3. Soutien des pouvoirs publics au secteur de la pêche

Le secteur de la pêche contribue de façon essentielle à la sécurité alimentaire mondiale et à l’économie maritime (voir le chapitre 1). Les mesures de soutien gouvernementales peuvent améliorer cette contribution lorsqu’elles aident à assurer la santé des stocks et des écosystèmes halieutiques, à accroître la productivité des stocks et à développer la résilience du secteur. Mais elles peuvent aussi entraîner des effets indésirables quand elles encouragent la surpêche, la pêche INN ou encore l’augmentation excessive de la capacité de pêche. Cela se produit plus souvent lorsque la gestion de la pêche ne limite pas les captures à des niveaux durables (OCDE, 2020[1] ; Martini et Innes, 2018[2]).

Lorsque le soutien public favorise une pêche non durable, il met finalement en péril les moyens de subsistance des pêcheurs en portant atteinte à la productivité, et à l’existence même, de la ressource dont ils dépendent, tout en risquant de les rendre plus tributaires des aides. Dans ce cas, le soutien ne conduit généralement pas à une hausse des revenus pour les pêcheurs, et il peut avoir des impacts négatifs involontaires sur la compétitivité des petits pêcheurs (Martini et Innes, 2018[2]).

En juin 2022, les Membres de l’OMC ont adopté un ensemble de disciplines qui interdisent certaines des formes de subventions les plus préjudiciables : celles qui favorisent la pêche INN, celles qui favorisent la pêche de stocks surexploités, et celles qui favorisent la pêche en haute mer non réglementée (voir le chapitre 1). Ils se sont également engagés à poursuivre les négociations afin de s’entendre sur des disciplines visant à éliminer les subventions qui encouragent la surcapacité et la surpêche. Les États ont maintenant la tâche difficile de mettre en œuvre l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche.

Les nombreux enjeux auxquels la pêche mondiale est confrontée aujourd'hui rendent plus que jamais nécessaires les réformes du soutien à la pêche afin de le mettre en accord avec les objectifs des pays pour leurs pêcheries : le secteur halieutique doit en effet s'adapter au changement climatique et à ses conséquences sur l’abondance et la migration des stocks de poisson tout en contribuant aux réductions des émissions mondiales, il doit également s’adapter à des prix de l’énergie en hausse et à des chaînes de valeur perturbées et, bien souvent, attirer une nouvelle génération de pêcheurs. Beaucoup d’autres secteurs font face à des difficultés semblables, ce qui soulève des questions budgétaires cruciales pour financer au mieux les changements requis d’une manière écologiquement durable et équitable.

Pour pouvoir élaborer des programmes concrets de réforme du soutien à la pêche, les pouvoirs publics et les parties prenantes du secteur halieutique ont d’abord besoin de disposer d’informations précises en la matière. Fournir des données sur le soutien public est un objectif de longue date du Comité des pêcheries de l’OCDE. L’une des pièces maîtresses de ce travail est la base de données de l’OCDE sur l’estimation du soutien à la pêche (FSE, de l’anglais Fisheries Support Estimate), qui décrit, mesure et classe les mesures de soutien à la pêche de manière homogène et transparente. Le présent chapitre s’ouvre sur une présentation des données les plus récentes sur le soutien des pouvoirs publics au secteur de la pêche dans 40 pays et économies qui représentent ensemble 90 % des débarquements mondiaux. Elle précise le niveau et la composition du soutien à la pêche et son évolution sur une dizaine d’années.

Pour repérer les éventuels besoins de réforme et définir les priorités d’action, les autorités gouvernementales doivent également comprendre les impacts des différentes mesures de soutien. Or, évaluer les conséquences de telle ou telle mesure est compliqué car cela demande d’analyser des informations et des données qui ne sont pas faciles à obtenir, sur les bénéficiaires des mesures et leur situation socioéconomique, sur la santé des stocks de poissons ciblés, et sur la manière dont ces stocks sont gérés.

Afin d’éclairer le travail de réforme, le présent chapitre met en évidence les éventuels risques que différentes mesures de soutien peuvent générer pour les ressources et les écosystèmes halieutiques en l’absence de gestion efficace, en examinant la manière dont différentes formes de soutien public créent des incitations différentes dans le secteur de la pêche et peuvent influer différemment sur les résultats socioéconomiques et la durabilité environnementale. Comme on l’a vu au chapitre 2, beaucoup de régions n'ont pas encore en place une gestion efficace de la pêche, et, dans toutes les régions, certaines pêcheries pourraient être mieux gérées. Ce cadre fondé sur les risques peut ainsi aider les pouvoirs publics à identifier les mesures susceptibles de présenter un risque d’encourager une pêche non durable, et à réfléchir aux moyens d'améliorer leur ciblage ou d’avoir recours à d’autres mesures de soutien lorsqu’ils ne peuvent pas garantir que tous les bénéficiaires de ces mesures exploitent des pêcheries gérées de façon durable.

