3. Évolutions récentes des politiques d’intégration des immigrés

Tout au long de l’année 2020 et en 2021, deux tendances majeures, liées à des facteurs largement extérieurs, ont fortement marqué la politique d’intégration dans les pays de l’OCDE. La première est la transformation numérique des programmes et services d’intégration, qui, bien qu’amorcée avant 2020, s’est considérablement accélérée en réponse aux périodes de confinement ou de restrictions liées à la nouvelle pandémie de coronavirus (COVID-19). La seconde, qui répond aux réactions de la société aux actes de violence raciale ou ethnique, est axée sur les mesures politiques concernant la lutte contre la discrimination et le racisme et la promotion de la diversité. D’autres modifications importantes des politiques d’intégration dans les pays de l’OCDE sont examinées dans la dernière section de ce chapitre.

Alors que le monde est en pleine transformation numérique, les pays ont mis du temps à remplacer les services délivrés aux immigrés en présentiel et ceux généralement délivrés sur le territoire national par des systèmes en ligne. Le passage au numérique de la prestation de services d’intégration est en cours, mais les restrictions sur les rassemblements liées au COVID-19 en ont accéléré le rythme. L’interruption des services en 2020 a obligé de nombreux pays à adapter leurs offres d’intégration – dans l’ensemble des pays de l’OCDE, les outils numériques ont été utilisés pour le partage d’informations, pour l’apprentissage des langues, et même pour les cérémonies de naturalisation. Cette section étudiera le recours croissant aux outils numériques pour la diffusion des informations, les cours de langue et le développement des compétences, tout en examinant les nouveaux défis associés à cette utilisation croissante de la technologie pour les politiques d’intégration.

De nombreux pays de l’OCDE ont utilisé des outils en ligne pour communiquer avec les immigrés en 2020, à la fois concernant les mesures de santé publique liées au COVID-19 et concernant les ressources d’intégration. La majorité des pays de l’OCDE ont fourni des contenus traduits relatifs au COVID-19 sur leurs sites web officiels. Plusieurs pays, notamment le Danemark, l’Allemagne et la Nouvelle-Zélande, ont fourni des informations dans plus de 20 langues. Le commissaire allemand à la migration, aux réfugiés et à l’intégration a également développé la plateforme en ligne Handbook Germany, qui présente  des informations et des vidéos sur une page Facebook, permettant au gouvernement de répondre aux questions et de rectifier les fausses informations. La Finlande a opté pour une approche similaire avec la plateforme infoFinland.fi, qui fournit des traductions des informations officielles sur le COVID-19 dans 12 langues différentes sur ses canaux de médias sociaux. Le gouvernement finlandais a également lancé une campagne nationale pour combattre les idées fausses sur le COVID-19 en faisant appel à des influenceurs sur les médias sociaux. La France a mis à la disposition des immigrés des informations sur le COVID-19 en neuf langues sur le site web du ministère de l’Intérieur. Au Portugal, le Haut Commissariat aux migrations (ACM) a créé sur son site web une page dédiée qui fournit aux immigrés des informations en portugais et en anglais. Il contient en outre des traductions de documents officiels émanant de différentes instances publiques et non gouvernementales dans neuf langues différentes, ce qui permet aux immigrés d’accéder à des informations sur les mesures législatives, les services publics, les mesures d’aide sociale, les mesures de confinement et les règles sanitaires. Le gouvernement roumain a eu recours à diverses campagnes ciblées sur les médias sociaux, et l’Autorité roumaine pour la transformation numérique a développé plusieurs nouveaux systèmes informatiques pour fournir des informations et permettre le téléchargement des documents d’enregistrement.

Étant donné les avantages évidents des plateformes en ligne pour le partage d’informations à grande échelle, il est probable que l’utilisation des outils numériques pour la communication avec les immigrés perdure au-delà de la pandémie de COVID-19. Outre les informations sur le coronavirus, le site web d’information suédois, Information Sverige, publie des informations et du matériel de préparation pour le cours d’intégration civique. Le site web de la Direction de l’intégration et de la diversité de Norvège a servi de centre d’information pour le COVID-19 dans différentes langues, mais il est également un dépôt pour les informations collectées sur la formation linguistique, le programme d’introduction et d’autres informations pratiques émanant des services publics norvégiens. Aux États-Unis, l’agence de réinstallation des réfugiés (Office of Refugee Resettlement) a financé l’International Rescue Committee pour qu’il développe un portail de services en ligne appelé Switchboard. Les pays de l’OCDE privilégient également les plateformes de communication basées sur des applications, ce qui témoigne d’une prise de conscience des dispositifs les plus couramment utilisés par les immigrés. L’Autriche et l’Allemagne disposent d’applications pour smartphone ( Meine Integration Ӧsterreich et Ankommen, respectivement) utilisées pour communiquer des informations sur les services d’intégration disponibles.

Dans le domaine de la formation et de l’apprentissage des langues, les outils numériques représentent une opportunité pour les gouvernements, et leur utilisation s’est accrue, même avant la pandémie. L’utilisation des outils des technologies de l’information et des communications (TIC) peut accroître à la fois la diffusion et la rentabilité de l’apprentissage des langues pour les nouveaux arrivants. Les plateformes numériques offrent une certaine flexibilité aux immigrés ayant des emplois du temps chargés, et les outils numériques peuvent accroître la possibilité de différenciation dans la classe. Les ressources vidéo et audio peuvent contribuer à améliorer les compétences des apprenants analphabètes ou débutants. Le passage au numérique offre également des opportunités aux gouvernements disposant de systèmes décentralisés pour la prestation de services d’intégration, dans la mesure où l’offre numérique peut favoriser une réduction des inégalités et un meilleur accès. Les outils TIC sont également utilisés en complément des cours en présentiel.

