2. Favoriser l’accessibilité financière des logements

Dans les pays de l’OCDE, de nombreux ménages peinent aujourd’hui à accéder à un logement abordable, ce qui place cette question au cœur du débat sur l’action publique. En moyenne, moins de la moitié de la population de l’OCDE se déclare satisfaite de l’offre de logements abordables et de qualité dans sa ville ou sa zone de résidence (indicateur HC1.4 de la Base de données de l’OCDE sur le logement abordable). Du fait de la hausse des prix des logements enregistrée dans la plupart des pays de l’OCDE ces vingt dernières années, les ménages consacrent, en moyenne, une part de plus en plus importante de leur budget au logement. Les défis à relever diffèrent d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays : les écarts en matière d’accessibilité financière sont particulièrement marqués dans les zones urbaines riches en emplois, et entre les ménages modestes, les locataires sur le marché privé et les jeunes. Si ces difficultés touchent de longue date les ménages modestes et vulnérables, une proportion croissante de la classe moyenne est aujourd’hui confrontée elle aussi à des problèmes d’accès au logement abordable.

En moyenne, le logement représente le plus gros poste de dépenses des ménages de la zone OCDE, et sa part dans le budget des ménages ne cesse d’augmenter. Il s’agit du premier poste de dépenses des ménages toutes catégories de revenus confondues, devant l’alimentation et l’habillement, le transport, les loisirs, la santé et l’éducation (Graphique 2.1, partie A). Par ailleurs, les dépenses des ménages allouées au logement ont augmenté : en moyenne dans 20 pays de l’OCDE, la part des dépenses de logement dans le budget des ménages a augmenté de près de 5 points de pourcentage entre 2005 et 2015 (Graphique 2.1, partie B). Au cours de cette période, la part des dépenses des ménages concernant d’autres postes de consommation clés, comme le transport, la santé et l’éducation, a également augmenté, mais dans une moindre mesure. Si l’on remonte encore plus loin (1995-2015), même si l’échantillon de pays disponibles est plus restreint, les estimations de consommation donnent à penser que les dépenses de logement des ménages ont augmenté encore davantage (OCDE, 2020[1]).

L’un des moteurs de la hausse des dépenses des ménages consacrées au logement est l’augmentation du coût du logement constatée ces vingt dernières années, surtout pour les locataires. En moyenne, les prix réels des logements ont augmenté dans 31 pays de l’OCDE entre 2005 et 2019, la Colombie, le Canada et Israël enregistrant les hausses les plus marquées (plus de 80 %) (Graphique 2.2, partie A). Sept pays de l’OCDE seulement ont enregistré une baisse des prix réels de l’immobilier sur cette période, au premier rang desquels l’Espagne, la Grèce et l’Italie. Parallèlement, les loyers ont augmenté dans tous les pays de l'OCDE à l’exception de deux entre 2005 et 2020, et ont plus que doublé en Turquie, en Lituanie, en Islande, en Estonie et en Afrique du Sud (Graphique 2.2, partie B). Compte tenu du niveau élevé des loyers, qui ne cessent d’augmenter, les locataires ont de plus en plus de difficulté à épargner suffisamment pour se constituer l’apport nécessaire à l’achat d’un bien immobilier, ce qui les rend plus vulnérables face aux chocs économiques, comme celui qu’a provoqué la pandémie de COVID-19.

Dans tous les pays de l’OCDE, de nombreux ménages modestes sont confrontés à des difficultés en matière de prix et de qualité des logements. Pour une grande partie des ménages situés dans le quintile inférieur de la distribution des revenus, le coût du logement représente une charge excessive, dans le sens où ils consacrent plus de 40 % de leur revenu disponible au paiement de leur loyer ou au remboursement de leur emprunt immobilier, aux dépenses d’entretien et aux charges (Graphique 2.3, partie A). La situation est encore plus tendue pour les locataires : en moyenne, un tiers environ des locataires à faibles revenus sur le marché locatif privé font face un coût du logement excessif, contre un quart environ des propriétaires-occupants à bas revenus ayant contracté un emprunt immobilier (OCDE, 2020[4]). Par ailleurs, depuis 1995, par rapport aux ménages aux revenus intermédiaires et élevés, ce sont les ménages situés dans le bas de la distribution des revenus qui ont accusé la plus forte hausse des dépenses allouées au logement en moyenne dans tous les pays (OCDE, 2020[1]). Face au renchérissement des loyers et à la charge excessive représentée par le coût du logement, certains ménages peinent à s’acquitter de leurs loyers mensuels et sont exposés au risque d’expulsion : s'il existe peu de données comparables à l’échelle internationale (chapitre 9), on a dénombré au moins 3 millions de procédures officielles d’expulsion lancées sur le marché locatif dans les 17 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles (OCDE (2020[4]), indicateur H3.3).

