4. Taxer les véhicules et leur usage

Dans la plupart des pays de l’OCDE, l'achat d'un véhicule, sa détention et son usage ont commencé à être taxés au cours de la première moitié du XXe siècle jusqu’à devenir, dans bien des cas, une importante source de recettes pour les pouvoirs publics. Tous les pays membres s'appuient sur un vaste arsenal d’instruments fiscaux applicables aux propriétaires de véhicule et aux usagers de la route, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises. La fiscalité des véhicules et de leur usage au sens large illustre bien l’utilisation possible de toute la panoplie des impôts sur la consommation, tels que la TVA ou d’autres impôts fondés sur la quantité (ad quantum) ou la valeur (ad valorem) (voir les définitions dans le chapitre 3). Dans un nombre croissant de pays, les autorités y intègrent peu à peu les objectifs environnementaux et climatiques.

Les taxes et autres impositions applicables aux véhicules comportent principalement :

  • Les impôts liés à l’achat (TVA et taxes sur les ventes au détail) et à l’immatriculation des véhicules à moteur (droits et redevances, considérés comme des impôts pour les besoins du présent chapitre) dus au moment de l'acquisition et/ou de la première utilisation du véhicule (voir Tableau annexe 4.A.1 et Tableau annexe 4.A.3 ;

  • Les impôts périodiques dus au titre de la possession ou de l’utilisation des véhicules (voir Tableau annexe 4.A.3 ;

  • Les taxes sur les carburants routiers (voir Tableau annexe 4.A.4 et Tableau annexe 4.A.5) ; et

  • Les taxes sur les carburants d’aviation (voir Tableau annexe 4.A.6)

Les impôts sur les véhicules sont le fruit d'une longue évolution et résultent d'influences variées, non circonscrites à la nécessité de lever des recettes. Qu’il s’agisse du contexte géographique, industriel et social ou encore des politiques liées aux questions énergétiques, aux transports, à l’urbanisme ou à l’environnement, toutes ces considérations pèsent sur le niveau et la structure de l’imposition. Les effets redistributifs des impôts sur les véhicules ont eux aussi évolué. Une grande partie a vu le jour alors que l’automobile était considérée comme un objet de luxe. Leur progressivité a diminué à mesure que le taux de motorisation augmentait (aujourd'hui, les ménages à bas revenu sont nombreux à posséder au moins une voiture).

Dans la plupart des pays, la fiscalité des véhicules mêle des dispositifs d'application ponctuelle (intervenant au moment de l’achat ou de l’importation) et récurrente (lorsqu’ils visent les propriétaires de véhicules ou leur utilisation) auxquels s’ajoute un ensemble de prélèvements ad valorem (sur le prix) et ad quantum (fondés sur les volumes d’émissions polluantes, le poids du véhicule, la puissance du moteur, le nombre d’essieux, l’âge, la consommation spécifique moyenne de carburant, l’équipement, la suspension, la cylindrée, le nombre de places, le type de carburant consommé, la propulsion électrique ou la distance parcourue). Dans la plupart des pays de l’OCDE, les véhicules utilisés par les pouvoirs publics (sapeurs-pompiers, police, forces armées, autorités locales, services de secours, etc.), les véhicules pour personnes handicapées et les véhicules des missions diplomatiques sont exonérés des impôts liés à l’achat, à l’immatriculation et/ou à l’utilisation de véhicules à moteur.

Les impôts liés à l'achat/à l’immatriculation et à l’utilisation de véhicules à moteur ne peuvent être considérés isolément des autres bases et taux d’imposition. La fiscalité des véhicules englobe aussi les taxes sur la prime d'assurance, certains péages (péages de pont ou d'autoroute, redevances de congestion et redevances kilométriques), les droits sur les importations, les taxes sur les véhicules de société et les taxes sur le transport de voyageurs (Harding, 2014[1]), dont il n’est pas question dans la présente publication.

Le présent chapitre contient une description des impôts frappant l’achat, l’immatriculation et l’utilisation des véhicules routiers dans les pays de l’OCDE, une attention particulière étant accordée aux prélèvements fondés sur des critères environnementaux (section 4.2). Il traite également du niveau des taxes sur les carburants routiers (section 4.3), notamment des réductions récemment adoptées à titre provisoire pour endiguer la flambée des prix. Il se termine par une analyse du niveau des impôts sur la consommation de carburants d’aviation (section 4.4), notamment des exemptions dont ces carburants font souvent l’objet.

