7. Rétention des étudiants internationaux et répercussions économiques dans l’OCDE

Elisabeth Kamm et Thomas Liebig

Les étudiants internationaux forment une catégorie à part parmi les personnes immigrées. Puisqu’ils ont suivi des études dans le pays, les étudiants internationaux sont souvent considérés comme une source de main-d’œuvre pré-intégrée. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des pays de l’OCDE aient créé des passerelles spécifiques ou simplifiées pour que les étudiants internationaux puissent rester dans le pays après leurs études et accéder à l’emploi. En effet, si leur admission est d’abord temporaire, nombreux sont ceux qui restent dans le pays où ils ont suivi leurs études grâce à des mesures mises en œuvre pour les inciter à y travailler. Pour autant, il est encore difficile de déterminer combien d’entre eux restent dans leur pays d’accueil, dans la zone OCDE, et le rôle que joue ce circuit dans les migrations de travail dans leur ensemble.

Pendant leurs études, un grand nombre d’étudiants internationaux travaillent déjà ou contribuent d’une autre façon à l’économie. Dans les pays où les frais de scolarité sont élevés, les étudiants internationaux jouent un rôle important dans le financement du système d’enseignement supérieur car ces frais sont souvent plus élevés pour les étudiants internationaux que pour les étudiants nationaux. En revanche, dans les pays où l’enseignement supérieur est gratuit, le coût théorique des étudiants internationaux venus de pays en développement peut constituer un facteur important de l’aide publique au développement.

Dans ce contexte, le présent chapitre propose une étude comparative des taux d’installation des étudiants internationaux au sein de la zone OCDE, réalisée au moyen des données nationales sur les permis. Il examine d’abord les éléments disponibles et présente ensuite de nouvelles données à la fois sur la rétention des étudiants internationaux et sur leur contribution à l’immigration de travail dans son ensemble. Le chapitre propose ensuite un rapide aperçu de l’impact économique des étudiants internationaux. Pour finir, il analyse le rôle de la mobilité internationale des étudiants eu égard aux politiques migratoires.1

De nombreux pays de l’OCDE cherchent les moyens de retenir les étudiants internationaux une fois qu’ils ont obtenu leur diplôme. Selon une étude du Réseau européen des migrations (REM), près de la moitié des pays observés considèrent comme une priorité stratégique le fait d’attirer et retenir les étudiants internationaux (Réseau européen des migrations, 2018[1]). Par exemple, le gouvernement de Lettonie s’est donné pour objectif d’atteindre un pourcentage d’étudiants internationaux qui choisissent de rester dans le pays une fois leur diplôme obtenu de 10 % d’ici 2030 (OCDE, 2017[2]). La stratégie pour la promotion internationale de l’enseignement supérieur en Estonie comprend un indicateur sur l’emploi dans le pays après l’obtention d’un diplôme. L’objectif est que 30 % des étudiants internationaux qui suivent un master ou un doctorat restent travailler en Estonie. Les stratégies d’études internationales de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni mettent en avant le rôle que les diplômés internationaux peuvent jouer pour pourvoir les postes vacants (Department of Education, Skills and Employment, Australie, 2021[3] ; Gouvernement de la Nouvelle-Zélande, 2018[4]).

Les données disponibles sur la rétention des étudiants internationaux sont essentiellement nationales. Ces dernières années, près d’un tiers des pays de l’OCDE se sont intéressés à cette question. L’approche la plus fréquente, dans ces études, consiste à calculer la part des individus qui restent dans le pays un certain nombre d’années après la délivrance du permis d’études initial ou, dans certains cas, après l’obtention de leur diplôme. Ces estimations reposent sur des approches méthodologiques, des périodes de référence et des sources de données différentes. Les résultats ne sont donc pas comparables d’un pays à l’autre. Le Tableau 7.1 propose un aperçu.

Les études s’intéressent également à la part des résidents arrivés initialement dans le cadre de leurs études. Les données du Canada montrent qu’en 2021 plus d’un tiers (39 %) des nouveaux immigrés permanents admis au cours de l’année s’étaient vu délivrer un permis d’études par le passé. Cette proportion a sensiblement augmenté ces dernières années puisqu’elle n’était que de 16 % en 2017. Les données australiennes montrent que sur plus de 160 000 permis de résidence permanente délivrés en 2017/18, 21 % ont été accordés à des demandeurs qui détenaient ou avaient détenu par le passé un permis étudiant australien (Birrell, 2019[21]).

Alors que le volume des données d’observation nationales sur les taux de rétention augmente, les données comparables au niveau international restent rares. Dans presque tous les pays de l’OCDE, un permis d’études est délivré aux étudiants internationaux 2 qui ne bénéficient pas de la libre circulation pour poursuivre leurs études, mais les statistiques sur ces permis ne précisent pas si l’étudiant a obtenu son diplôme ou non. Ainsi, s’il existe une mesure indirecte des entrées (permis délivrés), l’estimation du taux d’installation des étudiants dans le pays n’est pas aussi simple. De précédentes estimations, notamment de l’OCDE et de la Commission européenne, ne permettent pas de suivre les étudiants internationaux au fil des années mais fournissent plutôt un état des lieux des installations et des départs des étudiants internationaux un an après leur inscription dans un établissement d’enseignement (voir Encadré 7.1).