Dans le même temps, les ménages modestes sont aussi plus susceptibles de vivre dans des logements de mauvaise qualité. Ils n’ont souvent pas les moyens d’entretenir régulièrement leur logement ou de l’améliorer, et se heurtent à des obstacles pour s’installer dans des logements de meilleure qualité. Dans la quasi-totalité des pays, les ménages du quintile inférieur des revenus sont davantage touchés par le surpeuplement des logements que les ménages situés dans les quintiles intermédiaire et supérieur (Graphique 2.3, partie B). La pandémie de COVID-19 a attiré l’attention des pouvoirs publics sur le problème du surpeuplement des logements : les personnes qui vivent dans de telles conditions ont en effet plus de difficultés à s’isoler, ce qui les expose à un risque accru de contracter et de transmettre des maladies infectieuses (OCDE, 2020[5]).

La hausse du coût du logement est l’un des nombreux facteurs en cause dans le problème des sans-abri, qui étaient au nombre de 1.9 million au moins dans les pays de l’OCDE avant la crise du COVID-19. Les données disponibles pour la période antérieure à la pandémie laissent à penser que le nombre de sans-abri a augmenté dans un tiers des pays de l’OCDE au cours des dix dernières années (Encadré 2.1). Des estimations du nombre de sans-abri existent pour 2020 dans certains pays, mais il est difficile de comparer ces données avec celles qui correspondent aux années précédentes ainsi qu’entre les pays (voir l’indicateur HC3.1 de la base de données de l’OCDE sur le logement abordable). Pour autant, il est probable que les statistiques officielles sous-estiment l’ampleur de ce phénomène. En effet, le vécu des personnes sans domicile fixe est très différent (certaines dorment dans la rue, tandis que d’autres sont accueillies dans des hébergements d'urgence ou chez des amis ou de la famille), dans des conditions plus ou moins visibles pour les autorités publiques et donc plus ou moins prises en compte dans les statistiques officielles. Par ailleurs, la population de sans-abri est de plus en plus hétérogène dans certains pays : si les hommes célibataires restent les plus nombreux parmi les sans domicile fixe, la part des jeunes, des familles avec enfants et des personnes âgées augmente dans certains pays pour lesquels on dispose de données (OCDE, 2020[6]). La pandémie de COVID-19 a incité de nombreux gouvernements à prendre des mesures d’urgence pour offrir un hébergement et d’autres services aux sans-abri (OCDE, 2020[5]; OCDE, 2020[7]). Parallèlement, la possibilité d’une hausse du nombre de sans-abri en raison des difficultés économiques persistantes auxquelles sont confrontés certains ménages suscite des inquiétudes une fois que seront levées les interdictions temporaires d’expulsion et de saisie de biens immobiliers.

Il existe non seulement des écarts entre les pays en matière d’accessibilité financière des logements, mais aussi des différences considérables entre les groupes de population et les régions au sein des pays. Ainsi, en moyenne, la majorité des jeunes âgés de 20 à 29 ans vivent encore chez leurs parents compte tenu de la diminution de l’offre de logements abordables – une proportion qui atteint même plus de 70 % en Italie, en République slovaque, en Grèce, en Slovénie, en Espagne et au Portugal (OCDE, 2020[1]). En effet, plus de dix années de revenus annuels sont aujourd’hui nécessaires pour acheter un logement, contre moins de 7 ans il y a une génération (OCDE, 2019[2]). Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les jeunes soient la classe d’âge la plus susceptible de citer le logement abordable parmi leurs trois principales préoccupations à court terme (OCDE, 2019[8]). Les données empiriques suggèrent en outre que les coûts élevés du logement pèsent davantage sur les femmes que sur les hommes. Aux Etats-Unis, par exemple, la plus grande part des ménages bénéficiaires d’aides au logement ou de bons d’hébergement ont une femme à leur tête. (Quets, Duggan and Cooper, 2016[9])

