Résumé

Comment un système de coopération au développement qui fonctionne très bien peut-il mieux relever des défis complexes, qui sont plus souvent d’ordre politique que technique ? Cette question sous-tend l’examen par les pairs du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE consacré aux Pays-Bas, réalisé sous la conduite de l’Espagne et du Royaume-Uni, avec le soutien du Secrétariat de l’OCDE, le Qatar jouant le rôle d’observateur. Les Pays-Bas montrent une détermination manifeste à relever ces défis, à tirer des enseignements de leurs résultats et à améliorer leurs méthodes de travail. Cet examen dresse un état des lieux de la situation du pays, de ses réalisations et des défis qu’il lui reste à relever, ainsi que de la façon dont il peut encore améliorer son action, notamment en poursuivant les efforts de réforme en cours.

La continuité des efforts, la concentration sur les atouts et un budget en augmentation constituent autant de fondements solides pour aller de l’avant. Le ministère des Affaires étrangères (MAE) a mis à jour son cadre stratégique de coopération au développement et collabore étroitement avec un réseau d’institutions et de parties prenantes particulièrement investies. La nouvelle politique en matière d’échanges commerciaux et de coopération, intitulée « Do what we do best » (« Faire ce que nous savons le mieux faire »), réaffirme l’orientation thématique et géographique des activités de coopération des Pays-Bas. Elle permet ainsi une continuité précieuse, essentielle pour faire face durablement à des contextes difficiles. Partenaire multilatéral solide, les Pays-Bas se font le fer de lance d’enjeux prioritaires au niveau international. La mise en œuvre de leur nouvelle politique étrangère féministe offre l’occasion d’étendre leur rôle de chef de file en matière d’égalité des genres. L’inversion de la tendance à la baisse de l’aide publique au développement (APD) est une réalisation importante. Toutefois, une solution durable qui permette d’atténuer les effets de la fluctuation des dépenses consacrées aux réfugiés sur le territoire doit être trouvée de toute urgence, compte tenu des retombées sur les ressources disponibles, la prévisibilité et l’efficacité des programmes de développement.

Les Pays-Bas doivent poursuivre leurs réformes ambitieuses afin de donner au système de coopération au développement les moyens de faire face à des défis complexes. Pour réduire la dispersion des efforts, le ministère des Affaires étrangères est parvenu à recentrer les financements sur un plus petit nombre de programmes. Toutefois, l’aide reste fragmentée, par exemple au niveau de l’ampleur de l’engagement par pays ou de la diversité des instruments du secteur privé. Le budget thématique et les méthodes de travail permettent de se focaliser sur l’obtention de résultats thématiques et sur les liens avec l’expertise néerlandaise, mais peuvent compliquer l’adaptation des interventions au contexte, ainsi que leur prise en main et leur conduite par les acteurs locaux. Une plus grande clarté quant à l’opportunité d’une gestion centrale des programmes et davantage de souplesse pour prendre en compte le contexte national dans la conception de ces programmes permettraient d’équilibrer les avantages et les arbitrages.

Les investissements dans l’apprentissage et l’expertise ont renforcé l’importance accordée à la notion d’impact durable. Le système néerlandais de coopération au développement repose sur une solide culture de l’apprentissage, mais sa gestion axée sur les résultats cible principalement des objectifs quantitatifs. Les investissements visant spécifiquement l’apprentissage continu et les approches à long terme recentrent l’attention sur un changement porteur de transformations et sur la notion d’impact durable. Les réformes en cours renforcent les capacités des ressources humaines. Le personnel local est particulièrement valorisé, mais ses débouchés sont limités. Il faut constamment prêter attention aux capacités du personnel, à la fois à l’échelle du système, pour tirer parti de nouvelles possibilités d’apprentissage, et au sein des ambassades, afin de stimuler les efforts de développement mené par les acteurs locaux.

Les Pays-Bas sont déterminés à intervenir dans des contextes fragiles et, pour que les conditions y soient propices, il faut que la gestion des risques évolue. Les autorités néerlandaises soulignent qu’il est essentiel de prendre des risques pour avoir un impact, mais elles sont mises à rude épreuve lorsque des incidents se produisent. Il importe de nouer un dialogue permanent avec le parlement et l’opinion publique pour parvenir à une compréhension commune des raisons justifiant la prise de risques et leur atténuation ainsi que des coûts qui y sont associés. En accordant une plus grande attention aux risques autres que fiduciaires et en fournissant des orientations supplémentaires à l’intention du personnel, le pays pourrait améliorer les systèmes de gestion des risques du MAE.

