5. Prochaines étapes pour les membres du Comité d’aide au développement

Comme évoqué dans l’introduction, l’innovation gagne en importance dans les domaines de l’action humanitaire et du développement. De nombreuses innovations ont déjà eu des effets transformateurs sur les vies des populations pauvres et vulnérables de par le monde. L’exercice d’apprentissage au contact des pairs a recensé des activités prometteuses en cours dans les pays ayant fait l’objet d’une étude de cas et dans l’ensemble des membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE.

Les travaux d’innovation menés et financés par les donneurs du CAD, lorsqu’ils sont performants, allient de nouvelles technologies et des progrès techniques à des approches organisationnelles et des modèles d’activité novateurs, et à des mesures visant à réformer et transformer les institutions, les normes et les contextes politiques. C’est précisément dans le cadre d’efforts systémiques de cette nature que sont apparues et se sont développées des innovations performantes, comme les nouveaux traitements médicaux, les services financiers mobiles, et les approches novatrices en matière de nutrition et de résilience. Lorsqu’elle est mal conduite – à savoir lorsqu’elle privilégie ouvertement la technologie, sans prêter suffisamment attention aux contextes organisationnels et institutionnels –, l’innovation n’est pas seulement inefficace, mais peut être nocive.

L’exercice d’apprentissage au contact des pairs montre clairement que l’innovation au service du développement revêt un intérêt croissant pour les membres du CAD, tant au niveau individuel que collectif. Néanmoins, pour réaliser pleinement les ambitions plus générales du programme d’action en faveur de l’innovation, ceux-ci doivent s’appuyer sur les travaux probants déjà en cours pour encourager, stimuler et administrer avec dynamisme et durablement les activités d’innovation. Cela suppose de soutenir l’innovation non pas en tant que résultat espéré ou en tant que nouvelle branche d’activité, mais en tant que capacité stratégique intersectorielle déterminante, et de mobiliser résolument et systématiquement cette capacité pour atteindre les objectifs humanitaires et de développement les plus pressants et les plus complexes.

Dans ce contexte, l’innovation collective des membres du CAD présente un certain nombre de points forts :

  • De nombreux efforts à visée transformatrice à l’appui du développement et de l’action humanitaire s’inspirent déjà d’une réflexion sur l’innovation et des approches qui y sont associées – allant de l’argent liquide dans les contextes humanitaires et de la microfinance jusqu’à la recherche de nouveaux vaccins.

  • Pour les membres les plus avancés dans ce domaine, les efforts d’innovation deviennent plus structurés, systématiques et orientés sur les objectifs, en particulier à l’échelle des projets et des programmes.

  • Dans tous les pays examinés, et dans d’autres, différentes équipes se sentent en capacité d’adopter de nouvelles approches, pratiques et idées, et la terminologie et les concepts de l’innovation sont aujourd’hui plus largement utilisés.

  • De nombreux efforts sont engagés en vue de renforcer l’innovation au service du développement en tant que bien public mondial, et le réseau de l’International Development Innovation Alliance (IDIA) réunit un grand nombre des principaux acteurs de la sphère de l’aide aux fins de la constitution de réseaux et d’apprentissage collectif.

De nombreuses améliorations sont par ailleurs possibles :

  • Il faut définir plus clairement les objectifs et les ambitions assignés à l’innovation au service du développement tant au niveau institutionnel qu’au niveau sectoriel : quel est le but de l’innovation, comment fonctionnera-t-elle et pourquoi a-t-elle de l’importance ?

  • Il convient de remédier aux lacunes – en termes de stratégie, de gouvernance, de gestion, de coordination et de processus – afin de renforcer la cohérence interne, la longévité des institutions l’apprentissage collectif, ainsi que les externalités et la durabilité du programme d’action en faveur de l’innovation.

  • Un renforcement des dispositifs organisationnels est nécessaire – de façon à améliorer la communication, les conditions et les accords entre les différents services et équipes internes favorables à des transformations institutionnelles de nature similaire.

  • Des efforts plus résolus sont nécessaires dans les domaines de la collecte de données probantes et de l’apprentissage, de la gestion des risques, des enseignements à dégager et de la gestion des portefeuilles, ou du déploiement à l’échelle – efforts qui, pour certains, sont déjà engagés.