L’OCDE et Eurostat recueillent des données annuelles sur les types de permis délivrés aux anciens titulaires d’un permis d’études (Eurostat, 2021[25]). Ces données montrent également que les parcours d’installation sont très divers. En Belgique, Lituanie, Pologne et Slovénie, plus de 40 % des titulaires d’un permis d’études qui changent de statut demandent un permis de séjour pour raisons familiales. En revanche, en Allemagne, au Danemark, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en République slovaque, ils sont plus de trois sur quatre à changer de statut au profit d’un permis de travail.

Si l’on compare ces données avec le nombre annuel de permis d’études délivrés au cours des années passées, on obtient une première indication du taux de rétention. Les données montrent qu’environ un titulaire d’un permis d’études sur trois change son statut initial pour un autre au cours des années qui suivent. Comme le montre le Graphique 7.1, ces données évoluent en fonction du nombre d’étudiants au fil du temps.

L’analyse d’un taux de rétention part généralement d’une cohorte d’admis ou de diplômés et étudie leur présence dans le pays à différents intervalles de temps. L’année d’obtention du diplôme ou le temps écoulé depuis la délivrance du premier permis sont deux points de référence possibles. Ce deuxième point pose problème parce que la durée des études varie et qu’il est donc difficile de déterminer une année précise au-delà de laquelle on peut parler de rétention des anciens étudiants. Si l’obtention du diplôme constitue une date plus précise, cette information n’est généralement pas disponible dans les données sur les permis. De plus, tous les étudiants internationaux n’obtiennent pas leur diplôme. L’analyse suivante considère comme point de départ de l’étude la délivrance du premier permis d’études. Même si ce n’est pas le cas de tous les pays de l’OCDE, ils sont nombreux à recueillir des données sur les permis et à mentionner sur ces permis un élément d’identification unique. À partir de cet identifiant unique, il est possible de faire le lien entre le titulaire d’un permis arrivé au départ à des fins d’études et tous les permis qui lui ont ensuite été délivrés. Dans certains pays, quand il n’est pas possible d’établir ce lien, les estimations ne peuvent pas suivre individuellement les titulaires des permis et se limitent donc aux changements de catégories de titres délivrés sur une année donnée ; elles mettent ensuite ces données en correspondance avec d’autres variables pertinentes, comme les admissions antérieures pour étudier ou les admissions en cours pour travailler.

Les statistiques sur les permis présentent des inconvénients méthodologiques. Tout d’abord, elles ne donnent que des renseignements sur la présence d’une personne dans un pays, une année donnée, et donnent une valeur approximative de la situation à l’égard de l’installation dans le pays. De nombreux pays ne font pas la distinction entre les étudiants de l’enseignement supérieur et les étudiants en échange ou séjour linguistique, ainsi les premiers permis délivrés comptabilisent de nombreux étudiants qui ne restent que quelques mois ou une année universitaire. De plus, dans certains pays, le permis d’études est simplement prolongé pour ceux qui choisissent de rester pour chercher un emploi. Ainsi, ces individus peuvent figurer dans les statistiques comme s’ils étudiaient encore alors qu’ils sont déjà à la recherche d’un emploi. En outre, les étudiants internationaux qui obtiennent un titre de séjour permanent ou se font naturaliser dans certains pays sortent des statistiques sur les permis et ne peuvent pas être dissociés de ceux qui quittent le pays. Dans d’autres pays, ces personnes peuvent être identifiées et étudiées séparément. Ces limites peuvent conduire à des biais, étant donné que l’une des principales hypothèses de la méthode fondée sur l’identifiant du titulaire du permis est que les individus pour lesquels aucune donnée n’est enregistrée ont quitté le pays.

Le calcul du taux de rétention implique de choisir qui doit figurer dans la catégorie des personnes installées dans le pays. Ce taux peut porter uniquement sur les anciens étudiants internationaux actuellement dans le pays avec un statut de travailleur immigré, ou inclure également les anciens étudiants internationaux titulaires d’un permis relevant d’une autre catégorie, comme un permis de séjour pour raisons familiales. L’analyse suivante s’intéresse à tous les permis obtenus ultérieurement, y compris les permis de travail et pour raisons familiales ou humanitaires.

Les estimations réalisées à partir des données sur les permis n’apportent aucune information sur les individus qui bénéficient de la libre circulation. Dès lors, les calculs ci-dessous excluent les déplacements des étudiants dans les zones de libre circulation comme l’UE/EEE et dans le cadre de l’accord transtasmanien entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie.

Globalement en 2015, cinq ans après avoir reçu leur premier permis d’études en 2015, près de 30 % des étudiants internationaux sont toujours titulaires d’un permis en cours de validité dans leur pays d’accueil, mais ce pourcentage varie fortement d’un pays de l’OCDE à l’autre (Graphique 7.2). Dix ans après la première admission, ce pourcentage chute radicalement dans la plupart des pays mais se maintient autour de 50 % au Canada et en Allemagne, et autour de 30 % en Australie et en Nouvelle-Zélande.