Grâce à des méthodes de travail transparentes, les Pays-Bas ont intensifié leur engagement dans les pays fragiles. Le financement souple et de long terme des Pays-Bas ainsi que leur vision à long terme sont cohérents à tous les niveaux de l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix. De par son soutien à la promotion de l’espace civique et des droits humains, le pays met l’accent sur la paix, ce qui mérite d’être salué. Des analyses plus intersectorielles pourraient permettre d’apporter des réponses plus complètes à des défis multidimensionnels, en y associant tous les départements thématiques. De même, les Pays-Bas pourraient promouvoir une meilleure intégration des approches en matière de déplacements forcés dans leurs programmes thématiques, parallèlement à leur vaste programme innovant avec les organismes multilatéraux.

Les Pays-Bas restent engagés dans des contextes difficiles, mais pourraient mettre davantage l’accent sur la dimension politique de l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix. Entre autres bonnes pratiques, le pays a adopté une approche de plus en plus structurée pour ajuster son engagement permanent dans les contextes complexes et pour évaluer et prendre en compte les risques en cas de retrait. Afin de soutenir les objectifs de stabilité et de paix dans les pays partenaires il pourrait examiner le lien entre ses activités de coopération au développement et son engagement politique. Reconnus comme un partenaire constructif ouvert au dialogue critique, le pays pourrait faire davantage pour que le dialogue politique avec les pouvoirs publics participe de ses efforts.

L’engagement ferme du pays en faveur d’un développement mené par les acteurs locaux se traduit de plus en plus par des mesures concrètes. Les mesures visant à ce que les acteurs locaux se prennent en main et se chargent des partenariats sont ancrées dans des documents stratégiques clés. Le MAE et ses partenaires investissent massivement dans l’apprentissage dans le domaine du développement mené par les acteurs locaux, ce qui permet aux Pays-Bas de déterminer la manière dont ils peuvent progresser dans tous leurs partenariats. Pour intégrer davantage une approche mené par les acteurs locaux, le pays pourrait, au niveau interne, préciser les objectifs de mise en œuvre, élargir encore la consultation avec les parties prenantes locales et envisager de déléguer davantage de ressources aux ambassades. Il faudra également veiller à ce que les efforts d’expansion ouvrent des possibilités aux parties prenantes locales, et les préservent.

Les Pays-Bas ouvrent la voie en encourageant les partenariats menés au niveau local avec les organisations de la société civile (OSC). Le MAE a pris des mesures pour transférer le pouvoir aux partenaires de la société civile des pays du Sud dans le cadre de programmes gérés par des OSC internationales et néerlandaises. Les OSC locales apprécient la flexibilité du financement et le soutien au renforcement des capacités. Il y a toutefois matière à accroître les financements directs aux OSC locales tout en mettant l’accent sur le renforcement des capacités dans la gestion des dons plus importants.

Le pays doit clarifier son engagement avec les gouvernements partenaires. Ces derniers jouent souvent un rôle central en matière d’impact durable par rapport aux priorités néerlandaises, mais la coopération avec ces acteurs est inégale. Le système gagnerait à bénéficier d’orientations plus claires sur les possibilités de collaboration avec les gouvernements partenaires, dans le respect des paramètres fixés par le parlement, que ce soit sous forme de dialogue, de consultation ou encore de partenariat à part entière, selon le contexte.

Face aux retombées importantes des échanges commerciaux et de la consommation, les autorités néerlandaises pourraient gagner à renforcer encore leurs mécanismes, déjà robustes, de cohérence des politiques. La richesse créée par l’économie néerlandaise ne devrait pas se faire aux dépens des pays en développement. Ériger ce problème en priorité dans le plan d’action pour la cohérence des politiques est une première étape importante, tout comme le soutien aux exportations respectueuses de l’environnement. Les Pays-Bas pourraient mettre à profit leur expérience fructueuse dans le dialogue multipartite pour faire progresser leurs priorités en matière de cohérence des politiques. La consolidation des processus permettant aux ministères sectoriels de démontrer en quoi leurs politiques contribuent à la réalisation des Objectifs de développement durable (le « critère des ODD ») est un autre objectif important. Pour inciter l’opinion publique à soutenir ce programme d’action, il faut investir davantage ainsi que mieux coordonner l’éducation à la citoyenneté mondiale.

La panoplie complète des instruments relatifs aux échanges commerciaux, à l’aide et au financement climatique pourrait avoir un impact plus marqué. Une approche révisée de l’aide et des échanges commerciaux, en particulier dans 14 pays où seront combinées activités d’échanges commerciaux et activités de développement, pourrait permettre d’approfondir la collaboration institutionnelle et de faire converger l’ensemble des instruments vers un changement systémique au lieu de procéder par intervention. Le poids de l’expertise néerlandaise (secteur privé), l’ambiguïté possible à l’égard de l’APD liée et la prise de risque limitée en matière de financement pourraient faire rater des occasions d’avoir un impact maximal sur le développement. Les Pays-Bas ont une longue expérience en tant que défenseur de programmes d’échanges commerciaux respectueux du climat et du développement. Le pays pourrait renforcer sa crédibilité grâce à une législation nationale ambitieuse en matière de diligence raisonnable et à des progrès plus marqués sur la voie de la transition écologique.