  • L’absence d’un engagement durable et véritable aux côtés des pays en développement est un problème généralisé, qui doit être traité directement et collectivement pour que les efforts d’innovation soient plus pertinents et mieux adaptés, et qu’ils s’appuient sur les meilleures idées proposées partout dans le monde.

Les recommandations ci-dessous offrent aux membres du CAD un moyen de tirer parti de leurs points forts et d’exploiter ces possibilités. Structurées suivant le cadre d’analyse des capacités d’innovation (Graphique 1.2) et des phases de développement stratégique (Tableau 2.1), elles visent à renforcer le programme d’action en faveur de l’innovation au service du développement des membres du CAD, sur le plan individuel aussi bien que collectif, sous la forme d’un programme susceptible d’être ultérieurement intégré à un axe de travail sur l’innovation.

  1. 1. Recenser les travaux d’innovation en cours dans l’ensemble du portefeuille actuel de l’organisation, y compris dans les domaines thématiques ou géographiques, et évaluer les capacités au moyen de l’instrument d’auto-évaluation de l’OCDE.

  2. 2. Évaluer à la fois les besoins en matière d’innovation chez les partenaires et les utilisateurs finaux (externes) et les domaines présentant un potentiel technique (en interne), et définir un ensemble de priorités initiales en fonction des résultats.

  3. 3. Examiner les possibilités de concrétiser ces priorités en appuyant des activités d’innovation indépendantes et intégrées à l’ensemble du portefeuille existant, ainsi que d’éventuels partenariats entre membres du CAD.

  1. 4. Identifier un réseau de hauts responsables et d’agents intéressés, et organiser une réunion portant sur la stratégie d’innovation pour favoriser les échanges sur les résultats des étapes ci-dessus ; définir les prochaines étapes et élaborer pour les travaux futurs une feuille de route précisant les fonctions et responsabilités.

  2. 5. Recenser au sein du CAD et de l’ISA des partenaires et des guides en matière d’apprentissage susceptibles de contribuer ou de participer aux prochaines étapes définies comme prioritaires.

  1. 6. Expérimenter les processus de gestion de l’innovation de bout en bout fondés la preuve dans les domaines d’activité prioritaires.

  2. 7. Veiller à ce que les utilisateurs finaux et les acteurs des pays en développement soient intégrés par défaut aux processus d’innovation.

  1. 1. Définir une vision et une stratégie communes plus claires en matière d’innovation, en précisant en quoi celle-ci consiste, qui en est responsable, et comment elle est conduite, et en prêtant une attention particulière au rôle des acteurs des pays en développement et des utilisateurs finaux.

  2. 2. Mettre en place des incitations claires et définir quels sont les moteurs de l’innovation : présenter explicitement les critères et les exigences dans ce domaine, et les possibilités pour les membres du personnel et les équipes d’accéder à ces informations quels que soient leur niveau, leurs fonctions et leur localisation.

  3. 3. Favoriser l’intégration des diverses activités d’innovation, en tirant davantage d’enseignements de l’expérience des différents secteurs.

  4. 4. Faire de l’innovation la cible de campagnes explicites de changement organisationnel : examiner tous les processus stratégiques pour définir en quoi ils favorisent ou freinent l’innovation et les modifier en conséquence, et coordonner les efforts des différentes équipes spécialisées et d’autres agents internes du changement.

  5. 5. Créer et soutenir des réseaux de champions internes de l’innovation – au niveau des instances dirigeantes et à celui des pays, au sein des groupes techniques ou de pays, et parmi le personnel auxiliaire et opérationnel.

  1. 6. Faire délibérément appel à une approche de portefeuille d’innovation pour dégager des enseignements, partager les expériences et suivre les progrès.

  2. 7. Améliorer la gouvernance de l’innovation au niveau des instances dirigeantes, afin d’assurer une supervision et une analyse de haut niveau sur l’ensemble du portefeuille d’activités d’innovation – indiquer clairement à l’organisation le degré d’ambition et d’appétence pour le risque.

  3. 8. Élaborer des argumentaires plus cohérents et plus courageux sur les risques liés à l’innovation et leur acceptabilité, et sur les différentes catégories de risques qui peuvent être peuvent ou relevés, ou tolérés, ou atténués dans le cadre des processus d’innovation.