D’après les données disponibles, le taux de rétention a eu tendance à augmenter chez les cohortes plus récentes. À l’exception de la Suisse, de la Norvège et de l’Italie, les individus de la cohorte de 2015 sont plus susceptibles de se trouver encore dans le pays cinq ans plus tard que ceux de la cohorte de 2010. Cette différence est la plus marquée en Estonie où le taux de rétention est passé de moins d’un sur cinq à près d’un sur deux. Les chiffres peu élevés dans les pays nordiques doivent être interprétés eu égard aux effectifs nombreux d’étudiants admis à des fins d’études qui sont originaires d’autres pays de l’OCDE à haut revenu.

Il convient de noter que les chiffres présentés ci-dessus comprennent les individus encore, ou de nouveau, titulaires d’un permis d’études. Dans certains pays, ce groupe est considérable. Par exemple, au Canada et en Allemagne, près d’un quart des titulaires d’un premier permis en 2015 étaient encore enregistrés parmi les titulaires d’un permis d’études en 2020. Un volume similaire a été observé en Australie (20 %). En revanche, en Nouvelle-Zélande, ce n’était le cas que pour 6 % du groupe initial. Si les titulaires actuels d’un permis d’études sont exclus du cadre de référence, les taux de rétention diminuent. Sans surprise, les diminutions les plus importantes correspondent au Canada (12 points de pourcentage), à l’Allemagne (11 points de pourcentage) et à l’Australie (14 points de pourcentage). Le recul du taux de rétention est également marqué en France (10 points de pourcentage). Toutefois, le classement global des pays en termes de rétention des étudiants internationaux reste largement inchangé (Graphique 7.3).

Les données détaillées relatives au parcours annuel des titulaires d’un permis ne sont disponibles que pour quelques pays de l’OCDE (Graphique 7.4). Ces données indiquent que les individus en Allemagne, en Australie et en France poursuivent leurs études pendant une période relativement longue. En revanche, en Nouvelle-Zélande, Italie et Norvège, les étudiants changent plus rapidement de catégorie de permis de séjour. En Nouvelle-Zélande, deux ans après leur admission, 16 % des étudiants sont titulaires d’un permis leur permettant de chercher un emploi, ce qui correspond environ à un tiers des effectifs étudiants restés dans le pays après leurs études. Dans d’autres pays pour lesquels les données sont disponibles, les pourcentages sont inférieurs à 5 % pour toutes les années. L’Italie ne propose pas de permis pour la recherche d’emploi.

Les données de l’Australie montrent que les étudiants internationaux mènent plus rapidement leurs études à terme que les ressortissants du pays et sont plus susceptibles de décrocher leur diplôme3. Les données du Canada vont dans le même sens. Presque deux tiers (65 %) des étudiants internationaux en master qui ont commencé leur formation en 2013 ont été diplômés au bout de deux ans alors que les élèves canadiens n’étaient que 58 % dans ce cas. Quatre ans après le début de leur formation, la plupart des étudiants internationaux (87 %) et canadiens (83 %) au niveau du master avaient décroché leur diplôme (Statistique Canada, 2020[26]).

Dix ans après l’obtention d’un premier permis d’études, les anciens étudiants internationaux restés en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Norvège et en Suède sont majoritairement titulaires d’un permis de longue durée.4 En Allemagne, c’est le cas pour uniquement un quart environ de ceux qui se trouvent toujours dans le pays, et la plupart de ceux qui résident encore sur le territoire allemand sont titulaires d’un permis de travail.

Le passage à un permis de séjour pour raisons familiales est globalement moins courant. Moins d’un individu sur dix initialement titulaire d’un permis d’études en 2010 détient un permis familial dix ans plus tard, avec un taux qui atteint 10 % en France, 7 % en Allemagne, 6 % en Nouvelle-Zélande, 2 % en Suède et aux Pays-Bas, et uniquement 1 % au Canada, en Italie, en Norvège, au Danemark et au Royaume-Uni.

Comme l’indique le chapitre 5, l’Inde et la Chine constituent des pays d’origine largement représentés parmi les étudiants internationaux dans la plupart des pays de l’OCDE puisqu’ils comptent respectivement pour 22 % et 10 % de l’effectif total de l’année universitaire 2020.

Le taux d’installation des étudiants indiens est plus élevé que celui de l’ensemble des étudiants internationaux. En ce qui concerne les étudiants chinois, la situation est plus contrastée. Dans la plupart des pays, leur taux d’installation est inférieur à celui de la population étudiante en général, à l’exception de la Nouvelle-Zélande, du Japon et des Pays-Bas (Graphique 7.5). De même, les données des États-Unis indiquent que les Indiens sont plus susceptibles de rester dans le pays pour acquérir une première expérience professionnelle que les étudiants chinois (Encadré 7.2).