Les pays sont de plus en plus conscients de l’impératif d'atteindre la neutralité en gaz à effet de serre d’ici à la moitié du siècle pour juguler les risques d’évolution dangereuse du climat (OECD, 2021[2]). La concrétisation de cet objectif, défini en 2015 dans l’Accord de Paris, ne se fera pas sans mutations profondes (Filippo Maria D’Arcangelo Ilai Levin Alessia Pagani Mauro Pisu Åsa Johansson, 2022[3]) : Ces transformations impliquent l’élaboration de vastes arsenaux de mesures mêlant tarification directe et indirecte des émissions, des normes et des règlements, complétés, par exemple, de dispositifs de soutien à l’innovation et de neutralisation des effets redistributifs néfastes.

En 2018, les transports, et principalement les transports routiers, étaient responsables d'un quart des émissions directes de CO₂ liées à la combustion d'énergie à l’échelle mondiale (ITF, 2021[4]). Des impôts bien conçus peuvent faire diminuer la pollution et les émissions de gaz à effet de serre et les gouvernements recourent de plus en plus à la fiscalité pour influer sur les comportements de consommation en vue de réduire les émissions de CO₂ imputables aux transports routiers. Ils adaptent notamment un certain nombre d’instruments fiscaux comme les taxes ponctuelles telles que les taxes d'immatriculation, ou récurrentes telles que les taxes annuelles de circulation lorsqu’elles sont calculées sur la base des émissions de CO₂ ou d'autres polluants. De même, les droits d'accise sur les carburants jouent un rôle non négligeable dans la tarification carbone, dont ils constituent une forme implicite. En effet, les études montrent qu'ils restent l’élément déterminant des prix effectifs du carbone dans la zone OCDE (OECD, 2021[2]). L’efficacité de tous ces dispositifs n’en dépend pas moins en grande partie de la manière dont ils sont conçus et déployés dans le cadre d'une politique générale qui tient particulièrement compte des autres solutions envisageables, des liens existants avec d'autres mesures et de l’adhésion du public (Teusch and van Dender, 2020[5]). Il importe à cet égard de prévoir des mécanismes appropriés de compensation afin de protéger les ménages les plus vulnérables (Alonso and Kilpatrick, 2022[6]).

Dans ce contexte, les taxes sur les véhicules routiers ont été progerssivement adaptées pour influencer les comportements des consommateurs et réduire les externalités des transports, en particulier celles d’ordre environnemental et climatique. Ainsi, pour des raisons énergétiques et environnementales, la consommation de carburant ainsi que les émissions de CO₂ et d'autres polluants, entre autres exemples, sont peu à peu intégrées dans le calcul des impôts liés à l'achat et à l’immatriculation des véhicules routiers. De même, des taxes routières ont été mises en place, à l’origine pour financer et entretenir l’infrastructure, mais aussi pour faire face à d'autres externalités des transports routiers, dont les émissions polluantes. Certaines touchent directement les objectifs environnementaux (par exemple celles fondées sur les émissions de CO₂), tandis que d'autres peuvent avoir un lien indirect (par exemple celles assises sur le poids ou la consommation de carburant du véhicule).

Tous les les pays de l’OCDE prélèvent des taxes au niveau national et parfois au niveau infranational sur l’achat et l’immatriculation des véhicules routiers. Ces taxes peuvent comprendre la TVA, les taxes de vente, les droits d'accise et d’autres droits et redevances associés à l’immatriculation d'un véhicule. Le niveau et la structure de ces prélèvements varient considérablement d’un pays à l’autre (voir Tableau annexe 4.A.1 et Tableau annexe 4.A.2). Leur montant est calculé sur la base d’une grande diversité de critères ou d’une combinaison de critères, dont les principaux sont les suivants :

  • Le prix ou la valeur du véhicule ;

  • L’impact environnemental direct, c’est-à-dire le volume de CO₂ ou d'autres polluants émis ;

  • Les caractéristiques du véhicule : type de carburant utilisé, poids, cylindrée et puissance du moteur, par exemple. Bien que présentant parfois un lien indirect avec les émissions polluantes, elles n’ont généralement pas été introduites pour des motifs environnementaux ;

  • Certaines considérations sociales, telles qu’un traitement préférentiel accordé aux véhicules d’intervention d’urgence, ambulances, véhicules pour personnes handicapées, véhicules de transport public, etc.

