1. Évaluer la réponse à la crise du COVID-19 au Luxembourg

La réponse à la crise a constitué un défi sans précédent pour la plupart des pays de l’OCDE – tant en raison de l’ampleur de la crise que de la gravité de ses conséquences sur la santé, l'économie, la continuité pédagogique et plus généralement sur le bien-être des citoyens. Face à cette situation, les pays de l’OCDE ont déployé dans un laps de temps relativement court d'importants moyens humains, financiers et techniques pour gérer et atténuer les conséquences de la crise. Le Luxembourg ne fait pas figure d’exception à ce sujet.

Deux ans et demi après le début de la crise pandémique, ce rapport vise à tirer les enseignements de cette période afin de renforcer la résilience future du pays. Cette évaluation vise ainsi à comprendre ce qui a fonctionné ou pas, pour quoi et pour qui dans la réponse du Luxembourg au COVID-19. Pour ce faire, elle s’inscrit dans le cadre des travaux de l’OCDE sur l’« évaluation des réponses à la crise du COVID-19 » et repose sur une méthode mixte, afin de garantir la robustesse de ses résultats. Aussi, l’évaluation s’intéresse-t-elle à l’ensemble des critères évaluatifs pour offrir une compréhension globale de la chaine de valeur de l’action publique dans la réponse à la crise. Pour répondre à l’ensemble de ces questions évaluatives tout en tenant compte du contexte dans lequel s’inscrit l’action des pouvoirs publics luxembourgeois, ce chapitre offre tout d’abord un cadre méthodologique avant d’examiner les atouts structurels du pays et de présenter un aperçu général des mesures adoptées pour faire face à la crise.

Les travaux de l’OCDE sur les « évaluations gouvernementales de la réponse au COVID-19 » définissent trois types de mesures que les pays doivent évaluer pour mieux comprendre ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné dans la réponse des pays à la pandémie (OCDE, 2022[1]) (voir le Graphique 1.1) :

  • Préparation à la pandémie : ce sont les mesures adoptées par les pouvoirs publics pour anticiper la pandémie avant qu’elle ne se concrétise et pour se préparer à faire face à une situation d’urgence sanitaire d'ampleur mondiale en se dotant des connaissances et capacités nécessaires (OCDE, 2015[2]).

  • Gestion de crise : ce sont les politiques et actions mises en œuvre par les pouvoirs publics face à la pandémie une fois que celle-ci s’est concrétisée pour coordonner l’action gouvernementale entre toutes les composantes de l’administration, communiquer vis-à-vis des citoyens et du public, et impliquer l’ensemble de la société dans la réponse à la crise (OCDE, 2015[2]).

  • Réponse et reprise : ce sont les politiques et mesures permettant d’une part d'atténuer les conséquences de la pandémie et de la crise économique sur les citoyens et les entreprises et, dans un deuxième temps, de soutenir la reprise économique et de réduire les pertes de bien-être. Parmi ces mesures figurent les confinements et les restrictions imposées pour contenir la propagation du virus, de même que le soutien financier accordé aux ménages, aux entreprises et aux marchés pour atténuer l’impact du retournement de conjoncture, les mesures sanitaires destinées à protéger et soigner la population et les politiques sociales visant à protéger les publics les plus vulnérables.

Ces trois types de mesures correspondent aux principales phases du cycle de gestion des risques telles que définies dans la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la gouvernance des risques majeurs (OCDE, 2014[3]). La pertinence empirique de ce cadre d’évaluation, présenté dans le Graphique 1.1, est également vérifié par l’analyse des premières évaluations gouvernementales disponibles (OCDE, 2022[1]) (voir l’Encadré 1.1 pour plus d’information sur cette étude).

En premier lieu, cette évaluation bénéficie des données comparatives tirées des travaux de l’OCDE sur les évaluations gouvernementales de la réponse au COVID-19 (OCDE, 2022[1]). En effet, ces travaux offrent un aperçu de ce qui a fonctionné ou pas, pour qui et pourquoi dans 18 pays de l’OCDE sur ces trois types de mesures.

Ces données comparatives qui offrent un cadre général international ont été complétées par deux enquêtes visant à collecter des données propres à l’évaluation au niveau du pays lui-même. La première enquête a été administrée aux autorités du gouvernement central du Luxembourg en charge des différentes mesures de lutte contre la pandémie. Une deuxième enquête a été administrée aux acteurs territoriaux qui ont eu un rôle clé dans la réponse à la crise : les 102 communes et villes, les 171 établissements scolaires d’enseignement fondamentale, et les 4 hôpitaux. D’autres données d’enquêtes multi-pays de l’OCDE ont pu être utilisées lorsque cela était pertinents. C’est le cas par exemple d’une enquête sur la résilience des systèmes de santé au COVID-19 qui a été utilisée pour les besoins du chapitre 3 sur la résilience du secteur de la santé au Luxembourg. Des micro-données administratives ont également été utilisées dans le cadre de l’analyse des impacts de la pandémie sur l’économie et le marché du travail des chapitres 6 et 7. Ces micro-données ont été rendues disponibles aux équipes de l’OCDE, de façon anonymisée, par l’Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-Duché de Luxembourg (STATEC) et l’Inspection Générale de la Sécurité Sociale du Luxembourg.

Ces données quantitatives ont été également croisées avec des entretiens qualitatifs avec les principales parties prenantes de la gestion de crise au niveau national et local. Les institutions rencontrées par les équipes de l’OCDE ont été identifiées conjointement par l’OCDE et le Ministère d’État. Les équipes de l’OCDE ont ainsi pu rencontrer un vaste panel d’acteurs, comprenant notamment des ministères, des représentants des communes et des établissement scolaires, du secteur de la santé (hôpital et maison médicale), des députés, des représentants de la société civile (syndicats, Croix-Rouge, Caritas, et Asti), de la Commission consultative des Droits de l’Homme, de laboratoires privés, de l’Association des patients, du Syndicat des pharmaciens, du Cercle des médecins généralistes, de l’Association des médecins et médecins dentistes, des associations patronales (Union des Entreprises Luxembourgeoises, Confédération Luxembourgeoise du Commerce, Chambre des Métiers, Fédération des industriels luxembourgeois), de la Confédération des Organismes Prestataires d'Aides aux Services, de la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale et du Conseil économique et social du Luxembourg.