La Norvège a investi dans des ressources bilingues et en ligne pour les écoles et les enfants nouvellement arrivés, avec du matériel disponible en norvégien et dans six autres langues. Elles sont conçues pour faciliter l’apprentissage non seulement de la langue norvégienne, mais aussi des mathématiques, des sciences et de l’anglais. Dans certains pays, comme l’Australie et la Finlande, les cours en ligne permettent d’atteindre les immigrés vivant dans des zones géographiques éloignées. En 2020, le ministère japonais de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie a commencé à élaborer et fournir du matériel d’apprentissage du japonais à l’aide des TIC pour les ressortissants étrangers vivant dans des régions où il est difficile de mettre en place des cours de langue. Le projet canadien LearnIT2teach soutient l’apprentissage mixte depuis 2010 en hébergeant des didacticiels et en formant les enseignants à adapter les outils pour leurs apprenants. En 2020, l’IRCC a lancé un site amélioré pour les prestataires de formation linguistique, Avenue.ca, un système en ligne destiné à la planification, la prestation et la gestion de la formation linguistique pour les nouveaux arrivants. La nouvelle plateforme permet le suivi de l’assiduité, un espace virtuel pour stocker les ressources, et des dossiers électroniques pour les apprenants.

L’expérience récente de la pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nécessité d’un enseignement à distance fiable dans des situations où l’apprentissage en présentiel est impossible. Les pays qui n’avaient pas développé de cours à distance se sont trouvés confrontés à la nécessité d’identifier des partenaires et de mettre en place de tels programmes dans l’urgence. L’alternative était de mettre fin aux possibilités d’apprentissage de la langue et de reporter les examens de compétence, une politique qui pouvait avoir des effets négatifs sur le parcours d’apprentissage des immigrés. En réponse, plusieurs pays de l’OCDE ont pris des mesures pour étendre et améliorer leur utilisation des outils numériques dans l’apprentissage des langues, notamment en adoptant des politiques visant à rendre les offres numériques plus accessibles.

Les regroupements étant impossibles, l’Allemagne a mis en ligne ses services d’assistance Network IQ, en proposant des échanges par courriel, téléphone et appel vidéo pour l’orientation professionnelle et la formation. Des cours de certification et d’introduction ont également été proposés en ligne. Skills Norway développe des ressources éducatives ouvertes pour améliorer les compétences numériques depuis 2017, date à laquelle elle a lancé le programme Digidel. En 2020, la Norvège a proposé un financement dans certaines localités pour étendre le programme de formation numérique afin de compenser le chômage temporaire.

Pour assurer la continuité des offres d’intégration en 2020, la France a offert 15 à 24 heures de formation à distance par semaine aux immigrés qui avaient déjà commencé des cours de français dans le cadre de leur contrat d’intégration. La formation à distance a été ciblée sur des cours de 100 heures (pour les immigrés les plus proches du niveau A1 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) lors du placement initial) avec des groupes de 6-10 participants, et des cours de 200 heures avec des groupes de 3-5 participants. Compte tenu des enseignements tirés, la France prévoit d’intégrer à l’avenir des modalités d’apprentissage en ligne dans son offre générale de formation.

L’Allemagne, qui proposait des formules linguistiques en ligne par l’intermédiaire de son Volkshochschul-Verband (association des centres de formation pour adultes) avant la pandémie, a investi 20 millions EUR et homologué près de 9 300 cours en ligne pour éviter l’interruption des cours due à la suspension des services gouvernementaux au printemps 2020 et à l’hiver 2020-21. Environ 66 000 immigrés (plus environ 8 600 participants reprenant le même cours) sont passés aux cours en ligne, qui ont été proposés gratuitement pendant cette période. L’Office fédéral des migrations et des réfugiés a déterminé que les cours en ligne suivis pendant la période de confinement seraient un « bonus » qui ne serait pas comptabilisé dans le droit à l’apprentissage linguistique des immigrés. En parallèle, l’Allemagne a également redoublé d’efforts pour soutenir la transition des cours réguliers vers l’enseignement en ligne, en accordant depuis le 1er juillet 2020 un financement supplémentaire aux centres de formation pour l’achat des appareils nécessaires à l’enseignement en ligne.

Pendant le confinement lié au coronavirus, le Österreichischer Integrationsfonds (OIF) autrichien a proposé des cours de langue gratuits en ligne pour les niveaux A1 à B1 du CECR, et 75 000 immigrés éligibles y ont participé. En outre, en décembre 2020 – pendant le confinement de l’industrie hôtelière – l’OIF et la Chambre économique de Vienne ont organisé des cours de langue en ligne sur mesure pour les employés de l’industrie hôtelière et de la restauration.

La Corée et la Suisse font partie des pays de l’OCDE qui ont déplacé leurs programmes linguistiques et d’intégration sur des plateformes numériques en raison du COVID-19. L’Estonie a lancé le projet Volunteer Language Friends, dont la publicité a été faite par le biais des médias sociaux, et qui a mis en relation des accompagnateurs bénévoles et des apprenants en langues par des moyens électroniques. Les enseignants de la Maison de la langue estonienne de la Fondation pour l’intégration ont dispensé de courtes formations aux bénévoles. Ces programmes en ligne ont permis aux immigrés de poursuivre leur apprentissage avec un minimum de perturbations tout en conservant de nombreux contacts dans leur pays d’accueil.

Malgré le potentiel élevé du passage au numérique, les pays doivent également envisager les risques et élaborer leur politique de transformation numérique en conséquence. Les mesures visant à améliorer les offres numériques en matière d’intégration peuvent présenter des avantages considérables en termes de flexibilité et de coût, mais s’il n’est pas soigneusement étudié, le passage au numérique augmente le risque de négliger une partie importante de la population immigrée. La transition vers ces outils s’est faite relativement facilement pour les immigrés ayant un niveau d’éducation supérieur et possédant au moins des compétences linguistiques de base. Cependant, de nombreux pays ont fait face à des difficultés pour atteindre les immigrés de niveau d’éducation faible, en particulier ceux ayant un faible niveau de maîtrise de la langue du pays d’accueil. Dans le cadre de la diffusion d’informations sur la pandémie, certains pays ont abordé ce problème par le biais d’initiatives d’information par quartier, par exemple dans certaines régions d’Allemagne et dans les pays scandinaves de l’OCDE. Reconnaissant que la transformation numérique des mesures d’intégration peut représenter un obstacle particulier pour les apprenants de langue débutants, la Suisse a fait une exception à « l’Ordonnance COVID-19 situation particulière » qui interdisait les cours en présentiel. Les apprenants qui étaient dans l`impossibilité de participer à l`enseignement en ligne en raison d`un très faible niveau de langue, d`un manque de connaissances numériques ou d’une absence de moyens de connexion pouvaient suivre des cours en présentiel jusqu’au niveau A2 du CECR. La taille des groupes était limitée à 15 personnes.