Parallèlement, l’accessibilité financière des logements est souvent plus problématique dans les zones urbaines riches en emplois que dans les zones rurales, certains pays enregistrant des écarts très marqués dans les prix des logements entre les villes et les régions. Par exemple, les prix des logements ont augmenté deux fois plus dans le centre de Londres que dans le reste du Royaume-Uni depuis 1995 ; sur la même période, les prix des logements dans la zone métropolitaine de Los Angeles ont grimpé deux fois plus vite que dans la zone métropolitaine de Chicago (OCDE, 2020[10]). Par ailleurs, dans les pays de l'OCDE, la satisfaction des populations des zones urbaines à l’égard de l’offre de logements abordables et de qualité est, en moyenne, inférieure de 10 points de pourcentage à celle des habitants des zones rurales (Base de données de l'OCDE sur le logement abordable, Indicateur HC1.4). Les politiques nationales visant à rendre le logement plus abordable doivent donc tenir compte de ces variations démographiques et régionales.

La demande de logements abordables est souvent supérieure à l’offre, ce qui tient à de multiples facteurs susceptibles de varier d’un pays à l’autre. Tout d’abord, l’investissement public dans le logement recule depuis vingt ans en moyenne dans la zone OCDE, tandis que l’investissement total (public et privé) est inégal. Ensuite, la construction de logements est de plus en plus coûteuse : en dépit des différences observées entre les pays, cela tient notamment à la pénurie de terrains (surtout dans les zones urbaines dynamiques), à des procédures d’urbanisme et d’aménagement du territoire trop restrictives qui font augmenter le coût de la construction de logements, et à la montée des coûts de construction, notamment ceux qui sont liés à l’efficacité énergétique et à d’autres réglementations sur la durabilité environnementale. Enfin, l’évolution démographique implique une demande croissante et évolutive en matière de logements.

Ces vingt dernières années, l’investissement global (public et privé) dans le logement s’est révélé inégal dans les pays de l’OCDE, mais l'investissement public (dépenses publiques d’équipement) dans le logement a reculé de plus de moitié en moyenne. Les dépenses publiques consacrées aux transferts en capital et à la formation brute de capital pour la construction de logements ont diminué de 0.17 % du PIB environ en 2001 en moyenne dans la zone OCDE à 0.07 % du PIB en 2018. L’investissement public direct dans le logement, en particulier, a fondu depuis la crise financière mondiale, et ne s’élevait plus qu’à moins de 0.01 % du PIB en 2018. La contraction du volume des transferts en capital (c’est-à-dire des transferts à des organismes extérieurs à l’administration publique), qui représentent la plus grosse partie de l’investissement public dans le logement, a été plus modeste. Pour autant, à moins de 0.1 % du PIB en moyenne depuis la crise financière mondiale, l’investissement public global dans le logement n’est pas élevé. En comparaison, l’aide au logement axée sur la demande, mesurée en termes de dépenses publiques consacrées aux allocations de logement, a légèrement augmenté sur la même période, passant de 0.26 % du PIB en 2001 à 0.31 % en 2017 (Graphique 2.4). Dans le même temps, la part des logements sociaux a reculé dans la plupart des pays de l’OCDE depuis 2010, réduisant du même coup l’offre de logements abordables accessibles aux ménages modestes (OCDE, 2020[11]).

La construction de logements neufs est un processus long et coûteux. Une offre de logements inélastique, sous l’effet de la pénurie de terrains constructibles dans les zones urbaines ou de réglementations qui rendent la construction de logements difficile et coûteuse, peut nuire à l’accessibilité financière des logements (Bétin and Ziemann, 2019[12]; Cavalleri, Cournède and Özsöğüt, 2019[13]). En particulier, des règles d'urbanisme plus strictes et décentralisées peuvent réduire considérablement l’offre de logements et faire grimper les prix en cas d’accroissement de la demande (Bétin and Ziemann, 2019[12]; Cavalleri, Cournède and Özsöğüt, 2019[13]). Par ailleurs, l’augmentation des coûts de construction pèse aussi sur l’accessibilité financière des logements dans de nombreux pays, notamment en raison d’une réglementation de plus en plus stricte en matière d’efficacité énergétique et de durabilité environnementale. Dans la zone OCDE-UE, les coûts de construction d’immeubles d’habitation neufs ont augmenté de plus de 70 % entre 2000 et 2019, les coûts de main-d’œuvre à eux seuls ayant enregistré une hausse de plus de 110 % (Eurostat, 2020[14]). Depuis la fin des années 2000, les coûts de construction ne cessent d’augmenter, à un rythme plus modéré toutefois. Dans le cadre d’un effort national visant à diminuer les coûts de construction, l’Allemagne a par exemple mis en place une commission en charge de la baisse des coûts de construction, qui a formulé plus de 70 recommandations destinées à tous les échelons de l’administration et au secteur du BTP (OCDE, 2020[15]).

