Résumé

Il est aujourd’hui plus que jamais impératif de mettre à profit les bénéfices de l’investissement pour soutenir le développement durable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA). La crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accentuer les problématiques socio-économiques déjà aigues dans la région. Les flux mondiaux d’investissement direct étranger (IDE) ont chuté de 50 % entre le dernier semestre 2019 et le premier semestre 2020, et l’OCDE prévoit une contraction de 4.2 % de la production économique mondiale en 2020. Ces tendances pourraient être encore plus marquées dans les économies MENA. Les entrées d’IDE dans la région se sont inscrites en net recul en 2020, et les prévisions laissent entrevoir pour les années à venir une baisse importante de l’activité économique, doublée d’une forte hausse des niveaux déjà élevés de chômage et de pauvreté, et d’une augmentation du risque d’instabilité macro-économique, politique et sociale.

Bien que les gouvernements de la région MENA aient déjà déployé des efforts ambitieux pour améliorer les conditions d’’investissement et apporter des réponses à la pandémie, de plus amples réformes sont nécessaires pour mettre l’investissement au service du développement durable. Le présent rapport couvre un éventail diversifié d’économies de la région MENA. L’Algérie, l’Autorité palestinienne, l’Égypte, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc et la Tunisie se caractérisent chacun par des obstacles, des opportunités et des objectifs qui leur sont propres. Certaines difficultés sont néanmoins communes à bon nombre de ces économies. Ce rapport présente des propositions de réforme, en prenant en compte les différentes dimensions de politique publique susceptibles d’influer sur les conditions d’investissement, et accorde un intérêt particulier à la manière dont les économies de la région peuvent mettre à profit l’investissement pour améliorer la vie de leurs citoyens.

Reconnaissant le rôle potentiel que peut jouer l’investissement en faveur des objectifs de développement durable, de la diversification économique à la création d’emplois de qualité, les gouvernements de la région MENA ont engagé des réformes conséquentes au cours des dix dernières années pour promouvoir et faciliter l’IDE. Ces gouvernements ont amendé la législation applicable à l’investissement, facilité l’accès au marché, simplifié la réglementation régissant l’activité des entreprises, renforcé le mandat des agences de promotion des investissements (API) et pris des mesures pour orienter l’investissement vers les régions en retard de développement. Si certaines économies ont attiré d’importantes entrées d’IDE, les économies de la région MENA ont globalement moins bien réussi que d’autres économies émergentes et en développement à mobiliser l’investissement en faveur du développement durable. L’instabilité politique, les conflits et les chocs sociaux et économiques qui ont marqué la dernière décennie sont autant de facteurs qui ont nui aux conditions d’investissement. Certaines difficultés structurelles communes aux différentes économies, comme les obstacles à la concurrence, la pénurie de compétences, l’inadéquation des infrastructures, les problèmes de gouvernance et la faiblesse de l’intégration régionale, ont également empêché ces économies de tirer parti des avantages de l’IDE.

Dans une grande partie de la région MENA, l’IDE est resté concentré dans quelques secteurs à forte intensité en capital, comme les industries extractives, l’immobilier et le bâtiment, ou dans les industries légères. Dans la majorité de ces secteurs, la création d’emplois et la diversification économique n’ont pas suffisamment progressé, et la croissance des petites et moyennes entreprises (PME) ou de l’activité économique en dehors des zones côtières et urbaines n’a pas été assez soutenue. Il est souvent perçu, dans la plupart des économies de la région, que l'investissement ne profite pas au citoyen moyen. En dépit des réformes notables engagées, de nombreux aspects du climat d’investissement continuent de peser sur les investisseurs et plus généralement sur la croissance du secteur privé, limitant les retombées positives de l’investissement.

  • Améliorer la clarté, la cohérence et la transparence des règles et procédures relatives à l’investissement. Les économies MENA ont entrepris des efforts soutenus pour améliorer la législation régissant les conditions d’investissement. Dans certains cas, cependant, le rythme effréné des réformes récentes a parfois donné lieu à un chevauchement de textes ou à la création de vides juridiques (réels ou perçus comme tels), lesquels peuvent être source de confusion pour les investisseurs. Il est donc essentiel de veiller à la cohérence et à la clarté des différentes lois relatives à l’investissement pour créer des conditions d’investissement attractives et limiter les risques de mise en œuvre incohérente des textes ou de pouvoirs excessivement discrétionnaires laissés à l’administration. Dans la plupart des économies de la région, les autorités compétentes disposent d’une grande marge d’appréciation pour déterminer la nature des avantages fiscaux et, dans certains cas, pour sélectionner les investisseurs qui peuvent entrer sur le marché, ou se voir accorder des licences ou des permis, ou encore accéder à la propriété foncière. Des textes législatifs et réglementaires plus précis, laissant peu de place à l’interprétation, pourraient contribuer à réduire la corruption, les risques de concurrence déloyale et les éventuels différends entre les investisseurs et l’État.