Les pays qui souhaitent utiliser les TIC pour les mesures d’intégration doivent rendre les outils accessibles. Les instructions doivent convenir à des utilisateurs ayant un faible niveau de connaissances techniques et l’interface doit éviter les éléments de distraction. Pour les immigrés qui cherchent à acquérir des compétences numériques, l’Australie fournit d’abord des livres et des CD, en encourageant une transition vers des outils en ligne au fur et à mesure que les étudiants progressent. La Finlande permet aux apprenants à distance de rendre leurs devoirs et autres documents par courrier. Aider les immigrés à acquérir une culture numérique dans le cadre des programmes d’intégration peut présenter un double avantage, car cela peut jouer le rôle d’une mise à niveau des compétences pour faire face à la transformation numérique du lieu de travail. Le Québec (Canada) considère désormais les immigrés ayant une faible culture numérique comme un groupe d’immigrés ayant besoin d’un soutien supplémentaire (au même titre que ceux ayant besoin d’une alphabétisation) dans son programme gouvernemental d’enseignement du français.

Mais le défi de la culture numérique est étroitement lié à celui de l’accès au numérique. Si les écoles sont aujourd’hui mieux équipées en outils numériques, l’accès aux possibilités d’apprentissage numérique reste inégal en dehors de la salle de classe. Dans la plupart des pays de l’OCDE comptant une proportion importante d’enfants d’immigrés, les élèves dont les parents sont immigrés sont moins susceptibles que les élèves dont les parents sont nés dans le pays d’avoir accès, à l’âge de 15 ans, à un ordinateur et à une connexion Internet à la maison (OCDE, 2020[1]). Pour atténuer l’impact négatif sur ces enfants, de nombreux pays de l’OCDE ont distribué des ordinateurs aux élèves dans le besoin pendant les fermetures d’écoles liées au COVID-19. En Belgique, les immigrés adultes qui n’avaient pas accès aux équipements nécessaires pour suivre les cours d’intégration en ligne ont été équipés par les agences responsables. La Suisse a adapté ses règles pour permettre aux cantons d’utiliser des fonds fédéraux pour acquérir du matériel informatique à prêter aux apprenants qui étudient à distance. Le Canada a élaboré un plan de modernisation de la citoyenneté visant à améliorer la prestation des services et à tirer parti des processus numériques dans la mesure du possible. Pour éviter de continuer à procéder au coup par coup, les pays qui ne se sont pas activement employés à accroître l’adoption du numérique devront réfléchir à la manière de développer une approche coordonnée de la transformation numérique qui réponde aux besoins de leurs gouvernements et de leurs populations immigrées.

La conception des programmes et des logiciels est également un élément clé. L’efficacité des outils numériques réside dans leur facilité d’utilisation, il est donc important de développer des programmes dont l’interface est relativement simple. Les pays doivent également tenir compte de l’hésitation des immigrés à utiliser les outils numériques et prévoir des mesures pour sensibiliser les immigrés à leurs avantages. La sécurité des données est une question supplémentaire qui deviendra de plus en plus importante à mesure que la transformation numérique des services d’intégration augmentera. En outre, les pays doivent déterminer si le passage complet au numérique des services d’intégration répondrait à leurs objectifs d’intégration, en tenant compte, par exemple, de la perte potentielle de la dimension sociale des mesures d’intégration lorsque les programmes passent à un format en ligne. Les pays doivent examiner attentivement chacun de ces éléments lorsqu’ils formalisent leur politique numérique.

Outre l’information et la formation, les solutions numériques ont également été utilisées pour d’autres aspects des programmes d’intégration en réponse à la pandémie de COVID-19. L’Australie, le Canada et la Norvège, par exemple, ont organisé des cérémonies de naturalisation en ligne tout au long de l’année 2020, et la Lituanie a introduit un assistant de service pour la soumission de demandes en ligne pour 32 formulaires de demande liés à la naturalisation. Le Canada a également fourni des services d’installation et d’intégration en ligne ou par téléphone dans la mesure du possible.

Toutefois, les fermetures dues à la pandémie ont également entraîné le remaniement temporaire ou la suspension des mesures d’intégration dans de nombreux pays de l’OCDE et la mise en place d’aides spécifiques pour les personnes touchées par la pandémie. La plupart des ajustements pendant la pandémie ont consisté à assouplir certaines des règles et obligations applicables aux immigrés récemment arrivés. Plusieurs pays, comme le Danemark, les Pays-Bas et la Norvège, par exemple, ont reporté les examens obligatoires ou prolongé les délais d’éligibilité aux programmes d’intégration tant que ces programmes étaient interrompus.

De nombreux pays de l’OCDE ont également mis en œuvre des mesures visant à apporter un soutien aux immigrés vulnérables et ont étendu aux ressortissants étrangers les aides financières générales liées au COVID-19 tout au long de 2020. En Nouvelle-Zélande, les étrangers ont accès aux mêmes régimes de subventions salariales que les Néo-Zélandais. En outre, Immigration New Zealand a accordé des prêts aux personnes qui avaient besoin d’une aide financière pour être rapatriées de Nouvelle-Zélande.

Le Canada a accordé un revenu de soutien aux personnes résidant au Canada qui n’avaient pas droit aux allocations de chômage. Le gouvernement n’a pas considéré cette prestation comme étant une aide sociale lors de l’évaluation de l’égibilité à parrainer un membre de la famille (les bénéficiaires de l’aide sociale en étant habituellement exclus). De nouveaux régimes de prestations, dont une prestation pour les aidants et pour les personnes ayant des enfants, ont été ouverts du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021. La Prestation canadienne de maladie pour la relance économique (PCMRE) a apporté un soutien au revenu des employés et des travailleurs indépendants qui se trouvaient dans l’impossibilité de travailler en raison du COVID-19 ou qui avaient un problème de santé les exposant à un risque accru en cas de contamination au COVID-19. Entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021, les immigrés pouvaient demander jusqu’à deux semaines d’aide (500 CAD hors taxes par semaine). En Belgique, les ressortissants de pays tiers autorisés à séjourner pour des raisons de force majeure ne pouvaient pas bénéficier d’allocations de chômage, mais des dispositions ont été prises pour permettre l’accès à l’aide sociale.

