2. Cadre de gouvernance au Maroc

Le renforcement du cadre institutionnel de gouvernance constitue un axe essentiel des réformes menées par le Maroc pour rendre la gouvernance publique plus cohérente, agile et efficace telles que présentées au chapitre 1. Le Maroc a progressivement fait évoluer son paysage institutionnel et les procédures de gouvernance pour mieux définir, coordonner et mettre en œuvre ses priorités stratégiques et ses politiques publiques. Ceci a pu prendre forme grâce à la création de nouvelles institutions et instances publiques, le développement de mécanismes interministériels de prise de décision et de coordination et le renforcement des capacités et des fonctions de certaines institutions. La loi organique n°065-13 qui définit l’organisation et la conduite des travaux du gouvernement constitue un texte emblématique de ce renforcement du cadre institutionnel (Gouvernement du Maroc, 2015[1]). La création des Services du Chef du Gouvernement (SCG) en 2012, puis leur évolution récente, et le développement des commissions interministérielles, telles que la Commission Interministérielle des Investissements ou la Commission ministérielle chargée de la réforme et de la gouvernance du système de protection sociale, constituent d’autres exemples de refonte significatifs du cadre institutionnel pour appuyer la prise de décision, la coordination, le suivi et la mise en œuvre des stratégies et des politiques publiques au Maroc.

Cependant, le décalage entre les ambitions de la Constitution de 2011 et la réalité de la mise en œuvre des politiques publiques est souvent également perçu comme un défi actuel majeur pour la gouvernance publique au Maroc (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]). Comme mis en évidence dans le chapitre 1, la confiance des citoyens dans les institutions publiques est un marqueur important de ce décalage. Au Maroc, comme dans de nombreux pays de l’OCDE, cette confiance est restée fluctuante au cours de la dernière décennie malgré les réformes engagées y compris dans le domaine de la gouvernance publique et de l’administration. Selon plusieurs sources, moins d’un citoyen sur deux fait confiance au gouvernement (Baromètre arabe, 2021[3]; Institut marocain d’analyse des politiques, 2021[4]; Baromètre arabe, 2018[5]). Le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a ainsi mis en avant le manque de transparence dans la prise de décision politique, le manque de cohérence et de convergence des politiques publiques et l’insuffisance des capacités de l’administration pour expliquer le déficit de confiance exprimé par les citoyens dans leur rapport aux institutions publiques (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]).

Ajoutés aux défis d’efficacité auxquels fait face l’administration marocaine, ces aspects soulignent l’importance d’une gouvernance robuste, transparente et efficace pour renforcer la confiance des citoyens dans leur gouvernement et la performance de l’action publique. Le renforcement du cadre de gouvernance doit permettre une plus grande efficacité et agilité du secteur public pour fournir des services publics plus performants aux marocains, pour assurer une prise de décision plus rapide, inclusive et efficace et des politiques publiques plus cohérentes et ainsi répondre aux défis actuels et futurs du Maroc. Ce cadre doit assurer une meilleure coordination et convergence entre les politiques publiques et aider à réaliser les objectifs stratégiques du Maroc et la vision présentée dans le NMD.

Des institutions et des règles de fonctionnement efficaces constituant un cadre de gouvernance robuste sont au cœur de la bonne gouvernance. Les fonctions de prise de décision, de coordination et de planification stratégique sont des leviers essentiels d’un cadre de gouvernance solide (OCDE, 2020[6]). Elles sont les moteurs d’une gouvernance et d’une administration publique efficace, coordonnée et transparente, qui est à même de répondre aux attentes des citoyens et de susciter leur confiance. Ces fonctions sont généralement jouées par le centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE afin de permettre le partage d’une vision commune à l’ensemble du gouvernement, un alignement sur les priorités stratégiques et une convergence dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques (OCDE, 2017[7]).

Le présent chapitre va d’abord introduire la notion de centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE et les fonctions qui y sont associées et donner une vue d’ensemble du rôle joué par différentes institutions au Maroc sur ces fonctions, particulièrement les SCG, le Secrétariat Général du Gouvernement (SGG) et le ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des Politiques Publiques (MICEPP), ainsi que de leurs évolutions récentes. Le chapitre va ensuite examiner en détail le renforcement de certaines fonctions clés opérées récemment par le Royaume et les défis subsistant pour l’exercice de chacune d’entre elles, particulièrement dans le contexte du NMD et du nouveau gouvernement : la prise de décision, la coordination des politiques publiques, la planification stratégique et le suivi et l’évaluation ainsi que la coordination de l’information gouvernementale. Le chapitre conclut avec des recommandations qui découlent de l’analyse et peuvent aider au renforcement dans la durée de ces fonctions essentielles pour un cadre et un exercice de la gouvernance publique efficaces.

La réforme de la gouvernance et de l’administration a été constamment érigée en priorité dans les grands programmes de réformes marocains, notamment le NMD, les plans gouvernementaux successifs, et le Plan National de la Réforme de l'Administration 2018-21. Ceux-ci se sont traduits par des changements institutionnels importants pour l’exercice de fonctions clés de la gouvernance publique, notamment la prise de décision, le pilotage des politiques publiques, la coordination gouvernementale, la planification stratégique et le suivi et l’évaluation, qui font l’objet de ce chapitre.

Cette priorité est réaffirmée dans le NMD qui identifie la réforme du cadre de gouvernance et la modernisation de l’administration comme un des leviers essentiels pour permettre au Maroc de réaliser son potentiel de développement. Le renforcement des fonctions stratégiques et de coordination intergouvernementale est au cœur des préoccupations du NMD, qui appelle à la création ou à la refonte des structures en charge de les mener (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]).

Dans les pays de l’OCDE, le centre de gouvernement joue un rôle central dans l’exercice de ces fonctions. Le centre de gouvernement peut être défini comme la structure de soutien au plus haut niveau de la branche exécutive du gouvernement qui vient généralement en appui des activités du Chef du gouvernement. Son mandat est de “veiller à la cohérence et à la prudence des décisions gouvernementales et de promouvoir des politiques stratégiques et cohérentes fondées sur des données probantes » (OCDE, 2017[7]). Dans sa définition fonctionnelle élargie, le centre de gouvernement ne fait pas seulement référence aux organes relevant directement du Chef du gouvernement, mais comprend également d'autres organes ou agences qui exercent des fonctions gouvernementales transversales au sein de l'administration nationale, tels que les ministères des Finances, de l’Économie ou de la Planification qui peuvent être impliqués dans la planification stratégique ou la mener, selon les pays et cadres institutionnels.

Le centre de gouvernement exerce dans les pays de l’OCDE un certain nombre de fonctions stratégiques et essentielles pour la bonne gouvernance, telles que l’appui au processus de décision du Chef du gouvernement et son cabinet, la coordination des politiques au sein du gouvernement, la planification stratégique pour l'ensemble du gouvernement, la communication des messages du gouvernement au public et à l'ensemble de l'administration, et le suivi de la mise en œuvre de la politique gouvernementale (OCDE, 2017[7]; OCDE, 2020[6]) (Graphique 2.1).

Au Maroc, les SCG jouent un rôle essentiel dans l’exercice de ces fonctions traditionnellement associées au centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE, particulièrement celles liées à la coordination des politiques gouvernementales, la planification stratégique, la préparation des réunions du Conseil du Gouvernement ou au suivi de la mise en œuvre des politiques et mesures du programme gouvernemental. Le rôle des SCG s’est considérablement renforcé au cours des derniers mois, notamment dans les fonctions stratégiques et de coordination. Au-delà des SCG, l’exercice de ces fonctions au Maroc implique également un certain nombre d’acteurs clés, notamment le SGG, deux nouveaux ministères, à savoir le ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration (MTNRA) et le MICEPP, dont les rôles seront étudiés dans le cadre de ce chapitre, ainsi que le ministère de l’Économie et des Finances, particulièrement pour le lien entre la prise de décision, la planification stratégique et le processus budgétaire. À des degrés divers, ces institutions jouent des rôles essentiels dans la coordination de la préparation des réunions du Conseil du Gouvernement, la coordination des politiques gouvernementales, la planification stratégique, ou le suivi de la mise en œuvre des politiques publiques. D’autres acteurs publics contribuent enfin à certaines de ces fonctions, par exemple le Haut-Commissariat au Plan ou le Conseil Économique, Social et Environnemental sur certains volets de la planification stratégique.

Le renforcement du cadre de la gouvernance au Maroc, et notamment des fonctions des SCG, s’est accéléré depuis l’adoption de la Constitution de 2011 afin de permettre au Maroc de mieux répondre aux attentes des citoyens, de mieux préparer et mettre en œuvre ses politiques et ses services publics, de réaliser ses objectifs stratégiques et de soutenir son développement. Ces évolutions ont pu s’appuyer sur des bases et des institutions bien établies, telles que le SGG et différentes loi organiques ou textes juridiques. Elles se sont traduites par la structuration et le développement des capacités des SCG à partir de 2012, le renforcement de certaines fonctions, ou la création d’institutions telles que le MICEPP. La création de ce ministère constitue un changement institutionnel notable, avec l’attribution à un ministère dédié des missions de suivi, de mise en cohérence et d’évaluation des politiques publiques en vue d’en améliorer l’efficacité et l’efficience.

Si elles peuvent varier dans leur format, les centres de gouvernement dans les pays de l’OCDE disposent de structures, de capacités et de mécanismes les aidant à jouer leurs fonctions de préparation des réunions du Cabinet, de coordination des politiques publiques et de suivi de la mise en œuvre des priorités du gouvernement. Le Maroc a eu la volonté de développer les capacités existantes auprès du Chef du gouvernement pour exercer ses fonctions, assurer la réalisation des objectifs fixés dans le programme gouvernemental, et améliorer la performance d’ensemble et l’agilité de l’administration centrale, notamment avec le développement des SCG (OCDE, 2017[8]).

Le renforcement de ces fonctions au Maroc a pris forme dès 2012 avec l’institution des SCG afin de mieux appuyer le Chef du Gouvernement, particulièrement dans la coordination des politiques publiques et dans la réalisation des objectifs du programme gouvernemental. La création des SCG a également visé à améliorer la prise de décision avec la contribution des SCG à la préparation du Conseil du Gouvernement, notamment dans la revue de l’agenda et de la cohérence des propositions avec le programme gouvernemental, et son rôle important joué dans les différentes commissions interministérielles à vocation décisionnaire. Les SCG ont aussi permis une plus grande agilité du gouvernement pour répondre aux enjeux nationaux et aux défis immédiats ou de long terme pour le Maroc (OCDE, 2017[8]). Les SCG jouent également un rôle essentiel dans le suivi de la mise en œuvre des priorités du programme gouvernemental.

Les évolutions récentes des activités et de l’organisation des SCG ont contribué à renforcer l’exercice de fonctions clés au sein du cadre de gouvernance au Maroc, avec un rôle de plus en plus central joué par les SCG dans la préparation des réunions du Conseil de gouvernement, la coordination et le pilotage stratégique notamment autour des priorités du gouvernement, ou encore la coordination de l’information gouvernementale. Ce rôle central demande à être encore développé et solidifié pour accroitre son efficacité et s’inscrire dans la durée.

Ce modèle de cabinet du Chef du gouvernement fait écho à la pratique de nombreux pays de l’OCDE, tels que le Bureau du Conseil privé au Canada ou le Département du Premier Ministre et du Cabinet en Nouvelle-Zélande. Il permet de renforcer les capacités au sein du centre de gouvernement pour répondre aux besoins d’analyse, de coordination et d’information pour la prise de décision et la cohérence des politiques publiques avec les objectifs du gouvernement (OCDE, 2017[7]). Ces structures jouent des rôles cruciaux dans la coordination et la mise en œuvre des priorités du gouvernement et dans l’alignement stratégique entre les ministères sectoriels.

La création des SCG et la définition de ses fonctions au Maroc n’ont cependant pas fait l’objet d’un mandat ou n’ont pas été arrêtées dans une loi organique, comme c’est le cas pour le SGG. Cette configuration a permis de doter les SCG de l’agilité nécessaire pour adapter leur structure et leurs travaux aux priorités du gouvernement et définir l’approche jugée la plus adéquate pour les SCG, y compris dans leur mode de travail avec les ministères. Le nouveau gouvernement a en particulier fait évoluer considérablement la structure et les modes de travail des SCG afin de les rendre plus efficaces et de mieux se coordonner avec les travaux des différents ministères. Cette organisation et ces missions sont actuellement mises en pratique et en voie de solidification à mesure que les travaux du gouvernement progressent. A terme, le besoin de stabiliser les SCG et de solidifier tant leur organisation que leurs missions et leurs pratiques pourrait nécessiter de formaliser leur ancrage institutionnel et juridique en passant par un décret et par la formalisation de leur structure et de leurs missions dans un manuel sur le fonctionnement du gouvernement, à l’image du Manuel de Cabinet néozélandais (Encadré 2.3) ou du guide à l’usage des ministres finlandais.

La période de la pandémie du COVID-19 a également montré la capacité de l’administration marocaine à s’adapter à de nouvelles circonstances et à faire preuve d’agilité quand les circonstances l’exigent, comment le montre la création du Comité de Veille Économique (CVE). Cette instance de gouvernance a permis au Royaume une prise de décision rapide et concertée pour répondre aux défis immédiats de la pandémie. Le CVE a largement été vu au Maroc comme un succès par son agilité, sa rapidité et sa représentativité (Encadré 2.1). Le dispositif de gouvernance de la gestion de crise a aussi été complété par la création de postes de commandements opérationnels territoriaux, impliquant les ministères de l’Intérieur et de la Santé, et d’un Comité scientifique consultatif rattaché au ministère de la Santé, ainsi que d’un « Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du coronavirus » (Policy Centre for the New South, 2020[9]).

Le CVE a répondu à une évolution du modèle de gouvernance répandue dans les pays de l’OCDE pour faire face à la crise de la COVID-19, à savoir la création d’un nouveau mécanisme de coordination dédié à la gestion de la pandémie. Une part importante des pays de l’OCDE a créé de nouvelles structures de haut niveau pour prendre des décisions rapides et coordonnées pendant la crise. L’Australie a par exemple établi un National Cabinet à cet effet. Cependant, une différence notable existe avec l’Australie, puisque cette dernière a également associé les différentes régions à sa nouvelle instance (OCDE, 2020[10]). Le Maroc ne prévoit pas à ce stade de conserver le CVE au-delà de la période de gestion de la pandémie. Là aussi, les pratiques diffèrent au sein de l’OCDE puisque certains pays envisagent de maintenir les nouvelles instances, comme l’Australie, quand d’autres s’orientent vers le retour aux instances de gouvernance d’avant crise ou à la désactivation des instances créées pendant la crise, notamment les instances de gestion de crise comme le Centre de Gestion de Crise en République tchèque1. L’Australie a par exemple maintenu le Cabinet National créé pendant la crise et présidé par le Premier Ministre et qui a intégré les gouverneurs des différentes provinces pour accélérer la prise de décision et y associer les différents échelons territoriaux (OCDE, 2020[10]).