La plateforme d’apprentissage consacrée aux Outils, enseignements et pratiques de la coopération pour le développement présente certaines bonnes pratiques des Pays-Bas .

  1. 1. Afin d’assurer la continuité et la prévisibilité de leur engagement, les Pays-Bas devraient poursuivre leurs efforts visant à atténuer les effets de la fluctuation des dépenses liées aux réfugiés sur leur territoire sur les autres dépenses d’APD et maintenir leur trajectoire positive pour atteindre 0.7 % du RNB.

  2. 2. Afin d’étendre leur rôle de chef de file en matière d’égalité des genres et d’autonomisation des femmes sur la scène internationale, les Pays-Bas devraient continuer de mettre en œuvre leur politique étrangère féministe dans l’ensemble de l’administration et collaborer étroitement avec les partenaires au niveau international.

  3. 3. En s’appuyant sur l’initiative « Moins, mieux et plus flexible » pour favoriser un impact durable, les Pays-Bas devraient :

    1. a. préserver les acquis du processus de rationalisation de leur portefeuille et veiller à ce que les dotations restent axées sur les priorités thématiques et géographiques ;

    2. b. poursuivre les initiatives visant à renforcer leurs capacités en matière de ressources humaines ;

    3. c. remédier à la fragmentation des portefeuilles et des instruments de financement, dans les cas où le système de coopération n’est pas en mesure de mobiliser des capacités et des ressources à grande échelle.

  4. 4. Tout en préservant les points forts de leur approche thématique, les Pays-Bas devraient veiller à adapter cette dernière aux contextes locaux en :

    1. a. offrant une plus grande souplesse entre les thèmes, en termes de finances et de reddition de compte ;

    2. b. accroissant la délégation financière lorsqu’une telle mesure sert des objectifs stratégiques et en renforçant en conséquence les capacités des ambassades et leur rôle dans l’adaptation des programmes aux contextes locaux.

  5. 5. Les Pays-Bas devraient encore améliorer leur approche de la gestion des risques en aidant le personnel à pondérer divers risques et objectifs, notamment en élaborant une déclaration sur l’appétence pour le risque, se concentrant sur le partage des risques plutôt que sur leur transfert vers les partenaires de mise en œuvre, et en coopérant de manière proactive avec l’ensemble des parties prenantes à l’exercice de la redevabilité.

  6. 6. Afin de renforcer l’impact de leur approche intégrée dans les contextes fragiles, les Pays-Bas devraient mobiliser les équipes-pays pour mener des analyses contextuelles plus régulières, définir des objectifs stratégiques en matière de prévention et de recherche de la paix, et instaurer un dialogue politique ainsi que prendre des initiatives diplomatiques sur mesure.

  7. 7. Afin de concrétiser davantage leur approche du développement mené par les acteurs locaux, les Pays-Bas devraient :

    1. a. définir des objectifs et des critères de réussite en matière de développement mené par les acteurs locaux pour l’ensemble de leurs portefeuilles et partenariats thématiques, sans se limiter à la société civile ;

    2. b. renforcer la consultation avec les parties prenantes dans les pays partenaires lors de la définition des priorités et des cycles de planification annuelle ;

    3. c. donner plus de place aux parties prenantes locales dans le cadre des efforts visant à accroître l’impact.

  8. 8. Les Pays-Bas devraient veiller à examiner systématiquement les possibilités de coopération avec les administrations nationales et infranationales dans les pays partenaires en tant que parties prenantes clés et à en tenir compte dans leur dialogue et leurs programmes, après les avoir adaptées à chaque contexte.

  9. 9. Afin de renforcer l’engagement de toutes les parties prenantes face aux défis liés à la cohérence des politiques, les autorités néerlandaises devraient veiller à ce que les ministères sectoriels évaluent et prennent en compte systématiquement les effets de leurs politiques à l’échelle mondiale et transnationale ; le pays devrait recourir plus largement à des approches multipartites pour l’avancement des priorités relatives à la cohérence des politiques, et investir davantage dans l’éducation à la citoyenneté mondiale.

  10. 10. Les Pays-Bas devraient veiller à ce que l’optimisation de l’impact sur le développement reste le principal critère de la prise de décision, au lieu des objectifs commerciaux, dans le cadre de leur collaboration avec le secteur privé, et devraient renforcer la cohésion des efforts déployés par le secteur privé au service d’un changement systémique.

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