14. Inde

En Inde, le soutien aux producteurs se compose de dépenses budgétaires à hauteur de 9.6 % des recettes agricoles brutes, d’un soutien positif des prix de marché (SPM) de +1.7 % des recettes agricoles brutes pour les produits aidés et d’un SPM négatif de -18.5 % des recettes agricoles brutes enregistrées sur les produits taxés. Au total, cela donne un soutien net négatif de -7.2 % des recettes agricoles brutes pour la période 2019-21, dans un contexte de hausse des prix à la frontière pour les produits concernés.

Le soutien aux producteurs est resté négatif durant les deux dernières décennies, mais avec des fluctuations importantes. La valeur négative de l’estimation du soutien aux producteurs signifie qu’en moyenne, les producteurs nationaux sont implicitement taxés, car les paiements budgétaires dont ils bénéficient ne compensent pas l’effet d’abaissement des prix généré par l’ensemble complexe de règles relatives au marché intérieur et au commerce international. Presque tous les transferts bruts aux producteurs (qu’ils soient positifs ou négatifs) sont mis en œuvre sous les formes susceptibles de générer le plus de distorsions de la production et des échanges, et ce de façon constante depuis 2000-02.

Les transferts aux producteurs au titre d’un seul produit (TSP) suivent le même schéma global que les SPM, mais varient selon les produits. En 2019-21, la plupart des produits de base ont été implicitement taxés à un taux compris entre 5 % et 91 % des recettes par produit. Les produits présentant un TSP positif, allant de 6 % à 23 % des recettes par produit sur cette même période, sont notamment le sucre, les pois chiches, divers autres légumes secs et la viande de volaille.

Les subventions à l’utilisation d’intrants variables tels que les engrais, l’électricité et l’eau d’irrigation occupent une place prédominante dans les transferts budgétaires aux producteurs. Toutefois, les dotations budgétaires au programme de transferts directs de revenu, PM-KISAN, augmentent depuis la mise en œuvre de celui-ci en 2018.

Les dépenses publiques consacrées à des services d’intérêt général pour le secteur (mesurées par l’ESSG), qui concernent essentiellement des investissements liés aux infrastructures, équivalent à environ la moitié des subventions à l’utilisation d’intrants variables. Avec une part de 4 % sur la période 2019-21, les dépenses mesurées par l’ESSG en pourcentage de la valeur de production agricole ont augmenté par rapport au chiffre de 2000-02.

En minorant les prix perçus par les producteurs agricoles tout au long de la période considérée, l’action publique soutient implicitement les consommateurs. Les mesures agissant sur les prix agricoles, de même que l’augmentation sensible des subventions alimentaires accordées dans le cadre du Système de distribution publique ciblée (Targeted Public Distribution System) durant la pandémie de COVID-19, ont abaissé le coût pour le consommateur, l’estimation de ce soutien aux consommateurs s’établissant, pour l’ensemble des produits, à 36 % des dépenses en moyenne sur la période 2019-21. Le soutien budgétaire total est estimé à 2.6 % du PIB en 2019-21, ce qui contribue à une estimation du soutien total (EST) globalement positive de 0.9 % du PIB.

Le 29 novembre 2021, le parlement a approuvé une loi abrogeant les trois textes réformant les marchés agricoles, dont l’adoption remontait à septembre 2020. Ces lois avaient pour but d’autoriser les agriculteurs à vendre leurs produits en dehors des marchés réglementés par l'État, en supprimant les limites sur le stockage, les échanges ou les achats de produits agricoles par le secteur privé, de manière à favoriser les échanges sans obstacles à l’intérieur des États et entre eux.

Mi-2021, les pouvoirs publics ont relevé les prix minimum de soutien (PMS) des cultures semées en été (kharif). Cela s’est traduit notamment par une hausse des PMS de 2 % pour le soja et le tournesol, de 3.9 % pour le riz et de 1.1 % pour le maïs. En septembre 2021, le gouvernement central a également augmenté le PMS des cultures semées en hiver (rabi). Ainsi, les PMS ont progressé de 7.8 % pour les lentilles, de 2.5 % pour les pois chiches, de 2 % pour le blé, de 2.2 % pour l’orge et de 8.6 % pour le colza. En octobre 2021, les pouvoirs publics ont alloué 286 milliards INR (3.8 milliards USD) supplémentaires aux subventions aux engrais afin de compenser une hausse internationale des prix.