Les ménages évoluent, ce qui a des répercussions sur la demande de logements. Dans tous les pays de l’OCDE, les individus vivent plus longtemps, d’où une hausse de la part des ménages composés d’une seule personne âgée. Par ailleurs, le nombre de mariages diminue tandis que celui des divorces augmente. Ces tendances ont des implications multiples pour la demande de logements. Une population vieillissante et l’évolution vers des ménages de plus petite taille et plus nombreux accentuent les tensions sur les marchés du logement où l’offre n’est pas suffisamment souple pour s’adapter aux mutations de la demande. Les célibataires ou les ménages monoparentaux peuvent avoir de plus en plus de mal à trouver un logement abordable dans ce contexte. Le vieillissement de la population entraîne en outre une hausse de la demande de logements accessibles et proches des services essentiels.

L’urbanisation, qui devrait se poursuivre dans les décennies à venir, modifie l’intensité et la géographie de la demande de logements, en exerçant des pressions supplémentaires sur les marchés du logement urbains, déjà touchés par une pénurie de terrains et de logements. Comme indiqué au chapitre 1, les marchés du logement réagissent différemment à l’évolution de la demande, en fonction, dans une large mesure, de l’élasticité de l’offre de logements. Une offre de logements plus élastique permet un ajustement plus rapide aux mutations de la demande ; une élasticité élevée de l’offre est donc le signe d’une plus grande efficience économique et empêche une augmentation abusive des prix des logements.

Pour autant, même avant la crise du COVID-19, de nombreux ménages étaient déjà en situation de précarité en matière de logement. C’est particulièrement vrai pour les ménages situés dans le bas de la distribution des revenus. Depuis 1985, les revenus des ménages les plus aisés augmentent plus rapidement que ceux des autres populations (OCDE, 2019[16]). Par conséquent, face à l’augmentation des prix des logements, les familles modestes consacrent une part de plus en plus importante de leur budget au logement et peinent à mettre suffisamment d’argent de côté pour accéder à la propriété ou se constituer une épargne de précaution en cas de choc économique. Ces ménages sont donc souvent plus vulnérables en période de crise. Par exemple, en Angleterre (Royaume-Uni) avant la pandémie de COVID-19, le coût du logement était excessif pour un tiers des locataires à bas revenus qui vivaient dans un logement social, ce qui s’est traduit par 64 664 litiges pour arriérés de loyers portés devant le tribunal par les bailleurs sociaux rien qu’en 2019, et 50 845 procédures d’expulsion (OCDE, 2020[11]). Dans certains pays, il semble que la pandémie a aggravé l’instabilité subie par les ménages vulnérables en matière de logement, en particulier pour les locataires aux revenus modestes (Encadré 2.2).

Les pouvoirs publics pourraient mettre en œuvre plusieurs stratégies pour enrichir l’offre de logements abordables, mais ces actions devront être adaptées aux différents enjeux et cadres d’action au sein des pays et entre eux. Premièrement, les pouvoirs publics pourraient investir davantage dans le logement abordable et social. Deuxièmement, des mesures supplémentaires pourraient être prises afin de mieux cibler l’aide publique au logement. Troisièmement, dans de nombreux pays, il est possible de prendre des mesures pour améliorer l’accessibilité financière des logements locatifs privés.