Les données sur le comportement des étudiants chinois et indiens eu égard à leur installation dans le pays d’accueil montrent également qu’ils ne changent pas de catégories de permis au même rythme, notamment en ce qui concerne les permis de travail. En effet, en Allemagne, où les étudiants internationaux poursuivent leurs études relativement longtemps, la part des Chinois de la cohorte de 2015 encore titulaires d’un permis d’études en 2020 était légèrement supérieure à celle de l’ensemble du groupe, soit 27 % contre 23 % dans l’ensemble. En revanche, seuls 10 % des Indiens admis en 2015 pour leurs études étaient encore titulaires d’un permis d’études en 2020. Les différences entre ces deux groupes se retrouvent de façon similaire en Nouvelle-Zélande où à peine 6 % des admis pour la première fois en 2015 étaient encore titulaires d’un permis d’études en 2020. 17 % des étudiants chinois admis en 2015 étaient toujours titulaires d’un permis d’études cinq ans plus tard alors que les étudiants indiens n’étaient que 2 % dans ce cas de figure. En revanche, 45 % des Indiens étaient titulaires d’un permis de travail de courte ou de longue durée (y compris d’un permis permanent). La part des étudiants chinois titulaires d’un permis de travail était de 14 % à peine. Les chiffres de l’Estonie sont trop bas pour figurer dans la publication mais font apparaître les mêmes différences entre ces deux nationalités. Toutefois, ce schéma n’est pas présent partout. En Australie, 5 ans après leur admission en 2015, 24 % des Chinois et 27 % des Indiens étaient toujours titulaires d’un permis d’études.

En Suède, seulement 5 % de l’ensemble des étudiants étaient toujours titulaires d’un permis d’études cinq ans après leur admission. Pour la Chine (9 %) et l’Inde (7 %), ces pourcentages sont légèrement plus élevés. Toutefois, en 2020, un pourcentage comparativement élevé d’anciens étudiants indiens en Suède étaient titulaires d’un permis de travail (23 %) contre un pourcentage bien moindre parmi les Chinois (6 %) et l’ensemble des étudiants (7 %) admis cinq ans plus tôt. Aux Pays-Bas, cinq ans après l’admission en 2015, seuls 4 % de tous les titulaires d’un permis étaient encore enregistrés avec un permis d’études. En revanche, ils étaient 14 % à détenir un permis de travail. Ce pourcentage était légèrement plus élevé parmi les Chinois (16 %) et largement plus important chez les ressortissants indiens (36 %). Au Danemark, à peine 4 % de tous les admis en 2015 étaient titulaires d’un permis de travail en 2020. Ce pourcentage était de 5 % pour les ressortissants chinois et de 14 % pour les Indiens.

En résumé, les données des pays disponibles par nationalité indiquent que les étudiants indiens sont plus susceptibles que l’ensemble de la population étudiante internationale de rester dans le pays d’accueil après avoir obtenu un premier permis d’études. Ils ont également plus de chances, dans la plupart des pays, d’être titulaires d’un permis de travail cinq ans après leur première admission que les étudiants chinois et d’autres nationalités.

Dans ce contexte, il est important de noter que les étudiants internationaux originaires de l’Inde sont plus susceptibles d’être inscrits en master ou en doctorat (niveau 7 ou 8 de la CITE) que les étudiants chinois, ce qui peut expliquer la rapidité avec laquelle ils entrent sur le marché du travail et la période plus courte pendant laquelle ils sont en possession d’un permis d’études. Dans l’ensemble, 58 % des étudiants indiens suivent des études de master ou de doctorat dans les pays de l’OCDE, contre 45 % des étudiants chinois en mobilité internationale en 2020.

Il n’est pas possible de mesurer le volume que représentent les étudiants internationaux en tant que source de main-d’œuvre immigrée uniquement avec les taux d’installation, en raison des écarts entre les pays de l’OCDE en termes d’effectifs et de composition globale des cohortes d’étudiants internationaux, et compte tenu aussi de l’ampleur de l’immigration de travail totale et des populations nationales.

Pour évaluer le rôle que jouent les étudiants internationaux dans l’offre de travailleurs immigrés, il convient de mettre en rapport le nombre de passages d’un permis d’études à un permis de travail avec l’ensemble des permis de travail délivrés. Ceci fait apparaître des différences importantes entre les pays (Graphique 7.6). En 2019, en France, en Italie et au Japon, la part des permis d’études transformés en permis de travail correspondait à 30 % ou plus de l’ensemble des admissions pour raisons professionnelles, mais ce pourcentage était inférieur à 10 % dans certains pays tels que l’Autriche, l’Espagne, la Norvège et le Portugal.

Dans les pays d’installation, les étudiants internationaux peuvent passer directement à un permis de résidence permanente, mais la plupart de ceux qui restent dans le pays obtiennent généralement au départ un permis temporaire. En 2019, 14 % des permis de travail de Nouvelle-Zélande ont été accordés à des individus initialement admis pour des études. Cette part était de 9 % au Canada. Une grande majorité de ces permis de travail temporaires, délivrés aux étudiants internationaux, l’ont été pour leur permettre de travailler après obtention de leur diplôme (81 % en Nouvelle-Zélande et 73 % au Canada). En Australie, 17 % des visas de résident permanent ont été accordés à d’anciens étudiants internationaux en 2019-20. Aux États-Unis, en 2019, les anciens titulaires d’un permis d’études (F1) représentaient 57 % des titulaires d’un visa temporaire pour les travailleurs qualifiés (H1B).

La présence d’étudiants internationaux a diverses répercussions sur l’économie des pays d’accueil. La présente section étudie ces répercussions sous quatre angles différents, à savoir d’abord l’impact macro-économique tel que mesuré dans les comptes nationaux, les conséquences au titre de l’aide publique au développement (APD) et les incidences pour le marché du travail. Elle examine enfin brièvement les répercussions à long terme de la présence des anciens étudiants internationaux sur le marché du travail du pays d’accueil, à partir de données récentes des pays européens de l’OCDE.