Face à la deuxième vague de la pandémie de COVID-19, ils ont par ailleurs prolongé le programme de distribution alimentaire Pradhan Mantri Garib Kalyan Anna Yojana (PMGKAY) jusqu’en novembre 2021.

Dans le cadre des efforts entrepris pour renforcer l’autosuffisance alimentaire et réduire la facture des importations d’huile végétale, l’Inde a annoncé, en juillet 2021, une mission nationale sur les oléagineux et le palmier à huile (National Mission on Oilseeds and Oil Palm) assortie d'une enveloppe budgétaire de 110 milliards INR (1.48 milliard USD) pour renforcer la production et la productivité des exploitations indiennes spécialisées dans la culture des oléagineux, des palmiers à huile et des légumineuses. Des aides seront accordées pour l’achat de semences de qualité supérieure, d’outils et de machines ; de produits phytopharmaceutiques, de produits chimiques et d’engrais ; ainsi que pour les investissements dans certaines infrastructures, le transfert de technologies, les services de vulgarisation et la formation.

Plusieurs mesures ont été prises pour réduire les obstacles aux échanges. En mai 2021, le ministère du Commerce et de l'Industrie a retiré certaines légumineuses de la liste des produits soumis à des contingents d’importation ; cette disposition s’est appliquée jusqu’en novembre 2021. En juillet 2021, le ministère des Finances a temporairement exonéré les lentilles de droits de douane. En octobre 2021, l'État indien a suspendu les droits applicables aux huiles brutes de palme, de soja, et de tournesol jusqu’au 31 mars 2022. En mai 2021, le ministère de la Consommation a réduit de 33 % les subventions à l’exportation du sucre, qui se sont établies à 4 000 INR (55 USD) par tonne. Les nouvelles subventions concernent les contrats signés entre les sucreries et les exportateurs à compter du 20 mai 2021. La baisse progressive des subventions à l’exportation vise à faire accélérer la réorientation de la production de sucre vers celle d’éthanol, de manière à porter le taux d'incorporation à 20 % d’ici à 2025.

Le budget de l’Union pour 2021-22 inclut de nouveaux programmes de services d’intérêt général ciblant l’inspection et la lutte contre les parasites et les maladies ainsi que le stockage, les services de commercialisation et les infrastructures. Présenté en février 2022, le budget de l’Union 2022-23 met en avant de nouvelles mesures améliorant les services financiers à destination des agriculteurs. Ainsi, un nouveau fonds sera mis en place pour 2022-23 via la Banque nationale pour le développement agricole et rural, en vue de financer les start-ups ainsi que d’autres entreprises du secteur agricole. De nouveaux programmes se concentreront par ailleurs sur le développement du numérique dans l’agriculture ainsi que les services de commercialisation et de vulgarisation agricole. Le budget de l’Union pour 2022-23 prévoit également d’accorder des paiements directs aux producteurs de blé et de riz à hauteur de 2 400 milliards INR (31.2 milliards USD) de la valeur des PMS entre avril 2022 et mars 2023.

  • La contribution déterminée au niveau national (CDN) de l’Inde comprend un objectif global de réduction de l’intensité d’émission, à l’échelle de l’économie, mais aucun objectif sectoriel. Plusieurs programmes visent néanmoins à atténuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) en mettant en avant les économies d’énergie, les sources d’énergie renouvelables, la conservation des ressources en eau, le boisement, la gestion des terres et des déchets, le renforcement de l’efficience d’utilisation des engrais, la diversification des cultures, la réduction des émissions de méthane dans la riziculture et la lutte contre le brûlage des résidus de récolte.

  • Le soutien à l’agriculture pourrait aussi s’aligner davantage sur les mesures prises pour atténuer les émissions de GES. La réduction des subventions aux intrants variables (engrais, eau d’irrigation et électricité), en particulier, peut faire directement baisser les émissions de GES. Les économies ainsi rendues possibles pourraient être utilisées pour former les agriculteurs à une utilisation plus efficiente et durable de ces intrants, à condition de veiller à ce que les systèmes de vulgarisation soient davantage axés sur le changement climatique, la durabilité, les compétences numériques et la résilience de manière plus générale.