Pour permettre de comprendre ce qui a réussi – ou pas – dans la préparation et la réaction à la pandémie de COVID-19 au Luxembourg, ce rapport vise à évaluer et tirer des enseignements sur la pertinence, la cohérence, l’efficience, l’efficacité, l’impact et la soutenabilité des mesures mises en place au cours des trois phases de la gestion des risques (voir l’Encadré 1.2 pour comprendre ces différents critères).

En particulier, le chapitre 2 de ce rapport analyse la pertinence et l’efficacité des mesures d’anticipation et de préparation aux risques établies au Luxembourg avant la crise. Le chapitre 3 s’intéresse à la pertinence, la cohérence, l’efficience et à l’efficacité des mécanismes gouvernementaux de gestion de crise. Les chapitres suivants évaluent l’efficience, l’efficacité, l’impact et la soutenabilité des mesures de santé publique (chapitre 4), en matière d’éducation (chapitre 5), les politiques économiques et fiscales (chapitre 6), et les politiques sociales (chapitre 7) adoptées par le Luxembourg pour répondre à la crise pandémique. Le Tableau 1.1 résume les différentes questions évaluatives auxquelles ce rapport essaie de répondre.

Pour ce faire, il importe avant d’aller plus loin de comprendre les atouts et les faiblesses structurelles du Luxembourg susceptibles d’impacter les marges de manœuvre du gouvernement luxembourgeois dans sa réponse à la crise et, a fortiori, la performance des politiques adoptées. À cette fin, ce chapitre introductif présente les principaux enjeux démographiques et géographiques, en matière de gouvernance publique, ainsi qu’économiques et sociaux au Luxembourg, qui ont pu avoir un effet sur la capacité des pouvoirs publics à préparer, à gérer et à répondre à la crise du COVID-19.

Plusieurs facteurs peuvent affecter la capacité d’un gouvernement à faire face à une crise. D’abord, chaque pays a ses caractéristiques particulières, qui peuvent poser des défis pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques – même en temps de fonctionnement normal de la vie démocratique. Dans le cas d’une crise de l’ampleur de celle liée au COVID-19, ces facteurs sont d’autant plus nombreux que la lutte contre le risque pandémique a nécessité une réponse massive des pouvoirs publics dans tous les domaines de la vie publique. De ce fait, évaluer la réponse des gouvernements à la crise implique avant tout de comprendre dans quelle mesure les pouvoirs publics ont su tenir compte de ces facteurs pour déployer des mesures adaptées au contexte national (c’est le sujet de la pertinence et de la cohérence des mesures).

Plus encore, évaluer l’efficacité de la réponse d’un gouvernement donné à la crise implique, entre autre, de comparer ses résultats par rapport à ceux d’autres pays. Cette analyse comparative ne peut se faire sans une compréhension fine des impacts directs ou indirects que ces facteurs politiques, économiques ou encore sociaux ont pu avoir sur les mesures visant à atténuer des effets de la pandémie. Ainsi, un petit pays très ouvert à l’économie mondiale comme le Luxembourg ne connait-il pas les mêmes défis ou les mêmes atouts pour faire face à une pandémie qu’un pays insulaire par exemple. Dans ce contexte, cette section présente les particularités géographiques, démographiques, politiques, économiques et sociales du Luxembourg qui ont pu constituer un défi ou un atout face à la crise.

Le Luxembourg est le deuxième plus petit pays de l’Union Européenne, en superficie (2 586 km2) et en population (645 397 habitants au 1er janvier 2022), après Malte. Avec 259.4 habitants par km2 en 2021, il figure parmi les cinq pays à plus haute densité de population dans l’Union Européenne et dans les pays de l’OCDE, dont la moyenne est de 38.7 habitants par km2 (OCDE, à paraître[5]).

Divisé en 12 cantons, le pays est composé de deux régions principales, relavant respectivement des cultures germanique et romane : l’Oesling au nord, et le Guttland au sud (STATEC, 2021[6]). Si le luxembourgeois est la langue officielle nationale du Luxembourg, le pays a aussi pour langues administratives officielles le français et l’allemand (STATEC, 2017[7]). Le pays est donc trilingue et ses résidents connaissent et utilisent en moyenne quatre langues (deux tiers de la population active savent en utiliser quatre ou plus), ce qui constitue pour lui un avantage économique et un facteur d’intégration vis-à-vis de ses principaux partenaires économiques et des pays voisins (STATEC, 2017[7]).

En plus de sa localisation centrale dans le territoire européen, le pays est en effet fortement intégré sur les plans politique et économique. Le pays partage des frontières avec la France, l’Allemagne et la Belgique et s’efforce activement de promouvoir la coopération transfrontalière avec ses voisins (France Diplomatie, 2022[8]). Ainsi, le Luxembourg est un des membres fondateurs, entre autres, de l’Union européenne et de la zone euro, de l’OCDE, de l’OTAN et du Benelux.

Le Luxembourg connait aussi une forte immigration provenant des pays voisins et d’autres pays de l’Union européenne. Si, entre 2001 et 2021, la population luxembourgeoise a augmenté de 44 %, la part de la population de nationalité luxembourgeoise a diminué de 10 points de pourcentage, passant de 63 % à 53 %, sur la même période (Université du Luxembourg, 2021[9]). Cette immigration provient principalement de groupes francophones et d'autres groupes parlant une langue de l'Union Européenne (notamment de nationalité portugaise, belge ou allemande). Or, si la petite taille géographique et démographique du pays peut représenter un atout indéniable dans la gestion d’une crise de cette ampleur dans la mesure où cela a facilité la prise de décision et la mise en œuvre des mesures, cette forte ouverture et dépendance aux travailleurs étrangers a constitué un défi important pour le Luxembourg. En effet, le pays dépend de ces travailleurs sur le plan économique (voir les chapitres 6 et 7), mais également pour faire fonctionner son secteur de la santé (voir le chapitre 4 à ce sujet). Par ailleurs, le Luxembourg est un pays relativement densément peuplé, ce qui peut, en cas de pandémie, appeler des dispositions particulières en termes de gestion des risques de contagion. Le chapitre 4 de ce rapport offre plus de détails sur les mesures adoptées par le Luxembourg pour y faire face, en particulier en ce qui concerne la politique de test à grande échelle (« large scale testing ») et de vaccination des populations, et évalue leur efficacité dans ce contexte.