Les données précédentes sur l’impact économique des étudiants internationaux proviennent essentiellement des études par pays. Malgré l’importance croissante des études internationales, les recherches approfondies sont étonnamment rares et souvent anciennes (voir le tableau général Tableau d’annexe 7.A.1). Par exemple, les données de la France et de l’Allemagne, les deux principaux pays de destination des étudiants internationaux en Europe continentale, se limitent à une ancienne étude par pays (Campus France, 2014[28] ; Prognos, 2013[29]).

Les pays de l’OCDE pour lesquels l’impact économique des étudiants internationaux a fait l’objet d’évaluations fréquentes sont les pays anglophones de l’OCDE : Australie, Canada, États-Unis, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni. Plusieurs autres études ont également été menées en Belgique (en particulier pour la Flandre), en Espagne, en Estonie, en Irlande, aux Pays-Bas et en Suède. La moitié des pays de l’OCDE ne disposent pas d’études sur l’impact économique des étudiants internationaux.

Ces estimations reposent sur une analyse des données sur l’exportation qui présente deux avantages. Premièrement, même si cette analyse ne permet pas de quantifier les contributions économiques indirectes et induites, elle fournit une mesure précise des contributions directes (frais de scolarité + dépenses hors frais de scolarité) pendant les études. Deuxièmement, elle permet de disposer de statistiques comparables pour la plupart des pays de l’OCDE sur la dernière décennie, alors que la plupart des données antérieures concernent un pays et une année donnés et sont difficilement comparables.

Une estimation comparable à l’échelle internationale de l’impact macro-économique des étudiants internationaux est réalisable à partir des comptes nationaux. Les données sur les exportations des services d’éducation couvrent les dépenses des étudiants internationaux au titre des frais de scolarité, de l’alimentation, du logement, des transports locaux et des soins de santé. Ces données sont recueillies par l’OCDE dans le cadre des statistiques des comptes nationaux sur le commerce international.

Le Graphique 7.7 montre la croissance générale des exportations des services d’éducation dans la plupart des pays de l’OCDE, les recettes totales dans la zone OCDE étant passées de 50 milliards EUR en 2010 à plus de 115 milliards EUR en 2019.

Les pays anglophones de l’OCDE, c’est-à-dire les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni, le Canada et la Nouvelle-Zélande occupent les cinq premières places du classement des pays en termes de recettes brutes, et comptaient pour plus de 80 % de l’ensemble des recettes tirées de l’exportation des services d’éducation dans la zone OCDE en 2019. Les chiffres pour les États-Unis et le Canada ont plus que triplé au cours de la dernière décennie alors que ceux de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni ont doublé. Le Japon a enregistré une hausse des exportations des services d’éducation particulièrement forte, avec des recettes issues des étudiants internationaux qui ont presque triplé entre 2014 et 2019. De même, en Irlande, ces exportations ont été multipliées par 20, par 10 en Israël et en Lettonie. Les pays d’Europe centrale et orientale membres de l’OCDE ont quasiment tous enregistré une hausse considérable de leurs exportations de services d’éducation, lesquelles ont doublé voire triplé au cours des dix dernières années. Le taux de croissance moyen de l’UE-27 est nettement inférieur (+42 %) puisque certains grands pays d’accueil comme l’Autriche et l’Italie ont enregistré des taux de croissance plus limités.

Les valeurs brutes des exportations des services d’éducation peuvent être comparées au total des exportations (Graphique 7.8). Là encore, les pays anglophones de l’OCDE affichent les parts les plus élevées, avec toutefois quelques différences au fil du temps. En Australie, la part a augmenté de 6 à 8.5 % et en Nouvelle-Zélande de 4 à 5 %. Le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis ont vu la part de leurs exportations de services d’éducation augmenter de 2 % du total des exportations. Dans les autres pays de l’OCDE, les exportations de services d’éducation représentent bien moins de 1 % de l’ensemble des exportations. Parmi ces pays, l’Estonie, l’Irlande, Israël, le Japon et la Lettonie ont enregistré de fortes hausses. À l’inverse, le Costa Rica, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, et la République tchèque ont enregistré de fortes baisses par rapport au total des exportations, entre 2010 et 2019.

Les bourses d’études et les aides accordées aux étudiants internationaux sont la contrepartie implicite des recettes provenant de frais de scolarité élevés. Pour les étudiants originaires de pays en développement, ces deux points sont considérés comme relevant de l’aide publique au développement (APD). Ils entrent dans le calcul de l’APD d’un pays parce que les étudiants internationaux rentreront chez eux avec un capital humain enrichi, ce qui s’apparente à de l’aide au développement. Cette méthode de calcul a été remise en cause ces dernières années puisque la plupart des pays de l’OCDE redoublent d’efforts pour retenir les diplômés internationaux sur leur territoire.

De façon prévisible, cette partie de l’APD est plus importante dans les pays qui reçoivent un grand nombre d’étudiants internationaux et où les frais de scolarité sont bas (Graphique 7.9). Ainsi, en 2020 comme en 2010, l’Allemagne était le pays où le volume de l’APD consacrée aux étudiants internationaux présents sur le territoire national était le plus élevé, avec près d’1.8 milliard USD en 2020. La France se plaçait en deuxième position avec 1 milliard USD. Toutefois, la croissance au cours de la dernière décennie était nettement moins marquée dans ce pays, compte tenu de la forte hausse des frais de scolarité pour les étudiants internationaux en 2019. Tous les autres pays enregistrent des valeurs inférieures à 400 millions USD pour les deux années.