Dans l’optique de répondre aux constats établis par le NMD et d’améliorer l’efficacité de l’administration inscrite dans le programme gouvernemental 2021-26, le nouveau gouvernement du Maroc a fait évoluer ses structures avec la création de nouveaux ministères et le renforcement ou la recomposition des fonctions et portefeuilles de différentes institutions publiques. Ces évolutions doivent notamment permettre de mieux répondre aux défis de gouvernance publique portant sur l’efficacité de la prise de décision, la coordination et la cohérence des politiques publiques ainsi que la transformation numérique du gouvernement. En particulier, les SCG ont été réorganisés pour rationaliser et améliorer l’efficacité de leur action en faveur d’un plus grand rôle de conduite et de soutien dans la mise en œuvre de réformes jugées prioritaires. Cette volonté de constituer une unité plus orientée sur l’appui à la mise en œuvre et le suivi fait écho à une recommandation du NMD (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]). Cette réorganisation des SCG s’est faite autour du développement d’activités dans des domaines tels que la stratégie, la coordination de l’information gouvernementale, le juridique, l’expertise sectorielle, le dialogue social, la mise en œuvre des réformes prioritaires et la coordination ainsi que le delivery afin de suivre et d’appuyer la réalisation des priorités définies par le gouvernement.

Face aux défis de la cohérence et de la coordination des politiques publiques au Maroc, mais également de leur évaluation, le gouvernement a également institué le MICEPP dans le but de renforcer l’institutionnalisation et l’efficacité de ces fonctions. Le décret no 7064 du 8 Rajab 1443 (10 février 2022) établit le mandat de ce ministère qui couvre les domaines de l’investissement, du climat des affaires, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques (Gouvernement du Maroc, 2022[12]). Par ces travaux, le ministère vise à renforcer l’efficacité et la convergence des politiques publiques en élaborant un cadre global pour la convergence, en contribuant à un programme de travail gouvernemental dans le domaine, en proposant des recommandations pour améliorer la cohérence des politiques publiques et en mettant en place un système de suivi et une base de données sur la convergence des politiques publiques (article 9). De même, le ministère est chargé du suivi et de l’évaluation des politiques publiques notamment par le développement d’une approche méthodologique globale pour l’évaluation, l’élaboration d’un programme d’action pour l’évaluation des politiques publiques, la mise en place d’une base de données, la publication de recommandations et d’un rapport annuel sur l’évaluation dans l’administration publique et par un travail de soutien et de coordination des ministères dans ce domaine (article 10).

Le nouveau MTNRA reflète la priorité donnée à la numérisation et à la modernisation de l’administration. La création de ce ministère et la priorité accordée au sujet de la transformation numérique constituent un signal fort montrant l’importance et l’enjeu de la transformation numérique de l’administration pour le gouvernement, piliers essentiels du programme gouvernemental 2021-2026. Ce renforcement de la gouvernance du numérique doit permettre au Maroc de préparer et mettre en œuvre les réformes numériques qu’il ambitionne, au niveau de la numérisation de l’administration et au niveau de l’économie.  

Ces évolutions sont à même de recomposer le paysage de la gouvernance publique au Maroc, comme présenté au chapitre 1 du présent Examen, et plus particulièrement l’exercice de fonctions clés telles que la prise de décision, la coordination et le suivi et l’évaluation, en visant une plus grande efficacité et cohérence des politiques publiques.

La préparation et l’appui à la prise de décision par l’organisation des réunions du Cabinet sont une fonction essentielle des centres de gouvernement dans les pays de l’OCDE, quelque soit le système de gouvernance en place. Les réunions du Cabinet, le Conseil du gouvernement dans le cas du Maroc, correspondent à une instance majeure de prise de décision et de délibération dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE. Le centre de gouvernement joue un rôle crucial de préparation et de coordination de l’agenda en vue de ces réunions et s’assure du bon niveau d’information et de qualité des sujets et documents en les revoyant en vue de la réunion, et parfois en les renvoyant pour modification. Il veille également au bon suivi des procédures de préparation de ces documents avant soumission à la réunion du Cabinet ou encore identifie et aide à résoudre les points de blocage ou de conflit en amont. Différentes modalités et procédures sont utilisées pour permettre au centre de gouvernement d’assurer ce rôle de préparation des réunions du Cabinet, par exemple des réunions interministérielles préparatoires formelles ou encore des systèmes de partage et de revue de documents en ligne.

Au Maroc, le SGG et les SCG jouent un rôle majeur dans la préparation des réunions du Conseil du gouvernement. S’il s’agit d’un rôle historique et clairement établi dans la loi organique 65-13 pour le SGG qui est en charge de la préparation des réunions, les SCG ont vu leur rôle s’affirmer progressivement en étroite collaboration avec le SGG.

Le Conseil du gouvernement et sa préparation sont encadrés au Maroc par l’article 92 de la Constitution de 2011 et par la loi organique 65-13, notamment ses articles 13 à 18. Le Conseil réunit le Chef du gouvernement et les ministres et émet des délibérations sur un périmètre large de sujets portant notamment sur la politique générale de l’État, les politiques publiques et sectorielles, les projets de lois et de décrets, et des nominations dans les administrations, les universités et les instituts (Royaume du Maroc, 2011[13]). Les processus de prise de décision pour les politiques publiques au Maroc s’articulent ainsi notamment autour du Conseil du gouvernement qui constitue un temps fort de la gouvernance du pays, reconnu par l’ensemble des acteurs. Les membres du gouvernement doivent notamment « rendre compte au Conseil du Gouvernement de l’accomplissement des missions qui leur sont confiées par le Chef du Gouvernement », comme l’énonce l’article 8 de la loi organique 65-13, et sont solidairement engagés par sa prise de décision (Royaume du Maroc, 2015[14]).

La loi organique 63-15 insiste particulièrement sur les projets de textes législatifs et réglementaires et sur les traités et conventions internationales qui doivent être soumis pour examen et discutés lors des réunions du Conseil du gouvernement. Si elle souligne également que d’autres documents peuvent être diffusés, cet accent sur les documents à portée juridique se retrouve dans la préparation et la tenue des réunions où la dimension et les textes législatifs prennent une place importante alors que le Conseil du gouvernement est appelé à délibérer plus largement sur l’ensemble des priorités, politiques, lois, règlements et sur toute mesure ayant trait au programme gouvernemental ou à des objectifs stratégiques du Maroc.

Le SGG joue un rôle central dans la préparation des réunions du Conseil du gouvernement, comme l’établit la loi organique 65-13 et plus généralement dans le cadre de gouvernance au Maroc (Encadré 2.2). Celui-ci établit le projet d’ordre du jour et le soumet au Chef du gouvernement avant diffusion à ses membres et prépare le compte-rendu de la réunion à l’issue de celle-ci. Le SGG diffuse également l’ensemble des textes et propositions soumis au Conseil du gouvernement aux participants en amont de la réunion (Gouvernement du Maroc, 2015[1]). Le SGG prépare un dossier de synthèse sur les propositions soumises et revoit les propositions finales de textes sous l’angle juridique avant leur discussion à la réunion.

Les SCG sont également impliqués dans cette préparation, notamment en étant force de proposition sur des sujets prioritaires pour la réunion, en revoyant les textes soumis et en soutenant le Chef du gouvernement en préparation de la réunion, par exemple en lui remontant des informations clés et des points de blocage ou pour arbitrage en avance. Le rôle des SCG s’est accru dans le temps, ces derniers revoyant également l’ensemble des textes proposés par les ministères avec un angle technique et juridique et proposant des notes de synthèse au Chef du Gouvernement en vue de sa prise de décision.

Cette préparation implique des échanges en amont avec les différents ministères sur les sujets et textes, le plus souvent par le biais d’échanges informels ou de réunions bilatérales. Ainsi, particulièrement sur les sujets en lien avec le programme gouvernemental et les priorités du gouvernement, les SCG interviennent-ils en accompagnement des ministères sectoriels lors de discussions préalables, analyses et échanges sur les stratégies, politiques publiques et les différentes mesures via des commissions mises en place (interministérielles, techniques, juridiques) ou des comités de pilotage. Le Maroc organise régulièrement des comités de pilotage qui permettent de discuter des textes et de préparer les décisions.

Le Maroc a ainsi adopté un fonctionnement plus informel et agile en préparation des réunions de Conseil du gouvernement par rapport aux pays de l’OCDE. Il n’existe pas au Maroc de réunions interministérielles formelles et systématiques de préparation du Conseil du gouvernement comme cela peut être le cas dans un grand nombre de pays de l’OCDE (Graphique 2.2). Les centres de gouvernement des pays de l’OCDE utilisent davantage des réunions interministérielles formelles et régulières dans la préparation des réunions du Cabinet, que ce soit au niveau des ministres, secrétaires généraux ou directeurs d’administration. Ces réunions interministérielles sont systématiques, ou au moins fréquentes, dans 80% des pays de l’OCDE, et font partie des processus établis de préparation des réunions du Cabinet. Elles se tiennent dans les jours précédant la réunion du Cabinet et permettent de coordonner la préparation en amont et de discuter des sujets et documents soumis pour préparer la prise de décision durant la réunion du Cabinet. Des briefings écrits ou oraux viennent appuyer ces échanges (OCDE, 2017[7]). L’Espagne organise par exemple une Commission des sous-secrétaires des ministères sous l’égide du centre du gouvernement, et la Finlande comme le Canada disposent de comités permanents sur des thématiques clés (économie, finance) qui préparent et se réunissent en amont de la réunion du Cabinet chaque semaine (Gouvernement du Canada, 2013[17]; OCDE, 2017[8]).

La préparation des Conseils du gouvernement est encadrée au Maroc par la loi organique n° 65-13 qui assigne un rôle central au SGG. Les procédures écrites et institutionnelles de préparation restent cependant générales et ne comportent pas d’informations précises sur les rôles attendus de chaque institution (hormis le SGG), les modèles de document à suivre et les consignes pour les rédiger, les modes de soumission et les dates de remise des documents ou encore les procédures d’arbitrage en cas de désaccord.

Des rôles clairement définis et formalisés permettent de fluidifier les processus de préparation et de rendre ceux-ci plus efficaces et plus complets, en créant des routines de travail sur lesquelles les différents contributeurs peuvent s’appuyer et des règles partagées auxquelles ils doivent se conformer. Si la loi organique au Maroc introduit clairement le rôle du SGG, les activités des autres contributeurs et des SCG ne sont pas aussi nettement explicitées. Plusieurs pays de l’OCDE, notamment l’Irlande, le Canada et la Nouvelle Zélande ont défini des manuels du cabinet qui établissent les procédures pour chaque institution, les attendus et les éléments à respecter (y compris pour les documents confidentiels) et permettent de faciliter la transition en cas de changement d’interlocuteur (Encadré 2.3).

La fonction de revue des documents soumis au Cabinet est une activité essentielle du centre de gouvernement au cours de la préparation des réunions du Cabinet dans les pays de l’OCDE. Elle permet notamment de s’assurer de la qualité, de la validité juridique et de la cohérence des mesures et politiques soumises avec le programme gouvernemental (OCDE, 2017[7]). Ces dispositifs de revue sont en place dans les pays de l’OCDE lors de la préparation des réunions du Cabinet, et couvrent un nombre d’éléments et de dimensions généralement plus large que les aspects juridiques et d’alignement avec le programme gouvernemental (Tableau 2.1). Ils permettent de renforcer la cohérence et la qualité des documents soumis aux réunions du Cabinet et de rendre ces réunions plus efficaces et centrées sur la décision, étant donné que les revues de cohérence et qualité ont déjà été effectuées en amont. Surtout, cette revue est systématisée sur l’ensemble des éléments lors de la préparation de la réunion. Certains pays, tels que le Canada, ont aussi ajouté des éléments supplémentaires de revue pour chaque texte soumis à la réunion du Cabinet et qui correspondent à des sujets prioritaires du gouvernement en place, par exemple sur l’inclusion des problématiques de genre dans le texte. Ces critères doivent être pris en compte et discutés dans les mémoires remis au Cabinet.

Ce rôle de revue est souvent associé à la rédaction et la diffusion de lignes directrices par le centre de gouvernement pour la préparation des politiques publiques et des stratégies auxquelles les ministères doivent se conformer quand ils préparent de nouvelles propositions. Celles-ci permettent un alignement sur des objectifs et un format (type de mesures, indicateurs, etc.) au moment de l’élaboration des nouvelles propositions bien avant la revue de contrôle effectuée en aval. Ce type de document existe déjà au Maroc sous deux formes. Sur la partie juridique, des notes de préparation sont élaborées par les ministères en amont et coordonnées notamment par le SGG en vue de la soumission des documents aux réunions du Conseil du gouvernement. Les SCG rédigent pour leur part des notes de synthèse couvrant tant les aspects politiques, juridiques que techniques pour la remontée d’information au Chef du Gouvernement.

Ces fonctions sont jouées au Maroc par le SGG pour la dimension juridique et par les SCG pour les sujets de cohérence mais également pour la qualité, le contenu et les aspects juridiques. Le rôle du SGG dans cette revue est bien établi et institutionnalisé et donne l’occasion d’une note de présentation préparée et soumise par le Ministère. Le rôle des SCG dans cette revue s’est lui systématisé avec le nouveau gouvernement et se matérialise par une note de synthèse qui permet d’informer le Chef du gouvernement, en plus des échanges constants avec les ministères.

Le SGG accompagne la préparation des textes juridiques au Maroc depuis la conception jusqu’à la publication au Bulletin Officiel. Du fait du rôle majeur tenu par le SGG, la préparation du Conseil du gouvernement inclut une revue des textes juridiques et des projets de lois soumis pour examen au Conseil du gouvernement. Le SGG peut notamment renvoyer des éléments aux différents ministères qui ne satisferaient pas à des exigences de qualité. En préparation de la réunion, les SCG effectuent également une revue des textes soumis et remontent des alertes et points d’information au Chef du gouvernement concernant les aspects juridiques, de cohérence avec le programme gouvernemental, de qualité ou de contenu des textes soumis pour préparer les discussions et décisions en Conseil du gouvernement. Une analyse de ces textes est en effet réalisée par les SCG dans les jours précédant la réunion. Le Chef du gouvernement peut ainsi s’appuyer sur ces informations pour accepter le texte soumis, demander des ajustements et plus rarement le rejeter en Conseil du gouvernement.

Afin de soutenir et d’institutionnaliser ces efforts de revue au Maroc, une note de présentation introduit les propositions de textes juridiques soumis pour examen au Conseil du gouvernement. Celle-ci est concise, se centre sur l’objet de la proposition de loi et fait référence aux principaux objectifs ou documents stratégiques dont elle découle. Conformément aux dispositions prévues dans la loi organique 63-15, la présentation de textes juridiques s’accompagne d’une étude d’impact quand « les circonstances l’exigent » (Gouvernement du Maroc, 2015[1]). Un guide a également été produit pour permettre de renforcer la qualité et la conformité des propositions de textes juridiques soumises.

Le nouveau gouvernement a complété cette note d’une note de synthèse préparée par les SCG et qui donne un avis au Chef du gouvernement en vue de sa prise de décision. Sa préparation dans des délais courts et sur des sujets vastes et divers demande une grande réactivité, des compétences larges et des capacités analytiques et thématiques importantes aux SCG. Ces deux documents coexistent à l’heure actuelle et répondent à différents objectifs, plus juridiques pour l’un, plus en lien avec les priorités et le programme gouvernemental et des points d’alerte pour le Chef du gouvernement pour l’autre.

Dans ce domaine, le Canada a développé la pratique de mémoire du Cabinet pour toute proposition de politique publique ou de texte juridique. Ce document accompagne les textes de leur élaboration à leur adoption par le Cabinet, et suit un format et une démarche précise (Encadré 2.4). Il est préparé par le ministère en charge de la proposition et revu tant sous les angles juridiques que de cohérence avec le programme et les priorités gouvernementales.

Un certain nombre de pays de l’OCDE utilisent des dispositifs électroniques pour les procédures de soumission et de commentaires des documents en vue d’accélérer et de faciliter la prise de décision en réunion du Cabinet. Le SGG développe actuellement un projet de numérisation de la procédure de préparation des réunions du Conseil du gouvernement qui pourrait s’inspirer d’exemples de pays de l’OCDE. L’Estonie a par exemple introduit un eCabinet quand la République tchèque utilise un système électronique intergouvernemental de commentaires nommé eKLEP (Encadré 2.5).