Le pays connaît une croissance dynamique de sa population (Commission européenne, 2020[10]), de 2 % en moyenne ces cinq dernières années contre 0.6 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (OCDE, à paraître[5]). Entre 2007 et 2016, la population a augmenté de 21 %, ce qui est largement supérieur à la moyenne des pays de l’Union européenne, celle-ci s’élevant à 2.8 % durant la même période (STATEC, 2017[7]). Cette forte croissance de la population luxembourgeoise s’explique principalement par un taux d’immigration important. La population luxembourgeoise se compose de 47.4 % de migrants internationaux en 2019, ce qui est largement supérieur à la moyenne de 13.2 % pour les pays de l’OCDE (OCDE, à paraître[5]).

Ce fort afflux de travailleurs transfrontaliers et d’immigrants au cours des deux dernières décennies est également ce qui explique que la population luxembourgeoise est relativement jeune (OCDE, à paraître[5]). En effet, la population luxembourgeoise est aussi proportionnellement plus jeune que la moyenne de l’OCDE. Ainsi, alors que 15.6 % de la population a moins de 15 ans en 2021 (contre 17.8 % en moyenne pour les pays OCDE en 2020), seul 14.4 % de la population a plus de 65 ans en 2021 (contre 17.4 % en moyenne pour les pays de l’OCDE en 2020) (OCDE, à paraître[5]). Cette part relativement faible de personnes âgées dans la population a pu constituer un atout pour le pays dans la lutte contre la pandémie, dans la mesure où cette population est typiquement plus vulnérable face aux effets du virus. C’est notamment dans ce contexte qu’il faut comprendre le bilan positif agrégé du Luxembourg en matière de mortalité liée au COVID-19 (voir le chapitre 4). Pour autant, une analyse plus poussée des impacts différentiels de la pandémie montre que le taux de mortalité au sein des populations âgées de 80 ans est nettement plus élevé au Luxembourg que dans les autres pays de l’OCDE (voir le Graphique 4.3 dans le chapitre 4). Le chapitre 4 évalue les mesures adoptées dans les centres de soins aux personnes âgées au regard de ces impacts.

Le Luxembourg, dont le nom officiel est le Grand-Duché de Luxembourg, est une démocratie parlementaire sous la forme d’une monarchie constitutionnelle. Le Grand-Duc, souverain héréditaire, est le chef de l’État. Il exerce seul le pouvoir exécutif et assure l’exécution des lois au titre de la Constitution du Luxembourg de 1868 (Le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, 1868[11]). Dans la pratique, toutefois, le pouvoir exécutif est exercé par le gouvernement, qui est dirigé par le Premier ministre. Au cours des trois dernières décennies, le gouvernement luxembourgeois, qui fonctionne sur la base de majorités parlementaires, a largement fait preuve de continuité et de stabilité politiques, bien que certains changements aient été apportés à la direction politique et aux coalitions au pouvoir (voir le Tableau 1.2) (OCDE, 2022[12]).

Cette forte continuité politique a pu constituer un atout dans un contexte où toutes les factions de la société ont dû travailler ensemble dans un climat de confiance.

Le pouvoir législatif du Luxembourg est exercé par la Chambre des députés, un parlement unicaméral composé de 60 membres ou députés élus pour un mandat de cinq ans au suffrage universel direct, avec scrutin proportionnel (STATEC, 2021[6]). La Chambre des députés vote sur les projets de loi présentés par le gouvernement, ou sur les projets de loi soumis sur initiative parlementaire (Le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, 1868[11]). Comme expliqué dans le chapitre 3, cette composition unicamérale du pouvoir législatif luxembourgeois a permis au parlement, dans le cadre de la pandémie du COVID-19, de faire preuve d’agilité, et au gouvernement de faire adopter les lois dont il avait besoin pour gérer la crise de façon remarquablement rapide sans avoir à prolonger de trop l’état d’urgence (dit « état de crise » au Luxembourg).

La confiance et la satisfaction à l’égard des pouvoirs publics et des services publics au Luxembourg est en moyenne plus élevée que celle des pays de l’OCDE, et ce de manière stable dans le temps (OCDE, 2019[13] ; OCDE, 2021[14]). En 2020, la confiance des luxembourgeois à l’égard de leur gouvernement est la quatrième plus haute parmi les pays OCDE, avec 78 % des citoyens déclarant avoir confiance en leur gouvernement cette année-là, contre 51 % en moyenne dans les pays OCDE (OCDE, 2021[14]). Cette confiance s’étend également au système éducatif (77 % des luxembourgeois sont satisfaits de leur système éducatif en 2019) (OCDE, 2019[13]). En 2019, 80 % des luxembourgeois étaient satisfaits en leur système de santé, contre 70 % en moyenne dans les pays OCDE (OCDE, 2019[13]). Aussi, les citoyens pensent que les autorités publiques du Luxembourg ont tiré les enseignements de la crise et seront mieux préparés aux prochaines crises de santé publique (68 % des citoyens pensent que leur gouvernement serait prêt à affronter une autre pandémie), et ce dans des proportions plus importantes que dans tous les autres pays de l’OCDE.

En sommes, toutes les tendances montrent que les pouvoirs publics au Luxembourg bénéficient largement de la confiance des citoyens, élément indispensable pour faire face à des chocs externes de l’ampleur de celui de la pandémie du COVID-19. En effet, celle-ci était crucial pour assurer l’efficacité des mesures d’endiguement de la pandémie dans la mesure où un déficit de confiance pourrait inciter les citoyens à ne pas se conformer aux règles de distanciation sociale et de port du masque, ou à participer aux campagnes de vaccination. Ce climat de confiance peut également avoir permis au gouvernement d’obtenir l’approbation rapide des mesures proposées par la Chambre des Députés.

