Résumé

Il faut rééquilibrer les moteurs de la croissance inclusive

Le processus de convergence économique a ralenti après 2010, reflétant des facteurs spécifiques et l’exacerbation des contraintes structurelles. Le tourisme et les activités minières ont souffert de la détérioration de la sécurité et du climat social. La forte hausse de l’emploi et des salaires publics a soutenu la consommation privée mais l’activité économique et les créations d’emplois dans le secteur privé sont restées faibles. La hausse de la demande a généré des tensions sur les prix et le compte courant. Les ratios des dettes publique et externe au PIB ont fortement augmenté. Pour remettre la dette publique sur une trajectoire soutenable sans freiner la croissance, il faut inscrire l’assainissement des finances publiques sur un horizon de moyen-terme et l’accompagner de réformes structurelles qui relanceront l’activité et les créations d’emploi dans le secteur privé. Il faut aussi réorienter les dépenses publiques au profit des populations défavorisées et de la croissance inclusive.

Tunisie PIB par habitant 2011 USD PPA
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Source : Banque mondiale, Indicateurs de développement mondial (WDI).

 https://doi.org/10.1787/888933694137

La reprise de l’investissement des entreprises est essentielle pour relancer le processus de convergence

Le taux d’investissement a fléchi depuis le début des années 2000 et son niveau est faible. L’investissement public a été jusqu’à présent largement préservé. A contrario, l’investissement des entreprises a souffert des réglementations excessives sur le marché des produits, associées à des procédures administratives complexes qui peuvent générer de la corruption, d’une fiscalité peu prévisible, des difficultés croissantes pour le passage des biens en douane et leur transport maritime et d’un système financier peu favorable aux jeunes entreprises et à celles en croissance. La levée de ces contraintes est essentielle pour relancer l’investissement des entreprises, et avec lui, la productivité, les créations d’emplois et le pouvoir d’achat de tous les tunisiens. L’investissement logement a été soutenu par des incitations financières et fiscales qui détournent l’épargne des placements plus productifs. L’élan de réformes, engagé avec la nouvelle loi sur l’investissement, devra être poursuivi.

Taux d’investissement
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Source : INS.

 https://doi.org/10.1787/888933694156

La création d’emplois de qualité permettra de réduire les disparités de niveau de vie

Le niveau de vie moyen des tunisiens a progressé depuis plusieurs décennies tandis que la pauvreté diminuait largement. Néanmoins, de fortes inégalités subsistent sur le marché du travail. Le taux de chômage est élevé surtout pour les jeunes diplômés, le travail informel est répandu et de nombreux tunisiens ont des conditions de travail précaires. Les disparités hommes-femmes sont moins importantes que dans les autres pays MENA mais le taux d’emploi est bien plus faible pour les femmes que pour les hommes et les femmes occupent souvent des emplois moins qualifiés. De larges disparités régionales existent en termes de niveau de vie et d’emploi. Une nouvelle politique de développement régional pour valoriser les atouts spécifiques de chaque région est nécessaire.

Taux de pauvreté
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Source : INS.

 https://doi.org/10.1787/888933694175

PRINCIPAUX RESULTATS

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Améliorer les politiques macro-économiques

Le déficit budgétaire et la dette publique ont fortement augmenté.

Accompagner l’ajustement budgétaire par des réformes structurelles afin d’inscrire le ratio de la dette publique au PIB sur une trajectoire de baisse sur le moyen-terme.

Faire des études approfondies de l’utilité des programmes publics, y compris des projets d’infrastructures pour prioriser la dépense publique.

Les impôts sont déjà élevés et pèsent particulièrement sur la création d’emplois dans le secteur formel et l’initiative privée. Les incitations fiscales entament les recettes fiscales et sont peu efficaces.

Rétablir la justice fiscale en facilitant le recoupement des informations et en augmentant les contrôles fiscaux pour mieux lutter contre l’évasion et la fraude fiscale.

Évaluer systématiquement les impacts, coûts et bénéficiaires, des incitations fiscales, notamment pour l’acquisition d’un logement et l’investissement des entreprises.

L’emploi public a fortement augmenté ; le paiement des salaires des fonctionnaires absorbe la moitié des dépenses publiques.

Réduire graduellement l’emploi dans l’administration en maintenant la règle de remplacement partiel des départs à la retraite.

Le régime de retraite n’est pas soutenable, notamment en raison de l’allongement de l’espérance de vie.

Augmenter de façon progressive l’âge de départ à la retraite et engager des réformes pour garantir la pérennité financière des régimes de retraite.

Les subventions bénéficient davantage aux ménages les plus riches. Elles encouragent une consommation excessive et des fraudes et nuisent à l’environnement

Réformer les subventions en mettant en place la règle d’ajustement automatique des prix pour les produits pétroliers et, pour les autres produits, les remplacer par des transferts monétaires aux ménages.

Les créances douteuses sont élevées, notamment dans les banques publiques.

Accélérer l’introduction des changements législatifs permettant aux banques de réduire le niveau des créances douteuses.

Poursuivre le désengagement de l’État dans les banques publiques et mixtes.

Relancer l’investissement des entreprises

La baisse du taux d’investissement des entreprises s’est accélérée après 2010. Les restrictions sectorielles, réglementaires et administratives brident l’initiative privée. La nouvelle loi sur l’investissement instaure la liberté d’investissement avec une liste négative qui sera mise en application graduellement.

Accélérer le processus de réduction des autorisations d’exercice et administratives, et des licences et permis.

Réduire davantage les restrictions relatives à la présence de cadres étrangers.

Le classement de la Tunisie en matière de logistique et de facilitation du commerce s’est dégradé.

Simplifier les procédures administratives et douanières lors du passage des biens à la frontière.

Améliorer la gestion des infrastructures portuaires, éventuellement via des partenariats public-privé.

De nombreux secteurs d’activité sont dominés par des entreprises publiques. Leur situation financière est précaire car l’emploi a fortement cru depuis 2011 alors que l’ajustement des prix et tarifs était limité.

Renforcer la gouvernance des entreprises publiques, avec un meilleur respect des contrats de performance et des règles du jeu équitable entre entreprises publiques et privées.

L’accès au financement est difficile pour les nouvelles entreprises et celles en forte croissance.

Autoriser les banques à tarifer les risques en reconsidérant le plafonnement des taux d’intérêt débiteurs.

Accélérer l’adoption et l’application du nouveau code des fonds de placement commun.

Réduire les inégalités relatives à l’emploi entre les individus et les régions

Le chômage est élevé, en particulier chez les jeunes diplômés.

Assurer l’adéquation entre les systèmes d’éducation, d’apprentissage et de formation, et les besoins des entreprises.

Les créations d’emplois sont faibles. Les cotisations, relativement élevées, encouragent le passage au secteur informel.

Diversifier les sources de financement de la sécurité sociale.

Des disparités entre les hommes et les femmes existent sur le marché du travail.

Favoriser le recrutement des femmes par des campagnes de sensibilisation sur les conséquences des choix éducatifs et de la formation sur les possibilités d’emploi et d’entrepreneuriat, l’évolution de carrière et les salaires.

Les petites entreprises et les ménages modestes utilisent peu les services financiers.

Accélérer la mise en œuvre de la stratégie d’inclusion financière.

Les disparités régionales de niveau de vie et d’emploi sont marquées.

Moderniser les structures et institutions régionales pour mieux exploiter les opportunités d’investissement et accompagner les investisseurs dans les régions.