Aux Pays-Bas, où certains permis de séjour ne permettent pas de recourir aux fonds publics, des exceptions ont été faites pour permettre un accès pendant la crise du COVID-19. La Lettonie a temporairement suspendu les règles relatives aux exigences de revenu minimum ou au maintien d’une activité économique en 2020 lors de l’examen des demandes ou des retraits des cartes de séjour. Toutefois, cette dérogation a cessé de s’appliquer aux demandes initiales de carte de séjour soumises après le 10 juin 2020. En Slovénie, le ministre de l’Intérieur a demandé aux unités administratives de faire preuve de souplesse par rapport aux règles habituelles d’évaluation des moyens de subsistance suffisants pour l’octroi d’un permis de séjour. La période pendant laquelle le ressortissant de pays tiers était en attente d’un emploi ou mis en quarantaine n’a pas été prise en compte.

Des dispositions particulières ont également été prises concernant l’accès aux soins de santé. En Autriche, les immigrés tolérés, qui ne sont pas éligibles à l’assurance maladie, ont été pris en charge pour les soins COVID-19. En Estonie, la réglementation a été modifiée le 26 juin 2020 afin que le diagnostic et le traitement du COVID-19 puissent être fournis gratuitement aux personnes non assurées. En Lituanie, il a été décidé de ne pas mettre fin à la validité de l’assurance maladie obligatoire pendant la période de quarantaine pour les personnes incapables de continuer à payer. Israël a autorisé les travailleurs journaliers palestiniens qui passaient la nuit en Israël à accéder au programme d’assurance maladie de l’employeur à partir de mai 2020.

Certains pays de l’OCDE ont mis en place des dispositions relatives aux conditions de travail des immigrés en 2020. L’Allemagne a imposé des dispositions qui facilitent la séparation entre les équipes de travailleurs, y compris pour leurs espaces de vie. Les employeurs étaient tenus d’informer les autorités sanitaires locales des nouveaux arrivants et de conserver les coordonnées des personnes à contacter pour les retrouver en cas d’infection. En août 2020, l’Espagne a introduit des directives étendues sur la prévention et le contrôle du COVID-19 dans les exploitations agricoles qui emploient des travailleurs saisonniers, exigeant de chaque employeur qu’il procède à une évaluation des risques et qu’il adapte le lieu de travail et les logements pour répondre aux dispositions des directives. En Pologne, les travailleurs saisonniers étaient soumis à une quarantaine obligatoire de 10 jours à domicile.

Plusieurs pays de l’OCDE ont adopté des mesures supplémentaires pour soutenir les étudiants internationaux dont la situation financière a été affectée par le COVID-19. La France, l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et le Portugal ont introduit des aides et des bourses financées par l’État. En Allemagne, les étudiants internationaux ont eu accès à des prêts d’études à taux zéro et pu bénéficier d’une aide spéciale. Les données préliminaires suggèrent qu’ils représentaient environ un tiers des bénéficiaires du programme d’aide. Les étudiants internationaux qui avaient travaillé en Australie pendant plus de 12 mois ont pu accéder à leur épargne-retraite (Superannuation) australienne. Le Canada a doublé sa bourse d’études (jusqu’à 6 000 CAD) destinée aux étudiants à temps plein ayant un besoin financier, y compris pour les étudiants internationaux, pour 2020 et 2021. En Hongrie et au Portugal, les étudiants internationaux ont eu droit à un logement. La Lettonie et la République tchèque ont quant à elles fourni une aide à l’hébergement.

Le sentiment négatif envers les populations appartenant à des minorités, y compris certains groupes d’immigrés, n’est pas un phénomène nouveau. Toutefois, à mesure que les sociétés se sont diversifiées, de nombreux pays ont mis en œuvre des mesures de diversité visant à réduire ou à supprimer les obstacles auxquels se heurtent les groupes considérés comme défavorisés, notamment sur le plan racial ou ethnique. Les attitudes à l’égard de la diversité dans l’ensemble de l’OCDE se sont largement améliorées au cours de la dernière décennie, mais il n’en va pas de même pour les attitudes à l’égard des immigrés, qui restent fortement négatives dans un certain nombre de pays et ont augmenté ailleurs (OCDE, 2020[2]).

L’année 2020 a marqué un changement dans la polarisation autour de la question de l’appartenance et de la nécessité d’une plus grande action politique pour traiter la question de la discrimination. La pandémie de COVID-19 a mis au jour et exacerbé les inégalités économiques et sociales existantes dans les pays de l’OCDE. Des événements très médiatisés survenus au début de l’année 2020, qui sont rapidement apparus comme des symboles d’une discrimination persistante, ont déclenché à la fois des protestations et des débats à l’échelle mondiale, qui ont à leur tour conduit les décideurs politiques à promulguer une série de nouvelles lois ou à renforcer les mesures déjà en place. Une attaque à Hanau (Allemagne) le 19 février 2020, ayant entraîné la mort de neuf personnes issues de l’immigration, a été reconnue par l’État comme une attaque raciste. Aux États-Unis, le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd, le 25 mars 2020, a entraîné une amplification du mouvement Black Lives Matter, né en 2013. La mort de M. Floyd a suscité des protestations dans le monde entier pour demander que davantage de mesures soient prises pour lutter contre la discrimination et la violence raciales, même dans les pays qui ne comptent pas de grandes populations noires. Au Royaume-Uni et en Belgique, les autorités ont retiré des statues de figures controversées du passé colonial en réponse à des protestations locales.

