorerie des entreprises, et être un facteur de tensions importantes pour certains assujettis durant les périodes d'atténuation et de confinement, en particulier s’ils se heurtent à des difficultés de communication avec l’administration fiscale sur ces questions, ou bien dans l’exercice de leurs droits de recours. Des reports de paiement et des suspensions de pénalités et/ou d’intérêts de retard de même type ont été mis en place au titre des taxes sur les ventes au détail dans la plupart des États américains.

La procédure à suivre et les conditions à remplir pour bénéficier d'un report des paiements de la TVA et de la suspension des pénalités et/ou des intérêts de retard varient d'un pays à l'autre, tout comme la durée et d'autres modalités de ces mesures. La plupart des pays ont demandé aux entreprises d'adresser une demande d'allégement et/ou de prouver l’existence d'un lien avec la crise du COVID-19. Certains pays ont opté pour une application automatique de ces mesures. Dans plusieurs autres pays, ces mesures s’adressent à l’ensemble des entreprises, alors que dans d'autres, elles sont réservées à certains secteurs (tourisme, vente au détail, loisirs et hébergement par exemple) ou ciblent les petites et moyennes entreprises (PME) ou les travailleurs indépendants. Certains pays offrent aux entreprises la possibilité d'opter pour un report partiel ou de négocier un calendrier de paiement souple avec leur administration fiscale.

Plusieurs pays (environ un tiers des Membres de l’OCDE) ont pris des dispositions en vue d'accélérer et/ou d’améliorer le traitement des demandes de remboursement de la TVA d'amont, principalement en modifiant les pratiques administratives plutôt qu’en intervenant sur la législation ou la réglementation. Faciliter le remboursement des crédits de TVA est probablement aussi important pour la trésorerie des entreprises qu’un report du paiement de la taxe. Alors que le recul des ventes entraîne une baisse de la TVA d'aval pour la plupart des entreprises, elles continuent de supporter la TVA d’amont sur des coûts fixes et d'autres achats professionnels. Les montants en jeu peuvent être considérables car de nombreuses entreprises peuvent être tenues par des obligations de paiement en vertu de contrats de longue durée, par exemple au titre de fonctions essentielles sous-traitées à des prestataires extérieurs. Cette situation peut entraîner une augmentation du montant des crédits de TVA d’amont, à savoir la TVA payée sur des dépenses et des investissements et qui ne peut pas être imputée à la TVA prélevée sur les ventes. Cela peut produire des effets en cascade, avec des entreprises qui n’honorent pas leurs factures afin d’éviter la charge croissante de la TVA non remboursable, et une propagation de ces défaillances tout le long de la chaîne d'approvisionnement.

Les mesures prises par les administrations fiscales pour améliorer le remboursement de la TVA comprennent la réorganisation interne des activités afin d'accélérer le traitement des demandes de remboursement, notamment en réorientant les capacités administratives dans ce but ; la simplification des procédures, notamment par le recours accru aux processus électroniques/en ligne plutôt que manuels ; l’allégement des contrôles de risques normalement effectués avant les remboursements ; la compensation des remboursements de TVA avec d'autres dettes fiscales ou autres (cotisations de sécurité sociale, par exemple). En général, les administrations fiscales ont simplifié ou accéléré le remboursement de la TVA pour les demandes inférieures à un certain seuil (le plus souvent compris entre 10 000 et 30 000 EUR) ou pour les entreprises ayant de bons antécédents en matière de discipline fiscale afin de limiter les risques de fraude.

Un assouplissement temporaire des conditions d’exonération de TVA sur les créances irrécouvrables et un élargissement de l'accès aux régimes de comptabilité de caisse font également partie des mesures de soutien à la trésorerie des entreprises. L’exonération de la TVA sur les créances irrécouvrables permet aux entreprises de ne pas acquitter la TVA sur les ventes qui ne leur ont pas été payées. La plupart des systèmes de TVA prévoient cette exonération à des conditions relativement strictes. Un assouplissement temporaire de ces conditions (raccourcissement de la période pendant laquelle la dette est restée impayée) pourrait être un moyen efficace d'alléger la pression sur la trésorerie des entreprises qui risquent de voir leurs délais et défauts de paiement monter en flèche alors que la crise du COVID-19 se prolonge. Les régimes de comptabilité de caisse, pour leur part, permettent aux entreprises de facturer la TVA sur leurs ventes sur la base des paiements qu’elles reçoivent, plutôt que sur la base des factures qu’elles émettent. Elles doivent payer leurs fournisseurs avant de pouvoir réclamer le remboursement de la TVA sur leurs intrants. Ces régimes soulagent la trésorerie des entreprises, qui n’ont pas à verser la TVA aux autorités fiscales tant qu’elles n’ont pas été payées par leurs clients. Ces régimes sont habituellement réservés aux petites et moyennes entreprises, sous réserve de remplir certaines conditions. Bien que l’assouplissement temporaire des conditions d'accès à ces régimes puisse venir soutenir la trésorerie des entreprises pendant la crise du COVID-19, les autorités fiscales des pays de l’OCDE n’ont généralement pas jugé utile d’y recourir. La plupart des pays de l’OCDE ont misé avant tout sur le report du paiement de la TVA, ainsi que sur le prolongement de cette mesure le cas échéant, pour soutenir la trésorerie des entreprises à mesure que la crise du COVID-19 se prolongeait.