  • L’usage du véhicule, privé ou professionnel ;

  • Les caractéristiques des véhicules de transport de marchandises : nombre d’essieux, volume de cargaison, nombre de places, etc.

Un certain nombre d’autres critères spécifiques peuvent également être pris en compte, comme la présence d’équipements de sécurité ou d’un système d’air conditionné. Un impôt sur les pneumatiques est appliqué aux États-Unis. Dans plusieurs pays, l'imposition dépend aussi de l’âge du véhicule.

Dans tous les pays de l’OCDE, la vente de véhicules est assujettie au taux de TVA standard, sauf aux États-Unis, où il n’y a pas de TVA et où des taxes de vente au détail sont imposées au niveau infranational. Contrairement aux consommateurs finals, les entreprises peuvent généralement bénéficier d'une déduction de la TVA d’amont sur l’achat de véhicules (bien souvent, toutefois, dans certaines limites, voir le chapitre 2). Dans de nombreux pays, la vente des véhicules d'occasion est également soumise à la TVA sous régime de la marge où l'assiette est basée sur la marge du revendeur et non le prix de revente intégral.

Moduler le montant d’un impôt lié à l’achat ou à l’immatriculation d'un véhicule routier en fonction de ses émissions polluantes peut inciter les consommateurs à opter pour un véhicule moins polluant. Cette pratique est à présent observée dans 35 des 38 pays de l’OCDE. Comme indiqué dans le Tableau annexe 4.A.1, en 2022, tous les pays membres de l’OCDE, excepté la Colombie, le Costa Rica et l’Estonie, ont intégré des critères environnementaux ou liés à la consommation de carburant dans le barème d'imposition et/ou les conditions d'éligibilité aux primes liées à l’achat de véhicules, que ce soit à l'échelle nationale ou infranationale. Dix-huit de ces pays (Australie, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Slovénie et Suède) se fondent directement sur les émissions de CO₂. Certains se sont dotés de mécanismes mixtes mêlant surtaxe et subvention selon que le véhicule dépasse ou non un certain seuil d'émission. Huit pays octroient une prime, ou « bonus » (subvention versée par l’État ou une collectivité locale) à l’achat d’un véhicule peu ou non émetteur de CO₂ (Allemagne, Canada, Corée, France, Italie, Nouvelle-Zélande et Suède). Certains frappent d’un « malus » (c’est-à-dire d'un impôt, d'une taxe ou d'une redevance supplémentaire) les véhicules fortement émetteurs de CO₂ (Belgique, Canada, France, Italie et Suède). De nombreux pays appliquent un abattement des taxes, redevances et droits d'immatriculation (voire une exonération totale) pour les véhicules hybrides ou tout-électriques (Autriche, Belgique, Corée, France, Grèce, Hongrie, Islande, Israël, Italie, Luxembourg, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pologne, Portugal, République tchèque, Suède et Türkiye). Par ailleurs, au Chili, en Irlande, en Israël et en Norvège, le niveau d'émission d’oxydes d’azote (NOx) intervient dans le barème des taxes d’immatriculation.

Le Tableau annexe 4.A.2 donne un exemple d’effet cumulé de la TVA, des taxes (locales) d'immatriculation, des redevances et taxes environnementales liées à l’achat et à l’immatriculation de certains types de véhicule (à motorisation électrique, hybride et thermique). La nature des barèmes, prélèvements et allégements pouvant varier à l'intérieur d'un même pays, les chiffres indiqués sont ceux calculés pour la capitale. Ainsi, dans la catégorie des véhicules les plus fortement taxés (à savoir les véhicules à quatre roues motrices et à motorisation thermique émettant plus de 290 g de CO₂/km), la charge fiscale totale représente entre 12 % environ du prix hors taxe du véhicule à Berne (Suisse) et à Washington (États-Unis) (du fait, respectivement, d’un taux de TVA de 7.7 % et d’une taxe sur les ventes de 6 %, de taxes d'immatriculation relativement faibles et de l’absence de taxe sur les émissions de CO₂) et plus de 150 % du prix hors taxe à La Haye (Pays-Bas) (où le taux de TVA est de 21 % et la taxe d'immatriculation, assise sur les émissions de CO₂, est relativement élevée) et à Copenhague (Danemark) (où le taux de TVA est de 25 % et les taxes d'immatriculation, assises sur la valeur et les émissions de CO₂, sont relativement élevées). À Ankara (Türkiye), le montant total dû au titre des impôts liés à l’achat et à l’immatriculation d'un véhicule peut représenter plus de 200 % de son prix hors taxe, en raison du niveau très élevé de la taxe d'immatriculation. À l’inverse, les abattements et bonus fiscaux pratiqués à l’égard des véhicules (tout) électriques peuvent ramener ce montant à un niveau proche de 0 % du prix hors taxe (à Oslo (Norvège) et Reykjavik (Islande)), voire se traduire par une prime à l’achat (c’est le cas à Paris (France), au Luxembourg et à Washington (États-Unis)). Ces chiffres illustrent l’hétérogénéité fiscale qui caractérise la zone OCDE, qu’il s’agisse du niveau ou de la structure des barèmes.