La structure politique et administrative luxembourgeoise se caractérise par un niveau de centralisation élevé, bien que certains pouvoirs soient décentralisés au niveau municipal. Ainsi, l’administration publique luxembourgeoise au niveau local est organisée en trois districts, 12 cantons et 102 communes, dont 12 ont le statut de ville, la ville de Luxembourg étant la plus grande (Graphique 1.2). En réalité, toutefois, les 12 cantons n’ont pas de compétences administratives, seules les 102 communes ayant des compétences propres. Chaque commune a une assemblée délibérative en la forme du conseil communal, qui est élu directement par les habitants de la commune (Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, 2015[15]). Le bourgmestre détient le pouvoir exécutif de la commune (Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, 2015[15]).

La commune au Luxembourg possède une personnalité juridique, elle gère ses biens et perçoit les impôts par l’intermédiaire de représentants locaux, sous le contrôle du pouvoir central représenté par le ministre de l’Intérieur (Service information et presse du gouvernement luxembourgeois, s.d.[16]). Les communes gèrent de façon autonome les intérêts municipaux (c’est-à-dire l’enregistrement, les services publics, les transports, la santé, la protection sociale, le sport, le développement économique régional et le tourisme, le logement, la culture, l’éducation), et sont consultées par le gouvernement central sur l’administration de la politique nationale.

Malgré ces pouvoirs propres des communes, le pouvoir au Luxembourg reste très centralisé au sein du gouvernement central. Cette forte centralisation a permis au gouvernement luxembourgeois de gérer la crise de façon globalement rapide et agile (voir le chapitre 3 pour plus d’informations à ce sujet). En effet, les communes étaient informées régulièrement des décisions prises au niveau national et ont servi de relai aux actions du gouvernement. En revanche, contrairement à d’autres pays de l’OCDE où la gestion de crise était partagée entre les échelons national et territorial, la prise de décision et l’application des mesures revient exclusivement au gouvernement central au Luxembourg. Cette forte centralisation a largement facilité la prise de décision et l’application uniforme des mesures à travers le territoire (se référer au chapitre 3), même si les pays où les responsabilités étaient partagés ont souvent aussi pu mettre en place une gouvernance unifiée permettant d’associer les gouvernements centraux et locaux (OCDE, 2020[17]).

Les résultats en matière de santé du Luxembourg sont généralement supérieurs à la moyenne de l'Union européenne (OCDE, à paraître[5]). En 2015, notamment, plus de deux personnes sur trois percevaient leur santé comme très bonne ou bonne, situant le pays parmi les 15 premiers pays européens à cet égard (STATEC, 2017[7]). Aussi, tandis qu’une personne sur trois de plus de 16 ans déclare souffrir d’une maladie ou d’un problème de santé de longue durée dans l’UE-28 en 2015, ce chiffre est de seulement 23 % au Luxembourg à la même période (STATEC, 2017[7]). Cette tendance s’est reflétée durant la pandémie : si la prévalence des infections par COVID-19 était élevée au Luxembourg, le bilan en termes de mortalité est bien plus faible que dans les autres pays de l’OCDE. Aussi, si la prévalence de COVID-19 au Luxembourg est la quatrième plus élevée parmi les pays de l’OCDE, ce taux de contaminations reflète la grande capacité du pays à détecter les infections de COVID-19 et la grande variété des stratégies de tests mises en œuvre dans le pays (voir à ce titre le chapitre 4 sur les politiques de santé pendant la crise).

Ces résultats positifs s’inscrivent dans un contexte de dépenses de santé relatives au PIB moindre que dans le reste des pays de l’OCDE. En effet, les dépenses publiques et privées dans le système de santé du Luxembourg sont plus faibles que celle des pays de l’OCDE en moyenne et en pourcentage de leurs PIB respectifs : elles s’élèvent en 2019 à 5.4 % du PIB du Luxembourg contre 8.8 % du PIB des pays OCDE en moyenne (OCDE, à paraître[5]). Cela est en partie dû au fait que de nombreux travailleurs frontaliers choisissent de se faire soigner dans leur propre pays (OCDE, à paraître[5]). Pour autant, le système d’assurance maladie sociale au Luxembourg offre un large accès aux soins de santé (OCDE/Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé, 2022[18]).

Le système de santé est bien doté en ressources avec une infrastructure solide et des effectifs stables. Le nombre d’infirmiers et d’infirmières et d’aides soignants(es) practiciens(nes) est élevé et en augmentation entre 2010 et 2017 (STATEC, 2021[6]). Le Luxembourg compte aussi le plus grand nombre de lits de soins de longue durée en institutions et hôpitaux par habitant de l'OCDE (81.6 pour 1 000 habitants, contre 46.6 pour l'OCDE) (STATEC, 2021[6]). De plus, si la capacité des lits de soins intensifs a doublé pendant la première vague épidémique, aucun lit supplémentaire n’a dû être mobilisé (voir le chapitre 4 de ce rapport).

Le système de santé luxembourgeois est structurellement dans un état de dépendance vis-à-vis de l’étranger pour ses professionnels de santé et ses professions médicales, le rendant vulnérable face à la fermeture des frontières pendant le premier confinement de la pandémie de COVID-19. La part de médecins vivant à l’étranger mais exerçant au Luxembourg a pratiquement doublé entre 2008 et 2017, passant de 15.6 % à 26.4 % (IGSS, 2021[19]). En 2019, 62 % des professionnels de santé actifs au Luxembourg résident à l’étranger, et 49 % des médecins actifs au Luxembourg résident à l’étranger (Lair-Hillion, 2019[20]). En outre, malgré la présence des travailleurs transfrontaliers, le Luxembourg ne compte que très peu de médecins en comparaison aux autres pays de l’OCDE. Avec environ 3 médecins pour 1 000 habitants en 2019, le Luxembourg figure bien en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE (3.6 pour 1 000 habitants), malgré une augmentation de 39 % depuis 2000 (OCDE, 2021[21]). Pendant la pandémie, une pénurie du personnel de santé a été évitée par un large éventail de mesures, dont une réserve sanitaire qui a permis de mobiliser plus de 700 professionnels durant la première vague épidémique. Toutefois, dans un contexte de crise où la mobilité internationale de la population était relativement réduite, la faible densité du réseau de soins de ville aurait pu constituer un défi pour désengorger les hôpitaux. C’est pourquoi le chapitre 4 recommande au Luxembourg d’être moins dépendant des professionnels de santé étrangers et d’investir davantage dans son personnel de santé pour accroître sa résilience aux crises futures.