Le présent chapitre est divisé en quatre grandes sections. La section 3.2 présente et analyse les niveaux et tendances actuels en matière de soutien public à la pêche, tels qu’ils apparaissent dans la base de données FSE récemment actualisée. La section 3.3 résume ce que l’on sait de l’impact potentiel du soutien à la pêche sur la santé des stocks de poissons, en classant les mesures de soutien d'après le risque qu’elles présentent d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace. La section examine également les données sur les mesures de soutien à la pêche répertoriées dans la base de données FSE, à la lumière de ce classement. La section 3.4 réfléchit à la manière de procéder pour éliminer en pratique le soutien public à la pêche INN. Pour finir, la section 3.5 explore les politiques de soutien non spécifiques à la pêche qui profitent au secteur halieutique, entre autres activités économiques.

La base de données FSE (encadré 3.1) a pour but de rendre compte de la valeur monétaire totale du soutien public au secteur halieutique en répertoriant toutes les mesures qui donnent lieu à un transfert entre les contribuables et les pêcheurs. Elle contient des informations sur les caractéristiques de ces mesures et sur le montant annuel qu’elles représentent pour le secteur, exprimé à la fois en USD et dans la monnaie nationale du pays concerné. Elle répartit les mesures de soutien en deux grandes catégories, elles-mêmes subdivisées en fonction de facteurs comprenant les critères de mise en œuvre et la finalité. Le soutien aux services fournis au secteur (SSS) comprend les dépenses publiques qui profitent à l’ensemble du secteur, ou à des segments entiers. Le soutien direct aux indépendants et aux entreprises du secteur de la pêche (DSI, de l’anglais direct support to individual an companies in the fisheries sector), à l’inverse, couvre toutes les dépenses qui visent des bénéficiaires à titre individuel. La base de données FSE recense en outre les paiements effectués par le secteur de la pêche (PMS, de l’anglais payments made by the sector), qui englobent les redevances versées par les usagers des services, par exemple pour l’accès aux ports ou la gestion portuaire, ainsi que les impôts et redevances dus sur l’utilisation des ressources et les bénéfices associés. Ces paiements réduisent la participation des contribuables au financement des mesures de soutien à la pêche et sont donc déduits du soutien total (SSS + DSI) pour le calcul du soutien total net (SSS + DSI – PMS).

Le présent chapitre couvre la période 2012-20 et les données sont exprimées en USD. Afin d'éviter que des fluctuations de courte durée ne faussent les résultats, on utilise des moyennes mobiles sur trois ans pour les données, et les périodes 2012-14, 2015-17 et 2018-20 sont prises comme périodes de référence lorsque le niveau de détail est trop élevé pour que l’on puisse présenter ou étudier toute la série chronologique.

La présente section examine tout d’abord les tendances du soutien total (et du soutien net) afin d’apporter quelques éléments de contexte sur les niveaux et tendances d’ensemble de l’intervention publique dans le secteur de la pêche (section 3.2.1). Il convient toutefois de noter que les montants totaux figurant dans la base de données FSE englobent des aides très diverses sur le plan de leur nature et de leurs effets socioéconomiques et environnementaux potentiels (comme cela est expliqué à la section 3.3). Ainsi, lorsque l’on compare des niveaux de soutien, il est utile de faire la distinction entre les types de mesures pris en compte. Il est également important de contextualiser les niveaux de soutien en les rapportant à la valeur des débarquements, à la taille de la flotte ou à l’emploi, ces niveaux étant alors exprimés, respectivement, par USD, par tonne brute ou par pêcheur. Les niveaux et tendances pour chaque sous-catégorie de soutien sont examinés en détail aux sections 3.2.2 pour le SSS et 3.2.3 pour le DSI.