Les véhicules à moteur ne font pas l’objet d’un volume significatif d’achats transfrontaliers motivés par la disparité des fiscalités, dans la mesure où ils ne peuvent être immatriculés que dans le pays principal d’utilisation. La TVA à l’importation d’un véhicule (ou à son « acquisition » si la transaction a lieu au sein de l’UE) est généralement due dans le pays d’immatriculation. En outre , même sur le marché commun de l’Union européenne, les impôts et taux d’imposition applicables aux véhicules automobiles ne sont ni harmonisés, ni même convergents.

Le nombre des pays qui font bénéficier les consommateurs d’incitations fiscales et/ou de primes à l’achat de véhicules électriques est monté en flèche depuis 2010. Ces dispositifs ont fortement influé sur les comportements de consommation ainsi que sur l’offre, même si, dans ce deuxième cas, les normes techniques nationales peuvent aussi jouer un rôle décisif. On constate que les incitations fiscales prévues à l’achat d'un véhicule, entre autres mesures (comme les réductions de tarif de péage et la création de zones à faibles émissions), sont déterminantes dans la décision des consommateurs et des entreprises d'opter pour une solution électrique (International Energy Agency, 2020[7]). Cela dit, l’application de prélèvements obligatoires liés aux émissions de CO₂ est également susceptible de faire grimper le taux de motorisation électrique. Il est particulièrement efficace d’intégrer le prix du carbone dans les ventes de véhicules dès lors que les producteurs et consommateurs peuvent voir les signaux donnés par les prix, y réagir et facilement se tourner vers des solutions bas carbone (John Larsen, 2020[8]).

Tous les pays de l’OCDE prélèvent des taxes sur la possession et/ou l’utilisation d'un véhicule à moteur (voir Tableau annexe 4.A.3). Il s’agit d’impôts, de taxes et de redevances périodiques (taxes de circulation, taxes sur les véhicules à moteur, taxes routières, annuelles ou semestrielles) qui concernent le droit d’usage de la voirie publique. Comme dans le cas des impôts liés à l’achat et à l’immatriculation de véhicules, le barème et la nature de ces impôts périodiques varient grandement d'un pays de l’OCDE à l’autre. Leur montant est calculé sur la base d’éléments très semblables à ceux retenus aux fins des impôts liés à l'achat et à l’immatriculation : la nature de l’utilisation (professionnelle ou non), le type du véhicule concerné, le type de carburant utilisé, la cylindrée, l’âge, les niveaux d’émissions polluantes et la consommation de carburant. Dans environ un tiers des pays de l’OCDE (13 sur 38, à savoir l’Australie, la Belgique, le Canada, le Chili, la Colombie, l’Espagne, les États-Unis, le Japon, le Mexique, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal et la Suisse), les impôts liés à la possession ou à l’utilisation des véhicules à moteur relèvent de la fiscalité locale.

Leur modulation en fonction des émissions polluantes se généralise parmi les pays de l’OCDE. Dans environ les deux tiers d’entre eux (22 sur 38), les émissions de CO₂ font partie des critères qui interviennent dans le calcul du montant dû et/ou qui conditionnent l’éligibilité à l’exemption prévue pour les véhicules hybrides et électriques (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Japon, Lettonie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République slovaque, Royaume-Uni, Slovénie, Suède et Suisse). Quatorze d’entre eux (Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Slovénie et Suède) appliquent ce même principe de modulation aux taxes périodiques et aux impôts liés à l’achat et à l’immatriculation. La Norvège a abrogé l’exemption de la taxe sur les assurances automobiles dont bénéficiaient jusqu’alors les véhicules électriques à compter du 1er mars 2022.