Si le report du paiement de la TVA est généralement considéré comme un moyen efficace et relativement simple de soutenir la trésorerie, les autorités fiscales ont souligné que cette mesure doit être soigneusement encadrée afin notamment de minimiser les risques de fraude (utilisation frauduleuse des reports de paiement) et d'éviter que les dettes de TVA cumulées atteignent un niveau insoutenable ou que les reports de paiements entrainent de graves problèmes de trésorerie ultérieurs en rendant plus difficile encore pour les assujettis le retour à une situation normale.

Les autorités fiscales de nombreux pays de l’OCDE ont mis en place des mesures visant à alléger les contraintes de discipline fiscale pendant la phase d'atténuation et de confinement de la crise du COVID-19. Les mesures destinées à faciliter le respect des obligations en matière de TVA sont particulièrement importantes dans ce contexte, au regard du volume et de la fréquence des obligations de dépôt et de déclaration associées au fonctionnement de cette taxe (déclarations, factures, listes des ventes, etc.).

Plus d'un tiers des pays de l’OCDE ont prolongé les délais de dépôt des déclarations de TVA et des formulaires associés, généralement à la demande des entreprises, en renonçant à appliquer des pénalités pour dépôt tardif. Certaines autorités fiscales ont simplifié les obligations déclaratives, en autorisant le calcul de la TVA due sur la base de la meilleure estimation possible. Plusieurs administrations fiscales ont indiqué recourir davantage aux circuits de communication numériques pour simplifier le respect des obligations fiscales (immatriculation à la TVA notamment), faciliter les relations avec les assujettis et réduire les contacts physiques. Cela inclut l’utilisation plus systématique des messages numériques, des systèmes de communication en ligne en temps réel, des médias sociaux, des applications mobiles, des lignes d'assistance (avec fonctionnalités de rappel le cas échéant), des applications mobiles, des assistants virtuels, etc. Cette évolution est particulièrement importante pour les assujettis qui font appel à des intermédiaires ou des personnels et des systèmes spécialisés pour remplir leurs déclarations, traiter leurs factures, gérer leur immatriculation à la TVA et leurs demandes de remboursement, produire des listes, etc. Le travail à distance rend souvent ces tâches plus difficiles, voire même impossibles pour les assujettis, par exemple pour des raisons d’accès aux systèmes et de sécurité, et il peut arriver que des membres essentiels du personnel soient indisponibles pour maladie ou à cause de leurs responsabilités familiales.

En général, le report des délais de dépôt et de déclaration est possible uniquement sur demande et/ou dans des circonstances bien délimitées, en fonction des diverses conséquences possibles de ces mesures sur les assujettis comme sur les administrations nationales. Les déclarations de TVA constituent une source importante d’informations pour évaluer et comprendre l’impact économique du COVID-19, repérer les entreprises et/ou les secteurs ayant besoin d’une aide complémentaire, faciliter la bonne gestion des risques de conformité et des créances irrécouvrables et observer si l’activité économique commence à repartir. Les déclarations de TVA peuvent aussi être utilisées à l'appui des décisions d’octroyer des aides en espèces ou d'autres prestations publiques. Pour les entreprises, le dépôt des déclarations de TVA est habituellement nécessaire pour obtenir le remboursement de crédits de TVA, de sorte que le prolongement des délais de dépôt accentuerait les pressions sur leur trésorerie au lieu de leur faciliter la tâche.