  • Pour encourager les investissements dans la recherche-innovation (R-D) et l’innovation agricoles, il conviendrait de mettre davantage l’accent sur les services intérêt général. Une hausse des investissements dans le système de connaissances agricoles et le transfert de ces connaissances, via les organisations de producteurs, peut notamment assurer une croissance soutenue et soutenable de la productivité. La mise en avant de nouvelles technologies et pratiques de production est par ailleurs essentielle pour faire reculer les émissions de GES du secteur de l’élevage, qui n’est autre que le premier émetteur de GES en Inde.

  • En raison des restrictions imposées par une combinaison de mesures relatives à la commercialisation intérieure et aux échanges internationaux, qui s’appliquaient à de nombreux produits sur la majeure partie de la période étudiée, les prix perçus par les agriculteurs indiens ont été inférieurs à ceux des marchés internationaux. Malgré l’abrogation de lois en faveur d’une réforme nationale de la réglementation relative à la commercialisation des produits agricoles, le développement du Marché agricole national électronique (eNAM) doit rester une priorité. De plus, la mise en œuvre de la loi-type (de promotion et de facilitation) de 2017 sur la commercialisation des produits agricoles et des animaux d’élevage (2017 Model Agricultural Produce and Livestock Marketing (Promotion and Facilitation) Act) doit se poursuivre de façon plus harmonisée et cohérente entre les États. Ces initiatives, qui peuvent favoriser l’efficience des marchés et la compétitivité des chaînes d’approvisionnement agroalimentaire dans l’ensemble des États, doivent être synchronisées avec les réformes du système de prix minimum de soutien au moyen de plans cohérents. Elles doivent être complétées par des investissements dans les infrastructures, la commercialisation, la formation et d’autres services généraux à l’agriculture pour que les exploitants de ce secteur puissent en récolter les fruits sous forme de gains de productivité et de revenu. Les crédits alloués aux infrastructures rurales dans les budgets de l’Union pour 2021 et 2022 constituent un progrès notable dans cette direction.

  • La part importante du secteur agricole dans l’emploi comparée à sa contribution au PIB témoigne d’un écart de productivité de la main d'œuvre persistant avec les autres secteurs et se traduit par des revenus agricoles faibles. À court ou moyen terme, des transferts monétaires directs (via le PM-KISAN, par exemple) au titre du soutien des revenus des agriculteurs les plus pauvres peuvent renforcer les moyens de subsistance de ceux-ci et accompagner leur adaptation à l’évolution des conditions de marché. À long terme, des mesures devront être prises pour favoriser d’importants ajustements structurels, comme le report d’une partie de la main-d’œuvre agricole sur d’autres activités et une consolidation des exploitations permettant à celles-ci d’atteindre une taille suffisante pour tirer profit d’économies d’échelle. Les réformes continues de la réglementation foncière produiront davantage de résultats à condition d’être complétées par des investissements plus conséquents dans les services publics essentiels au secteur, comme l’éducation, la formation et les infrastructures, et de s’inscrire plus généralement dans un environnement porteur, services financiers compris.

  • L’Inde est un exportateur important sur différents marchés agroalimentaires. Le cadre d’action en matière d’exportations agricoles (Agricultural Export Policy framework – AEP) adopté en 2018 a été essentiel pour réduire l’incertitude et les coûts de transaction tout le long des filières, en permettant d’éviter l’application de restrictions à l’exportation aux produits issus de l’agriculture biologique et aux produits agricoles transformés. Cela étant, les restrictions à l’exportation récemment décidées pour des produits tels que les oignons ont une incidence directe sur la fiabilité de l’Inde en tant que fournisseur et aggravent la problématique persistante des faibles revenus agricoles. Une extension de l’AEP à tous les produits agroalimentaires devrait être envisagée, de façon à créer un environnement de marché stable et prévisible.

  • La baisse récente des droits de douane et l’assouplissement des restrictions quantitatives, bien que temporaires, sur certaines légumineuses, sont d’autres étapes positives pour l’amélioration de la sécurité alimentaire et la diversification des apports alimentaires. Parallèlement aux réformes de la commercialisation menées dans le pays, l’assouplissement des restrictions à l’exportation et à l’importation pourrait offrir davantage de visibilité sur le marché et inciter les producteurs et les négociants à investir dans les chaînes d’approvisionnement.

  • L’Inde a accompli des progrès notables ces dernières années dans l’efficience du système de distribution des aliments, et il faudrait que les efforts en ce sens continuent. Le remplacement expérimental des distributions physiques de céréales par des transferts monétaires directs, devrait être poursuivi moyennant quelques ajustements à la lumière de l’expérience acquise.

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