Afin d’accélérer la prise de décision et de s’assurer qu’elle s’appuie sur des données et informations fiables, la Finlande a créé un registre de données (data room) accessible immédiatement pour le centre du gouvernement et l’ensemble du gouvernement afin d’avoir un accès rapide à des informations et données essentielles. Un comité de direction interministériel permet d’aider à définir les besoins prioritaires. Son président est le ministre des Finances, et son Vice-président un représentant du Bureau du Premier Ministre.

En s’inspirant de certaines de ces pratiques au sein de l’OCDE, les processus de préparation et de prise de décision au Maroc pourraient bénéficier de davantage de formalisation et de numérisation pour assurer une prise de décision plus efficace et exhaustive durant la réunion du Conseil du gouvernement. La place croissante prise par les SCG dans ces processus, en collaboration avec le SGG qui reste l’entité en charge de la préparation, semble avoir permis une préparation plus fluide, complète et informée des réunions du Conseil du gouvernement. Via la préparation d’un Manuel de Cabinet et la numérisation de la procédure, une plus grande formalisation permettrait de définir des rôles et responsabilités et des procédures claires dans la durée pour chaque acteur impliqué dans la préparation du Conseil du gouvernement en solidifiant les fonctionnements actuels, et de faciliter la revue au préalable de la réunion de tous les éléments clés des propositions soumises au Conseil du gouvernement.

Cette formalisation pourrait aussi prendre la forme de la révision et de la généralisation de la note de présentation des propositions de politiques publiques et de textes législatifs. A ce titre, il pourrait être demandé aux ministères de lier le texte avec le programme gouvernemental et les priorités gouvernementales, à l’image de ce qui se fait au Canada, selon un nouveau modèle de document partagé entre le SGG et les SCG et permettant le recueil des informations pertinentes pour l’ensemble du gouvernement et notamment pour le Chef du gouvernement. Cet effort vers une plus grande formalisation des procédures de préparation et de validation des politiques publiques va dans le sens des priorités identifiées par le NMD pour renforcer le cadre de gouvernance au Maroc.

Ces évolutions peuvent également permettre de consolider et de formaliser le rôle des SCG dans la durée et au-delà du mandat d’un gouvernement ainsi que de clarifier et d’institutionnaliser davantage leurs responsabilités dans les circuits de décision, en les incluant par exemple dans un manuel, et de rendre plus efficaces les procédures de préparation pour l’ensemble des acteurs.

La coordination des politiques publiques à l’échelle de l’ensemble du gouvernement est cruciale pour permettre une approche intégrée et cohérente des stratégies et des politiques publiques et pour s’assurer d’une mise en œuvre efficace et coordonnée, a fortiori dans un contexte de ressources financières et humaines limitées. L’émergence d’un nombre croissant de défis horizontaux et multidimensionnels pour les gouvernements, tels que le changement climatique, les problématiques de genre, les inégalités ou la reprise après la crise COVID-19, a également renforcé ces besoins de coordination par le centre de gouvernement qui doit articuler ces sujets complexes pour l’ensemble de l’administration. La tendance constatée à la multiplication des structures administratives aux niveaux national et local appelle également une augmentation des capacités et instruments de coordination par les gouvernements (OCDE, 2020[6]). Les initiatives prises par les différents ministères et agences sur des sujets transverses tels que la digitalisation ou le développement durable, comme c’est le cas au Maroc et dans de nombreux pays de l’OCDE, demandent une mise en cohérence pour identifier des synergies et utiliser au mieux les ressources. Le centre de gouvernement par son positionnement central, son rôle auprès du Chef du gouvernement et sa capacité de mobilisation apparaît comme un acteur clé dans la coordination des politiques publiques.

Le centre de gouvernement joue un rôle important de coordination de haut niveau dans les pays de l’OCDE pour partager les orientations générales du gouvernement et s’assurer de l’alignement des politiques publiques avec le programme et les priorités du gouvernement, harmoniser les politiques nationales transverses et les politiques sectorielles ou encore résoudre les difficultés ou conflits potentiels en amont des réunions du Cabinet. La fonction de coordination du centre de gouvernement permet également de dépasser les effets de silos entre institutions publiques et de s’assurer de la cohérence des initiatives menées par l’ensemble de l’administration à tous les stades du cycle de développement des politiques publiques, depuis leur préparation jusqu’à leur mise en œuvre et leur évaluation. Il s’agit là d’une fonction essentielle et exclusive du centre de gouvernement dans les 2/3 des pays de l’OCDE, qui doit permettre la mise en œuvre des objectifs et priorités du gouvernement par l’ensemble de l’administration et des institutions publiques (OCDE, 2017[7]).

L’institutionnalisation de mécanismes de coordination robustes au sein du gouvernement permet de renforcer la cohérence des politiques publiques. Si les réunions du Cabinet constituent l’instrument majeur de coordination au sein du gouvernement, un certain nombre d’autres instruments et mécanismes sont utilisés par les centres de gouvernement pour renforcer et faire vivre la coordination interministérielle, notamment des contacts bilatéraux utilisés dans la quasi-totalité des cas et des groupes de conseillers de haut niveau qui peuvent prendre des formes variées et concerner différents niveaux d’interlocuteurs (Ministres, Secrétaires d’État, Directeurs d’Administration) (Graphique 2.3). Selon les pays et les systèmes, ces réunions sont parfois décorrélées des réunions du Cabinet et peuvent permettre de discuter de nouvelles initiatives ou de la mise en œuvre de politiques publiques (OCDE, 2017[7]).

Le Maroc, qui a participé à cette enquête de l’OCDE, articule également la coordination et la prise de décision autour du Conseil du gouvernement. Le gouvernement utilise un certain nombre de mécanismes pour renforcer la coordination interministérielle, tels que les contacts bilatéraux directs, des comités de pilotage mais aussi des commissions interministérielles dont le nombre est allé croissant au fur et à mesure que de nouvelles priorités ou sujets transverses étaient identifiés. Le Maroc utilise également des réseaux de points focaux dans les ministères qui permettent une coordination thématique à des niveaux souvent techniques. Le gouvernement a enfin créé le MICEPP, un nouveau ministère en charge notamment de la convergence des politiques publiques et qui est appelé à jouer un rôle important dans le renforcement des capacités de coordination sur les politiques publiques avec les autres administrations au Maroc.

La coordination des politiques publiques reste néanmoins un défi majeur au Maroc pointé par la plupart des interlocuteurs rencontrés par l’OCDE lorsqu’il s’agit d’assurer une plus grande cohérence et efficacité des politiques et de leur mise en œuvre. Ce défi porte aussi bien sur les sujets transverses et les politiques nationales que sur les politiques sectorielles. Le NMD comme le programme gouvernemental affirment une volonté de renforcer la coordination sur l’ensemble des politiques publiques, de les faire davantage converger et de les mettre en cohérence tant avec les objectifs stratégiques du Maroc qu’avec les priorités du gouvernement. Le NMD souligne notamment qu’il s’agit d’un des nœuds principaux expliquant l’essoufflement du modèle de développement, responsable de lenteurs et de blocages dans l’action publique, et insiste sur la nécessité de développer la transversalité et de casser les effets de « silos ». Les déficits de coordination pèsent également sur la capacité à agir du gouvernement, entrainant un manque de synergie, des duplications ou de l’inertie, qui dispersent et affaiblissent les ressources financières et humaines de l’administration. Ils résultent souvent en une mise en regard insuffisante des mesures prises par rapport aux ressources disponibles, ce qui empêche la pleine réalisation des objectifs de politique publique (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]).

Cette problématique de la coordination des politiques publiques a été identifiée de longue date au Maroc, qui a fait évoluer son cadre institutionnel et ses structures pour y apporter une réponse. Deux réformes importantes allant dans ce sens ont notamment été menées avec la création puis le renforcement des SCG et le développement des commissions interministérielles. Le NMD souligne d’ailleurs le rôle de ces institutions dans la coordination transverse, mais insiste également sur les évolutions nécessaires pour en renforcer l’efficacité (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]).

Les SCG jouent un rôle fondamental en appui du Chef du Gouvernement dans l’orientation et la coordination des travaux du gouvernement, et particulièrement dans le suivi et la mise en œuvre du programme et des priorités gouvernementaux. Le NMD invite à un renforcement de cette fonction d’appui à la mise en œuvre et au suivi de la performance des politiques publiques (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]). Ces fonctions demandent en particulier d’exercer un rôle central dans l’articulation des politiques publiques menées par les ministères et leur mise en cohérence avec le programme gouvernemental.

En plus de leur rôle au cours de la préparation du Conseil du gouvernement, les SCG utilisent activement un certain nombre de mécanismes informels et formels pour coordonner et piloter les politiques publiques et la mise en œuvre des priorités du gouvernement. Ils appuient un certain nombre de commissions interministérielles menées par le Chef du Gouvernement dans un rôle de suivi, force de proposition et d’aide à la préparation et organisent régulièrement des réunions ad hoc avec les ministères et différentes institutions publiques. Des échanges et contacts réguliers ont lieu entre les SCG et les différents ministères sur les priorités thématiques identifiées par les SCG et les mesures du programme gouvernemental. Ces relations se sont intensifiées avec une coordination en continu entre les SCG et les ministères, particulièrement sur les priorités du gouvernement. Ce rôle est amené à continuer à évoluer avec le développement de la fonction transverse de delivery unit au sein des SCG pour mieux évaluer l’avancement et les résultats sur les priorités clés du gouvernement et davantage appuyer leur mise en œuvre avec les ministères afin d’identifier et résoudre les difficultés éventuelles rencontrées.

Les SCG ont également développé des mécanismes d’échange et de collaboration avec les acteurs non gouvernementaux, particulièrement le dialogue social avec les associations d’entreprise et les syndicats, afin de mieux informer la préparation et la coordination des politiques publiques en s’appuyant sur des données et des indicateurs et en reflétant les orientations du Chef du gouvernement.

Afin de renforcer la coordination interministérielle sur des initiatives et de politiques transverses, le Maroc a créé des commissions interministérielles qui sont aujourd’hui au nombre d’une trentaine. Ces commissions ont été instituées par la loi, établies par le Chef du Gouvernement par décret ou circulaire, ou prévues dans des conventions. Elles visent généralement à coordonner les politiques publiques et les différents acteurs autour de thématiques clés, à prendre ou proposer des mesures dans le domaine concerné et à mobiliser les ressources nécessaires à leur mise en œuvre. Ces commissions de coordination interministérielles différent des commissions techniques et juridiques non contraignantes (« soft law ») qui existent également au Maroc et ne font pas l’objet de la présente analyse. Certaines de ces commissions interministérielles constituent des comités permanents de délibérations interministérielles, quand d’autres sont uniquement consultatives. Toutes les commissions disposent d’un mandat avec des objectifs généraux et une liste de participants. Pour certaines commissions, ce mandat s’avère relativement précis et relatif à un livrable, à une réforme ou à une activité systématique (revue des investissements), par exemple la Commission interministérielle de pilotage de la réforme des Centres régionaux d'investissements (CRI), qui examine les recours des décisions des Commissions régionales unifiées d'investissement.

Ces commissions diffèrent cependant fortement par de nombreux aspects ayant trait à leur structure, leur composition, la fréquence de leurs réunions, leur focalisation et leur positionnement dans le processus de prise de décision et de coordination du gouvernement. Un certain nombre de ces commissions sont présidées par le Chef du Gouvernement, et leur composition varie en fonction des sujets tant pour les institutions représentées que pour le niveau des participants. Le rôle de Secrétariat est généralement tenu par le département concerné. Certaines de ces commissions se réunissent moins d’une fois par an et n’ont pas tenu de réunion récente, là où d’autres comme la Commission interministérielle des Investissements tiennent jusqu’à plusieurs réunions chaque année.

Plusieurs de ces commissions jouent un rôle actif sur les enjeux pour lesquelles elles ont été créées, et leurs travaux ont abouti à des initiatives ou mesures concrètes tout en coordonnant les acteurs concernés par la problématique. La Commission interministérielle des Investissements en constitue un exemple (Encadré 2.6).

L’hétérogénéité des commissions pose cependant des défis de gouvernance et d’efficacité au Maroc. L’apport des commissions interministérielles dans les travaux du gouvernement reste difficile à évaluer et variable selon les commissions, que ce soit en termes de coordination ou d’appui à la prise de décision. Les commissions disposent d’un mandat et d’un objectif définis dans le texte de création. Cependant une partie de ces commissions interministérielles se réunit épisodiquement et ne produit pas de plan d’action ou de rapport annuel permettant de mesurer leur activité et leur pertinence dans la durée, du fait que leur mandat n’est dans la plupart des cas pas lié à un livrable ou à une réforme (par exemple une feuille de route ou un rapport de recommandation ou d’évaluation sur un sujet donné) et ne définit pas de borne temporelle à l’action de la commission correspondant à ce livrable, par exemple la remise d’un rapport final ou l’émission de recommandations ou la fin du mandat du gouvernement, rendant leur action d’autant plus difficile à mesurer dans le temps.

Le Maroc a engagé un effort important de rationalisation et d’optimisation de l’efficacité de ces commissions interministérielles. Ce processus passe actuellement par la réalisation par les SCG d’un état des lieux des commissions, qui peut être un préalable à des ajustements et recompositions parmi ces commissions. Ce processus pourrait à la fois examiner l’aspect quantitatif (nombre de réunions, niveau des participants, liste des livrables produits par celle-ci) et l’aspect qualitatif (apport de la commission, qualité des recommandations ou décisions), mais aussi les possibles chevauchements et la correspondance du thème des différentes commissions aux priorités du gouvernement. Il est également important que cette recomposition viser à recentrer les commissions interministérielles sur les priorités du gouvernement. Le positionnement des SCG est un élément important pour s’assurer que ces commissions apportent la coordination, les décisions et les résultats attendus, particulièrement dans un rôle de challenge mais aussi de soutien et de suivi de l’avancement sur des thèmes et mesures prioritaires du gouvernement que certaines commissions couvrent. Cela peut demander une plus grande focalisation des SCG sur des commissions ciblées qui correspondent aux priorités du gouvernement, a fortiori quand elles sont présidées par celui-ci, en préparant et en l’assistant dans la prise de décision lors de la préparation de la commission et en suivant l’effectivité des décisions prises et des mesures à mettre en œuvre. Le NMD a souligné l’importance de poursuivre l’amélioration de l’efficacité des commissions, dont les modalités restent cependant à définir.

En plus des commissions interministérielles, un certain nombre de réseaux de points focaux existent dans l’administration pour assurer la coordination et la cohérence des initiatives dans différents domaines. Ces réseaux permettent d’articuler, de discuter et de faire porter des sujets transverses au sein des différents ministères. Par exemple, il existe un réseau des points de contact informatiques pour la numérisation de l’administration au niveau des départements clés, ou encore le Réseau Interministériel de Concertation pour l’intégration de l’égalité des sexes dans la fonction publique, un réseau de points focaux sur les sujets de genre. Ceux-ci sont généralement directement animés par les ministères en charge des sujets et sont créés ad hoc selon les besoins identifiés. Ils sont souvent appuyés par des instances interministérielles à des niveaux généralement techniques, dans lesquelles les points focaux se réunissent pour discuter des avancées et des différentes initiatives avec un objectif de coordination et d’alignement, souvent sous l’égide du ministère en charge du sujet. Ces réseaux s’avèrent utiles et complémentaires pour mobiliser et animer ces sujets transverses à différents niveaux de l’administration et assurer une mobilisation continue et en dehors des structures existantes qui s’avèrent souvent insuffisantes pour traiter des problématiques horizontales au quotidien.