Tous les pays de l’OCDE, excepté l’Allemagne, le Canada, la Colombie, le Costa Rica, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et la Suède, ont déclaré appliquer des taux et/ou assiettes spécifiques pour les véhicules à usage commercial (camions, poids lourds, bus, utilitaires légers). Parmi les critères de calcul utilisés à leur égard figurent le poids, la capacité de chargement, le nombre d’essieux et le type du véhicule considéré (par exemple, semi-remorque).

Les accises sur les carburants existent depuis la première moitié du XXe siècle. À l’origine leur instauration a été principalement, voire exclusivement, motivée par des objectifs sans lien avec l’environnement tels que la génération de recettes fiscales oule financement des infrastructures. Au fil du temps, toutefois, elles ont peu à peu acquis une vocation environnementale. Souvent élevées, les taxes sur les carburants routiers finiront nécessairement par décourager l’utilisation des carburants fossiles, ce qui influe indirectement sur le niveau des émissions de CO₂, même si leur barème ne répond pas à des considérations environnementales et qu’en conséquence, le dispositif de tarification du carbone lui-même n’est pas structuré de manière idéale. Ces taxes peuvent néanmoins constituer des instruments fondés sur les prix qui permettent la poursuite d’objectifs environnementaux. Par exemple, lorsque l’essence sans plomb, moins nocive pour l’environnement, est apparue sur le marché, elle était moins compétitive au détail que l’essence avec plomb parce que plus chère à la production. La fiscalité sur l’énergie a permis d’y remédier en abaissant son prix à la pompe. L’essence avec plomb a aujourd’hui disparu du marché et n’est même plus autorisée à la vente. En revanche, l’application de taxes plus faibles au carburant GPL a eu un effet beaucoup moins marqué sur le comportement des consommateurs. Les caractéristiques de ce produit (qui n’est pas liquide à température ambiante à pression atmosphérique, est plus difficile à stocker et nécessite des stations dotées d’équipements spéciaux) ont fait obstacle à son essor. Le GPL reste globalement très peu utilisé par rapport au gazole et à l’essence.

Les recettes tirées de ces taxes sont importantes dans la zone OCDE, parce que la consommation d’énergie y est très forte et les taux d’imposition souvent élevés (OECD, 2017[9]). Malgré d’importantes disparités entre pays, le taux d’imposition des carburants routiers est généralement élevé. Selon les données de l’AIE (International Energy Agency, 2022[10]), dans le cas du supercarburant sans plomb par exemple, la charge fiscale totale (principalement composée d'un droit d'accise et de la TVA) est supérieure à 40 % du prix à la pompe dans tous les pays de l’OCDE, excepté l’Australie, le Canada, le Chili, le Costa Rica, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, la Pologne et la Türkiye (voir Tableau annexe 4.A.4). S'agissant de l’essence sans plomb, la part des taxes dans le prix à la pompe est la plus faible aux États-Unis (14.2 %), en Türkiye (20 %) et au Canada (29.1 %), et la plus élevée en Irlande (62.3 %), en Israël (60.2 %) et en Finlande (55.1 %). Dans un seul pays, la Colombie, les carburants routiers ne sont pas assujettis au taux de TVA standard.

Le droit d’accise sur le gazole1 (Tableau annexe 4.A.5) est inférieur à celui de l’essence dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE : en Australie, en Belgique et au Royaume-Uni, ils sont identiques, tandis qu’en Suisse, le montant appliqué est supérieur dans le cas du gazole. Du point de vue de l’environnement, cette situation est pour le moins paradoxale, le gazole étant plus polluant que l’essence sans plomb, notamment parce qu’il émet beaucoup plus d’oxydes d’azote (NOx) et de particules. Cela dit, cette différence s’estompe pour les nouveaux véhicules à la faveur du durcissement de la réglementation relative aux véhicules, bien que les écarts entre les cycles d’essai et les performances sur route suscitent des inquiétudes ; de surcroît, le parc de véhicules comporte encore des véhicules diesel plus anciens et plus polluants.