La santé représente une des inégalités primaires du Luxembourg (obésité, dépression, consommation de tabac ou d’alcool) : plus les personnes sont éduquées, plus elles sont bien rémunérées et plus leurs risques affectant leur santé sont réduits (STATEC, 2017[7]). Les perceptions de bonne santé augmentent avec l’éducation et les revenus des personnes (STATEC, 2017[7]). Au Luxembourg, comme dans d’autres pays, la part de personnes étant atteintes de maladies chroniques diminue aussi avec le niveau d’éducation (STATEC, 2017[7]). La part des adultes ayant des symptômes de dépression décroît également en fonction du niveau d’éducation et de la même manière, ces symptômes sont en moyenne moins présents chez les plus riches (STATEC, 2017[7]). Dans ce contexte, les personnes les moins diplômées et moins aisées ont pu être plus vulnérables, sur le plan de la santé physique et mentale, aux effets du COVID-19. À ce titre, les résultats du chapitre 4 démontrent que les populations âgées et les populations vulnérables luxembourgeoises ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie.

Au Luxembourg, l’enseignement est dispensé à une population scolaire moins nombreuse par rapport à la grande majorité des pays de l’OCDE. Ainsi, le Luxembourg compte 170 établissements publics d'enseignement fondamental et 41 établissements publics d’enseignement secondaire en 2022. Cette population est néanmoins multilingue et hautement multiculturelle. En effet, les trois langues officielles du pays ont tour à tour un rôle dans le système éducatif.1 Aussi, compte tenu des tendances migratoires au Luxembourg, le système éducatif, dans l'enseignement primaire autant que dans le secondaire, s'adresse de façon croissante à une population scolaire dont la langue principale parlée à la maison n'est pas le luxembourgeois.

Le Luxembourg a un niveau de dépenses annuelles par étudiant dans les établissements d'enseignement plus de deux fois supérieur à la moyenne de l'OCDE. Malgré ce niveau élevé de dépenses, le Luxembourg obtient des performances inférieures à la moyenne de l'OCDE dans les trois domaines évalués (lecture, mathématiques et sciences) de l’enquête PISA (voir le chapitre 5 pour plus d’informations à ce sujet). Surtout, au Luxembourg, le statut socio-économique des élèves a l'un des impacts les plus importants de l'OCDE sur leurs performances, particulièrement ce qui concerne la lecture (Université du Luxembourg, 2021[9]). Ce contexte souligne l’importance toute particulière pour le Luxembourg de garder ses écoles ouvertes et d’assurer la continuité pédagogique pour lutter contre le décrochage scolaire de ces populations vulnérables. Le chapitre 5 de ce rapport souligne le fait que le pays se distingue ainsi par le faible nombre de jours durant lesquels les établissements scolaires sont restés fermés, bien que ces efforts n’aient pas permis de répondre à tous les défis posés par la crise.

Le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse (MENJE) a une responsabilité très étendue dans le fonctionnement du système éducatif luxembourgeois. Il est responsable de l'éducation et de l'accueil de la petite enfance, de l'éducation fondamentale, de l'enseignement secondaire, de l'éducation des adultes, ainsi que d'autres services liés à l'accueil des enfants dans les modalités d’éducation formelle (les centres de compétences en psychopédagogie spécialisée) et non formelle (les crèches et mini crèches, les maisons relais, foyers scolaires, assistants parentaux, et les maisons de jeunes).

Les amples responsabilités du ministère de l’éducation sont menées en grande autonomie par rapport à d’autres secteurs gouvernementaux. Par exemple, le MENJE dispose de son propre service de collecte de données statistiques. Le degré d’autonomie du ministère et l’ampleur de ses responsabilités ont joué un rôle clé pendant la pandémie, impliquant d’importants efforts de coordination entre le gouvernement central et le secteur éducatif au sens large (voir le chapitre 5 à ce sujet).

Avant la crise, les finances publiques du Luxembourg étaient relativement saines, ce qui a facilité le financement d’importantes mesures de soutien économique durant la pandémie (Commission européenne, 2019[22] ; France Diplomatie, 2022[8]). Les dépenses publiques du Luxembourg s’élèvent à 42.4 % du PIB en 2021, contre 48.5 % en moyenne dans les pays de l’OCDE en 2020 (OCDE, à paraître[5]). Les recettes publiques du pays s’élèvent elles à 43.3 % du PIB, excédant les 38.1 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (OCDE, à paraître[5]). En 2019, le solde des administrations publiques affichait un excédent d’environ 2.7 % du PIB en 2019 (Commission européenne, 2020[10]).

En 2020, le niveau de la dette publique est faible, et il était projeté pré-crise que la dette des administrations publiques devait continuer à baisser en 2020, à partir d’un niveau déjà bas d’environ 20 % du PIB en 2019 (Commission européenne, 2020[10]). La dette brute luxembourgeoise figure par ailleurs parmi les trois plus basses de l’OCDE en 2017, avec un écart de presque 80 points de pourcentage avec la moyenne des pays OCDE (OCDE, 2019[13]).

La crise sanitaire a fortement diminué les niveaux d’activité économique contraignant tous les gouvernements de l’OCDE à accroître leurs dépenses publiques. L’enjeu était de stabiliser puis de relancer l’économie dans un contexte de baisse généralisée des recettes fiscales. Dans ce contexte, le Luxembourg, a pu fortement augmenter ses dépenses publiques pour soutenir l’économie (Graphique 1.3). Le gouvernement a aussi pu tirer profit de cette marge de manœuvre pour investir massivement dans la santé (par exemple en doublant le nombre de lits de soins intensifs ou en créant des Maisons Médicales 2.0) et dans l’éducation (par exemple en faveur de l’éducation numérique).

Même dans ce contexte, la hausse de la dette et du déficit publics ont été nettement inférieures à celle de la plupart des autres pays de l'OCDE (en % du PIB). Ainsi, le Luxembourg se situait en 2020 dans la moyenne basse de l’OCDE avec un solde déficitaire s’établissant à -4.1 % du PIB. Cela s'explique principalement par la résilience des recettes fiscales et de la croissance économique qu’a continué de connaitre le pays pendant la pandémie du COVID-19, ainsi qu’à des conditions de financement exceptionnellement favorables et un accès relativement aisé aux marchés financiers pour financer les mesures de soutien (Benmelech et Tzur-Ilan, 2020[23] ; Romer, 2021[24]). Le chapitre 6 de ce rapport offre plus d’informations à ce sujet.