La violence croissante ou ignorée à l’égard des immigrés et de leurs descendants est une préoccupation, mais de nombreuses mesures de lutte contre les discriminations ont une portée plus large, et cherchent également à lutter contre la discrimination économique persistante. Par exemple, dans la plupart des pays de l’OCDE, même s’il existe quelques exceptions, les immigrés ont des taux d’emploi inférieurs à ceux des natifs et les écarts de salaires sont fréquents. Par ailleurs, il est évident que les désavantages persistants observés chez les immigrés et leurs enfants ne sont pas tous dus à la discrimination. Si les différences de compétences n’expliquent qu’une partie des désavantages observés, d’autres obstacles structurels incluent l’absence de réseaux et de connaissance du fonctionnement du marché du travail. De nombreux pays ont donc conclu que des politiques plus larges en matière d’égalité d’emploi ou de « diversité » (ce terme englobant une série de groupes minoritaires défavorisés) peuvent assurer une plus grande égalité des chances. La compréhension de cet espace politique est compliquée par la nécessité de définir qui est une minorité, en particulier lorsque les pays créent des politiques qui sont conçues globalement pour couvrir plusieurs groupes. Dans certains pays, l’inclusion des minorités ethniques de longue date peut être perçue comme entrant en concurrence ou créant des tensions avec les intérêts des immigrés plus récents. Définir le statut d’immigré comme distinct de celui de minorité ethnique soulève des questions complexes quant au degré implicite d’appartenance ou d’« altérité ».

Les minorités visées en priorité par les mesures de lutte contre la discrimination diffèrent selon les pays de l’OCDE. Dans la plupart des pays anglophones de l’OCDE, l’accent est mis sur l’origine ethnique ou la couleur de la peau, bien que l’origine migratoire soit également pertinente, notamment pour des groupes spécifiques tels que les Asiatiques ou les Hispaniques, dont la majorité sont des immigrés dont les enfants sont nés dans le pays. Statistique Canada a signalé une augmentation du harcèlement racial ou ethnique des Canadiens d’origine asiatique en 2020, qui a été interprétée comme découlant de l’émergence du coronavirus en Chine. Aux États-Unis, les manifestations de 2021 ont mis en lumière la violence contre la communauté asiatique américaine. Dans les pays d’Europe centrale et orientale, les Roms sont considérés comme la minorité la plus visible. Il existe également une corrélation avec la religion, en particulier dans les pays européens de l’OCDE qui comptent d’importants groupes d’immigrés originaires de pays à prédominance musulmane.

De nombreux pays de l’OCDE ont observé les attitudes de la population locale à l’égard des immigrés, mais l’attention croissante accordée à la perception de la discrimination par les immigrés a également renforcé l’élan en faveur d’un changement de politique. Les enquêtes menées auprès des immigrés, de leurs enfants et des minorités ethniques dans l’UE montrent que près d’une personne interrogée sur quatre s’est sentie victime de discrimination au cours des 12 mois précédant l’enquête en raison de son origine ethnique ou de son statut d’immigré (Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, 2017[3]). Dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, près d’un immigré ou enfant d’immigré sur cinq déclare avoir été victime de discrimination (OCDE/Union européenne, 2019[4]). Dans le même temps, alors que tous les pays de l’OCDE disposent d’une législation pour les protéger contre la discrimination (OCDE, 2020[2]), seul un quart des immigrés savent qu’il existe un cadre juridique pour les protéger contre la discrimination (Eurobaromètre, 2015[5]).

Les enfants d’immigrés nés dans le pays sont plus susceptibles d’être conscients de la discrimination et de ne pas l’accepter. Ce plaidoyer et cette volonté de dénoncer l’injustice, qui peuvent être considérés comme un signe d’intégration réussie dans le pays d’accueil, ont sensibilisé les décideurs politiques à la question de la discrimination à l’égard des immigrés.

Tout au long de 2020 et en 2021, de nombreux pays de l’OCDE, ainsi que l’Union européenne, ont pris diverses mesures pour lutter contre la discrimination et élaborer des plans visant à réduire les inégalités de traitement.

L’Australie a lancé plusieurs initiatives budgétaires pour améliorer la politique multiculturelle « Accès et équité » existante. Le fonds comprend 17.7 millions AUD pour améliorer l’engagement auprès des communautés multiculturelles et 7.9 millions AUD pour établir un programme de recherche visant à documenter les initiatives d’inclusion. Parmi les dotations supplémentaires, 3 millions AUD sur quatre ans sont alloués à partir de 2020-21 au Musée islamique d’Australie pour développer des ressources éducatives et des plateformes d’apprentissage en ligne afin de soutenir la cohésion sociale. En outre, 37.3 millions AUD sont affectés sur quatre ans à la promotion des valeurs, de l’identité et de la cohésion sociale australiennes et à la lutte contre la désinformation en ligne.

L’Autriche continue de suivre les indicateurs de l’opinion publique à l’égard des immigrés dans le cadre de son plan d’action national pour l’intégration. En 2020, la perception de l’intégration par les Autrichiens était presque également divisée entre des évaluations positives (54.7 % estimaient que l’intégration fonctionnait très bien ou bien) et des opinions négatives (45.3 % pas si bien ou pas du tout). En décembre 2020, la Cour constitutionnelle a levé une réforme législative qui interdisait aux filles de l’école primaire de porter un foulard à l’école. Le programme gouvernemental pour la période 2020-24 indique explicitement que la discrimination est une préoccupation importante pour l’Autriche ; toutefois, l’inégalité de traitement fondée sur la nationalité n’est pas formellement interdite lorsqu’elle ne sert pas de prétexte à une discrimination ethnique ou raciale.

Les autorités belges ont renforcé l’accent mis sur la lutte contre le racisme après l’incendie xénophobe d’un centre d’asile devant ouvrir à Bilzen en novembre 2019. En février 2020, la Conférence interministérielle contre le racisme a été créée, offrant aux entités fédérales et fédérées un forum pour coordonner les mesures de lutte contre la discrimination raciale, l’antisémitisme, la discrimination liée aux convictions religieuses et la discrimination intersectionnelle. À la suite de cette conférence, le gouvernement fédéral s’est engagé en septembre 2020 à coordonner l’élaboration interfédérale d’un plan d’action national contre le racisme et contre l’intolérance et la discrimination qui y sont associées. L’un des objectifs de ce plan d’action sera d’améliorer la collecte de données afin de mieux éclairer les décisions relatives à la politique en matière de discours et de crimes haineux. La Belgique a également créé une commission parlementaire spéciale en juillet 2020 pour examiner le passé colonial de la Belgique et ses conséquences au Burundi, en République démocratique du Congo et au Rwanda. La police a également lancé des projets pilotes pour développer une politique de prévention du profilage ethnique. En septembre 2020, l’Institut fédéral des droits de l’homme de Belgique a tenu sa réunion inaugurale.