Il n’existe cependant pas de modèle ou de lignes directrices encadrant la formation et l’animation de ces réseaux pour lesquels les SCG, le MICEPP ou le MTNRA jouent un rôle significatif ou sont appelés à le faire. La diversité des profils, le niveau hiérarchique variable des participants et leur faible ancrage institutionnel dans les ministères concernés nuisent parfois à leur capacité d’action ou de mobilisation dans les ministères. Par exemple, dans le cas du réseau genre, l’absence d’une unité en charge dans les ministères demande un effort supplémentaire de visibilité et de mobilisation aux points focaux qui n’ont parfois pas les leviers institutionnels pour promouvoir les initiatives ou changements attendus au niveau voulu. Des lignes directrices et guides de bonnes pratiques pourraient être préparés et diffusés aux différents ministères, par exemple par le MICEPP, pour mieux constituer et animer ces réseaux et en harmoniser les pratiques.

Du fait de son mandat, le ministère a pour mission de préparer et de suivre la mise en œuvre de la politique de l’État dans les domaines de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques. Le ministère est ainsi notamment appelé à suivre la mise en œuvre et évaluer les politiques publiques pour en vérifier la convergence, l’efficacité et l’efficience, à réaliser la cohérence entre les politiques publiques et les politiques sectorielles, et à établir des recommandations pour le gouvernement visant à améliorer l’efficacité des politiques publiques et le renforcement de leur convergence, leur cohérence et leur complémentarité (Gouvernement du Maroc, 2022[12]).

Bien qu’ayant hérité de certaines prérogatives du ministère des Affaires Générales et de la Gouvernance sur la cohérence et l’évaluation des politiques publiques, le ministère dispose également de missions inédites dont les modalités et mécanismes de mise en œuvre sont en cours de définition.

La mise en œuvre de ces missions nécessite une approche concertée avec les SCG et l’ensemble des ministères qui contribuent à la coordination de l’action gouvernementale, notamment pour les politiques publiques ayant trait à des priorités du gouvernement. En particulier, la coordination entre les SCG et le MICEPP apparait essentielle afin de s’assurer que les efforts de cohérence et de convergence des politiques publiques sont menés de façon concertée et se renforcent mutuellement. Plus précisément, les SCG et le ministère pourraient avoir un rôle complémentaire, les SCG se focalisant sur les priorités du gouvernement quand le ministère traiterait de l’ensemble des politiques publiques, et les deux structures pourraient venir en appui l’une de l’autre sur la base de types d’intervention et d’instruments différents (base de données et méthodologie pour l’une, suivi et soutien de priorités définies sur la base d’indicateurs clés de performance pour l’autre). Les modalités de ces interactions restent à définir.

Le manque de coordination et de convergence des politiques publiques a des impacts forts sur l’action et la perception de l’action gouvernementale. La multiplication des priorités rend difficile la bonne réalisation de l’ensemble d’entre elles, là où une coordination sur les priorités permet la prise d’engagements publics plus réalistes et cohérents et la préparation d’interventions mieux construites, dotées et mises en œuvre (OCDE, 2020[6]). La constitution de silos administratifs est un effet négatif classique de ce manque de coordination et amène à un éparpillement des priorités, des actions et des ressources. Ces déficits de coordination aboutissent tout d’abord à une perte d’efficacité due à des doublons ou à des ressources insuffisantes, lorsqu’elles sont prises séparément, pour mener à bien certaines politiques ou initiatives publiques. Un sentiment de gaspillage de ressources peut être perçu par les administrés. Les doublons peuvent également ajouter une charge supplémentaire aux ministères qui doivent chacun développer les capacités d’analyse et de mise en œuvre des politiques publiques concernées. Ces déficits sont également source d’incohérences entre certaines politiques ou services publics qui peuvent affecter les citoyens dans leurs démarches vis à vis de l’administration. Ce manque de coordination peut enfin créer des problèmes dans la cohérence de la communication vis à vis du public avec des messages contradictoires ou incomplets passés par l’administration qui doit autant que possible “parler d’une seule voix” aux citoyens.

Malgré les dispositifs mis en place et les réformes menées ces dernières années, les politiques publiques au Maroc continuent de souffrir d’un déficit de coordination. Une meilleure coordination des politiques publiques apparait comme une priorité au Maroc afin de renforcer la cohérence des politiques publiques et de permettre une meilleure mise en œuvre grâce à une meilleure utilisation de ressources par définition limitées. Bien que les politiques sectorielles soient en général adoptées en Conseil du gouvernement, elles ne sont pas toujours suffisamment concertées avec les SCG et alignées avec les politiques nationales transverses, notamment au moment de leur élaboration et de leur mise en œuvre.

Il apparait également que différentes administrations portent des priorités et des projets similaires avec un déficit de coordination d’ensemble. Ainsi lors des entretiens menés par l’OCDE, l’ensemble des ministères interrogés ont indiqué mener différents projets et initiatives liés à la numérisation de l’administration, sans que celles-ci ne soient concertées ou connectées entre elles. Si chaque ministère reste responsable de la numérisation de ses activités, une plus grande coordination et un partage des ressources permettrait d’harmoniser les initiatives et les processus en cours de numérisation, que ce soit internes à l’administration ou des services publics, de combiner les ressources humaines, financières et numériques et de s’assurer de l’interopérabilité des systèmes. À ce titre, le chantier de la digitalisation s’est récemment érigé comme priorité pour le MTNRA, en lien avec les recommandations du NMD. À travers le développement d’une stratégie nationale de numérisation pilotée par le MTNRA, le Maroc vise notamment à améliorer la coordination interministérielle en matière de numérisation. Le développement des activités de numérisation au sein du MTNRA et de suivi au sein des SCG doit permettre de répondre à ce déficit de coordination et d’aligner les priorités et les initiatives autour de la nouvelle stratégie numérique du Maroc, également soutenue par l’Agence de Développement du Digital, qui doit mettre en œuvre cette stratégie en particulier sur les sujets techniques, de partage d’information et d’interopérabilité avec la mise en place d’une plateforme d’échange de données entre les administrations (se référer au chapitre 3 sur la Gouvernance adaptée au contexte actuel pour plus d’informations). D’autres grandes initiatives transverses de l’administration ne sont pas suivies ou connues des différentes administrations publiques.

Une déconnexion continue d’exister entre les politiques publiques menées, le cadre institutionnel et les ressources disponibles. Celle-ci limite la capacité d’action des ministères, ralentit les réformes et peut les amener à définir leurs priorités au moment de la mise en œuvre en regard de leurs ressources, sans toujours la concertation et la coordination nécessaire pour ce type de choix.

Les mécanismes de coordination au Maroc sont globalement en ligne avec les pratiques de pays de l’OCDE, mais apparaissent cependant moins formalisés et moins présents à tous les niveaux de l’administration et pourraient bénéficier de davantage d’institutionnalisation. Certains pays de l’OCDE ont des comités permanents de coordination des politiques publiques qui viennent souvent s’inscrire dans le processus de préparation des réunions du Cabinet, comme c’est par exemple le cas en Finlande ou au Canada (Encadré 2.7). Les pays de l’OCDE utilisent aussi largement des comités de coordination réguliers aux niveaux des secrétaires d’État ou directeurs de l’administration pour orienter, discuter et coordonner les travaux et politiques au sein de l’administration, en plus de réunions et contacts bilatéraux (Graphique 2.4).

Les commissions interministérielles, en particulier les commissions consultatives, pourraient être harmonisées et davantage intégrées dans les processus de décision aux niveaux ministériel et interministériel. La place de ces commissions interministérielles dans les processus de coordination et de prise de décision des politiques publiques est à ce titre un défi essentiel. Les commissions décisionnaires peuvent prendre et mettre en œuvre des décisions par arrêté. Si certaines de leurs propositions peuvent faire l’objet d’une décision ministérielle et rester au niveau du ministère en charge, les propositions de plus haut niveau des commissions consultatives comme décisionnaires doivent être remontées au SCG, soit pour soumission directe au Chef de gouvernement, soit lors de la préparation du Conseil du gouvernement pour revue puis, le cas échéant, arbitrage durant la réunion et publication d’un décret relatif à la mesure ou à l’action décidée. Ce lien essentiel entre les commissions et la prise de décision appuyée par les SCG doit permettre la prise en compte des besoins de décision pour la mise en œuvre des recommandations actées en commission.

Les capacités par définition limitées des SCG, comme de tout centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE, ne lui permettent pas de suivre l’ensemble des sujets et travaux menés par les ministères au sein des commissions. Il est important au contraire que les SCG se focalisent sur ceux qui correspondent aux priorités du gouvernement. Pour les commissions qui ne concernent pas une priorité du gouvernement et ne nécessitent pas la direction directe du Chef du gouvernement ou un appui par les SCG, celles-ci, par leur thématique ou leur niveau, pourraient a contrario être rattachées à un ministère de tutelle et ne plus être présidées par le Chef du gouvernement. Concrètement, le Chef du gouvernement préside actuellement plus d’une vingtaine de commissions. Ce nombre pourrait être revu à la baisse et cette présidence confiée à des Ministres de tutelle sur le sujet.

Par ailleurs, l’émergence continue de nouveaux sujets et priorités doit amener à repenser le périmètre de chacune des commissions pour l’étendre, le fusionner ou le modifier. Par exemple, la priorité accordée à la numérisation de l’administration pourrait rejoindre la commission sur la simplification des procédures administratives qui étendrait ainsi son périmètre, compte tenu des enjeux liés entre ces sujets. Le mandat de certaines commissions pourrait être réexaminé, précisé ou terminé, notamment pour ce dernier cas quand les objectifs ont été remplis, ne sont plus prioritaires ou ont évolué, comme cela a été le cas pour la Commission en charge du plan ICRAM. La Finlande a de son côté adopté une approche plus agile en créant des groupes de travail interministériels sur les priorités du gouvernement (au nombre de sept actuellement) au début du mandat d’un gouvernement qui sont ensuite dissoutes à la fin du mandat. De nouvelles sont créées en fonction des priorités du nouveau gouvernement, parfois dans le prolongement des précédentes quand les priorités restent inchangées (Encadré 2.7).

La convergence des politiques publiques est un défi majeur que les évolutions institutionnelles au Maroc visent à accompagner. La création du MICEPP doit aider à relever ce défi et permettre cette plus grande convergence. Le MICEPP ambitionne de mettre en place un cadre global favorable à la diffusion et l’animation d’une culture de convergence et à l’ancrage de cette culture dans les pratiques au sein des administrations. Pour ce faire, le ministère envisage de participer, dans un cadre concerté, à la refonte du cadre de gouvernance et particulièrement la réforme et l’optimisation des commissions de coordination interministérielles existantes (nombre, missions, composition et mode de fonctionnement).

Le rôle assigné au MICEPP demande une définition claire des responsabilités et une collaboration étroite avec les SCG qui ont un rôle de coordination de politiques publiques autour du programme et des priorités du gouvernement et soutiennent la préparation et la tenue d’un nombre important de commissions interministérielles. Des mécanismes interministériels adéquats doivent également permettre cet alignement sur la méthodologie, les objectifs et les contenus des politiques publiques afin d’avoir des politiques publiques cohérentes et de qualité et à même de remplir les objectifs communs du gouvernement. Le projet d’une commission interministérielle de la convergence a été évoqué par le ministère. Celle-ci demandera de définir précisément les rôles du ministère et des SCG dans le mandat, la direction et le rôle de Secrétariat afin de s’assurer d’une gouvernance efficace et coordonnée.

La convergence des politiques publiques porte également des dimensions territoriales avec des enjeux de modernisation, d’alignement et de coordination avec le niveau local pour promouvoir une bonne gouvernance et un développement social et économique sur l’ensemble du territoire.

Une communication publique utilisée de façon efficace soutient les objectifs gouvernementaux stratégiques (OCDE, 2021[29]). La fonction de communication peut en ce sens revêtir un rôle pour la cohérence de la lisibilité et de la visibilité de l’action gouvernementale, par exemple à travers une identité organisationnelle voire gouvernementale, et pour la coordination des efforts menés à l’échelle de l’ensemble du gouvernement (OCDE, 2021[29]). Au sein du centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE, la communication publique est également un outil à l’appui d’une planification gouvernementale stratégique. Pour jouer pleinement ce rôle, établir une stratégie de communication contribue à définir, prioriser, cibler et orienter son action et son rôle en soutien de l’action gouvernementale et des politiques publiques (OCDE, 2021[29]).

Au Maroc, une première charte éditoriale pour les outils numériques des SCG, développée à la suite de la mise en place du gouvernement en 2021 et mise en œuvre dans la première année de mandat, pose des fondements en ce sens. Cependant, elle ne représente pas une stratégie englobante et omnicanale de la communication du gouvernement. Or, un tel document, décliné ensuite en plan d’action, est un possible levier de développement pour le futur de la communication du gouvernement orientée vers les citoyens et un soutien stratégique et efficace aux politiques publiques (OCDE, feuille de route à paraître).

La coordination de l’information gouvernementale dans le pays repose notamment sur une progressive institutionnalisation des échanges entre les communicants publics nationaux, notamment au sein du réseau des responsables de la communication publique, et sur le groupe WhatsApp afférent. L’institutionnalisation de cette coordination pourrait être approfondie avec des rencontres et échanges réguliers au niveau interministériel (OCDE, 2019[30]). Il ressort des échanges menés dans le cadre de la rédaction de ce chapitre que des pistes sont envisagées afin de rendre ces échanges plus réguliers, avec une volonté d’organiser deux rencontres annuelles.

En outre, les fonctions chargées de la coordination de l’information du gouvernement au sein des SCG ont entrepris des actions à l’été 2022 pour mettre en place une grille de coordination des actions de communication à l’échelle du gouvernement. Au moment de la rédaction de cette revue, la grille permet une anticipation à 2 à 3 mois avec une planification et information précises relatives aux actions à mener à un horizon d’une à deux semaines. La pérennisation de ces efforts et une vision à plus long-terme de cette planification soutiendra l’usage stratégique et coordonné de la communication gouvernementale. En Colombie, en Irlande, en Lettonie, au Mexique, en Slovénie et au Royaume-Uni, de telles grilles permettent la coordination des activités de communication en informant les parties prenantes des actions futures et des moments clés à venir (OCDE, 2021[29]). Ces outils offrent une solution peu coûteuse pour la coordination au sein et entre les différentes administrations.

Des efforts pour coordonner la mise en œuvre sur le terrain de certaines actions de communication sont en cours de déploiement. Ils sont menés conjointement avec les départements ministériels selon les thématiques couvertes. En outre, sur certaines campagnes de communication plus transversales au gouvernement marocain, les personnes chargées de la coordination de l’information gouvernementale au sein des SCG centralisent l’information et mènent par exemple la coordination et la mise en œuvre des relations presse et des activités de communication numérique. Un site web a également été mis en place à l’hiver 2022 pour rendre visible et informer sur les actions de communication à l’échelle du gouvernement. Il permet la publication de brèves renvoyant vers les sites des départements ministériels compétents ou d’articles de fond rédigés au sein des SCG.

Par ailleurs, différentes méthodes peuvent être utilisées pour la coordination de la communication publique. En Irlande, tous les départements du gouvernement sont rassemblés sur un seul portail (gov.ie). Ceci a l’avantage d’assurer une identité graphique et substantielle à travers l’ensemble du gouvernement et sur les canaux de communication des différentes administrations, ainsi que de rassembler toutes les informations destinées aux citoyens sur une seule et même plateforme.