Dans le sillage de la crise du COVID-19, l’investissement dans le logement abordable et social peut être une des clés de la solution, alors que les pays tracent la voie à suivre vers la reprise économique (encadré 2.3). L’Australie, le Canada et la France, entre autres, ont annoncé d’importants investissements dans le logement abordable depuis le début de la pandémie, notamment 6 milliards AUS (environ 4.6 milliards USD) pour le projet Big Housing Build dans l’État australien de Victoria ; 1 milliard CAD (environ 0.8 milliard USD) au titre de l’Initiative canadienne pour la création rapide de logements ; et un peu moins de 3 milliards EUR (environ 3.4 milliards USD) dans le cadre du plan de relance économique France Relance (OCDE, 2021). Dans le même temps, le secteur néerlandais du bâtiment - qui compte les 25 plus grandes associations professionnelles du secteur du logement - a signé en février 2021 un accord pour construire 1 million de logements d’ici 2030. Les investissements dans le logement social et abordable peuvent aussi entraîner d’autres retombées positives, notamment en contribuant à soutenir les emplois et les PME dans le secteur du bâtiment ; en renforçant la mobilité résidentielle (Causa and Pichelmann, 2020[20]) ; et en appuyant les efforts visant à prévenir et à réduire le nombre de sans-abri, en particulier par le biais du programme Un chez soi d’abord (« Housing First ») et d’approches intégrées de prestation de services (OCDE, 2020[6]). Dans le même temps, l’investissement massif dans la rénovation des logements sociaux, qui est un élément central du Pacte vert pour l’Europe, va stimuler la reprise économique, contribuer à la réalisation des objectifs de durabilité environnementale et améliorer le bien-être des résidents dans les pays de l’OCDE et de l’UE (OCDE, 2020[11]). Pour réaliser de tels investissements, les pays pourraient envisager de mettre en place des fonds autorenouvelables dans le cadre d’une stratégie de financement du logement à long terme, à l’instar de l’Autriche et du Danemark dont l’action passe à la fois par des prêts garantis par l’État et par des prêts aux conditions du marché (Encadré 2.4).

Les investissements dans le logement social et abordable devraient s’inscrire dans une démarche élargie visant à construire des quartiers inclusifs et mixtes d’un point de vue social, en évitant toute ségrégation sociale et économique. Cela signifie, d’une part, qu’il faut intégrer des logements sociaux et abordables dans les quartiers qui n’en ont jusqu’ici jamais proposés. Cela suppose aussi de coordonner les investissements dans les quartiers existants afin d’améliorer les infrastructures et les possibilités en termes d’éducation, de transports publics, de parcs, de culture et de loisirs (OCDE, 2020[21]). Le Chili, les États-Unis, la France et le Mexique ont lancé de vastes programmes de régénération urbaine, comme l’initiative chilienne de réhabilitation des quartiers (Recuperación de Barrios) ou, en France, le Nouveau Programme national de renouvellement urbain. Les enseignements tirés de l’expérience des pays de l’OCDE indiquent que la consultation des habitants doit faire partie intégrante du processus de régénération, de façon à mieux prendre en compte leurs points de vue et leurs besoins.

Aplanir les obstacles administratifs à la construction de logements abordables permet également d’étoffer l’offre. Selon les estimations de l’OCDE, une réforme de l’occupation des sols faciliterait la reprise de la construction de logements après la crise du COVID-19, permettrait de mieux faire correspondre l’offre et la demande en évolution constante, et rendrait les marchés du logement plus abordables et plus efficients (Cournède, De Pace and Ziemann, 2020[22]). Les stratégies seraient différentes selon les pays, en fonction des besoins spécifiques et des cadres institutionnels, de même que l’intensité des effets des différents scénarios de réforme varierait en fonction des plans d’urbanisme en vigueur, mais elles pourraient notamment viser à faciliter l’aménagement du territoire urbain et territorial, simplifier le processus de délivrance des permis d’aménager, favoriser la réhabilitation des friches industrielles et modifier les règles du zonage. Aux États-Unis, par exemple, la ville de Minneapolis (Minnesota) a modifié en 2019 les règles locales en la matière, notamment en mettant fin au zonage unifamilial pour autoriser la construction d’habitations à plus forte densité et améliorer ainsi l’accessibilité financière des logements.

Les pouvoirs publics ont à leur disposition un ensemble de mesures de soutien axées sur la demande (aides au logement, subventions pour faciliter l’accès à la propriété, par exemple) pour réduire le coût du logement pour les ménages, ainsi que des interventions axées sur l’offre (subventions et incitations à l’intention des promoteurs de logements, par exemple) pour stimuler la construction de logements abordables. La majorité des politiques du logement dans les pays de l’OCDE - et en particulier la fiscalité du logement (OCDE, à paraître[23]) – favorisent généralement l’accession à la propriété (Andrews and Caldera Sánchez, 2011[24]; Salvi del Pero et al., 2016[25]). Dans le même temps, les aides destinées aux locataires sur le marché locatif privé sont en moyenne plus fragmentées. De nombreux arguments plaident en faveur de mesures incitatives publiques pour faciliter l’accès à la propriété (par exemple, en termes d’accumulation de patrimoine, de résultats des enfants, de capital social et de mobilité sociale (voir (Andrews and Caldera Sánchez, 2011[24])). Toutefois, ces aides peuvent aussi ne pas atteindre les ménages qui en ont le plus besoin, comme les ménages jeunes et à faible revenu, entraver la mobilité et supplanter d’autres formes d’aide au logement (OCDE, 2020[1]).