Plusieurs pays ont temporairement suspendu les contrôles et autres actions d’exécution et/ou de mise en recouvrement afin d'éviter d'aggraver les difficultés des entreprises et d'alourdir leurs coûts en termes de ressources et de temps pendant la crise du COVID-19. Les cas de fraude ou d’entreprises ayant un profil à haut risque ont généralement été exclus de ces mesures.

Certains pays ont reporté des réformes qui devaient être mises en œuvre. Ainsi, l’Union européenne a repoussé la mise en œuvre des nouvelles règles relatives au commerce électronique du 1er janvier 2021 au 1er juillet 2021. Cette réforme englobe un ensemble complet de mesures relatives à la TVA applicables au commerce électronique, avec notamment la suppression de l’exonération de TVA sur l’importation de biens de faible valeur et son remplacement par un régime d'importation spécial qui oblige le vendeur ou la place de marché en ligne à facturer la TVA au point de paiement par le client. Les réformes qui ont été ajournées dans d'autres pays incluent le report des obligations de déclaration en temps réel et de la mise en place de nouvelles règles sur la facturation électronique, d’obligations de déclaration électronique et des formats correspondants, le report de l’introduction de caisses enregistreuses électroniques, ainsi que le report de révisions des taux de TVA.

La plupart des pays de l’OCDE et des économies partenaires ont adopté des mesures visant à améliorer les soins aux patients et à réduire la pression sur les systèmes de santé. Les dispositions relatives à la TVA ont été au cœur de ces programmes d'aide au secteur médical et à celui de la santé. La plupart des pays de l’OCDE ont instauré des taux nuls (ou réduits) pour les fournitures et importations de matériel médical et de produits sanitaires (gants, masques, désinfectant pour les mains...) et pour les services de santé lorsqu’ils n'étaient pas déjà exonérés de TVA ou soumis à des taux réduits selon les règles normales. L’Union européenne a décrété une suspension de six mois de la TVA et des droits de douane pour les équipements de protection, les kits de dépistage et le matériel médical tel que les respirateurs. Depuis lors, cette mesure a été prolongée de six mois supplémentaires. Plusieurs pays ont décidé d'appliquer temporairement un taux de TVA nul au détachement de personnel dans des établissements de santé, et ont pris des mesures visant à maintenir la déduction de la TVA d’amont sur les articles donnés par des entreprises aux établissements de santé, ou à éviter que les dons déclenchent une dette de TVA (voir les notes pays correspondant au Tableau annexe 2.A.2 et à la section 2.2 ci-dessus).

Cette section a donné un aperçu des principales mesures de politique et d'administration relatives à la TVA prises par les pays de l’OCDE dans le cadre des réponses de politique fiscale et budgétaire à court terme élaborées au cours des phases d'atténuation et de confinement de la crise du COVID-19. Alors que la crise se prolongeait, les pays ont poursuivi leurs efforts pour maintenir les entreprises et les ménages à flot, et ont souvent étoffé leur programme initial de mesures. Certains pays ont prorogé les mesures de crise existantes et élargi leur soutien à des catégories qui n’étaient pas couvertes par les mesures initiales. L’expérience des pays et le retour d’information des milieux d’affaires via Business@OECD (BIAC) laissent penser que les mesures relatives à la TVA visant à soutenir la trésorerie et à alléger les contraintes liées au respect des règles de TVA ont joué un rôle particulièrement important pour atténuer l’impact de la crise sur les entreprises. Les reports de paiement de TVA, le remboursement rapide et simplifié des crédits de TVA et l’exonération de TVA sur les créances irrécouvrables figurent au nombre des mesures particulièrement importantes pour soutenir la trésorerie des entreprises. Les mesures destinées à simplifier temporairement les procédures et formalités relatives à la TVA en passant de processus manuels à des procédures électroniques et en ligne sont jugées essentielles pour alléger la charge que représente la discipline fiscale et pour permettre aux entreprises de faire face aux restrictions liées aux stratégies d’atténuation et de confinement mises en place dans de nombreux pays.