Fin 2020, le Secrétariat fédéral canadien de lutte contre le racisme a lancé le défi 50-30, une initiative conjointe avec la société civile et le secteur privé qui vise à atteindre une représentation de 30 % des groupes sous-représentés dans les conseils d’administration et les postes de direction au Canada. En outre, le budget de deux ans annoncé par le gouvernement en avril 2021 alloue 11 millions CAD supplémentaires pour étendre les activités de la Fondation canadienne des relations raciales, une société d’État à but non lucratif chargée de lutter contre la discrimination raciale.

Le gouvernement français a lancé plusieurs initiatives début 2021, dont une plateforme en ligne de lutte contre les discriminations et une consultation citoyenne de deux mois visant à encourager le dialogue et les propositions de solutions concrètes pour combattre les discriminations. En outre, en mars 2021, un rapport répertoriant les conclusions d’une mission parlementaire sur l’émergence et l’évolution du racisme (créée en décembre 2019) a été publié, énumérant 57 propositions concrètes pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme en France.

En 2020, le gouvernement fédéral allemand a créé le « Comité de lutte contre l’extrême-droite et le racisme » pour lutter contre l’antisémitisme, l’antitsiganisme, le racisme antinoir, l’hostilité envers les musulmans et d’autres formes d’inimitié liées à un groupe. L’Allemagne a élargi son soutien aux personnes victimes de discrimination raciale et a investi dans une protection efficace des victimes ainsi que dans l’amélioration des structures durables de lutte contre le racisme. L’Allemagne a en outre annoncé son intention d’investir 1 milliard EUR au cours de la période 2021-24 (avec la possibilité d’ajouter 150 millions EUR supplémentaires en 2022). Avec l’initiative « Notre travail : Notre diversité », lancée au printemps 2021, le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales financera 30 projets visant à développer et à tester des formes innovantes de lutte contre le racisme et l’extrémisme de droite dans le monde du travail. Plusieurs États allemands ont également augmenté leurs budgets de lutte contre la discrimination.

En Irlande, le ministre de la Justice et de l’Égalité, ainsi que le ministre d’État chargé de l’Égalité, de l’Immigration et de l’Intégration, ont créé en juin 2020 un comité antiraciste chargé d’élaborer un nouveau plan d’action contre le racisme. La consultation publique sur le plan a été ouverte le 21 avril 2021.

En Lettonie, le projet de promotion de la diversité (2016-22) a alloué 6.8 millions EUR à la campagne « L’ouverture est une valeur » pour parrainer des activités éducatives sur l’inclusion sociale et la prévention de la discrimination, la campagne 2019 étant consacrée aux personnes d’origine ethnique différente. En 2020, la Fondation pour l’intégration de la société a invité les employeurs à procéder à une auto-évaluation afin de recevoir des recommandations et un ensemble de mesures de soutien.

En Norvège, un nouveau plan d’action contre le racisme et la discrimination fondé sur l’origine ethnique et la religion pour 2020-23 est entré en vigueur en janvier 2020. En réponse à une attaque terroriste d’août 2019 contre un centre islamique, la Norvège a lancé un plan d’action contre la discrimination et la haine envers les musulmans en septembre 2020. Le plan contient 18 mesures axées sur la recherche et l’éducation, le dialogue interconfessionnel et des initiatives policières telles que l’enregistrement des crimes de haine à l’encontre des musulmans dans une catégorie distincte des statistiques criminelles.

Le 18 septembre 2020, l’UE a annoncé son plan d’action contre le racisme 2020-25, qui préconise un maintien de l’ordre et une protection équitables, la ventilation des données sur l’égalité par origine ethnique, une meilleure application de la décision relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie et une coordination plus étroite. Dans ce contexte, la Commission européenne a organisé un sommet contre le racisme le 19 mars 2021 pour aborder la question de sa mise en œuvre, avec la participation des institutions européennes, des États membres, de la société civile et des organisations de terrain. Ce plan, qui n’était pas initialement prévu par le plan de travail de la Commission, répond aux événements de 2020 et représente le plus haut niveau de reconnaissance institutionnelle du racisme structurel et de son impact dans l’UE. Toujours dans le cadre de ce plan, la Commission a nommé son premier coordinateur pour la lutte contre le racisme, dont le rôle est d’assurer la liaison avec les membres des communautés raciales et ethniques minoritaires et de relayer leurs préoccupations auprès de la Commission. Le coordinateur travaillera également avec les États membres, le Parlement européen et les établissements d’enseignement supérieur pour développer des politiques de lutte contre le racisme.

Dans un certain nombre de pays, au-delà des mesures de lutte contre les discriminations, les efforts ont porté sur des mesures plus larges en faveur de la diversité et de l’égalité des chances pour les immigrés. C’est le cas, par exemple, des Pays-Bas, qui ont apporté plusieurs changements en 2020 à leur Plan d’action contre la discrimination sur le marché du travail 2018-21, avec notamment la mise en place d’un programme visant à améliorer la position sur le marché du travail des résidents néerlandais issus de l’immigration. À partir de juillet 2020, les employeurs individuels pourront accéder à un baromètre leur permettant de comparer le niveau d’inclusion des immigrés qu’ils emploient à celui du même secteur. Le gouvernement a également annoncé un amendement à la loi sur la santé et la sécurité qui étend la compétence de contrôle des procédures de recrutement et de sélection des employeurs à l’inspection SZW (pour des conditions de travail justes, saines et sûres).

En juillet 2020, le Royaume-Uni a créé la Commission indépendante sur les disparités raciales et ethniques. La Commission a publié son rapport le 28 avril 2021, formulant 24 recommandations destinées à promouvoir une plus grande équité et à renforcer la confiance entre les communautés et le gouvernement, tout en soulignant les progrès réalisés en matière d’inclusion et d’intégration.

Aux États-Unis, le président Joseph Biden a signé deux décrets en janvier 2021 sur la promotion de l’équité raciale et le soutien aux communautés marginalisées, demandant au Conseil de politique intérieure d’inclure l’équité raciale dans sa mission et créant le groupe de travail COVID-19 sur l’équité en matière de santé. Une des principales priorités identifiées est la collecte de données ethniques, que les États ne collectent pas systématiquement à l’heure actuelle. En outre, en mars 2021, le ministère de la Justice a annoncé une initiative inter-agences pour lutter contre la violence contre les Asiatiques et la National Science Foundation a annoncé l’octroi de 33 millions USD de subventions pour la recherche contre le racisme.