  4. 9. Prendre en considération le rôle des partenaires en place dans l’élaboration et le déploiement de nouvelles idées et approches.

  5. 10. S’employer activement à mobiliser des intervenants dans les pays en développement et venant de ces pays pendant tout le cycle de vie des processus et programmes d’innovation.

  1. 11. Investir dans les compétences d’innovation pour les membres du personnel, anciens et nouveaux, à différents niveaux : privilégier les compétences en matière de gestion de l’innovation pour l’ensemble du personnel, et les compétences de conseil technique pour le personnel spécialisé dans l’innovation.

  2. 12. Donner plus de force à la réflexion, à la collecte de données probantes, à la documentation, aux données et à la communication et les rendre plus systématiques dans les différents processus d’innovation, au sein de programmes particuliers et dans l’ensemble des portefeuilles d’activités d’innovation, et faire de l’inclusion des utilisateurs finals et des acteurs locaux un critère essentiel d’évaluation.

  3. 13. Créer des processus et des mécanismes plus solides pour intégrer les résultats des activités d’innovation fructueuses aux programmes courants.

  4. 14. Investir dans des processus de co-création en relation avec des problèmes complexes et insolubles ; notamment, faire une plus grande place aux activités d’élaboration de programmes d’innovation dans les pays de manière à intégrer les innovations et les innovateurs prometteurs des pays en développement.

Les propositions qui suivent se fondent sur le postulat selon lequel les membres du CAD et le Secrétariat de l’OCDE travailleront en étroite collaboration et en partenariat avec les réseaux d’innovation interorganisations en place, dont l’IDIA.

  1. 1. Œuvrer à la mise en place d’un groupe de leaders champions de l’innovation au service du développement, réunissant les dirigeants des membres du CAD pour prôner le développement et l’amélioration des processus d’innovation et des résultats dans ce domaine.

  2. 2. Mettre en place un « pôle » ou une plateforme pour mettre en commun, coordonner et faire vivre les activités à l’appui de l’innovation au niveau stratégique dans l’ensemble du secteur du développement, en prêtant une attention particulière au déficit d’innovation auquel les Objectifs de développement durable (ODD) et les ressources humanitaires sont confrontés, à l’innovation anticipative et transformatrice, aux travaux menés dans le domaine de la recherche au service de l’innovation, et aux mesures de renforcement des capacités interorganisationnelles.

  3. 3. Développer un discours/une déclaration communs à l’échelle mondiale sur le rôle de l’innovation dans la sphère du développement et de l’aide humanitaire : en quoi elle consiste, les raisons pour lesquelles elle est importante, et les meilleurs moyens de la favoriser et de la soutenir.

  1. 4. Examiner la possibilité de mettre en place des approches collectives pour suivre les travaux d’innovation et en dégager des enseignements, dans le prolongement des travaux actuels du CAD sur un marqueur de l’innovation et des nouvelles activités en matière d’apprentissage à l’échelle du portefeuille.

  2. 5. Amener les acteurs des pays en développement – des autorités nationales au secteur privé, à la société civile et aux communautés pauvres – à jouer un rôle plus central dans l’écosystème de l’innovation au service du développement ; s’employer à combler activement l’écart entre les activités d’innovation des pays développés et des pays en développement.

  3. 6. Œuvrer, en collaboration étroite et dans le cadre de partenariats rapprochés, avec les principaux acteurs de l’innovation, tant sur le plan externe qu’interne, notamment l’IDIA, le Global Innovation Exchange, l’Observatoire de l’OCDE sur l’innovation dans le secteur public, et la Direction de la science, de la technologie et de l’innovation de l’OCDE, de manière à concrétiser les avantages de l’action collective et à éviter les travaux redondants.

  1. 7. Faciliter les efforts des membres du CAD en vue d’engager et d’accélérer les travaux communs sur les défis du développement qui requièrent un modèle d’innovation radicalement nouveau, anticipatif et porteur de changement.

  2. 8. Investir dans le renforcement du suivi, de l’évaluation et de l’apprentissage au service des activités d’innovation, en collaboration avec le Réseau du CAD sur l’évaluation du développement et la communauté des spécialistes des résultats du CAD-OCDE, et dans le cadre du processus d’examen entre pairs du CAD.

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