Sur la période 2018-20, le soutien total à la pêche pour les 40 pays et économies ayant communiqué des chiffres à la base de données FSE s’est élevé à 10.4 milliards USD en moyenne annuelle brute (Graphique 1.1). Ce montant a diminué de 23 % depuis 2012-14 (où il atteignait 13.4 milliards USD) mais a légèrement progressé ces dernières années (après être descendu à 9.1 milliards USD en 2016-18). Le soutien total représentait 10.7 % de la valeur des débarquements en 2018-20, en baisse de 3.2 points de pourcentage par rapport aux 13.9 % de 2012-141. Cela équivalait à un montant moyen de 421 USD de soutien par pêcheur en 2018-20, en recul par rapport aux 518 USD de 2012-14 (Tableau 1.1).

Si l’on tient compte des PMS, le soutien total net s’élevait à 10.1 milliards USD en 2018-20. Le soutien total net a également diminué, de 23 % depuis 2012-14 (où elle atteignait 13.1 milliards USD) mais il a progressé de 15 % ces dernières années (après être descendu à 8.8 milliards USD en 2016-18).

Les pays de l’OCDE communiquant leurs chiffres de soutien dans la base de données FSE ont dépensé chaque année 5.11 milliards USD de soutien total en moyenne en 2018-20 (soutien total net égal à 4.87 milliards USD), soit une hausse négligeable par rapport aux 5.08 milliards USD déclarés pour 2012-14 (soutien total net égal à 4.86 milliards USD) (Graphique 1.1). Le soutien total en pourcentage de la valeur des débarquements s’élevait à 14.0 % en 2018-20, en hausse de plus de 1 point de pourcentage par rapport aux 12.7 % de 2012-14, principalement du fait de la diminution de la valeur des débarquements (de 8.7 %) entre la période de référence et la période la plus récente. Dans l'intervalle, le soutien totale et le soutien total net ont reculé toutes les deux jusqu’en 2015-17 (pour atteindre respectivement 4.5 milliards USD et 4.3 milliards USD) avant de repartir à la hausse. Dans les pays de l’OCDE, le soutien total s’élevait à 5 163 USD par pêcheur en 2018-20, en hausse par rapport aux 4 760 USD par pêcheur en 2012-14 (Tableau 3.1).

Les économies émergentes non membres de l’OCDE qui communiquent des chiffres à la base de données FSE ont dépensé ensemble chaque année 4 milliards USD de soutien en moyenne en 2018-20 (pour un soutien total net de 5.3 milliards USD) (Graphique 3.1). Il s'agit d’une diminution de près de 40 % par rapport aux 8.3 milliards USD comptabilisés pour le même groupe de pays en 2012-14 (et un soutien total net de 8.3 milliards USD). Le peu d’écart entre le soutien total et le soutien total net dans ces économies s’explique par leurs faibles niveaux de PMS. Dans les économies émergentes pour lesquelles on connaît aussi la valeur des débarquements, le soutien total s'élevait en moyenne à 8.2 % de la valeur moyenne des débarquements en 2018-20, soit une baisse importante par rapport aux 15.0 % enregistrés en 2012-142. Ce recul traduit à la fois la diminution du soutien total et l’augmentation de 18.7 % de la valeur des débarquements. Dans les économies émergentes, le soutien total s’établissait à 222 USD par pêcheur en 2018-20, un chiffre en assez forte baisse par rapport aux 335 USD par pêcheur de 2012-14 (Tableau 3.1).

Six pays, ou groupes de pays, représentaient 86 % du soutien total comptabilisé dans la base de données FSE en 2018-20 (Chine – 38 %, Japon – 13 %, États-Unis – 10 %, Canada – 8 % et Brésil – 6 %), tandis que les États membres de l’UE représentaient ensemble un peu moins de 9 %3. La part de la Chine a diminué puisqu’elle s'établissait à un peu moins de la moitié du soutien répertorié en 2012-14. L’Inde, la Norvège et la Pologne représentaient chacune entre 2 % et 3 % du soutien total communiqué, tandis que la Corée, le Danemark, l’Italie et la Suède en représentaient chacun entre 1 % et 2 %. Les autres pays et économies présents dans la base de données pesaient chacun pour moins de 1 % du soutien répertorié dans la base de données FSE.

Les montants du soutien et leur évolution varient beaucoup d’un pays à l’autre, mais une tendance relativement claire ressort : d’une manière générale, les pays où l’on trouve les plus forts niveaux de soutien à la pêche sont aussi ceux qui affichent certains des plus grands secteurs halieutiques par la taille4. Les six pays en tête de classement dans la base données FSE font aussi partie des sept premiers pays et économies de la base de données en termes de volume de captures, de capacité de pêche, et d’emploi. Si l’on rapporte le soutien aux différentes mesures de la taille du secteur, les pays ou économies arrivant en tête en 2018-20 ne sont pas les mêmes (tableau d’annexe 3.A.1). En pourcentage de la valeur des débarquements, le soutien était le plus élevé en Pologne, suivie de la Slovénie et de la Suède. S'agissant du soutien par pêcheur, la première place revient à la Suède, suivie du Danemark et de la Pologne, tandis que les niveaux de soutien par tonne brute de capacité de pêche étaient les plus élevés en Pologne, puis en Suède et au Brésil.