L’APD consacrée aux étudiants internationaux représente également une part considérable du montant total de l’APD dans certains pays. En 2020, les bourses et les contributions aux frais d’études représentaient 24 % de l’APD totale en Autriche, 45 % en Hongrie et plus de la moitié de toute l’APD en Pologne et en Slovénie. En revanche, la part de l’APD apportée par le biais de bourses et de contributions aux frais d’études dans le pays donneur était relativement basse en Allemagne (7 %), France (8 %) et au Japon (1 %), malgré des montants globaux importants. La plupart des pays anglophones de l’OCDE qui figuraient parmi ceux qui tiraient le plus de recettes des étudiants internationaux (voir ci-dessus) n’ont pas affecté une part importante du montant total de leur APD aux étudiants internationaux. Seule la Nouvelle-Zélande a consacré un peu plus de 11 % de l’ensemble de son APD aux étudiants internationaux. La plupart des autres pays n’ont eux aussi consacré qu’une petite partie de leur APD totale aux étudiants internationaux présents sur leur territoire national.

Ainsi que mentionné, l’APD consacrée aux étudiants internationaux comporte deux postes : les bourses et les dépenses afférentes aux étudiants dans les pays donneurs. Dans les pays où les frais de scolarité sont élevés, les bourses d’études représentent l’essentiel de l’APD consacrée aux étudiants internationaux. C’est le cas de la plupart des pays de l’OCDE. Il n’y a que dans quelques pays que les coûts estimés des étudiants représentent le gros de l’APD consacrée aux étudiants étrangers. C’est notamment le cas en Allemagne (95 %), en Autriche (95 %), en Belgique (93 %), en Pologne (93 %) et en Slovénie (96 %). En France, environ 18 % de l’APD au titre des étudiants internationaux sont consacrées aux bourses d’études et environ 82 % aux coûts des étudiants. Si l’on considère uniquement les bourses d’études, la France est le pays à avoir donné la somme la plus importante au titre des étudiants internationaux en 2020 (186 millions USD), suivie par le Japon (178 millions USD) et l’Australie (111 millions USD).

Dans la plupart des pays de l’OCDE, au moment de leur arrivée, les étudiants internationaux ont le droit de travailler pendant la durée de leurs études, au moins à temps partiel. La contribution des étudiants à la population active occupée du pays d’accueil est limitée par la réglementation nationale relative au travail des étudiants, mais elle dépend aussi de la décision des étudiants de travailler.

Dans les Perspectives des migrations internationales de 2019, l’OCDE a évalué pour la première fois la contribution potentielle des étudiants internationaux au marché du travail (OCDE, 2019[30]). La méthodologie employée a également été utilisée dans cette section. La contribution est estimée en équivalent temps plein et en année pleine. L’estimation la plus haute considère que les étudiants internationaux effectuent tous le nombre maximum d’heures de travail autorisées par les conditions de leur permis. En équivalent temps plein et en année pleine, au cours de l’année universitaire 2020, les étudiants internationaux sont venus accroître la population en âge de travailler à hauteur de 1.2 % en Australie et de 0.5 % en Autriche. Dans les autres pays, leur contribution maximale potentielle est inférieure à 0.5 %. Cette estimation représente la limite supérieure de la contribution des étudiants internationaux à la population pourvue d’un emploi.

Par rapport aux jeunes occupés, ce nombre est nettement plus élevé dans tous les pays et atteint pas moins de 5 % en Australie (Graphique 7.10).

Dans ces conditions, le choix des étudiants internationaux de travailler pendant leurs études varie d’un pays à l’autre. Une mesure indirecte pour les pays européens de l’OCDE peut être obtenue à partir des données sur la population active relatives à l’emploi des étudiants étrangers inscrits dans l’enseignement supérieur qui sont arrivés il y a moins de cinq ans. Ces données montrent qu’environ un tiers (34 %) de tous les étudiants de l’UE sont pourvus d’un emploi. Cette proportion est comparable aux chiffres pour les étudiants nationaux (35 %) et le pourcentage est plus élevé parmi les étudiants nés dans un pays de l’UE (42 %) que parmi ceux nés en dehors de l’UE (31 %). Calculée avec la même approximation, environ un tiers des étudiants internationaux aux États-Unis (35 %) occupent un emploi. En France et au Royaume-Uni, ils sont environ un sur quatre à travailler (Office national des statistiques, 2018). En Australie, d’après le recensement de 2016, près de la moitié des étudiants internationaux occupaient un emploi, la plupart à temps partiel. Les pourcentages les plus élevés sont ceux de la Suisse et du Danemark où près de 60 % des étudiants internationaux occupent un emploi, ainsi que ceux du Japon où ce chiffre atteint 90 %.