Dans un petit nombre de pays, les émissions de CO₂ interviennent explicitement dans le calcul du montant de l’accise sur l’essence sans plomb et le carburant diesel (Finlande, Norvège, Slovénie et Suède).

Dans l’Union européenne, la directive sur la taxation de l’énergie (2003/96/CE) définit le cadre régissant la taxation des produits énergétiques dans les États membres. Elle vise à réduire les distorsions de concurrence entre les huiles minérales et les autres formes d’énergie, ainsi qu’à limiter la concurrence fiscale à laquelle peuvent se livrer les États membres en jouant sur les différences de taux d’imposition de l’énergie. Elle a aussi pour but d’encourager une utilisation plus efficiente de l’énergie. Elle fixe des règles communes pour la taxation d’un ensemble de produits énergétiques, notamment de nombreux produits pétroliers, du charbon et du gaz naturel, ainsi que pour la taxation de la consommation d’électricité. Elle définit, pour chaque produit, des minima de taxation exprimés en fonction du volume, du poids ou du contenu énergétique. Par exemple, les minima applicables aux carburants utilisés pour le transport routier sont les suivants : 0.359 EUR par litre pour l’essence sans plomb ; 0.330 EUR par litre pour le gazole et 0.125 EUR par kilogramme pour le gaz de pétrole liquéfié (GPL). Le texte ne précise pas les taxes à utiliser pour atteindre ce niveau minimum. Elles peuvent être de diverse nature (accises, taxe carbone, taxe sur l’énergie, etc.). La directive sur la taxation de l’énergie est en cours de révision dans le cadre de l’examen du volet législatif du Pacte vert européen. Le 14 juillet 2021, la Commission européenne en a présenté une proposition à cet effet, qui prévoit la mise en place d'un nouveau barème fondé sur le contenu énergétique et la performance environnementale des produits énergétiques, électricité incluse, élargit le régime à d’autres produits et supprime une partie des exemptions et réductions actuellement prévues.

Les accises sur les carburants sont en principe nettement plus élevées que celles qui frappent les autres huiles minérales et, plus généralement, les énergies fossiles utilisées à d’autres fins que le transport (OECD, 2022[11]). Plusieurs raisons peuvent expliquer cet écart, notamment l’élasticité-prix plus faible de la base d’imposition dans le secteur des transports, l’utilisation d’accises pour couvrir (plus ou moins directement) certains coûts externes propres à ce secteur (en particulier les embouteillages) et des considérations liées à l’équité. Par exemple, c’est au nom de l’équité que le fioul domestique est moins taxé que le carburant diesel utilisé dans les transports (Flues and Thomas, 2015[12]). Tous les pays de l’OCDE, à l’exception des Pays-Bas, taxent moins le fioul domestique que le carburant diesel, bien que ces deux produits soient plus ou moins identiques (voir le tableau annexe 3.A.6). Israël applique le même taux d'accise aux deux produits. Enfin, les véhicules de société font souvent l’objet d’un traitement fiscal plus favorable, voire beaucoup plus favorable, que d’autres types de véhicule (Harding, 2014[1]).

La prise en compte des droits d’accise appliqués aux carburants automobiles ne permet pas, à elle seule, de mesurer la charge fiscale globale qui pèse sur le transport routier (van Dender, 2019[13]). Les véhicules peuvent aussi être soumis à des taxes kilométriques, à des taxes de stationnement, à des péages, à des droits d’immatriculation et à des taxes de circulation récurrentes que beaucoup de pays modulent en fonction du type de carburant utilisé ou des émissions de CO₂ par unité de distance (voir section 4.2 ci-dessus).

En 2022, un certain nombre de pays de l’OCDE (Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Corée, Espagne, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Slovénie et Suède) ont annoncé l’instauration temporaire d'une remise fiscale sur l’essence sans plomb et le gazole parmi les mesures prises contre la hausse des coûts de l’énergie (voir notes pays, Tableau annexe 4.A.4 et Tableau annexe 4.A.5). Concrètement, ils ont abaissé le taux d’accise correspondant. La Pologne a par ailleurs fait passer de 23 % à 8 % le taux de TVA applicable à certains carburants. La réduction fiscale déclarée par la Corée concerne uniquement l’essence sans plomb.