  • Accélérer les réformes pour stimuler la concurrence et le développement du secteur privé. En moyenne, les économies MENA imposent davantage de restrictions à l’entrée et à l’activité des investisseurs étrangers, en particulier dans les secteurs des services, que les pays comparables. Limiter l’IDE dans les services clés comme les transports a pour effet d’entraver la concurrence et la productivité non seulement dans ces secteurs, mais également dans tous ceux qui en dépendent, dont le secteur manufacturier, ce qui a pour conséquence de freiner les gains de productivité potentiels dans l’ensemble de l’économie. Les restrictions à l’IDE dans les services limitent également la participation aux chaînes de valeur mondiales (CVM). Les bénéfices tirés des CVM, comme le transfert de connaissances, restent en conséquence limités. De manière générale, si plusieurs économies de la région ont supprimé d’importantes restrictions juridiques à l’accès au marché, d’autres obstacles à la concurrence persistent souvent. On peut notamment citer les obstacles institutionnels ou informels à l’investissement (lourdeurs administratives, corruption), l’application incohérente des dispositions prévues par la loi, les distorsions créées par la mainmise de l’État sur des secteurs clés, ou encore l’application d’un traitement préférentiel à certaines entreprises.

  • Cibler les politiques et mesures en faveur de l’investissement pour mieux servir les objectifs de développement durable. Les économies MENA pourraient avoir à repenser leurs stratégies de promotion de l’investissement, tant pour relever de nouveaux défis, comme le surcroît de prudence dont font preuve les investisseurs, que pour tirer parti de nouvelles opportunités qu’une possible réorganisation des CVM pourrait créer. La dématérialisation des procédures devrait être étendue, et une attention accrue devrait être accordée au suivi et à la rétention des investisseurs. Il conviendrait de définir des stratégies fondées sur un vaste processus de consultation et guidées par des objectifs clairement énoncés. Les initiatives visant à attirer les investissements ayant un fort impact sur le développement devraient reposer sur des incitations plus ciblées, portant sur les coûts d’investissement et conformes aux priorités de politique publique, afin de favoriser les retombées positives comme le développement des compétences, l’innovation et le renforcement des liens d’affaires avec les PME locales. Dans les situations de fragilité, les pouvoirs publics pourraient chercher à attirer les investisseurs mieux familiarisés avec de tels contextes et donner la priorité aux secteurs en mesure d’accompagner les efforts de reconstruction postérieurs à un conflit ou une catastrophe. En soutenant les investissements susceptibles de servir au mieux les objectifs de développement durable, les gouvernements de la région pourraient également s’attacher davantage à promouvoir et favoriser la conduite responsable des entreprises. Ils pourraient notamment chercher à faire progresser les droits de l’homme et du travail, l’égalité femme-homme et la protection de l’environnement dans le cadre des activités des entreprises et de leurs chaînes d’approvisionnement.

  • Renforcer les bonnes pratiques de gouvernance et la coordination afin de mettre en œuvre de meilleures politiques d’investissement. Les gouvernements MENA ont considérablement réformé le cadre institutionnel relatif à l’investissement, renforçant ainsi le rôle des API, auxquelles ils ont conféré des mandats étendus, et notamment des fonctions de réglementation et de supervision qui relèvent généralement, dans d’autres pays, de l’autorité des ministères. Une telle approche peut entraîner une confusion des rôles et amoindrir la capacité des API à relayer les préoccupations des investisseurs, dès lors qu’elles sont dans le même temps chargées de réglementer leurs activités. Il appartient aux pouvoirs publics de clarifier les responsabilités et de renforcer la coordination des politiques, ainsi qu’en matière de promotion et de facilitation de l’investissement, et du traitement et de la prévention des différends, afin de réduire les risques de chevauchements institutionnels et de divergence d’objectifs. De plus, l’alignement de la politique de l’investissement sur d’autres politiques qui influent sur les conditions de l’investissement, et notamment en matière de commerce, d’innovation, ainsi que les sujets afférents à la connectivité des infrastructures et à la lutte contre la corruption, favoriserait la cohérence des politiques publiques, tandis qu’un partage des responsabilités entre les organismes nationaux et infranationaux permettrait d’en améliorer la mise en œuvre. Enfin, les économies MENA devraient solliciter plus avant le point de vue des investisseurs et d’autres parties prenantes aux fins de l’élaboration des politiques, afin de favoriser un esprit de confiance et de responsabilité entre les pouvoirs publics et les milieux d’affaires, tout particulièrement en période d’incertitude.

Disclaimers

Cet ouvrage est publié sous la responsabilité du Secrétaire général de l’OCDE. Les opinions et les interprétations exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues officielles des pays membres de l’OCDE.

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région.

Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

Note de la Turquie
Les informations figurant dans ce document qui font référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Ile. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’Ile. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu'une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ».

Note de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne
La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.

Crédits photo : Cover © Swillklitch/iStock.com.

Les corrigenda des publications sont disponibles sur : www.oecd.org/about/publishing/corrigenda.htm.

© OCDE 2021

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : http://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.