Toutefois, quelques incertitudes existent quant à la viabilité à long terme des finances publiques du Luxembourg (Commission européenne, 2020[10]). D’ici 2070, le Luxembourg devrait faire face à l’une des plus fortes augmentations parmi les pays de l’UE en matière de dépenses liées au vieillissement (retraites, soins de longue durée et coûts des soins de santé) (Commission européenne, 2020[10]). Les projections à long terme pour les retraites et les dépenses de soins de longue durée indiquaient des risques pour la viabilité des finances publiques (Commission européenne, 2020[10]). En effet, les projections de l’OCDE indiquent que les dépenses de retraite et de santé augmenteront considérablement la pression budgétaire d'ici 2060 (OCDE, à paraître[5]). Les projections de la Commission européenne montrent une tendance similaire, les dépenses totales liées au vieillissement devant passer de 16.9 % du PIB en 2019 à 27.3 % du PIB en 2070, avec là l'essentiel de l'augmentation due aux pensions de vieillesse (Commission européenne, 2021[25]). Comme évoqué dans le chapitre 4, ce vieillissement de la population et l’impact des dépenses dues au vieillissement sur les finances publiques seront indéniablement un enjeu à l’avenir dans un pays où le secteur de la dépendance souffre encore de quelques manques d’investissement. La soutenabilité des mesures adoptées par le gouvernement luxembourgeois lors de la crise doit donc être évaluer à l’aune de ces défis.

Avant la pandémie, le Luxembourg connaissait une expansion économique modérée mais supérieure à la moyenne des pays de l’UE (Commission européenne, 2020[10]). Ainsi, la croissance réelle annuelle du PIB du Luxembourg (corrigée de l'inflation) a été en moyenne de 3.2 % sur la période 2010-2018, contre une moyenne de 1.4 % dans l'UE. Ce dynamisme se traduit aussi par un niveau de vie plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE. Par habitant, le PIB du Luxembourg était en 2021 de 117 700 USD PPP, contre 46 100 USD PPP par habitant en moyenne dans les pays de l’OCDE en 2020 (OCDE, à paraître[5]).

La structure de l’économie luxembourgeoise a constitué un atout face au choc causé par la crise pandémique, même si le pays a dû faire face à certains défis liés à sa forte dépendance vis-à-vis du commerce extérieur et le ralentissement important de la consommation des ménages. D’abord, le Luxembourg est très dépendant du commerce extérieur, celui-ci contribuant fortement à son activité économique. Le Luxembourg affiche l'un des niveaux d'intégration de marché les plus élevés parmi les pays de l’OCDE, les exportations et les importations représentant plus du double du niveau du PIB (Commission européenne, 2020[10]).

Aussi, l’économie du Luxembourg est très majoritairement composée de services, qui représentent 87.5 % de l’économie, contre 71.1 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (OCDE, à paraître[5]). Les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche (0.2 % contre 2.7 % en moyenne dans les pays de l’OCDE), et de l’industrie (12.3 % contre 26.2 % en moyenne dans les pays de l’OCDE) occupent une proportion bien moindre dans l’économie du pays (OCDE, à paraître[5]). En particulier, la croissance du secteur des services TICs (Technologies de l’Information et de la Communication) est plus rapide que celle de l’économie luxembourgeoise dans son ensemble. Elle a été de 24 % entre 2010 et 2016.

Enfin, l’économie luxembourgeoise se démarque par la place du secteur financier, qui représente 25 % du PIB et 11 % de l’emploi en 2020 (Commission européenne, 2020[10]), situant le Luxembourg au premier rang européen et au 2ème rang mondial pour la domiciliation des fonds d’investissement par exemple (France Diplomatie, 2022[8]).

Si une forte intégration du marché implique également une plus grande exposition aux chocs externes, l’économie luxembourgeoise s'est globalement avérée résistante à la pandémie de COVID-19 : le ralentissement de l'activité en 2020 a été relativement léger, et la reprise a été robuste, portant la croissance au-dessus des niveaux pré-pandémiques. Le PIB a augmenté de 6.9 % en 2021 après s'être contracté de 1.8 % en 2020. Le ralentissement de 2020 est principalement dû à une chute de la consommation privée en raison des restrictions sanitaires, comme dans tous les pays (voir le Graphique 1.4). Toutefois, cette baisse est relativement plus faible au Luxembourg. Cela est notamment dû à l'action décisive du gouvernement dès le début de la crise qui est intervenu en introduisant des mesures de soutien COVID équivalant à plus de 4.2 % du PIB (voir le chapitre 6 également à ce sujet).

Mais la meilleure performance du Luxembourg résulte également de la bonne dynamique des secteurs des services, et en particulier ceux liés aux services financiers et des TICs qui ont été peu affectés par la pandémie (Direction générale du Trésor, 2021[26]). Ainsi, la spécialisation sectorielle a permis au Luxembourg de poursuivre son activité malgré les restrictions sanitaires : le secteur des services, dont la plupart des emplois peuvent être effectués en télétravail, représentant 55 % du PIB en 2020. Si l’accélération de la transition digitale dans le secteur des services (développement du télétravail, des services à distance) a été l’un des leviers de la croissance de ce secteur dans la plupart des économies européennes. La performance luxembourgeoise est cependant allée bien au-delà, avec une croissance de l’activité de +11.4 % (et une contribution de 0.66 % à la croissance de la valeur ajoutée) durant la crise. Face à la crise ce poids du secteur financier dans l’économie luxembourgeoise s’est également révélé être un atout, ce dernier ayant permis au pays de réussir à contenir les baisses d’activités (France Diplomatie, 2022[8]). Enfin, le secteur des services de l’information et de la communication représentant 8.3 % du PIB luxembourgeois en 2020 avec notamment le siège d’Amazon EU, a enregistré une progression de sa valeur ajoutée de 17 % en 2020, tirée notamment par le commerce en ligne.