Enfin, plusieurs pays de l’OCDE, notamment l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, ont lancé des initiatives en ligne pour combattre le sentiment anti-immigré lié au COVID-19. Au niveau local, la ville de Barcelone a lancé la campagne « StopRacisme » en mars 2020 et Prague a lancé une campagne de lutte contre les préjugés en février 2021. À New York, le gouvernement municipal a lancé une campagne intitulée « Le COVID-19 et les droits de l’homme » afin de fournir des informations sur les services d’aide aux victimes de harcèlement et de discrimination. Dans certains cas, des organisations internationales ont contribué au déploiement de la campagne. L’Organisation internationale pour les migrations a collaboré avec les autorités mexicaines dans le cadre d’une campagne intitulée « Le COVID-19 ne fait pas de discrimination, pourquoi le faites-vous ? ». Les Nations unies ont diffusé des informations pour combattre les stéréotypes xénophobes à l’encontre des immigrés par le biais de la campagne Verified, et le HCR a mis en œuvre des campagnes ciblées par le biais de ses bureaux nationaux.

Si les réformes à grande échelle ont été rares en 2020, la plupart des pays se concentrant sur la gestion de la pandémie, certains pays ont tout de même engagé des remaniements importants de leur politique d’intégration en 2020 et début 2021. D’autres ont annoncé des interventions plus ciblées. Même les pays qui ont prévu des modifications à grande échelle ont reconnu les enjeux posés par le COVID-19. Les Pays-Bas, par exemple, ont reporté au 1er janvier 2022 la mise en œuvre de leur nouvelle loi sur l’intégration civique (dont l’entrée en vigueur était prévue pour le 1er juillet 2021). Elle prévoit, entre autres, l’introduction de trois parcours d’intégration civique distincts et un meilleur niveau cible en langue néerlandaise.

La Norvège et le Luxembourg ont entrepris une réforme à grande échelle de leurs mesures d’intégration en 2020. La Norvège a mis en œuvre une nouvelle loi sur l’intégration en janvier 2021. L’un des principaux objectifs de la nouvelle loi est que davantage d’immigrés aient accès à l’éducation formelle. Pour préparer les participants à l’emploi ou à la poursuite de leurs études, la Norvège a modifié ses critères linguistiques, passant d’un modèle basé sur le nombre d’heures de cours à un modèle basé sur un niveau cible. Tout en ayant déterminé qu’il était important d’atteindre le niveau B1 du CECR pour assurer une pleine participation, la Norvège reconnait que tous les immigrés n’atteindront pas ce niveau au même rythme. La Norvège a également relevé l’âge seuil du groupe cible du programme d’intégration de 16 à 18 ans afin d’éviter toute confusion pour les mineurs qui sont encore scolarisés. Les immigrés pourront désormais bénéficier d’une orientation professionnelle dans les trois mois suivant leur arrivée, en plus du bilan de compétences déjà existant. La Norvège a également apporté des modifications pour faciliter la coordination des programmes d’intégration, en impliquant dans l’organisation des mesures d’intégration les acteurs qui sont responsables de l’enseignement secondaire de deuxiéme cycle au niveau des comtés. Les comtés et les municipalités partageront la responsabilité de l’intégration.

Au Luxembourg, les changements ont pris la forme d’un réaménagement des compétences visant à délimiter l’accueil et l’intégration. Avec la loi du 4 décembre 2019, le Luxembourg a créé un nouvel Office national d’accueil (ONA) au sein du ministère des Affaires étrangères. Depuis janvier 2020, l’ONA est chargé d’organiser l’accueil et de gérer l’hébergement des réfugiés et des demandeurs d’asile. La loi a créé un département de l’intégration au sein du ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région (MFAMIGR), qui a signé un accord avec 18 municipalités pour développer des plans locaux pour l’intégration avec le soutien de conseillers nationaux pour l’intégration. Le MFAMIGR a été chargé d’élaborer une nouvelle loi sur l’intégration pour 2021. Dans ce cadre, les principales parties prenantes nationales et locales ont participé à une vaste consultation. Une refonte du programme d’accueil des élèves nouvellement arrivés dans le système éducatif est prévue pour 2021. Sur le plan de la coordination, le Luxembourg a modifié le format de son comité interministériel sur l’intégration, qui inclut désormais des organisations de la société civile.

L’Australie a annoncé des réformes importantes de l’Adult Migrant English Program (AMEP), en supprimant le plafond précédent sur le nombre d’heures de cours d’anglais gratuits et en augmentant le niveau d’anglais cible de « fonctionnel » à « professionnel ». Pour les immigrés arrivés en Australie au plus tard le 1er octobre 2020, la réforme a également supprimé les délais pour commencer et terminer les cours d’anglais. Ces réformes sont entrées en vigueur le 19 avril 2021.

La législation sur la nationalité et les mesures d’accompagnement continuent d’être un domaine d’action politique important dans l’OCDE. Le plan de modernisation de la citoyenneté du Canada de 2019-20 a appelé à la transformation numérique lorsque cela était possible, et le gouvernement a commencé à proposer des tests de citoyenneté et des demandes en ligne. Pour 2021-22, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a annoncé la suppression prochaine des frais liés à l’obtention de la nationalité, ainsi qu’une modification du serment de citoyenneté pour tenir compte des droits issus de traités conclus avec les peuples autochtones, et la révision du guide de la citoyenneté afin de refléter la diversité de la société canadienne. La Norvège a modifié la loi sur la nationalité pour autoriser la double nationalité à partir de janvier 2020. La Norvège a également relevé le critère d’acquisition de la nationalité relatif aux compétences en norvégien oral, en le faisant passer du niveau A2 au niveau B1 du CECR. Un amendement à la loi autrichienne sur la nationalité permet aux descendants directs de personnes persécutées sous l’austrofascisme et le national-socialisme d’acquérir plus facilement la nationalité. L’Italie, qui en 2018 avait porté le délai de traitement pour la nationalité à 48 mois, l’a de nouveau réduit en décembre 2020 à 24 mois, avec une extension possible à un maximum de 36 mois. Le Portugal et la Lettonie ont introduit des extensions à leur principe du droit du sol. La Lettonie confère désormais automatiquement la nationalité aux enfants nés sur son territoire, sauf si les parents ont convenu de manière proactive d’une autre nationalité. Au Portugal, les enfants nés au Portugal acquièrent la nationalité à la naissance si l’un des parents résidait légalement dans le pays au moment de la naissance ou si l’un des parents (indépendamment de son statut de résidence) résidait au Portugal depuis au moins un an au moment de la naissance.