La planification stratégique vise à établir une vision partagée pour le futur du pays et permet d’identifier des priorités et des objectifs stratégiques à différents horizons de temps en vue de les accomplir. Le processus de planification stratégique permet de préparer et de réaliser des plans stratégiques qui répondent à cette vision et de les traduire en priorités et en programmes pour les différents ministères. La planification stratégique donne également un cadre de référence pour la priorisation des réformes et des mesures pour l’ensemble du gouvernement (OCDE, 2017[7]). La planification stratégique demande ainsi de définir des priorités, le processus de priorisation impliquant de faire des choix entre un grand nombre d’initiatives dans un contexte de ressources financières et humaines limitées. Elle permet de définir un séquencement dans les décisions et leur mise en œuvre afin de permettre au gouvernement de réaliser ses objectifs stratégiques sur différents horizons de temps. Elle demande à être liée au processus budgétaire afin de mettre en adéquation les priorités stratégiques avec les ressources financières à allouer, ce qui est notamment fait au Maroc par le biais de la loi de finances.

La planification stratégique doit enfin permettre aux gouvernements de faire face à des défis stratégiques nationaux, parfois immédiats, mais également de répondre à des enjeux globaux de long terme tels que le changement climatique ou la transition numérique et doit ainsi conjuguer l’urgence, le moyen terme, qui correspond souvent à la durée d’un cycle électoral, et le long terme.

Le centre du gouvernement est un acteur moteur de la planification stratégique dans les pays de l’OCDE, qui constitue une de ses fonctions principales (Graphique 2.5). Par sa position centrale, son approche transverse et sa proximité avec le chef de l’exécutif, le centre de gouvernement est bien positionné pour conduire les activités de planification stratégique pour l’ensemble du gouvernement. Le centre de gouvernement est avant tout en charge de la coordination et de la supervision des plans stratégiques, un rôle qu’il joue dans plus des deux tiers des pays de l’OCDE. Ce rôle va consister à s’assurer que les ministères ont des plans de long terme alignés avec le plan stratégique national ou à les mandater pour les mettre en place (Graphique 2.5). Le centre de gouvernement vise alors à assurer la cohérence et l’alignement stratégique de l’ensemble du gouvernement, que ce soient des stratégies nationales ou sectorielles, notamment avec les principaux documents stratégiques du pays.

Dans plus de la moitié des cas, le centre de gouvernement aide aussi à identifier et définir les priorités stratégiques du gouvernement. Le processus de priorisation demande au centre de gouvernement de définir les priorités sur la base de critères, de faire des arbitrages entre les initiatives soumises par les ministères et de s’assurer que le mandat électoral du gouvernement est bien traduit et mis en œuvre par le programme gouvernemental et les politiques sectorielles menées par le gouvernement. Le centre de gouvernement opérationnalise souvent la vision ou le programme du gouvernement dans un plan d’action ou une feuille de route pour permettre sa mise en œuvre par les ministères.

Le centre de gouvernement a joué un rôle important dans la planification de la reprise suite à la pandémie COVID-19 dans la majorité des pays de l’OCDE, permettant d’identifier et de sélectionner des priorités et de préparer des plans de relance. Dans un grand nombre d’entre eux, le centre de gouvernement est également en charge de la coordination et du suivi de la mise en œuvre du plan de relance (OCDE, 2021[31]).

Les activités de planification stratégique ont connu au Maroc des développements importants ces dernières années, notamment avec l’élaboration du NMD qui est venu établir une vision et un cadre stratégique de référence de long-terme. Le gouvernement établit également un programme gouvernemental, qui constitue son document stratégique directeur sur la durée de son mandat. Les SCG jouent un rôle clé dans l’alignement stratégique et le pilotage et le suivi du programme gouvernemental pour l’ensemble du gouvernement. Le suivi du programme gouvernemental est fait par chaque ministère sur son périmètre. Les SCG effectuent quant à eux un travail de consolidation et représentent une entité de suivi global, avec une focalisation sur certaines priorités identifiées par le gouvernement. Les SCG travaillent également à établir des correspondances entre le programme gouvernemental et le NMD.

D’autres institutions indépendantes participent à la planification stratégique avec différents rôles, particulièrement le Haut-Commissariat au Plan (HCP), le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et la Cour des Comptes :

  • Le HCP produit des informations et indicateurs statistiques, des analyses et des études prospectives qui permettent d’informer les stratégies du Royaume et la LOLF. En termes de vision stratégique, le HCP dispose d’une Direction de la Planification. Il a pour mission d’établir les rapports nationaux de mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD) (décret n°2.19.452 du 17 juillet 2019) en concertation avec la Commission Nationale Pour le Développement Durable et sur la base des contributions des départements ministériels (Haut Commissariat au Plan du Maroc, 2022[32]). Il permet ainsi d’analyser les perspectives d’évolution sur l’avancement des ODD et d’en effectuer le suivi en fonction des politiques publiques annoncées et menées par le gouvernement. Le NMD fait référence à la trajectoire de développement par rapport à l’accomplissement des ODD, cependant les axes stratégiques du NMD ne sont pas directement connectés aux ODD (Commission Spéciale sur le NMD, 2021[33]). Le rôle du HCP s’est récemment accru quant au suivi du NMD puisque celui-ci mène actuellement une analyse des indicateurs et indices nécessaires au suivi et à l’évaluation des orientations et politiques publiques couvertes par le NMD.

  • Comme le HCP, le CESE a lui aussi été consulté dans le cadre de la préparation du NMD. Le CESE, par saisine ou par auto-saisine, prépare des études et analyses sur les politiques publiques et la législation qui peuvent informer et contribuer à l’évolution des stratégies et des politiques publiques dans le Royaume.

  • La Cour des Comptes joue un rôle indirect dans la planification stratégique en apportant des analyses, audits, évaluations et recommandations sur les politiques publiques du gouvernement qui viennent informer les futurs documents et orientations du gouvernement, en plus de sa mission de contrôle supérieur des finances publiques.

Les Discours de Sa Majesté le Roi permettent de définir les priorités court et long terme pour le Royaume, pour le gouvernement et à l’attention du public, comme c’est également la pratique dans d’autres pays tels que le Royaume-Uni avec les Discours de la Reine, aux États-Unis avec le Discours sur l’État de l’Union et au Canada avec les Discours du Trône. Ceux-ci constituent des cadres de référence fréquemment cités dans les politiques publiques et projets de loi, guidant ainsi l’action de l’ensemble de l’administration, faisant des points d’étapes et permettant de redéfinir ou de renforcer certains défis et priorités. Les Discours occupent une place importante dans l’identification et la communication des priorités stratégiques du Royaume et les plus récents sont venus introduire et appuyer le NMD.

La planification stratégique au Maroc a connu une avancée importante avec le développement du NMD, reconnu comme le cadre de référence stratégique de long terme par l’ensemble de l’administration et par les citoyens. La définition de ce cadre demande une coordination et un alignement stratégiques accrus avec les documents stratégiques tant existants que ceux à venir (pour répondre aux attentes exprimées dans le NMD), principalement le programme gouvernemental, les stratégies multisectorielles et les stratégies sectorielles. Ce rôle essentiel dans la planification stratégique, exercé par le centre de gouvernement dans la plupart des pays de l’OCDE, est aujourd’hui joué de façon croissante par les SCG au Maroc.

Fort d’un large processus de consultation publique, le NMD adopté en 2021 a permis de doter le Maroc d’un cadre stratégique commun à l’ensemble des institutions du Royaume, communiqué au public et reconnu par tous. Le NMD fait le constat d’un essoufflement général du modèle de développement actuel du Maroc, pour partie lié à des défis de gouvernance publique, et identifie quatre axes stratégiques de long terme pour le Maroc portant sur l’économie, le capital humain, l’inclusion et la solidarité et les Territoires et la durabilité (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]).

Chacun de ces axes s’accompagne de choix stratégiques et de propositions détaillées ainsi que d’exemples de bonnes pratiques en place. Le NMD met aussi en avant des leviers de transformation dont la numérisation et l’administration. Le NMD propose la mise en place d’un plan plus détaillé, le « Pacte National pour le Développement », et d’un mécanisme de suivi pour aider à sa mise en œuvre (Commission Spéciale sur le NMD, 2021[33]). S’il invite à les constituer, le NMD, en tant que document stratégique de haut niveau, n’inclut pas de plan d’action ou de feuille de route détaillée identifiant des rôles et responsabilités ou un calendrier général.

Le programme gouvernemental est un autre document stratégique phare pour le Maroc. Il définit la vision et les politiques du gouvernement, établissant un certain nombre d’axes de travail prioritaires. Ce programme est établi par le Chef du gouvernement avec sa coalition et présenté au Parlement. Il guide l’action du Chef du gouvernement et de son gouvernement pour la durée de leur mandat.

Le programme gouvernemental 2021-26 établi en octobre 2021 présente le contexte, des objectifs d’ensemble pour l’action du gouvernement et trois axes stratégiques : renforcer les fondements de l'État social ; accompagner la transformation de l'économie nationale afin de créer des opportunités d'emploi pour tous ; la gouvernance au service du citoyen et une administration efficace. Des mesures plus détaillées sont prévues sur chaque axe. Le programme gouvernemental fait référence au NMD et à ses axes stratégiques et affirme la volonté du gouvernement de les mettre en œuvre. Il inclut notamment des priorités du NMD sur la réforme et la modernisation de l’administration telles que la déconcentration territoriale, la transition numérique et la simplification des procédures (Gouvernement du Maroc, 2021[34]).

Le NMD comme le programme gouvernemental ont été préparés selon des processus structurés mais ad hoc, qui ne sont pas encadrés par une loi ou des lignes directrices précises. Un certain nombre de pays de l’OCDE ont défini des cadres légaux et des processus régissant la planification stratégique. Cet encadrement par des textes ou des protocoles, tel que le Manuel du Cabinet en Nouvelle-Zélande, permet par exemple de s’assurer que le processus d’élaboration, de consultation, d’adoption et de mise en œuvre des documents stratégiques est systématique, suivi par tous et répond à des standards de qualité. Il facilite les activités de pilotage et d’alignement stratégique menées par le centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE et oblige les parties prenantes. En Lettonie, la hiérarchie entre les documents de planification stratégique est inscrite dans la loi et expliquée dans un manuel dédié à destination du gouvernement. Cette hiérarchie établit que les plans court terme (3 ans) doivent non seulement être cohérents mais sont subordonnés hiérarchiquement aux plans moyen terme (jusqu’à 7 ans), eux-mêmes subordonnés aux stratégies long-terme. Les documents sectoriels de court, moyen et long terme doivent eux-mêmes être cohérents avec le document national principal de même échéance qui est préparé par le Cabinet des Ministres, notamment la Stratégie de développement durable de la Lettonie 2030 pour le long terme et le Plan de Développement 2027 pour le moyen terme. Enfin, le programme du gouvernement doit être réalisé à l’aune des documents stratégiques long et moyen terme et leur est hiérarchiquement inférieur (Gouvernement de Lettonie, 2016[35]).

Le Maroc ne dispose pas de loi encadrant le processus de préparation des documents stratégiques, établissant les responsabilités des différentes institutions, instituant des mécanismes de coordination ou définissant des outils et procédures précis, en dehors du lien avec le processus budgétaire. Le Maroc n’a pas non plus établi de lignes directrices pour le développement de stratégies transverses ou sectorielles à l’usage des ministères et des autres institutions publiques afin de s’assurer de leur harmonisation et de leur respect de certains critères ou exigences. La République tchèque a par exemple développé des documents méthodologiques et des modèles de stratégie à l’usage de l’ensemble du gouvernement et qui sont disponibles en ligne sur un portail dédié, et soutenu par un groupe de travail (Gouvernement de la République tchèque, 2022[36]).

Les processus de planification stratégique différent fortement selon les documents stratégiques et ne bénéficient pas à ce stade d’une institutionnalisation forte et pérenne. Le NMD est l’aboutissement d’une large démarche de consultation menée par une Commission, la CSMD, instituée par Sa Majesté le Roi en 2019 et rassemblant largement des acteurs publics reconnus aux profils variés (issus de la société civile, ambassadeurs, anciens membres du gouvernement) afin d’établir un diagnostic et des propositions concrètes pour rénover le modèle de développement du Maroc (Commission Spéciale sur le NMD, 2022[37]). La CSMD est une instance ad hoc constituée pour un objectif précis, qui n’a pas de lien établi avec le gouvernement et n’a pas été institutionnalisée dans la durée. Les modalités de suivi de la mise en œuvre du NMD et de son adaptation éventuelle selon les progrès réalisés et les changements dans l’environnement extérieur sont envisagées dans le NMD mais n’ont pas été encore définies, complexifiant à ce stade le dialogue et l’alignement entre l’action gouvernementale et le NMD.

Le programme gouvernemental est lui établi par le Chef du gouvernement avec sa coalition et n’est pas un document préparé par l’administration, même si différents services contribuent à son élaboration. Le programme est ensuite mené par le Chef du gouvernement et son gouvernement et sa mise en œuvre est pilotée et appuyée par les SCG, selon des modalités et instruments qui évoluent à chaque gouvernement.

La connexion entre ces deux documents stratégiques n’est cependant pas clairement établie au Maroc au cours de leurs processus d’élaboration, notamment du fait de la nouveauté du NMD. Si le programme gouvernemental fait bien référence au NMD, les liens précis entre les objectifs et priorités de l’un et de l’autre ne sont pas explicitement établis dans le programme gouvernemental, par exemple connectant les axes stratégiques du NMD avec ceux du programme gouvernemental ou de ses mesures.

Les SCG assurent aujourd’hui dans la pratique le lien et la cohérence entre le programme gouvernemental et les axes du NMD. Les SCG s’efforcent de mener ce travail de mise en cohérence en analysant pour chaque stratégie son apport par rapport au programme gouvernemental et au NMD.

Une vue d’ensemble des axes stratégiques du NMD et du programme gouvernemental fait apparaitre une correspondance globale entre ces deux documents stratégiques (Tableau 2.2). Compte tenu de l’objectif plus limité dans le temps du programme gouvernemental, celui-ci ne couvre pas l’ensemble des mesures et activités prévues dans le NMD qui ont vocation à être réalisées sur plusieurs mandats gouvernementaux. Dans le détail, il apparait que certaines priorités du programme gouvernemental sont plus focalisées ou concentrées sur certaines mesures concrètes. Par exemple, dans l’axe administration et gouvernance publique, une grande priorité est donnée à la numérisation plus qu’aux réformes institutionnelles ou des procédures et modes de travail de l’administration. Des liens plus explicites et plus fins pourraient être établis entre les deux documents, notamment entre les axes stratégiques et entre les actions prévues dans les deux documents, en précisant par exemple comment les actions du programme gouvernemental répondent aux axes stratégiques et aux propositions du NMD. Les SCG ont travaillé à des matrices de correspondance sur ce sujet et permettent aujourd’hui d’établir les liens entre ces documents et les priorités.

Les indicateurs clés de performance et leur suivi peuvent permettre d’aligner des documents stratégiques et de s’assurer qu’ils remplissent des objectifs communs et visent à atteindre les mêmes résultats. Le NMD a défini quinze indicateurs clés de résultats touchant à l’économie, au capital humain, à l’inclusion, à la durabilité et à la gouvernance et à l’administration. Par exemple, sur le sujet de la gouvernance publique, ils portent sur l’efficacité du gouvernement, la numérisation des services ou la satisfaction des usagers (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]). Si certains sont repris dans le programme gouvernemental, comme l’indicateur GINI, tous ces indicateurs ne figurent pas dans le programme gouvernemental, mais pourraient être suivis en appliquant des cibles intermédiaires de moyen terme (par exemple à l’échelle de chaque mandat de gouvernement) permettant ainsi d’atteindre les objectifs fixés par le NMD à son terme.