L’objet de la présente section est de donner une vue d’ensemble de la TVA et des droits d'accise appliqués aux deux grandes catégories de carburants destinés aux aéronefs : le carburant Jet A-1, pour l’alimentation des moteurs à turbines, et l’essence d'aviation (AvGas), pour l’alimentation des moteurs à piston.

Le Tableau annexe 4.A.6 montre les taux d'accise et de TVA appliqués à ces types de carburant (ci-après dénommés les « carburants d'aviation ») dans les pays membres de l’OCDE et, le cas échéant, les impositions frappant leur fourniture (par exemple, taxe carbone). Les autres taxes et impôts qui touchent le transport aérien (taxes sur les billets d'avion, taxes d'aéroport, etc.) ne sont pas étudiés dans cette publication.

La fourniture de carburants d'aviation aux exploitants d’aéronefs qui effectuent des vols commerciaux internationaux (transport de passagers ou de marchandises) est soumise à un taux de TVA nul dans tous les pays de l’OCDE dotés d'un régime de TVA et à un remboursement intégral au Chili. Y fait exception la Colombie, où le taux réduit de 5 % s’applique. La fourniture de carburants d’aviation destinés aux vols intérieurs à but récréatif ou non commercial est soumise au taux de TVA standard dans tous les pays de l’OCDE, sauf en Colombie, où le taux réduit de 5 % s’applique. Aux États-Unis, il est imposé au niveau infranational à un taux variable selon les États. En théorie, si un taux de TVA nul est appliqué aux carburants d’aviation utilisés dans les vols internationaux dans le pays d'origine, c’est pour éviter qu'ils fassent l'objet d'une double imposition en tant que biens importés puisque, conformément au principe de destination, le pays de destination a le droit de prélever la TVA sur les biens faisant l’objet d’échanges internationaux. Cependant, contrairement à la plupart des autres articles exportés, normalement soumis à la TVA dans le pays de destination, le carburant d'aviation des vols internationaux restera généralement détaxé puisque la majeure partie est consommée pendant le vol et que le reste échappe à l’impôt par application de la Convention relative à l'aviation civile internationale (également appelée « Convention de Chicago », voir ci-dessous), aux termes de laquelle tout État contractant doit exempter de droits le carburant d'aviation se trouvant dans un aéronef lorsque celui-ci arrive sur son territoire en provenance d'un autre État contractant (tous les pays de l’OCDE sont parties à la Convention). Comme le carburant d'aviation fait généralement partie des intrants d’entreprises dont la taille permet l’enregistrement aux fins de la TVA, cette composante fiscale est intégralement déductible et, par conséquent, dénuée de toute incidence économique.

Le Tableau annexe 4.A.6 montre que tous les pays de l’OCDE exemptent aussi des droits d’accise les carburants d'aviation destinés aux vols commerciaux internationaux, contrairement à la pratique établie à l’égard des produits énergétiques utilisés dans les transports routiers et ferroviaires. Cette exemption vaut également pour les vols commerciaux intérieurs, sauf en Australie, au Canada, aux États-Unis, au Costa Rica, au Japon, en Norvège, en Slovénie et en Suisse. La situation est plus hétérogène en ce qui concerne les vols à but récréatif et non commercial : 20 pays de l’OCDE appliquent des droits d'accises dans le cas des vols internationaux (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovénie et Suède) ; et tous en appliquent dans le cas des vols intérieurs (sauf le Chili, la Colombie, la Corée, l’Islande, Israël, le Mexique, la Norvège et la Nouvelle-Zélande). Au titre des mesures prises en réaction à la crise liée au COVID-19, les États-Unis ont suspendu le prélèvement de la taxe fédérale d’accise sur le carburant d’aviationutilisé par l’aviation commerciale du 28 mars au 31 décembre 2020.

Les carburants d'aviation sont assujettis à d'autres taxes (environnementales) dans deux pays de l’OCDE : en Norvège, où certains sont exonérés des droits d'accise mais soumis à une taxe carbone ; et en Slovénie, où tous sont frappés d’une surtaxe (y compris ceux destinés aux vols internationaux) en complément des droits d’accise (appliqués aux carburants destinés aux vols à but récréatif et non commercial).

