Résumé

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a déclenché une crise humanitaire majeure et provoqué des ondes de choc dans toute l’économie mondiale. Plusieurs millions d’Ukrainiens – principalement des femmes et des enfants – ont fui leur pays pour trouver refuge dans des pays d’Europe et d’ailleurs. La hausse des prix des produits de base provoquée par le conflit attise les tensions inflationnistes causées par les perturbations des chaînes d’approvisionnement, tensions qui pèsent sur les revenus réels depuis quelque temps. Le choc économique a ébranlé le dynamisme de la reprise consécutive à la crise du COVID-19, même si l’embellie sur le marché du travail s’est poursuivie au cours des premiers mois de 2022. Toutefois, en dépit d’une croissance soutenue de l’emploi, le revenu disponible réel des ménages était déjà en baisse en glissement annuel au dernier trimestre 2021. Dans de nombreux pays, on estime que ce recul a continué début 2022, la croissance des salaires n’ayant pas suivi le rythme de l’inflation.

Si l’activité économique a rebondi plus vite que prévu au sortir de la crise du COVID-19, le redressement du marché du travail reste inachevé et inégal selon les pays et les secteurs, et il est menacé par la guerre en Ukraine. La pandémie n’est pas terminée et continue d’influer sur la dynamique de l’emploi dans les différents secteurs d’activité. Ainsi, les secteurs offrant de faibles rémunérations, comme les activités d'hébergement et de restauration, sont à la traîne, ce qui a des retombées importantes sur les catégories de travailleurs concernées. Même si les répercussions inégales supportées par différentes catégories de travailleurs au début de la crise sont partiellement résorbées, les jeunes, les travailleurs peu qualifiés et les travailleurs à bas salaire restent les laissés-pour-compte de la reprise dans de nombreux pays. La situation est la même pour les minorités raciales/ethniques dans beaucoup des quelques pays pour lesquels on dispose de données. Ces groupes ont aussi été durement touchés par la hausse des prix des produits de base : les ménages modestes consacrent non seulement une part plus grande de leurs revenus à la consommation, mais l’énergie et l’alimentation représentent une proportion importante de leurs dépenses de consommation.

Les pays de l’OCDE ont pris des mesures sans équivalent pour contrer la crise du COVID-19, en associant aux politiques de l’emploi et de la protection sociale déjà en place des mesures d’urgence rapides et de grande ampleur dans différents domaines. Ces interventions ont protégé efficacement les emplois et les revenus et jeté les bases d’une reprise vigoureuse du marché du travail. À la fin de l’année 2021, les dispositifs de lutte contre la crise avaient pour la plupart été supprimés compte tenu du net rebond de l’activité économique. Le caractère d’urgence des mesures adoptées a justifié, dans certains domaines, que les aides ne soient pas suffisamment ciblées, aboutissant à des niveaus de dépenses trop élevés et des incitations à sortir des dispositifs d’aide parfois trop faibles. Si les mesures de soutien de grande ampleur ont empêché que les inégalités de revenu ne se creusent encore davantage dans de nombreux pays de l’OCDE, certains groupes de travailleurs durement touchés par la crise et non couverts par le système en place n’ont pas été suffisamment protégés. La guerre en Ukraine engendre à son tour de nouvelles difficultés pour les politiques sociales et du marché du travail. Dans ce contexte, de nombreux pays ont rapidement pris des mesures pour prendre en charge les arrivées massives de réfugiés ukrainiens et compenser la forte hausse des prix de l’énergie, tandis que d’autres interventions sont encore à l’étude.

La concentration du marché du travail, caractérisée par un petit nombre d’employeurs en concurrence pour attirer les travailleurs, est l’une des principales causes du pouvoir de monopsone, c’est-à-dire de la capacité des employeurs à fixer les salaires de manière unilatérale, ce qui peut déboucher sur des niveaux d’emploi et de rémunération trop bas pour être efficients. Il ressort de la plus importante analyse internationale de la concentration du marché du travail réalisée jusqu’à présent, fondée sur les offres d’emploi publiées en ligne dans 16 pays avancés, qu’au moins un actif sur six dans le secteur privé travaille sur un marché du travail concentré, voire plus dans les zones rurales et pour certains groupes comme les travailleurs de première ligne. Les données empiriques tendent à confirmer que la concentration a une incidence négative sur l’emploi, tandis que des données harmonisées portant sur un sous-échantillon de pays montrent que la concentration fait baisser les salaires et accroît la précarité de l’emploi. Dans ces conditions, les pouvoirs publics doivent redoubler d’efforts pour lutter contre le pouvoir de monopsone sur les marchés du travail en réglementant les pratiques anticoncurrentielles comme la collusion en matière de fixation des salaires et les clauses de non-concurrence, et repenser les autres politiques du marché du travail, notamment s’agissant du salaire minimum et des négociations collectives.

Un tiers environ de l’ensemble des inégalités salariales s’explique par les pratiques différentes des entreprises en matière de fixation des salaires plutôt que par les différences de niveau et de rendement des qualifications des travailleurs. Les écarts de politiques salariales entre entreprises sont, quant à eux, liés aux écarts de productivité, mais aussi à des disparités en termes de pouvoir de négociation des salaires. Pour faire face à des inégalités salariales élevées, et parfois en hausse, les politiques centrées sur les travailleurs (éducation, formation des adultes, par exemple) doivent être complétées par des politiques axées sur les entreprises. Il s’agit notamment des mesures visant à aider les entreprises à la traîne à rattraper les niveaux de productivité des entreprises à la pointe, à promouvoir la mobilité professionnelle entre entreprises, et à limiter le pouvoir de monopsone des employeurs sur les marchés du travail. Toutes ces mesures permettraient d’augmenter les salaires et de résorber les inégalités salariales sans peser sur l’emploi et la production.

Si elle est conçue et mise en œuvre avec discernement, les données disponibles suggèrent que la réduction du temps de travail pourrait dasn certaines circonstances améliorer le bien-être des travailleurs sans toutefois nuire à l’emploi et à la productivité. L’analyse de différentes réformes législatives nationales et de réductions contractuelles du nombre d’heures travaillées au niveau des entreprises montre que la réduction du temps de travail (à salaire mensuel constant) pourrait préserver l’emploi et améliorer le bien-être à condition que l’impact sur les coûts unitaires de main-d’œuvre soit limité (soit en raison des gains de productivité induits, soit en raison des subventions publiques), ou si la réduction intervient dans des situations où les employeurs jouissent d’un pouvoir de monopsone important. Ces effets positifs sont plus susceptibles de se produire lorsque les partenaires sociaux ont la latitude de négocier ensemble temps de travail, salaires et organisation globale du travail. Par ailleurs, le recours accru aux horaires de travail flexible pourrait avoir une certaine incidence positive sur la santé et la satisfaction des travailleurs, ainsi que sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le télétravail pourrait aussi améliorer la satisfaction des travailleurs - mais ses conséquences sur l’équilibre vie professionnelle-vie privée et la santé varient.

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