L’alignement entre les stratégies et le budget est effectué notamment au cours du processus budgétaire annuel et triennal. Cet alignement est prévu dans le cadre de la Constitution et de la loi organique n° 130-13 et se fait à travers la préparation de la Loi de Finances. Le cadre stratégique est donné par le Chef du Gouvernement au ministère des Finances et de l’Économie. Le Chef du Gouvernement identifie ainsi les priorités pour le budget. En 2023, elles portent par exemple sur l’état social, l’investissement et l’emploi ou encore l’urbanisme. La préparation de la note de cadrage vise notamment à assurer l'harmonisation entre la planification stratégique du gouvernement et l'affectation des ressources prévue dans les objectifs budgétaires annuels. La circulaire relative à la programmation triennale permet de faire le rapprochement entre les objectifs du gouvernement et le budget pluriannuel. Le Chef du gouvernement a ainsi émis la circulaire n°5bis/2022 le 8 mars 2022 pour inviter les départements ministériels et institutions à établir leurs propositions de Programmation Budgétaire Triennale 2023-25 incluant des objectifs et des indicateurs de performance (Gouvernement du Maroc, 2022[38]). Les propositions sont revues en Commissions de Programmation et de Performance et par le Chef du gouvernement pour arbitrage puis communiquées au ministère de l’Économie et des Finances. Enfin, des circulaires régulières sont émises sur le suivi de la mise en place de la démarche de performance. En effet, des projets de performance incluant des objectifs et priorités doivent être soumis par les ministères dans le cadre des processus budgétaires annuel et triennal.

Les stratégies sectorielles répondent souvent à une priorité identifiée dans un document cadre stratégique du gouvernement, programme gouvernemental ou plan stratégique long terme, ou à des besoins identifiés par le ministère en charge du sujet. Dans les deux cas, le développement et la mise en œuvre d’une stratégie sectorielle demande une mise en cohérence et un alignement au niveau de l’ensemble du gouvernement, généralement réalisés par le centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE.

Les ministères sectoriels sont tenus au Maroc de développer une stratégie sectorielle selon les informations transmises par le gouvernement. De nombreuses stratégies sectorielles ont été établies et sont mise en œuvre au Maroc par les ministères sur des sujets qui leur sont propres, telles que le Plan d'Accélération Industrielle 2014-20 et le Plan de relance industrielle 2021-23 qui ont été préparées par le ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Économie Verte et Numérique mais qui demandent souvent une forte cohérence avec les stratégies d’autres ministères. La CSMD a fait le constat d’un besoin d‘amélioration de l’alignement et du suivi des stratégies sectorielles. Celles-ci ont été développées par différents ministères avec des horizons de temps variables, des structures de documents et d’indicateurs qui différent d’un document à l’autre et un manque général d’alignement avec les priorités gouvernementales et leurs évolutions (Commission Spéciale sur le NMD, 2021[33]).

Plusieurs stratégies transverses existent au Maroc, telles que la Stratégie de Développement Durable 2030, le plan « Génération Green » et la Stratégie Énergétique 2030. Elles sont aujourd’hui mis en cohérence avec le programme gouvernemental et ses priorités par les SCG avec le soutien des départements concernés.

La mise en cohérence des stratégies sectorielles avec les stratégies horizontales et les documents stratégiques principaux doit se faire à différents stades du cycle des politiques publiques, de la conception à la mise en œuvre. La revue effectuée par les SCG en préparation de la réunion du Conseil du gouvernement doit permettre un alignement et une mise en cohérence des stratégies avec les priorités et le programme gouvernemental. Cet alignement doit également se faire très en amont, au moment de la conception et de l’élaboration de la stratégie. Les SCG appuient également de façon croissante cet alignement en amont à travers des échanges et réunions avec les ministères aux différentes étapes de la préparation des stratégies, aussi bien sur le plan juridique que technique et de cohérence avec les priorités du gouvernement.

S’il n’existe pas au Maroc de processus institutionnalisé et systématique, comme des groupes de travail interministériels impliquant des acteurs des ministères et des SCG, les SCG jouent un rôle actif dans la préparation de ces stratégies en étroite coordination avec les départements, par exemple en donnant de grandes orientations liées au programme gouvernemental, en participant aux ateliers de travail et aux comités de pilotage concernant lesdites stratégies et en faisant des remontées d’information et d’éléments au Chef du Gouvernement pour son information et son arbitrage. Le Canada dispose de tels groupes ministériels puis interministériels qui permettent un alignement en amont dans les premières étapes de la conception et de l’élaboration des politiques. La Finlande a, quant à elle, établi des groupes de travail interministériels sur les priorités du gouvernement. Le Maroc n’a pas de dispositif ou d’outil de suivi systématique de la mise en œuvre des stratégies sectorielles et s’appuie essentiellement sur les relations informelles entre les SCG et les ministères sectoriels.

Certaines dimensions institutionnelles pourraient être consolidées pour appuyer l’alignement stratégique et la mise en œuvre des documents stratégiques au Maroc. Un travail de mapping pourrait être engagé vis-à-vis des stratégies principales pour identifier les correspondances avec le programme gouvernemental et le NMD, les différences et les adaptations potentiellement nécessaires. La mise en place de nouveaux mécanismes et outils de coordination, sans pour autant créer de nouvelles structures, pourrait permettre d’assurer la convergence et l’efficacité de la mise en œuvre des stratégies et politiques publiques sectorielles avec les mesures prévues dans le programme gouvernemental. À ce titre, le programme SIGMA2 a proposé un livre blanc destiné à soutenir les efforts du Maroc dans la préparation, l’harmonisation des pratiques et le suivi des stratégies sectorielles en proposant une méthodologie unitaire à l’usage notamment des SCG (Encadré 2.8).

Le programme gouvernemental est défini par le Chef du gouvernement et la coalition en amont de la nomination du gouvernement et de la constitution des ministères et des différentes structures publiques, et n’est ainsi pas établi par les SCG. Les SCG ont un rôle stratégique important quant à la conduite et à la mise en œuvre du programme gouvernemental et de ses priorités. Sur la base du programme gouvernemental, ils identifient, coordonnent et suivent les priorités du gouvernement en mettant l’accent sur celles qui nécessitent un pilotage et un appui renforcé. Ils s’assurent de la cohérence des politiques publiques et des stratégies nationales menées par les ministères avec les priorités du gouvernement et notamment le programme gouvernemental. Ce travail d’alignement est effectué par des contacts bilatéraux entre les SCG et les différents ministères et au cours de la préparation et de la réunion du Conseil du gouvernement.

L’alignement entre le NMD, le nouveau et les futurs programmes gouvernementaux apparait comme un enjeu stratégique majeur pour le Maroc. Il convient de s’assurer que la réalisation des initiatives prévues dans le programme gouvernemental actuel et les suivants contribuent à la mise en œuvre du NMD. Si le programme gouvernemental fait le lien entre les priorités définies et celles du NMD, le programme gouvernemental n’établit cependant pas de lien explicite pour chacune de ces priorités d’action avec le NMD. Pour cela un cadre logique de correspondance et d’alignement entre le NMD et le programme gouvernemental qui permettrait de faire un suivi précis fait encore défaut. Les SCG ont développé des matrices de correspondance qui pourraient permettre de soutenir cet effort et d’effectuer un suivi plus précis. La recomposition des services des SCG autour des priorités gouvernementales vise aussi à permettre un meilleur suivi et appui de l’alignement et de la mise en œuvre des priorités stratégiques par les ministères et les acteurs publics concernés. Les SCG appuient également davantage les ministères sectoriels dans la préparation de leurs stratégies a fortiori quand celles-ci sont liées aux priorités du Chef du gouvernement.

Les évolutions institutionnelles au Maroc visent à appuyer la coordination stratégique, notamment avec le développement des activités des SCG et du HCP mais aussi avec la création du MICEPP qui pourrait jouer un rôle dans le suivi de la convergence des stratégies, notamment à travers la base de données envisagée, et dans la diffusion de guides méthodologiques (Gouvernement du Maroc, 2022[12]). Un renforcement du rôle du HCP dans la coordination stratégique est envisagé par le programme gouvernemental, et s’est traduit récemment par le développement du rôle de l’institution dans le suivi des indicateurs du NMD (Gouvernement du Maroc, 2021[34]; Haut Commissariat au Plan du Maroc, 2022[40]). Le suivi des ODD effectué par le HCP et désormais des indicateurs du NMD doit permettre de faire le lien, sur la base d’informations statistiques, entre l’avancée du Maroc dans les indicateurs du NMD et les progrès effectués dans les ODD et d’ainsi établir une correspondance accrue entre la trajectoire de développement et les axes stratégiques définis dans le NMD et l’atteinte des ODD. L’intégration plus formalisée de ces institutions dans le processus de planification stratégique par des instances ou une logique de réseau, à l’image de ce que fait France Stratégie en France avec différents conseils et agences, pourrait permettre une meilleure prise en compte des contributions apportées par ces différentes institutions.

Un renforcement du rôle stratégique des SCG pourrait améliorer le lien entre les documents stratégiques clés du Maroc, les politiques publiques menées et les différentes stratégiques sectorielles et transverses. 

Les SCG au Maroc ont développé récemment leurs activités de planification et d’alignement stratégique pour identifier les besoins dans le paysage stratégique national et les documents stratégiques existants, mettre en cohérence les différentes stratégies et s’assurer qu’elles répondent aux priorités du gouvernement. Les capacités des SCG pourraient être progressivement renforcées afin de leur permettre de suivre l’alignement des stratégies avec l’ensemble du programme gouvernemental de façon systématique, et de développer des activités de prospective.

Dans plus de 60% des cas, le centre du gouvernement dispose d’une unité dédiée à la planification stratégique et au suivi de sa mise en œuvre comme en Estonie (Encadré 2.9) ou en Finlande. Cette unité a des capacités suffisantes pour faciliter et coordonner l’alignement des stratégies nationales et du programme gouvernemental avec les ministères, appuyer les ministères sur l’aspect cohérence avec le programme gouvernemental mais aussi méthodologique, effectuer le suivi détaillé de la mise en œuvre du programme gouvernemental et exercer des activités de prospective. En Finlande, le département stratégie du gouvernement couvre un large spectre d’activités, y compris l’alignement stratégique, le suivi du programme gouvernemental, la gestion de différents dossiers ou priorités, la prospective et l’animation des ateliers de travail interministériels.

Les SCG se sont saisis d’un certain nombre de priorités transverses et de défis à long terme du gouvernement. Certains défis globaux de gouvernance publique apparaissent communs à tous les pays de l’OCDE et les pays partenaires, à l’image du changement climatique, du renforcement de la participation citoyenne, de la numérisation ou des migrations. Les SCG se sont structurés de façon à pouvoir répondre à ces priorités et à suivre et appuyer les réformes avec les ministères. La structure des SCG pourrait ainsi évoluer en même temps que les priorités, conduisant à la création ou à l’évolution des unités existantes. Les pays de l’OCDE voient notamment la création d’unité ou de ressources au sein du centre de gouvernement en charge de la numérisation, comme en République tchèque avec la nomination d’un Premier Ministre adjoint et d’une équipe au sein du centre de gouvernement, ou le climat par exemple avec la création d’un Secrétariat général à la Planification écologique auprès du Premier Ministre en France.

Ces activités sur des thèmes transverses pourraient être renforcées par des activités de prospective stratégique, à l’image du centre de gouvernement en Finlande. Dans le cas de la Finlande, le département stratégie du gouvernement au sein du Bureau du Premier Ministre est notamment en charge de la prospective et dispose d’équipes dédiées qui anime un réseau interministériel de points de contacts prospective et soutient la préparation de « Future Reviews ». Ces documents préparés par chaque ministère et qui donnent la vision de l’administration sur les tendances et défis actuels dans les différents secteurs de l’administration, à destination notamment des candidats aux élections parlementaires et aux futurs gouvernements. Il faut noter cependant que malgré les défis liés à l’incertitude face au futur et aux crises et les besoins en termes d’anticipation, peu de centres de gouvernement dans les pays de l’OCDE disposent de capacités de prospective stratégique.

Une mise en œuvre plus efficace, de meilleure qualité et davantage coordonnée des politiques publiques, des réformes et des axes stratégiques constitue un axe de progrès pour le développement économique et l’action publique au Maroc identifié dans les différents documents stratégiques et par les interlocuteurs rencontrés par l’OCDE. Cet objectif est repris explicitement dans le NMD et dans le programme gouvernemental.

Le suivi de la mise en œuvre des stratégies et des politiques publiques est une des fonctions clés du centre de gouvernement dans 84% des pays de l’OCDE. Il s’agit d’une des 5 fonctions les plus importantes du centre de gouvernement d’après les pays interrogés. Selon les pays, ce suivi correspond à différentes activités : suivre les progrès dans la mise en œuvre, s’assurer que la mise à œuvre des politiques publiques par les ministères répond bien aux priorités du gouvernement, collecter des informations sur la mise en œuvre ou coordonner celle-ci (Tableau 2.3). Ce suivi est cependant souvent axé sur le contrôle du respect des procédures et du progrès dans la mise en œuvre plutôt que dans la mesure de l’impact ou des résultats obtenus par la politique publique. La plupart des mécanismes de suivi localisés dans le centre de gouvernement concernent indifféremment la mise en œuvre des documents stratégiques, tels que le programme du gouvernement ou des politiques publiques sectorielles ou transverses considérées comme prioritaires. En Finlande ou en Estonie, ce sont par exemple les unités en charge de la planification stratégique qui font le suivi de la mise en œuvre des priorités et des documents stratégiques.

En général dans les pays de l’OCDE, les ministères sont en charge de la mise en œuvre de leur stratégie quand le centre de gouvernement fait le suivi global des progrès et de la performance et remonte l’information au Chef du gouvernement. Ainsi la plupart des systèmes de suivi consistent en une remontée des progrès (avancement, utilisation des ressources) sur le plan sectoriel ou sur les mesures menées par chaque ministère dans leur périmètre, vers le centre de gouvernement qui collecte, analyse et remonte l’information pour le Chef du gouvernement. La moitié des pays de l’OCDE demandent aux ministères des remontées par rapport à un plan opérationnel du programme gouvernemental avec des dates butoirs et un peu plus d’un tiers fixe des objectifs de performance (OCDE, 2017[7]).

Les activités d’évaluation sont en revanche très rarement menées par des institutions du centre de gouvernement dans les pays de l’OCDE. L’évaluation de l’impact des politiques publiques sur les résultats sociaux ou économiques n’est en général pas effectuée par le centre de gouvernement mais par les ministères ou les agences eux-mêmes sur leurs périmètres respectifs. En revanche, le centre de gouvernement joue souvent un rôle de direction stratégique pour l’évaluation et de promotion en s’assurant de la mise en œuvre de pratiques d’évaluation et d’une approche intégrée de celle-ci, ainsi qu’en promouvant son utilisation pour la préparation des politiques publiques. Ce rôle est également souvent porté ou soutenu par le ministère des Finances (OCDE, 2020[42]).

Les activités de suivi et d’évaluation mais aussi d’appui à la mise en œuvre sont essentielles pour assurer la réalisation des politiques publiques et des objectifs stratégiques du Maroc. Le NMD souligne les faiblesses continues du suivi, de l’évaluation et de l’accompagnement de la mise en œuvre comme un des freins à la réalisation des réformes et des politiques publiques (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[2]). Les évolutions au sein du gouvernement ont vocation à répondre à ces défis tant dans le suivi que dans l’évaluation.