En reconnaissance de leur rôle dans la réponse à la pandémie, la France a créé un programme de naturalisation accélérée pour les travailleurs de la santé en 2020, qui leur permet de faire une demande au bout de deux ans de séjour en France, au lieu de cinq.

Au Danemark, la propagation du COVID-19 a conduit à la levée temporaire d’une règle obligeant tous les futurs citoyens à serrer la main d’un représentant des autorités publiques pour devenir citoyens danois. Le Danemark a toutefois introduit certaines limitations à l’octroi automatique de la nationalité danoise aux enfants en janvier 2020. En Grèce, les modifications apportées en mars 2020 au code de la citoyenneté exigent désormais que les immigrés fassent la preuve d’une intégration suffisante par la langue et la connaissance de la vie politique grecque au moyen d’un test écrit. La législation modifiée porte de trois à sept ans la période au terme de laquelle les réfugiés peuvent demander la nationalité, conformément aux autres catégories d’immigrés résidant en Grèce. Les réfugiés doivent également s’acquitter d’une taxe de 100 EUR.

L’intégration des femmes immigrées est une autre question qui continue de figurer parmi les priorités des politiques d’intégration. Les écarts considérables entre les immigrés des deux sexes en matière d’emploi persistent, et l’autonomisation des femmes immigrées a également une incidence sur l’intégration de leurs enfants. Conscients de ce fait, les pays ont de plus en plus développé des politiques et des programmes visant à faciliter une meilleure intégration des femmes immigrées, notamment sur le marché du travail. En Allemagne, depuis mai 2020, le projet « Fem.OS », financé par le commissaire du gouvernement fédéral pour la migration, les réfugiés et l’intégration, propose des conseils certifiés par la loi et des informations proactives via les médias sociaux en dix langues. Il existe également plusieurs autres programmes en cours, dont Stark im Beruf (Fort au travail) du ministère fédéral de la famille, des femmes, des personnes âgées et de la jeunesse, pour soutenir les femmes immigrées dans leur recherche d’emploi. La Suède a prolongé une directive de 2019 sur l’inclusion d’une perspective de genre dans toutes les mesures du programme d’intégration pour qu’elle reste valable pour les dotations au service public de l’emploi en 2020. Cela inclut de nouveaux fonds pour favoriser l’apprentissage de la langue suédoise par les parents nés à l’étranger qui sont en dehors du marché du travail et qui s’occupent des enfants. Le 29 janvier 2020, la Chancellerie fédérale autrichienne a assumé la responsabilité du programme d’intégration de l’Autriche, en nommant un ministre fédéral des Femmes et de l’Intégration au sein de la Chancellerie fédérale. D’autres pays ont reconnu l’impact disproportionné du COVID-19 sur les femmes immigrées et commencent à envisager la politique d’intégration sous l’angle du genre. Toutefois, cette tendance politique est encore balbutiante, tout comme l’intégration de la dimension de genre dans la conception et le financement des projets.

Pour les pays ayant largement décentralisé leurs services, les défis posés par le COVID-19 ont révélé les limites de cette approche. Les systèmes qui gèrent l’organisation des activités d’introduction au niveau local ont rencontré plus de difficultés à s’adapter à des changements rapides, comme la nécessité d’une distanciation physique et d’un apprentissage en ligne. Par exemple, un rapport de l’Institut de recherche norvégien FAFO sur la manière dont les municipalités ont adapté leurs activités d’introduction – au premier rang desquelles l’apprentissage des langues – pendant la pandémie a montré qu’une municipalité sur deux a rencontré des difficultés pour gérer la situation (Kavli et Lillevik, 2020[6]). En particulier, le passage au numérique des services s’avère souvent difficile dans un cadre décentralisé en raison de l’absence d’économies d’échelle. Le renforcement de l’intégration au niveau local a souvent constitué une première étape pour les pays qui ne disposent pas encore d’une politique nationale en matière d’intégration. Certains pays d’immigration plus anciens, dont le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suisse et le Royaume-Uni, ainsi que le Japon, ont également largement décentralisé l’intégration au niveau local. Il est peut-être trop tôt pour dire si les pays ayant adopté des stratégies localisées continueront à fonctionner de manière décentralisée. Il est cependant clair que les décideurs politiques, ayant vu comment ces systèmes réagissent à des situations de grande tension, devront se demander si cette approche est viable en l’absence d’un mécanisme de coordination clair. Une supervision plus forte, assortie de lignes directrices et d’incitations appropriées, peut faciliter une mise en œuvre cohérente et l’intégration des bonnes pratiques, deux défis politiques que les systèmes décentralisés devront relever.

Références

[3] Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (2017), EU MIDIS II – Second European Union Minorities and Discrimination Survey – Main results, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg.

[5] Eurobaromètre (2015), Eurobarometer 83.4: Climate Change, Biodiversity, and Discrimination of Minority Groups, mai-juin 2015, Commission européenne.

[6] Kavli, H. et R. Lillevik (2020), « We have kept the wheels in motion »: The municipalities’ integration work with refugees during the outbreak of the coronavirus, Fafo-rapport 2020:16.

[2] OCDE (2020), All Hands In? Making Diversity Work for All, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/efb14583-en.

[1] OCDE (2020), « What is the impact of the COVID-19 pandemic on immigrants and their children? », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e7cbb7de-en.

[4] OCDE/Union européenne (2019), Trouver ses marques 2018 : Les indicateurs de l’intégration des immigrés, Éditions OCDE, Paris/Union européenne, Bruxelles, https://dx.doi.org/10.1787/9789264309234-fr.

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