Dans un contexte de ressources publiques limitées, les responsables de l’action publique pourraient réfléchir aux moyens de mieux orienter l’aide au logement vers les ménages qui en ont le plus besoin. Dans certains pays, une solution pourrait consister à supprimer progressivement les avantages fiscaux qui favorisent l’accès à la propriété aux niveaux élevés de revenu. Éliminer (ou plafonner) la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers ou réduire l’exonération des plus-values sur les logements occupés par leurs propriétaires peuvent contribuer à rendre la fiscalité du logement plus progressive (Causa, Woloszko and Leite, 2019[26]). Lorsque le parc de logements sociaux est limité, il peut être utile d’encourager les locataires dont la situation s’est améliorée à passer à d’autres formes d’occupation, faisant ainsi place à des ménages plus vulnérables sur le plan économique. Il existe différentes stratégies, notamment la mise en place d’enquêtes plus régulières sur les ressources pendant toute la durée de location d’un logement social, et pas seulement au moment de l’entrée dans les lieux. Outre les difficultés pratiques et politiques associées à la mise en œuvre de telles mesures, il convient d’évaluer avec soin les conséquences négatives d’une réduction de la mixité sociale dans les logements sociaux (y compris le risque d’accentuer la concentration spatiale des populations vulnérables) par rapport aux gains attendus (OCDE, 2020[11]).

Dans de nombreux pays, les pouvoirs publics pourraient faire davantage pour rendre le marché locatif privé plus abordable et atténuer les difficultés que rencontrent de nombreux ménages vulnérables et à faible revenu pour s’acquitter de loyers élevés et en hausse. Une stratégie consiste à trouver un meilleur équilibre entre propriétaires et locataires. Cela signifie garantir à la fois un investissement sûr aux propriétaires et aux investisseurs et un logement sûr et de qualité aux locataires. Dans le cas des marchés locatifs tendus, des mesures de stabilisation des loyers pourraient être un moyen de garantir une plus grande sécurité tant aux propriétaires qu’aux locataires (OCDE, 2020[1]). Contrairement aux mesures strictes de gel des loyers, qui plafonnent les loyers à un niveau inférieur au taux du marché, les mesures de stabilisation des loyers limitent les hausses de loyer durant le bail d’occupation (et parfois entre plusieurs locations). Il serait important de mettre en balance les avantages attendus de ces mesures - qui peuvent notamment être ressentis par les locataires existants à court et moyen terme - et les inconvénients possibles à plus long terme, notamment une baisse potentielle de l’offre de logements locatifs et des difficultés d’accès au logement pour d’éventuels futurs locataires. Néanmoins, des données préliminaires donnent à penser que les mesures temporaires de protection des locataires mises en place pendant la crise du COVID-19, comme les moratoires sur les expulsions, ont permis de réduire la propagation de la maladie et de maintenir les ménages vulnérables dans leur foyer (voir, par exemple (Jowers et al., 2021[19]) aux États-Unis). Lorsque les conditions le permettront, ces mesures devraient être progressivement supprimées pour limiter tout effet négatif à long terme (OCDE, 2020[27]). En attendant, il importera d’anticiper les stratégies d’accompagnement pour les ménages ayant accumulé d’importants arriérés de loyer pendant la période prolongée de la crise une fois les aides temporaires levées, afin d’éviter une vague d’expulsions et de saisies.

References

[24] Andrews, D. and A. Caldera Sánchez (2011), “The Evolution of Homeownership Rates in Selected OECD Countries: Demographic and Public Policy Influences”, OECD Journal: Economic Studies, Vol. 1, https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/eco_studies-2011-5kg0vswqpmg2.pdf?expires=1568809412&id=id&accname=ocid84004878&checksum=BD80B53B366EB54B6A4F571327AD1B20 (accessed on 18 September 2019).

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[13] Cavalleri, M., B. Cournède and E. Özsöğüt (2019), “How responsive are housing markets in the OECD? National level estimates”, Documents de travail du Département des Affaires économiques de l’OCDE, No. 1589, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/4777e29a-en.

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[2] OCDE (2019), Sous pression : la classe moyenne en perte de vitesse, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/2b47d7a4-fr.

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