Les activités de suivi de la mise en œuvre des priorités gouvernementales ont fait l’objet de développements et de renforcement au sein des SCG dans un rôle d’orientation, de suivi et d’appui à la mise en œuvre (delivery). Les SCG ont fait évoluer leurs approche et instruments de suivi des priorités et des mesures pour mieux appuyer la mise en œuvre des priorités identifiés. Les SCG sont en charge d’identifier, de renforcer le suivi des priorités et de s’assurer de leur réalisation par les différents ministères. Les SCG font à la fois du suivi (dans un rôle de « Projet Management Officer ») et de l’apport d’expertise, y compris juridique, sur les différents thèmes ou priorités identifiés et travaillent avec les Ministères concernés. Ce suivi est centré sur les priorités du gouvernement, particulièrement sur les thématiques de protection sociale, d’investissement et d’emploi. Ce suivi est fait de façon fluide et continue par les SCG en coordination directe avec les ministères concernés, et permet de faire remonter les informations et points importants au Chef du gouvernement. La préparation de plans et le suivi détaillé est fait au niveau de chaque ministère et la consolidation et le suivi général effectués par les SCG. Les activités de suivi font appel à peu de mécanismes formels et reposent davantage sur les contacts et échanges entre les SCG et les ministères.

La Finlande utilise une approche de suivi des priorités qui repose largement sur la confiance entre les administrés et l’administration et au sein de l’administration, entre les ministères et le centre du gouvernement. Cette approche se traduit par des interactions continues pour le suivi des priorités entre le Bureau du Premier Ministre et les ministères, et un suivi fait individuellement par chaque ministère qui remonte l’information. Cette approche basée sur la confiance est appuyée par un ensemble de mécanismes de suivi et de coordination formels, notamment un groupe des secrétaires généraux de l’administration, des groupes de travail interministériels sur les priorités, mais également un plan d’action opérationnel de suivi du programme gouvernemental et un outil informatique dédié qui suit au plus près l’avancement de chacune des mesures importantes de ce plan afin de factualiser et systématiser le suivi. Le Maroc effectue un suivi largement basé sur des contacts informels et pourrait envisager de soutenir les activités de suivi par davantage de mécanismes formels.

L’approche actuelle du suivi au Maroc permet de se concentrer sur les priorités du gouvernement. Des outils ou instruments supplémentaires de planification et d’opérationnalisation des stratégies, y compris informatiques, pourraient aider à consolider l’action des SCG dans ce rôle. Au Royaume Uni, les Outcome Delivery Plans sont de véritables feuilles de route données par le centre de gouvernement aux ministères qui permettent de décliner opérationnellement les priorités du gouvernement dans chaque secteur. Ces priorités pourraient être suivies et menées sur la base de plans précis pour chacune, responsabilisant ainsi les ministères, comme c’est le cas au Royaume-Uni (Encadré 2.10).

Dans le cadre de cette approche de suivi largement centrée sur les priorités du gouvernement, le Maroc s’appuie sur des plans d’actions opérationnels par département qui sont suivis et consolidés par les SCG et reliés aux stratégies existantes et aux mesures prévues dans le programme gouvernemental afin de s’assurer de la mise en œuvre opérationnelle de celui-ci. A titre de comparaison, la Finlande utilise une approche plus « top-down » dans laquelle le programme gouvernemental est décliné en un plan d’action pluriannuel très détaillé par le département de la stratégie du gouvernement au sein du centre du gouvernement. Un certain nombre de pays de l’OCDE ont aussi développé des plans opérationnels annuels qui correspondent à une déclinaison annuelle et opérationnelle du programme gouvernemental et qui incluent des indicateurs de performance, souvent davantage centrés sur les résultats voire les procédures ou la vérification de la mise en œuvre de mesures plus que sur l’impact. Dans la grande majorité des cas, le centre du gouvernement fait a minima un suivi « bottom-up » de la mise en œuvre des stratégies en collectant et analysant des rapports d’avancement généralement annuels sur les plans d’action liés aux stratégies et élaborés par les ministères (OCDE, 2017[20]).

Le Maroc n’a pas de plan global permettant de rendre opérationnel le NMD, de type feuille de route, et attend de chaque programme gouvernemental qu’il contribue à réaliser les axes stratégiques du NMD. En plus d’un plan global opérationnel, des plans plus précis par priorité du NMD pourraient être développés avec des objectifs tangibles et des indicateurs clés de performance. L’absence d’un mécanisme de suivi tel que prévu dans le rapport du NMD constitue aujourd’hui un frein à ce suivi, à la mise en œuvre opérationnelle et à la remontée d’informations. Le HCP est amené à jouer un rôle important dans le suivi des indicateurs du NMD. En effet, le référentiel stratégique du HCP en termes de production statistique se structure par les orientations économiques, sociales, environnementales et territoriales retenues par le NMD. En tant que cadre stratégique pour les politiques publiques, le NMD doit permettre d’opérer une convergence avec les objectifs et le modèle des ODD. Dans ce contexte, le HCP a engagé une analyse du NMD pour dégager les indicateurs et indices nécessaires au suivi et à l’évaluation des politiques publiques pour réaliser les objectifs du NMD et les ODD et leur convergence.

En outre, le renforcement de l’usage efficace de la communication publique peut être pertinent en ce sens pour appuyer la communication sur les résultats, en se fondant sur une stratégie et un plan d’action. Une évolution est notable eu égard à la communication relative au bilan du programme gouvernemental à l’automne 2022. Les résultats des politiques publiques menées pour le mettre en œuvre sont présentés en explicitant une donnée chiffrée de progression ou d’impact, un profil bénéficiaire spécifique dans la population (par exemple, les employés d’un secteur, les jeunes ou personnes âgées bénéficiaires, une catégorie de revenu, etc.) et l’aspect dédié du Programme que l’action de communication couvre.

En cohérence avec d’autres documents stratégiques des SCG, des départements ministériels et avec le programme gouvernemental, cette approche peut être approfondie et systématisée. Elle sera ainsi gage d’une articulation de la communication des SCG avec ces documents, les politiques mises en œuvre ainsi que les résultats dont bénéficient les citoyens. En liant ces différentes composantes, les messages disséminés sont de nature à assurer une meilleure visibilité, lisibilité, mais aussi redevabilité de l’action publique (OCDE, 2021[29]). Les échanges plus réguliers envisagés dans le cadre du réseau des responsables de la communication des départements ministériels marocains pourront également efficacement soutenir l’amplification de la dissémination de messages clés liés au programme gouvernemental et aux politiques publiques transversales et sectorielles.

Les SCG s’orientent également vers une approche transverse de Delivery unit que l’ensemble des SCG devront jouer pour appuyer les ministères dans la mise en œuvre des priorités du gouvernement. Ces approches nécessitent une certaine implication et des capacités pour assister les ministères dans le suivi et la mise en œuvre des mesures, y compris la définition de plans d’action. Certains pays de l’OCDE, à l’image du Royaume-Uni ou du Canada, ont construits et mis en œuvre depuis plusieurs années cette approche de Delivery Unit pour appuyer la réalisation des priorités stratégiques et politiques (OCDE, 2017[7]). Les Delivery Units sont généralement localisées dans le centre du gouvernement et visent à appuyer directement les ministères dans la mise en œuvre des priorités et des politiques publiques. Si la nature de ces unités varie d’un pays à l’autre, elles remplissent deux fonctions principales :

  • Suivre les progrès d’un certain nombre de priorités politiques, grâce à une analyse approfondie et actualisée des données ;

  • Intervenir lorsque ces priorités ne sont pas réalisées (par exemple en menant des enquêtes approfondies, en réunissant les parties prenantes ou en fournissant une assistance technique). (Institute for Government, 2017[44]).

Ces unités vont aussi mener des recherches et travaux complémentaires quant à la mise en œuvre des priorités gouvernementales, instituer des groupes de travail focalisés sur la mise en œuvre impliquant les ministères en charge de celle-ci et, selon les cas, publier de l’information sur les réalisations vis-à-vis du public (OCDE, 2017[7]). La Delivery Unit du Royaume Uni constitue un des exemples les plus marquants de cette approche qui a pu inspirer de nombreux autres pays (Encadré 2.11).

Selon le niveau d’appui envisagé à terme auprès des différents ministères, ces activités de delivery pourraient demander des ressources supplémentaires, notamment dotées de compétences en gestion de projet, résolution du problèmes et développement des capacités, de préférence avec une expérience de l’administration. Une organisation en task force peut ainsi permettre d’apporter un soutien opérationnel aux différents ministères sur leurs projets de réforme, comme le fait la Direction Interministérielle de la Transformation Publique en France.

Le gouvernement du Maroc conduit des évaluations de ses politiques qui restent cependant encore ad hoc, n’utilisent pas des cadres analytiques harmonisés et dont les résultats ne sont pas systématiquement utilisés. Sur la base de ces constats, le nouveau gouvernement a souhaité renforcer et systématiser les activités d’évaluation en créant un ministère en charge entre autres de l’Évaluation, le MICEPP. Si celui-ci n’a pas vocation à produire des évaluations pour l’ensemble de l’administration, il est chargé de développer la pratique de l’évaluation dans l’administration et de mettre en place un cadre institutionnel. Il vise ainsi à définir et disséminer une méthodologie commune, appuyer les ministères, assurer une cohérence dans la préparation des évaluations et ancrer dans les pratiques l’utilisation de leurs résultats. D’autres acteurs indépendants tels que la Cour des Comptes et le CESE produisent également des évaluations de politiques publiques qui sont remises au gouvernement et pourraient être davantage prises en compte en coordination avec le nouveau ministère. En particulier, la Cour des Comptes émet des recommandations et fait des rapports d’avancement sur celles-ci qui pourraient être utilisés dans les travaux et bases de données sur l’évaluation du nouveau ministère. Afin de coordonner les pratiques de l’évaluation, une réflexion est menée sur la nécessité de créer une commission interministérielle de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques que le ministère appuierait et à laquelle pourrait participer certains acteurs indépendants.

La plupart des pays de l’OCDE ont développé un cadre légal et institutionnel pour l’évaluation des politiques publiques. Le Japon a par exemple une loi qui définit les rôles et responsabilités de chacun et a préparé et diffusé des lignes directrices pour les pratiques de l’évaluation ainsi qu’un plan d’évaluation couvrant une période de 3 à 5 ans. Le centre du gouvernement dans les pays de l’OCDE joue un rôle de définition des standards et des lignes directrices pour l’évaluation et de promotion de sa mise en œuvre et de son utilisation dans la préparation des politiques publiques, plus rarement de conduite d’évaluations (sauf dans les cas où une unité dédiée a été instituée au centre du gouvernement) qui sont réalisées et institutionnalisées dans les ministères et les agences. Ce rôle est complété par des instances indépendantes en charge de l’évaluation telles que les Cours des Comptes (OCDE, 2020[42]). Dans un grand nombre de pays de l’OCDE, des évaluations sont conduites au fur et à mesure de la mise en œuvre des stratégies et des documents de politiques publiques, selon des critères et modèles définis par le centre du gouvernement ou une autre entité spécifique. Les ministères préparent généralement un rapport annuel et un rapport final d’évaluation de la mise en œuvre de leurs stratégies sectorielles qui sont remontés au centre de gouvernement. Ces évaluations permettent de rendre des arbitrages sur la stratégie, d’identifier des points de blocage et d’ajuster les documents en cours ou de préparer les prochains. Ces informations sont essentielles au bon pilotage et alignement des stratégies existantes.

Différents modèles institutionnels sont utilisés dans les pays de l’OCDE avec plusieurs grandes tendances : la centralisation de l’évaluation au sein du centre de gouvernement, au sein du ministère des Finances, ou au sein d’une agence autonome ou d’un autre ministère (Planification notamment), ou la décentralisation dans différentes agences, essentiellement dans les pays nordiques. Le Service économique et d’évaluation du gouvernement irlandais (Irish Government Economic and Evaluation Service, IGEES) constitue un exemple remarquable d’institutionnalisation de la fonction d’évaluation. Cette structure horizontale est coordonnée par le département des Dépenses et de la Réforme et soutient l’ensemble du gouvernement pour la réalisation des évaluations et pour le développement de politiques publiques basées sur des données probantes. Ses équipes sont envoyées en appui à la réalisation des évaluations dans les différents départements du gouvernement. L’IGEES a également développé des activités de formation et des mécanismes d’échange en ligne et en personne avec les différents départements sur l’évaluation (OCDE, 2020[47]).

Le renforcement de la culture de l’évaluation est également essentiel au Maroc. La systématisation et la régularité des évaluations, le développement de manuels de procédures ou encore la dispense de formations dans l’administration sont parmi les mesures les plus utilisées dans les pays de l’OCDE pour instaurer une culture de l’évaluation au sein de l’administration. Celle-ci demande aussi que les résultats des évaluations soient communiqués et pris en compte par l’administration dans le développement des futures politiques et stratégies. Le recours à des commissions, des réseaux ou des espaces d’échanges sur l’évaluation au sein de l’administration s’est également avéré important pour ancrer cette culture dans un certain nombre de pays de l’OCDE, tels que les États-Unis et le Mexique (OCDE, 2020[42]).

L’utilisation de données probantes, y compris issues de l’évaluation des politiques publiques, de la manière dont elles sont mises en œuvre, communiquées au public et dont elles affectent leur comportement ou leur utilisation des services publics, permet également une communication plus stratégique. Ces données contribuent à des messages mieux définis et ciblés et à un impact accru des activités de communication relatives aux politiques publiques (OCDE, 2021[29]).

Le Maroc a renforcé progressivement le cadre de gouvernance depuis la Constitution de 2011 en consolidant l’exercice de fonctions clés que sont la prise de décision, la coordination, la planification stratégique et le suivi des politiques publiques. Le NMD a permis de définir une vision stratégie commune et partagée par l’ensemble des acteurs et d’identifier des axes d’amélioration, y compris dans le cadre de gouvernance. Le développement et le renforcement récent des SCG a notamment permis de doter le gouvernement de plus d’agilité et de capacités pour assurer la mise en cohérence des politiques et priorités gouvernementales. Le rôle des SCG, mais d’autres institutions telles que le MICEPP et le HCP, ainsi que les dispositifs institutionnels et les procédures et instruments de gouvernance peuvent encore être consolidés et rendus plus efficaces pour soutenir la réalisation des objectifs du programme gouvernemental et du NMD.

  • Développer un document cadre pour solidifier et formaliser les structures, les rôles et procédures dans les processus de décision au Maroc impliquant les SCG, le SGG et les ministères via un manuel de procédures comme en Nouvelle Zélande. Le document pourrait couvrir des sujets tels que les modalités de préparation et de tenue des réunions du Conseil du gouvernement et la conduite des affaires lors des réunions, les rôles attendus des différentes institutions dans cette procédure, ainsi que des instructions pour la préparation et la présentation de textes soumis au gouvernement, les propositions de nouvelle législation et les procédures de suivi. Il pourrait être préparé conjointement par les SCG et le SGG puis être mis à jour par chaque nouveau gouvernement si nécessaire. Un manuel permet notamment de garder la mémoire institutionnelle des fonctionnements et clarifier les rôles attendus pour les futurs acteurs. Les rôles des SCG pourraient également être formalisés par un décret pour les ancrer dans la durée dans le cadre institutionnel de gouvernance au Maroc.

  • Formaliser et numériser les procédures de préparation des réunions du Conseil du gouvernement à l’image du e-cabinet estonien en utilisant une plateforme comme outil de partage, d’échange et de suivi qui inclut des étapes avec des dates butoirs et un espace de partage, de commentaire et de dissémination de documents.