Comme expliqué précédemment, l’exemption dont les carburants d’aviation destinés aux vols internationaux font l'objet dans les pays d'arrivée découle de la Convention de Chicago, qui définit les normes et principes de base régissant l'aviation internationale. Son article 24 interdit de taxer le carburant qui se trouve dans les aéronefs arrivant du territoire d'une partie contractante. En revanche, la Convention n’interdit pas de taxer le carburant avitaillé au départ (Faber and O’Leary, 2018[14]). L’exonération actuelledes carburants avitaillés au départ procède plutôt des accords bilatéraux sur le transport aérien conclus entre pays, dont la plupart prévoient une clause de cette nature sur la base de la réciprocité (Teusch and Ribansky, 2021[15]). Par ailleurs, le transport aérien intérieur étant exclu du champ d'application de la Convention de Chicago, rien n’empêche les pays de taxer les carburants d'aviation utilisés pour les vols intérieurs.

Pour atteindre l’objectif de neutralité climatique d’ici au milieu du siècle, tous les secteurs, y compris celui de l’aviation, devront fortement réduire leurs émissions. Il ressort de travaux récents que, comme dans le cas d'autres carburants, les signaux-prix du carbone donnés par les taxes sur le kérosène aideront certainement le secteur de l’aviation à mener une transition sans heurt. Une hausse progressive des taxes sur le kérosène pourrait inciter davantage encore à investir et à innover dans les technologies aéronautiques propres : le produit fiscal ainsi obtenu pourrait servir à financer ces investissements et innovations, mais aussi à régler les problèmes de compétitivité et d’équité (Teusch and Ribansky, 2021[15]).

Références

[6] Alonso, C. and J. Kilpatrick (2022), The Distributional Impact of a Carbon Tax in Asia and the Pacific, International Monetary Fund, Washington, https://doi.org/10.5089/9798400212383.001.A001.

[14] Faber, J. and A. O’Leary (2018), Taxing aviation fuels in the EU, CE Delft, Delft.

[3] Filippo Maria D’Arcangelo Ilai Levin Alessia Pagani Mauro Pisu Åsa Johansson (2022), “A framework to decarbonise the economy”, Economic Policy Paper, No. No. 31, OECD, Paris.

[12] Flues, F. and A. Thomas (2015), “The distributional effects of energy taxes”, OECD Taxation Working Papers, No. 23, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/5js1qwkqqrbv-en.

[1] Harding, M. (2014), “Personal Tax Treatment of Company Cars and Commuting Expenses: Estimating the Fiscal and Environmental Costs”, OECD Taxation Working Papers, No. 20, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/5jz14cg1s7vl-en.

[10] International Energy Agency (2022), International Energy Agency, Prices and taxes database, International Energy Agency, https://www.oecd-ilibrary.org/energy/data/iea-energy-prices-and-taxes-statistics_eneprice-data-en (accessed on 27 October 2022).

[7] International Energy Agency (2020), Global EV Outlook 2020, International Energy Agency, Paris, https://www.iea.org/reports/global-ev-outlook-2020.

[4] ITF (2021), ITF Transport Outlook 2021, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/16826a30-en.

[8] John Larsen, N. (2020), Expanding the reach of a carbon tax, Columbia University Center for Energy Policy.

[11] OECD (2022), Pricing Greenhouse Gas Emissions: Turning Climate Targets into Climate Action, OECD Series on Carbon Pricing and Energy Taxation, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/e9778969-en.

[2] OECD (2021), Carbon prices in times of Covid-19: What has changed in G20 Economies?, OECD, Paris, https://www.oecd.org/tax/tax-policy/carbon-pricing-in-times-of-covid-19-what-has-changed-in-g20-economies.htm.

[9] OECD (2017), Policy Instruments for the Environment (PINE), OECD, https://www.oecd.org/environment/indicators-modelling-outlooks/PINE_database_brochure.pdf.

[15] Teusch, J. and S. Ribansky (2021), “Greening international aviation post COVID-19: What role for kerosene taxes?”, OECD Taxation Working Papers, No. 55, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/d0e62c41-en.

[5] Teusch, J. and K. van Dender (2020), “Making environmental tax reform work”, La Revue des juristes de Sciences Po 18.

[13] van Dender, K. (2019), “Taxing vehicles, fuels, and road use: Opportunities for improving transport tax practice”, OECD Taxation Working Papers, No. 44, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/e7f1d771-en.

Note

← 1. D'après les calculs de l’Agence internationale de l'énergie, il s’agit de la somme des impôts, taxes et redevances, hors TVA.

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