En 2019, avant la crise, le Luxembourg connaissait une création d’emploi forte, qui nourrissait un faible taux de chômage (Commission européenne, 2019[22]). En 2020, le taux de chômage était à 5.2 %, contre 7.1 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Cette réalité cache des inégalités dans l’accès à l’emploi toutefois. Ainsi le taux d'activité des plus de 55 ans sont parmi les plus bas de l'OCDE (OCDE, à paraître[5]), leur taux de participation atteignant 45 %. En 2020, le taux de chômage chez les jeunes au Luxembourg augmente (à 16.9 %) et excède celui, en moyenne, des pays de l’OCDE (12.8 %), et nombre d’entre eux sont à risque d’être exclu du marché du travail (OCDE, à paraître[5]). Aussi, le taux de chômage à long-terme (1 ans et plus) est de 1.7 % au Luxembourg en 2020, excédant légèrement celui de 1.3 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (OCDE, à paraître[5]).

La croissance de l'emploi a toujours été soutenue par des niveaux élevés d'immigration nette et de travailleurs transfrontaliers, et les travailleurs étrangers et transfrontaliers constituent une part grandissante de la main d’œuvre luxembourgeoise (OCDE, à paraître[5]). Au Luxembourg, les travailleurs frontaliers, soit les personnes n’habitant pas au Luxembourg mais s’y rendant quotidiennement pour travailler, représentent 41 % de l’emploi salarié. Environ 200 000 travailleurs frontaliers, dont près de 105 000 français, se rendent quotidiennement au Luxembourg depuis leur pays d’origine (France Diplomatie, 2022[8]).

Si en général l’immigration et les travailleurs transfrontaliers représentent un avantage démographique et économique pour le pays (voir les sections précédentes à ce sujet), les mesures de restrictions et de fermeture des frontières qui ont été mises en place pendant la pandémie pourraient avoir une forte incidence sur cette main d’œuvre transfrontalière et sur l’économie du pays. Toutefois, le gouvernement luxembourgeois a activement œuvré pour lutter contre la fermeture des frontières du Luxembourg durant toute la durée de la pandémie. Ceci visait à permettre notamment le passage des travailleurs transfrontaliers (dont certains étaient considérés comme personnel essentiel car travaillant dans le secteur de la santé). De même, certaines mesures de soutien à l’emploi ont visé spécifiquement les travailleurs immigrés. Certaines des sections suivantes dans détaillent les mesures prises par les pouvoirs publics luxembourgeois pour garder les frontières ouvertes et soutenir le travail transfrontalier pendant la crise.

Les indicateurs d’inégalité, de pauvreté et d’exclusion sociale au Luxembourg sont proches ou légèrement meilleurs que la moyenne de l’UE, malgré quelques signes de détérioration (Commission européenne, 2020[10]). En 2015, il était estimé que la part des individus vulnérables économiquement était de 30.8 %, contre 35.7 % en moyenne dans les pays OCDE (OCDE, 2019[13]). Aussi, le taux de pauvreté relative du Luxembourg est de 10.5 % en 2019, contre 11.7 % dans les pays OCDE en moyenne en 2018 (OCDE, à paraître[5]). Au Luxembourg, l’impact des prestations sociales sur la pauvreté est important (Commission européenne, 2020[10]).

Toutefois, les inégalités de revenu augmentent depuis quelques années (Commission européenne, 2020[10]), mêmes si elles restent en deçà de la moyenne de l’OCDE : le taux de coefficient de Gini du Luxembourg était de 0.305 en 2019, contre 0.317 en moyenne pour les pays de l’OCDE (OCDE, à paraître[5]). Les hausses des prix du logement pèsent également sur les inégalités (France Diplomatie, 2022[8]).

Tenant compte de ce contexte, le soutien aux revenus des ménages au Luxembourg est passé, entre autres, par le « Revenu d’inclusion sociale », une prestation d’activation consistant en une allocation pour les activités, et la « subvention de loyer » (voir le chapitre 7 pour plus d’information à cet égard).

C’est dans ce contexte géographique, démographique, économique et social que le Luxembourg a mis en place, dès janvier 2020, des politiques pour se préparer à l’arrivée de la pandémie. Ainsi, dès le début du mois de janvier 2020, le gouvernement a suivi l’évolution de la situation liée au COVID-19 avant d’activer son mécanisme de gestion des crises. Le 22 janvier, le Haut-Commissariat à la Protection Nationale procède à une évaluation de la situation en Chine et, le 23 janvier, le ministère luxembourgeois de la Santé publie un communiqué de presse indiquant les mesures à prendre en cas de détection du nouveau coronavirus sur le sol luxembourgeois, ainsi que des recommandations pour les voyageurs en Chine.

En parallèle, le gouvernement a, tout au long des mois de janvier et février, entamé une phase de préparation interministérielle pour évaluer les besoins et l’état de préparation à la crise sanitaire des différents ministères, infrastructures critiques et secteurs des services essentiels. Le 1er mars 2020, tandis que le Luxembourg détecte le premier cas COVID-19 sur son territoire, le Premier Ministre active une première cellule de crise. Le chapitre 2 de ce rapport évalue l’ensemble de ces mesures adoptées en amont de l’état de crise pour anticiper et préparer la réponse du pays à la pandémie.

L’état de crise est déclaré au Luxembourg le 18 mars 2020 (Gouvernement du Luxembourg, 2020[27]), mais le gouvernement avait déjà adopté, par des arrêtés des 13 et 16 mars 2020, des mesures de restriction des déplacements et de fermeture des activités non-essentielles s’apparentant à un « confinement » (Gouvernement du Luxembourg, 2020[28] ; Gouvernement du Luxembourg, 2020[29]). Les principales mesures adoptées en ce sens sont :

  • La fermeture à partir du 16 mars 2020 de toutes les écoles et structures d’accueil pour les enfants, ainsi que les structures d’enseignement supérieur (Université du Luxembourg) et de formation continue et professionnelle.

  • L’interdiction de visite des structures de soin de personnes âgées.

  • L’interdiction des visites des patients hospitalisés.

  • La fermeture des lieux culturels accueillant du public.

  • L’interdiction des déplacements sauf pour les activités considérées comme essentielles (achat de denrées alimentaires, déplacements professionnels, vers des structures de santé, etc.).

  • La suspension des activités de nature culturelle, sociale, festive, sportive et récréative.