L’emploi des étudiants internationaux n’est pas réparti uniformément au sein des pays. Il se concentre essentiellement dans les villes dotées d’établissements d’enseignement supérieur, et, dans ces villes, à proximité des lieux de résidence des étudiants. Les données de l’Enquête européenne sur les forces de travail de 2019 indiquent que les 15-34 ans étudiants du supérieur, nés à l’étranger et arrivés il y a moins de cinq ans, sont fortement surreprésentés dans les zones urbaines. Ils sont en effet 80 % à vivre en ville, contre 53 % des étudiants nés dans le pays. De même, d’après les données de 2019 des États-Unis sur la population active, parmi les 15-34 ans étudiants du supérieur nés à l’étranger et arrivés moins de cinq ans auparavant, 53 % vivent dans une des villes principales du pays contre 32 % de leurs pairs nés dans le pays.

Les étudiants internationaux se concentrent également dans certains secteurs d’activité, en particulier l’hôtellerie puisque c’est un secteur où les besoins de personnel se font souvent sentir en dehors du calendrier universitaire habituel et où les obstacles à l’entrée sont moindres. D’après l’Enquête européenne de 2019 sur les forces de travail, un quart des étudiants non originaires de l’UE pourvus d’un emploi travaillait dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, alors que c’était le cas d’un étudiant européen sur cinq et d’un étudiant né dans le pays sur dix. Alors que les étudiants nés dans le pays sont deux fois plus susceptibles de travailler dans ce secteur que le reste de la population (10 % contre 5 %), les étudiants internationaux non originaires de l’UE ont cinq fois plus de chance de le faire (25 % contre 5 %). Par rapport à l’ensemble de la population, les étudiants internationaux sont aussi largement surreprésentés dans le secteur de l’éducation, avec 16 % contre 11 % des étudiants nés dans le pays et 8 % de la population totale.

Des données indicatives sur les résultats à long terme des étudiants internationaux sont disponibles dans l’Enquête européenne de 2021 sur les forces de travail et apportent des informations sur le motif (autodéclaré) d’immigration dans les principales destinations des étudiants internationaux en Europe. Ces informations sont résumées dans le Tableau 7.2.

Dans la plupart des pays pour lesquels des données sont disponibles, cinq ans après leur arrivée, les immigrés entrés dans le pays pour leurs études (c’est-à-dire, majoritairement, des étudiants internationaux) présentent des taux d’emploi plus élevés que ceux de l’ensemble des populations nées à l’étranger et nées dans le pays, mais légèrement inférieurs à ceux des individus admis au titre de l’immigration de travail. Globalement, dans les pays européens de l’OCDE pour lesquels ces données sont disponibles, les trois quarts des individus qui sont venus y étudier sont pourvus d’un emploi.

Ces données indiquent également que les étudiants internationaux, lorsqu’ils accèdent à l’emploi, semblent parvenir à faire valoir leurs qualifications formelles. La fréquence du déclassement, c’est-à-dire la part des diplômés de l’enseignement supérieur qui occupent des emplois pour lesquels un niveau d’enseignement inférieur suffirait, est bien plus basse pour cette catégorie que pour les travailleurs immigrés ou l’ensemble de la population issue de l’immigration, dans tous les pays pour lesquels des données sont disponibles. En effet, dans l’ensemble, leurs taux de déclassement sont approximativement les mêmes que ceux de leurs homologues nés dans le pays et deux fois moins élevés que ceux des travailleurs immigrés ou des autres populations issues de l’immigration.

De même, un rapport récent de Statistique Canada a montré que peu après leur admission en tant que travailleurs immigrés permanents, les individus qui avaient suivi des études au Canada percevaient des revenus bien supérieurs à ceux qui n’avaient pas étudié dans ce pays (Crossman, Lu et Hou, 2022[9]). Cet avantage était entièrement dû à leur meilleure maîtrise de la langue et au fait qu’ils étaient davantage susceptibles d’avoir déjà travaillé au Canada. Si l’on compare cette situation uniquement avec celle des immigrés possédant des compétences linguistiques similaires et une expérience professionnelle au Canada, les individus qui avaient étudié au Canada gagnaient moins au départ, essentiellement parce qu’ils étaient plus susceptibles de poursuivre une formation complémentaire au cours des quelques années qui suivaient leur immigration. L’avantage d’avoir étudié au Canada s’accroît au fil du temps et, environ 10 ans après avoir immigré, les travailleurs immigrés permanents qui ont étudié au moins une année au Canada percevaient des revenus nettement plus élevés que leurs pairs titulaires d’un diplôme étranger, même après prise en compte d’autres facteurs.

En Europe, l’impact à long terme de la participation au programme Erasmus (voir chapitre 5) sur les futurs débouchés professionnels a également fait l’objet d’études relativement approfondies. Un tour d’horizon récent des publications montre que les participants au programme Erasmus perçoivent généralement des salaires plus élevés et sont plus susceptibles d’occuper des fonctions de direction et de poursuivre une carrière internationale (Crăciun, 2020[31]). De même, pour les étudiants espagnols en mobilité internationale, la participation au programme Erasmus semble avoir un effet positif sur la probabilité de devenir entrepreneur (Conti, Heckman et Pinto, 2016[32]).

Les étudiants internationaux constituent une part de plus en plus importante des flux migratoires internationaux. Au cours de la décennie qui a précédé la pandémie de COVID-19, le nombre d’étudiants internationaux a considérablement augmenté dans la plupart des pays. Les étudiants internationaux sont devenus une source majeure de main-d’œuvre immigrée puisqu’une part importante et croissante d’entre eux restent dans les pays d’accueil pour travailler après l’obtention de leur diplôme.