Le passage de la phase d'atténuation et de confinement à la reprise devrait être progressif et se faire à un rythme différent d'un pays à l'autre. L’activité économique devrait reprendre progressivement, mais de lourdes restrictions pourraient continuer de s’appliquer dans certains secteurs, ou les restrictions en place pourraient être de nouveau durcies en cas de résurgence de l’épidémie. À mesure que les économies se rétablissent, les pays devraient continuer de réévaluer leurs mesures à court terme, en supprimer certaines et en généraliser ou en étoffer d'autres, et mettre en œuvre des politiques de relance dès lors qu'elles constituent l'option la plus efficace pour stimuler la reprise économique. Il faudra réfléchir attentivement à l’opportunité de prolonger les aides aux entreprises, notamment au moyen du report du paiement de la taxe, afin de réduire les risques de fraude et d’impact négatif sur la discipline fiscale, et de limiter les répercussions sur la capacité des pays à mobiliser des recettes fiscales à moyen terme. Cela pourrait nécessiter de cibler plus étroitement le soutien public, notamment en faveur des entreprises présentant un faible risque et/ou ayant de bons antécédents en matière de discipline fiscale, ainsi que des entreprises économiquement viables ou en bonne santé, de manière à ne pas maintenir artificiellement en vie des entreprises "zombies" qui n'auraient pas survécu en l'absence de mesures de confinement et d’atténuation. Les mesures à court terme devront être supprimées en évitant toute augmentation brutale des dettes fiscales. La levée de mesures comme le report de l’impôt devrait se faire de telle manière que lorsque le paiement des impôts a effectivement été reporté, les dettes fiscales importantes ne créent pas de « falaises », qui risqueraient d’entraîner des problèmes de solvabilité pour les entreprises en cours de redressement et de mettre en péril la reprise.

Les annonces et discussions récentes donnent à penser que la reprise sera étayée par une politique budgétaire expansionniste. Des discussions ont débuté, à la fois dans les pays qui suppriment les mesures de confinement et dans ceux qui sont toujours en phases d'atténuation et de confinement. La plupart des pays ont indiqué que les mesures publiques de relance constitueront un pilier de tout effort en faveur d’une reprise inclusive et durable. Ces mesures pourraient inclure des dispositifs de soutien à la consommation au moyen de baisses temporaires des taux de TVA applicables à toutes les catégories de consommation (Allemagne et Irlande, par exemple) ou à certaines catégories, certains biens ou secteurs tels que le tourisme et l’hébergement (Belgique, Norvège et Royaume-Uni, par exemple). Ces baisses temporaires des taux de TVA soulèvent des questions, car des éléments montrent que l’impact des taux de TVA réduits sur la consommation et sur les prix pourrait être de courte durée et qu’il serait difficile de revenir sur ces taux une fois instaurés, sous peine d’entraîner une hausse des prix nets. En outre, les baisses de taux de TVA devraient profiter avant tout aux ménages qui dépensent le plus, ceux à revenu intermédiaire et élevé. D'après le retour d’information des entreprises, la charge de conformité supplémentaire induite par la révision des taux de TVA est souvent considérable. D’un autre côté, une baisse temporaire de la TVA pourrait doper l’investissement et la confiance du public, et inciter les consommateurs à anticiper certains achats, notamment de biens durables.

La politique fiscale devrait rester un volet important des stratégies menées par les pays pour étayer la reprise et restaurer les finances publiques de façon équitable et durable après la crise. Les pays devraient réfléchir à un large éventail d'options, qui pourraient englober des efforts pour relever les défis fiscaux internationaux soulevés par la numérisation de l'économie (Pilier 1) et mettre en place un impôt minimum sur les sociétés (Pilier 2), améliorer la progressivité des systèmes fiscaux et renforcer le rôle de la taxation du carbone. Les gouvernements pourraient aussi envisager de recourir à des bases d'imposition nouvelles et sous-employées. Confrontés à la nécessité d'accroître les recettes fiscales, les pouvoirs publics peuvent s'attacher à mobiliser les recettes fiscales les moins préjudiciables à la croissance, et notamment les impôts périodiques sur la propriété immobilière et les impôts généraux sur la consommation.

L’OCDE continuera d'analyser les réponses des pays à la crise du COVID-19. Il est essentiel de suivre les mesures de politique fiscale pour éclairer les débats et aider les pouvoirs publics à faire face à la crise.

Pour les tableaux en annexe, les références à ‘l’Union européenne et à ses États membres’ englobent le Royaume-Uni en tant qu’État membre pour janvier 2020 et en tant qu’ajout aux États membres (‘les États membres et le Royaume-Uni’) pour la période comprise entre le 1er février 2020 et la fin décembre 2020.

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[2] OECD/KIPF (2014), The Distributional Effects of Consumption Taxes in OECD Countries, OECD Tax Policy Studies, No. 22, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264224520-en.

[3] Thomas, A. (2020), “Reassessing the regressivity of the VAT”, OECD Taxation Working Papers, No. 49, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/b76ced82-en.

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