  • Adopter et proposer aux ministères un nouveau format conjoint de note de présentation des textes soumis qui couvre les aspects juridiques (comme actuellement pour le SGG) mais également les aspects de cohérence avec le programme gouvernemental et les priorités du Chef du Gouvernement, à l’exemple des Notes de Cabinet utilisées au Canada.

  • Développer le rôle de soutien et de proposition d’outils du MICEPP pour la convergence des politiques, dont des lignes directrices, une base de données et des modèles de documents.

  • Développer un réseau de contacts en charge dans les différents ministères et l’animer activement pour s’assurer de leur utilisation et de la qualité des politiques publiques.

  • Définir clairement les modes de collaboration entre le MICEPP et les SCG sur les sujets de convergence et de coordination des stratégies et des politiques publiques, par exemple par une revue régulière des stratégies et politiques publiques associées à des priorités du gouvernement et inscrites dans la base de données à développer du MICEPP.

  • Intégrer davantage les commissions interministérielles aux processus de décision en renforçant leur lien avec les SCG et, quand le niveau de décision l’exige, en développant des notes courtes pour décision pour s’assurer que les décisions clés sont remontées, examinées et prises en Conseil du Gouvernement ou par le Chef du Gouvernement, particulièrement dans le cas des commissions interministérielles consultatives. Continuer à confier aux ministères le rôle de Secrétariat des commissions et focaliser le rôle des SCG sur un rôle actif de challenge et de préparation du Chef du gouvernement et de suivi des décisions quand celui-ci est en charge de présider la commission ou quand la commission traite d’une priorité identifiée par le gouvernement.

  • Finaliser le recensement des commissions interministérielles et revoir les objectifs ou préciser les livrables de celles dont les activités ne sont pas clairement définies et mettre des bornes temporelles quand des livrables sont associés ; fusionner celles dont les mandats et l’activité font apparaitre des chevauchements ; mettre fin au mandat de celles dont les activités ont atteint leur objectif ou ne sont pas en position de le faire.

  • Identifier les commissions interministérielles qui correspondent à des priorités du Chef du gouvernement et focaliser sa participation sur celles-ci en limitant leur nombre, à l’image de la Finlande qui en a établi un nombre limité correspondant aux grandes priorités du gouvernement ; créer de nouvelles commissions sur des priorités du gouvernement quand elles n’existent pas avec une optique de définition de la stratégie, de pilotage, de résolution des points de blocage et de discussions des progrès (visant parfois à prolonger le travail des commissions ad hoc aujourd’hui utilisées lors du développement d’un nouveau plan ou stratégie) ; déplacer les commissions ne correspondant pas à des priorités du gouvernement sous des ministères de tutelle et leur en donner la présidence.

  • Développer les mobilités entre les ministères et les SCG pour travailler sur des priorités spécifiques, faciliter la coordination, permettre des apports d’expertise selon les moments et besoins, et mieux comprendre les rôles et enjeux respectifs de chaque institution.

  • Mieux définir et renforcer les dispositifs institutionnels de suivi et de mise en œuvre du NMD et leur connexion avec le programme gouvernemental.

    • À terme, un mécanisme de suivi comme prévu dans le NMD pourrait être mis en œuvre, par exemple une entité stratégique dédiée qui viserait à mesurer le progrès du NMD et à s’assurer de sa réalisation, y compris dans le suivi de l’atteinte de ses objectifs et de sa mise en œuvre opérationnelle. Ce mécanisme pourrait s’appuyer pour le suivi sur les indicateurs et indices en cours d’identification par le HCP qui doivent permettre de faire le suivi et l’évaluation des politiques publiques contribuant aux objectifs du NMD et aux ODD.

    • Ce dispositif pourrait inclure un outil de partage au public des avancées, sur le modèle de la plateforme de suivi du Cadre de Performance National en Ecosse qui mesure et affiche les progrès du pays par rapport à ses grands axes de développement long terme.

  • Continuer à développer les capacités stratégiques des SCG au Maroc pour en faire une entité de stratégie étendue et outillée sur le modèle de pays de l’OCDE comme la Finlande ou l’Estonie, notamment en renforçant leurs activités et en les dotant des instruments nécessaires :

    • d’alignement entre le NMD et le Programme gouvernemental, au moins à court terme ;

    • de mise en cohérence des stratégies nationales et sectorielles :

      • en terme d’anticipation en s’assurant de l’implication des SCG au moment du développement de toute nouvelle stratégie ou de leur révision (par exemple un document de concept pourrait être préparé et validé en amont) ;

      • en terme de coordination en coordonnant la préparation et la revue des stratégies nationales essentielles avec par exemple la tenue de réunions régulières de revue (avec une capacité de proposition et de challenge) des stratégies avec les ministères clés, la mise en place d’un réseau formel des responsables stratégie/analyse des différents ministères qui se réunirait fréquemment comme un groupe de coordination stratégique interministériel piloté par les SCG et viendrait compléter les relations directes informelles, à l’exemple du réseau REPLAN actuellement développé par le Portugal, et en étant associé aux commissions interministérielles sur les priorités pour faire le lien entre stratégies sectorielles et stratégies nationales ;

      • du point de vue méthodologique, en préparant et diffusant en lien avec le MICEPP des modèles et des lignes directrices pour les documents stratégiques et en soutenant les entités/personnes en charge de la stratégie dans les différents ministères ;

    • de suivi des priorités, par exemple avec un plan formel, détaillé par priorité et un tableau de bord inspiré des Outcome Delivery Plans ;

    • de prospective avec des ressources dédiées et un réseau de contacts dans les ministères sur l’exemple finlandais.

  • Continuer de construire un cadre structuré et systématique pour le suivi et le management de la performance, comprenant des outils de suivi et tableaux de bord avec des indicateurs clés de performance pour les principales mesures du programme gouvernemental et les priorités du Gouvernement ; développer un tableau de bord interne pour la prise de décision du Chef du Gouvernement et externe à destination des citoyens pour communiquer sur l’avancement des priorités, à l’image du Baromètre des résultats de l'action publique en France qui suit le déploiement des priorités du gouvernement sur le territoire (se reporter au chapitre 3 sur la Gouvernance adaptée au contexte actuel pour plus de détails).

  • Établir une stratégie de communication publique pour définir, prioriser et orienter les actions dans ce domaine visant à soutenir efficacement la lisibilité et visibilité des actions du programme gouvernemental mises en œuvre et de leur impact pour les citoyens.

  • Développer les capacités des SCG pour soutenir le delivery et permettre de conduire et appuyer davantage la mise en œuvre des priorités par l’ensemble du gouvernement dans une logique de task force comme peut le faire la Direction Interministérielle de la Transformation Publique en France. Commencer par piloter le dispositif sur certaines priorités avec les ministères.

  • Systématiser la pratique d’évaluation pour chaque stratégie par exemple avec un point d’étape ainsi qu’à la fin de chaque stratégie. Un rapport d’évaluation à mi-parcours puis à la fin de la mise en œuvre de chaque stratégie pourrait permettre de systématiser l’évaluation, avec à terme un objectif de rapport d’évaluation annuelle S’assurer que ce rapport soit remonté et discuté au niveau du MICEPP de façon systématique et des SCG sur les stratégies concernant des priorités gouvernementales afin d’informer la prise de décision et les ajustements stratégiques nécessaires.

  • Développer une méthodologie et des pratiques et attentes partagées pour l’évaluation (modèle, guide de bonnes pratiques, fréquence de l’évaluation de toute stratégie et politique publique) pour développer et harmoniser la pratique de l’évaluation, et doter le MICEPP de capacités d’appui et de formation pour soutenir les ministères et autres agences dans l’évaluation ; créer un réseau de points focaux, de champions ou d’unités en charge de l’évaluation dans l’administration pour échanger et diffuser la pratique.

  • Assurer l’usage régulier des données du suivi et de l’évaluation des politiques publiques contribuerait à accroître le caractère stratégique et efficace de la communication publique, en la centrant systématiquement sur les attentes des citoyens et l’impact de ces politiques dans leur quotidien.

Références

[45] Banque Mondiale (2010), GET Note: Center of Government Delivery Units, en anglais.

[3] Baromètre arabe (2021), Rapport pays Maroc, http://Morocco_ArabBarometer_Public-Opinion_2021_En-1.pdf.

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[2] Commission spéciale sur le modèle de développement, R. (2021), Le Nouveau Modèle de Développement - Rapport général, Royaume du Maroc.

[37] Commission Spéciale sur le NMD (2022), Site officiel de la CSMD, https://csmd.ma/fr/.

[33] Commission Spéciale sur le NMD (2021), Le Nouveau Modèle de Développement, Rapport Général, avril 2021, https://www.csmd.ma/documents/Rapport_General.pdf.

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[19] Gouvernement de la Nouvelle-Zélande (2021), Département du Premier Ministre et du Cabinet, site officiel, les Comités du Cabinet (en anglais), https://dpmc.govt.nz/our-business-units/cabinet-office/supporting-work-cabinet/cabinet-committees.

[18] Gouvernement de la Nouvelle-Zélande (2017), Département du Premier Ministre et du Cabinet, Cabinet Manual (en anglais), https://www.dpmc.govt.nz/our-business-units/cabinet-office/supporting-work-cabinet/cabinet-manual.

[22] Gouvernement de la République Tchèque (2022), Règles de procédures du gouvernement, site officiel du Gouvernement, https://www.vlada.cz/assets/jednani-vlady/jednaci-rad-vlady/Rules-of-Procedure-of-the-Government.pdf.

[36] Gouvernement de la République tchèque (2022), Portail des stratégies, http://tes/portal-strategicke-prace-v-ceske-republice/nastroje-a-metodicka-podpora/vystupy-projektu.

[21] Gouvernement de l’Estonie (2021), Organisation et plannification du travail du gouvernement (en anglais), https://www.riigikantselei.ee/en/supporting-government-and-prime-minister/organisation-and-planning-work-government.

[35] Gouvernement de Lettonie (2016), Guide pratique pour le développement de politiques publiques, en letton, https://www.pkc.gov.lv/sites/default/files/inline-files/pkc_rokasgramata_090316_web.pdf.

[17] Gouvernement du Canada (2013), Bureau du Conseil Privé, Guide de Rédaction des Documents du Cabinet, https://publications.gc.ca/site/archivee-archived.html?url=https://publications.gc.ca/collections/collection_2017/bcp-pco/CP22-116-2013-fra.pdf.

[38] Gouvernement du Maroc (2022), Circulaire du Chef du Gouvernement n°5bis/2022 en date du 8 mars 2022 relative à l’établissement des propositions de Programmation Budgétaire Triennale 2023-2025.

[12] Gouvernement du Maroc (2022), Decret no 7064, 8 Rajab 1443 (10 février 2022), Ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Evaluation des Politiques Publiques.

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[24] Gouvernement du Maroc (2022), Tenue de la Commission des Investissements n°85, site officiel du Chef du Gouvernement, https://www.cg.gov.ma/fr/node/10611.

[34] Gouvernement du Maroc (2021), Programme du Gouvernement 2021-2026.

[1] Gouvernement du Maroc (2015), Loi organique no 065-13 relative à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et au statut de ses membres.

[23] Gouvernement du Maroc (2001), Bulletin officiel no 4874, charte de l’investissement (article 6), 15 février 2001, http://www.sgg.gov.ma/BO/fr/2001/bo_4874_fr.pdf.

[43] Gouvernement du Royaume-Uni (2021), Outcome delivery plans, site officiel du gouvernement, en anglais, https://www.gov.uk/government/collections/outcome-delivery-plans.

[40] Haut Commissariat au Plan du Maroc (2022), Les principaux axes du programme d’activité du HCP 2022-2025, https://www.hcp.ma/Les-principaux-axes-du-programme-d-activite-du-HCP-2022-2025-presentes-par-M-Ahmed-Lahlimi-Alami_a3534.html.

[32] Haut Commissariat au Plan du Maroc (2022), Site institutionnel du HCP, https://www.hcp.ma/Haut-Commissariat-au-Plan_a709.html.

[4] Institut marocain d’analyse des politiques (2021), Indices de Confiance 2020, 2021.

[44] Institute for Government (2017), “Tracking delivery Global trends and warning signs in delivery units”.

[48] OCDE (2023), Examen de la Gouvernance Publique en République Tchèque, en anglais, https://doi.org/10.1787/41fd9e5c-en.

[29] OCDE (2021), OECD Report on Public Communication : The Global Context and the Way Forward, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/22f8031c-en.

[31] OCDE (2021), Panorama des administrations publiques 2021, https://doi.org/10.1787/9556b25a-fr.

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[27] OCDE (2019), “Case studies on whole-of-government coordination and policy coherence” in Governance as an SDG Accelerator: Country Experiences and Tools.

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[7] OCDE (2017), Centre Stage 2: the Organisation and Functions of the centre of government in OECD countries (in English), https://www.oecd.org/gov/report-centre-stage-2.pdf.

[20] OCDE (2017), Enquête de l’OCDE sur le rôle des Centre de Gouvernements (en anglais), https://www.oecd.org/gov/centre-stage-the-organisation-and-functions-of-the-centre-of-government.htm.

[8] OCDE (2017), Renforcer les Capacités du Centre du Gouvernement au Maroc, rapport projet 2015-2017.

[41] OCDE (2015), OECD Public Governance Reviews: Estonia and Finland: Fostering Strategic Capacity across Governments and Digital Services across Borders, (en anglais), https://doi.org/10.1787/9789264229334-en.

[39] OCDE / SIGMA (2021), Projet de Livre Blanc, Guidelines pour l’amélioration des stratégies sectorielles au Maroc.

[46] Oxford Policy Management (2016), The role of the centre in driving government priorities: the experience of ’delivery units’.

[9] Policy Centre for the New South (2020), La stratégie du Maroc face au COVID-19, https://www.policycenter.ma/sites/default/files/PP-20-07_LastrategieduMarocFaceAuCovid19.pdf.

[26] Premier Ministre du Canada (2021), Site officiel, Mandat et Composition des Comités du Cabinet, https://pm.gc.ca/fr/mandat-et-composition-des-comites-du-cabinet.

[11] Royaume du Maroc (2021), Site officiel du gouvernement, https://www.maroc.ma/fr/actualites/lessentiel-de-la-11eme-reunion-du-comite-de-veille-economique.

[14] Royaume du Maroc (2015), Dahir no 1-15-33 du 28 joumada I 1436 (19 mars 2015) portant promulgation de la loi organique no 065-13 relative à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et du statut de ses membres, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loi-organique_065.13_Fr.pdf.

[13] Royaume du Maroc (2011), Constitution du 1er juillet 2011.

[15] Secrétariat Général du Gouvernement (2022), Site officiel du SGG, Missions, http://www.sgg.gov.ma/LeSGG.aspx.

[16] Secrétariat Général du Gouvernement (1955), DAHIR du 25 RABII II 1375 (10 décembre 1955) Créant le Secrétariat Général du Gouvernement, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Dahir_creation_fr_m.pdf.

Notes

← 1. La guerre en Ukraine pourrait cependant amener un certain nombre de pays à conserver leurs instances de gestion de crise au-delà de la pandémie de la COVID-19 pour gérer cette nouvelle crise, et notamment les flux de migration qu’elle entraîne. En République tchèque par exemple, l’instance de gestion de crise a été maintenue et traite aujourd’hui des deux crises simultanément (OCDE, 2023[48]).

← 2. Le Programme SIGMA (Soutien à l'amélioration des institutions publiques et des systèmes de gestion) est une initiative conjointe de l'OCDE et de l'Union européenne (UE), financée principalement par l'UE, qui aide les pays partenaires à renforcer leurs systèmes de gouvernance publique et les capacités de leurs administrations publiques.

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