Par rapport à d’autres populations immigrées, les étudiants internationaux bénéficient d’un certain nombre d’avantages qui leur permettent d’accéder plus facilement aux voies d’immigration de travail dans leur pays d’accueil. Ils sont considérés comme étant « pré-intégrés » dans la société de leur pays d’accueil et entretiennent souvent des liens étroits avec le marché du travail de ce pays puisqu’ils y ont déjà occupé des emplois à temps partiel ou effectué des stages. De plus, ils sont titulaires de diplômes nationaux reconnus par les employeurs, ce qui facilite leur entrée sur le marché du travail. Les préoccupations liées à la fuite des cerveaux, qu’elles soient justifiées ou non, sont également moins fortes que pour d’autres catégories de travailleurs qualifiés recrutés dans des pays moins développés, parce que les étudiants internationaux ont acquis au moins une partie de leur capital humain dans leur pays d’accueil.

L’analyse ci-dessus apporte également plusieurs éclairages sur l’importance de certains leviers d’action. Par exemple, les stratégies nationales en matière de frais de scolarité appliqués aux étudiants internationaux varient selon les pays. Dans les pays où les frais de scolarité sont élevés, les dépenses des étudiants internationaux représentent souvent une part importante des exportations de services et du financement du système d’enseignement supérieur. Dans les pays où les frais de scolarité sont faibles ou inexistants, si les finances publiques ne tirent pas de bénéfice de la présence d’étudiants internationaux, il est possible de déclarer les coûts qui y sont associés au titre de l’aide publique au développement (APD). Les coûts liés à l’accueil des étudiants internationaux sont comptabilisés au titre de l’APD parce que ces étudiants rentreront chez eux dotés d’un capital humain enrichi, ce qui s’apparente à de l’aide au développement. Les effectifs croissants d’étudiants qui s’installent dans les pays d’accueil, et les efforts consentis par les pays pour retenir les diplômés internationaux, peuvent toutefois s’avérer incompatibles avec cet objectif.

Dans l’ensemble, la mobilité internationale des étudiants offre clairement des avantages, notamment en termes d’insertion sur le marché du travail. Dans le même temps, le fait que les étudiants internationaux viennent de plus en plus grossir les rangs de l’immigration de travail, à la fois en termes absolus et par rapport aux autres voies d’entrée, nous amène également à nous interroger : les étudiants internationaux répondent-ils aux besoins précis de compétences pour lesquels les voies de l’immigration de travail sont conçues ? Si l’immigration de travail par cette voie d’accès est grandement facilitée, les compétences professionnelles proprement dites n’ont pas été « testées » de façon productive. La mobilité internationale des étudiants n’est pas non plus une solution aux pénuries de main-d’œuvre moyennement et peu qualifiée qui touchent les marchés du travail dans de nombreux pays de l’OCDE. De la même manière, la forte concentration des étudiants internationaux dans les capitales de nombreux pays interroge sur le risque de creusement des disparités régionales.

Il convient donc de veiller à conserver un équilibre au sein du système migratoire, afin d’éviter que certains pays ne deviennent trop dépendants à l’égard de cette source d’immigration en particulier et de s’assurer qu’ils en connaissent les spécificités. Néanmoins, attirer des étudiants internationaux offre une rentabilité économique importante, notamment grâce aux meilleurs résultats enregistrés par les étudiants internationaux après l’obtention de leur diplôme par rapport aux autres catégories de personnes immigrées. En outre, comme le montrent les données disponibles, les pays d’accueil parviennent de mieux en mieux à retenir les étudiants étrangers à la fin de leurs études.

Références

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Notes

← 1. Ce travail a été réalisé avec le soutien financier du ministère fédéral allemand de l’Éducation et de la Recherche. Il comprend une contribution de Giacomo Boffi (Consultant à l’OCDE).

← 2. Aux fins du calcul des données sur la rétention, on définit les étudiants internationaux comme les personnes étrangères ayant obtenu un permis pour mener leurs études. L’utilisation des statistiques sur les permis ne permet généralement pas d’inclure des données sur les individus qui bénéficient des dispositifs de libre circulation, comme la mobilité intra-européenne.

← 3. Les données du ministère australien de l’Éducation nationale, des Compétences et de l’Emploi montrent que les étudiants internationaux en Australie sont plus susceptibles d’obtenir leur diplôme que les ressortissants locaux et de mener à terme leurs études plus rapidement. Globalement, 70 % des étudiants internationaux inscrits en licence en 2016 ont obtenu leur diplôme au bout de quatre ans. En revanche, ce n’était le cas que de 43 % des ressortissants du pays. Neuf ans après le début de leurs études de licence en 2011, 73 % des étudiants nationaux avaient obtenu leur diplôme, contre 80 % des étudiants internationaux.

← 4. Les résultats du Canada correspondent à ceux présentés plus tôt et montrent qu’environ trois étudiants internationaux sur dix arrivés au Canada entre 2005 et 2009 sont devenus des résidents permanents dans les dix ans qui ont suivi leur arrivée (Choi, Crossman et Hou, 2021[45]).

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