  • La fermeture des restaurants et des bars d’hôtel, à l’exception du room-service.

  • La déprogrammation des activités non urgentes des établissements hospitaliers.

Les activités essentielles, comme la gestion des déchets, les services administratifs, l’activité hospitalière, et d’autres, sont maintenues. C’est le début de la première phase de la pandémie. Ces mesures de restriction des déplacements et les règles de distanciation sociale et de port du masque seront, comme dans beaucoup de pays de l’OCDE, adaptées tout au long des deux années qui suivent. L’Encadré 1.3 offre un aperçu général du calendrier de la crise au Luxembourg.

Une fois l’état de crise adopté, les autorités luxembourgeoises ont mis en œuvre des moyens pour coordonner la réponse de toutes les composantes de l’administration et de la société face à la crise. Pour cela, le gouvernement a adapté l’organisation de la cellule de crise et instauré des instances consultatives (scientifiques et de la société civile). Une communication fréquente et tous canaux (presse écrite, télévision, radio, réseaux sociaux, etc.) a également été mise en place à l’égard du public. Le Parlement luxembourgeois a également adapté son mode de fonctionnement au regard de la crise pour diminuer le temps d’examen des textes législatifs. À quelques changements près, ces mécanismes ont été conservé durant toute la durée de la crise au Luxembourg et sont encore en place mi-2022 au moment de l’écriture de ce rapport.

Ces efforts de coordination et de communication ont également été accompagnés d’importantes mesures visant à mitiger les impacts de la crise du COVID-19 :

  • en matière de santé publique (par exemple au moyen d’une campagne volontariste de suivi des cas contacts, d’une campagne vaccinale hautement personnalisée, de la mise en place d’une réserve sanitaire, etc.),

  • en matière d’éducation (notamment par le déploiement d’outils numériques et le maintien des écoles ouvertes pendant les deuxième et troisième vagues de la pandémie, etc.),

  • dans les domaines économiques et budgétaires (notamment par le déploiement de 2.8 milliards EUR d’aides destinées aux entreprises en deux ans),

  • en matière de marché de l’emploi et dans le domaine social (par exemple en soutenant l’emploi par le recours au chômage partiel ou en mettant en place un congé familial exceptionnel).

Ces politiques font l’objet des chapitres suivants de ce rapport.

Références

[23] Benmelech, E. et N. Tzur-Ilan (2020), « The Determinants of Fiscal and Monetary Policies During the Covid-19 Crisis », NBER Working Papers, Nr 27461, https://doi.org/10.3386/w27461.

[25] Commission européenne (2021), Luxembourg 2021 Country Report.

[10] Commission européenne (2020), Luxembourg 2020 Country Report.

[22] Commission européenne (2019), Luxembourg 2019 Country Report.

[15] Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (2015), La démocratie locale au Luxembourg.

[26] Direction générale du Trésor (2021), Commerce extérieur du Luxembourg, Mission économique du Luxembourg, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/LU/commerce-exterieur (consulté le 13 juin 2022).

[8] France Diplomatie (2022), Présentation du Luxembourg.

[28] Gouvernement du Luxembourg (2020), Arrêté ministériel du 13 mars 2020 portant sur diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.

[29] Gouvernement du Luxembourg (2020), Arrêté ministériel du 16 mars 2020 portant sur diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.

[27] Gouvernement du Luxembourg (2020), Règlement grand-ducal n165 du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le COVID-19.

[19] IGSS (2021), Rapport général sur la sécurité sociale au Grand-Duché de Luxembourg, Inspection générale de la sécurité sociale, https://igss.gouvernement.lu/fr/publications/rg/2020.html (consulté le 13 juin 2022).

[20] Lair-Hillion, M. (2019), État des lieux des professions médicales et des professions de santé au Luxembourg.

[11] Le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg (1868), « Constitution du Luxembourg », Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, https://legilux.public.lu/eli/etat/leg/recueil/constitution/20200519 (consulté le 13 juin 2022).

[12] OCDE (2022), Digital Government Review of Luxembourg : Towards More Digital, Innovative and Inclusive Public Services, OECD Digital Government Studies, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b623803d-en.

[1] OCDE (2022), « Premiers enseignements issus des évaluations des gouvernements de la gestion du COVID-19: Synthèse », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/7bbc0b27-fr.

[4] OCDE (2021), Applying Evaluation Criteria Thoughtfully, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/543e84ed-en.

[21] OCDE (2021), Panorama de la santé 2021 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/fea50730-fr.

[14] OCDE (2021), Panorama des administrations publiques 2021, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9556b25a-fr.

[17] OCDE (2020), « Building resilience to the Covid-19 pandemic: the role of centres of government », OECD Policy Responses to Coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/883d2961-en.

[13] OCDE (2019), Panorama des administrations publiques 2019, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/8be847c0-fr.

[2] OCDE (2015), The Changing Face of Strategic Crisis Management, OECD Reviews of Risk Management Policies, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264249127-en.

[3] OCDE (2014), « Recommandation du Conseil sur la gouvernance des risques majeurs », Instruments juridiques de l’OCDE, OECD/LEGAL/0405, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0405.

[5] OCDE (à paraître), Études économiques de l’OCDE : Luxembourg 2022, Éditions OCDE, Paris.

[18] OCDE/Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé (2022), Luxembourg : Profils de santé par pays 2021, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6208e2b6-fr.

[24] Romer, C. (2021), « The Fiscal Policy Response to the Pandemic », Brookings Papers on Economic Activity, pp. 89–110, https://www.jstor.org/stable/27093821.

[16] Service information et presse du gouvernement luxembourgeois (s.d.), À propos... des institutions politiques au Luxembourg.

[6] STATEC (2021), Le Luxembourg en chiffres 2021, Institut national de la statistique et des études économiques.

[7] STATEC (2017), Cahier économique 123. Rapport Travail et Cohésion Sociale, Institut national de la statistique et des études économiques.

[9] Université du Luxembourg (2021), Rapport national sur l’éducation : Luxembourg 2021.

Note

← 1. Dans l'offre du système éducatif « traditionnel », l’enseignement pré-primaire est dispensé en luxembourgeois, l’enseignement primaire en allemand (incluant l’alphabétisation des enfants), et la majeure partie de l’enseignement secondaire en français ou en allemand.

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