Avant d’entamer une analyse détaillée des niveaux et des tendances dans les sous-catégories de soutien, nous proposons un tour d’horizon de l’évolution de la composition du soutien à la pêche durant les périodes de référence dans l’ensemble des pays et des économies (Graphique 1.2) ainsi que de la composition actuelle de ce soutien dans le groupe des pays de l’OCDE et dans celui des économies émergentes (Graphique 1.3), puis dans chaque pays (Graphique 1.4).

On peut remarquer tout d'abord que le soutien aux carburants ne domine plus les différentes formes de soutien, puisqu’il a été dépassé par les dépenses de GSCS, en hausse. Les dépenses de soutien aux carburants ont en effet diminué dans les économies émergentes, tandis que les dépenses de GSCS ont augmenté dans les pays de l’OCDE. Toutefois, comme indiqué plus loin, le soutien aux carburants a progressé en valeur absolue dans les pays de l’OCDE ces dernières années, et il continue de dominer dans les économies émergentes (Graphique 1.3). Il est également important de noter que la pêche bénéficie en général d'autres types de soutien énergétique, non comptabilisés dans la base de données FSE car fournis via des mesures non spécifiques à la pêche, c’est-à-dire qui profitent à un ensemble de secteurs économiques en plus de la pêche, comme l’exploitation forestière, les transports maritimes et les usages non routiers (section 3.5).

En moyenne, la composition du soutien est assez différente entre le groupe des pays de l’OCDE et celui des économies émergentes étudiées (Graphique 1.3). Dans l’OCDE, en moyenne, 42 % du soutien correspond à des activités de GSCS ; viennent ensuite les dépenses d’infrastructures (19 %), le soutien aux revenus (12 %) et le soutien aux carburants (8 %). L'importance relative de ces quatre types de soutien était inversée dans les économies émergentes où, en moyenne, le soutien aux carburants représentait 33 % du soutien total, suivi du soutien aux revenus (15 %), des dépenses d’infrastructures (5 %) et des activités GSCS (4 %). Au sein de ces deux groupes cependant, la répartition est aussi assez variable d’un pays à l’autre (Graphique 1.4).

On peut noter enfin que les volumes du soutien en Chine, bien qu’ayant diminué en valeur absolue, continuent d’influer sur les niveaux et les tendances du soutien total (et sur les niveaux et tendances moyens du groupe des économies émergentes).

En 2018-20, en moyenne, le soutien aux services au secteur de la pêche (SSS) s’établissait à 4.6 milliards USD par an pour l’ensemble des pays et des économies (pour un coût net de 4.34 milliards USD après déduction des PMS). Le SSS s’élevait au total à 3.9 milliards USD par an (coût net de 3.7 milliards USD) pour les pays de l’OCDE, et à 0.68 milliard USD par an (coût net de 0.67 milliard USD) dans les économies émergentes (Tableau 1.2).

Le SSS net (c’est-à-dire le SSS moins les PMS) est demeuré élevé en pourcentage du soutien net total dans les pays de l’OCDE en 2018-20 (à 75 %, en baisse par rapport aux 76 % en 2012-14, mais encore plus par rapport aux 80 % de 2015-17). Ces fluctuations sont surtout dues aux changements intervenus dans les niveaux du DSI davantage qu’aux variations du SSS. L’évolution du SSS net (hausse puis diminution) pour l’ensemble des pays et des économies inclus dans la base de données FSE s’explique principalement par celle observée dans les économies émergentes, où le SSS net a augmenté pour atteindre 1.20 milliard USD en 2015-17 avant de fléchir à 0.67 milliard USD en 2018-20, c’est-à-dire plus bas que pendant la période de référence5.

Les changements observés dans le SSS (et le SSS net) dans les économies émergentes sont dus en grande partie à l’évolution des politiques de soutien en Chine, où les dépenses de SSS communiquées ont augmenté, passant de 0.35 milliard USD à 0.78 milliard USD entre 2012-14 et 2015-17, avant de redescendre à 0.30 milliard USD en 2018-20. Les dépenses de SSS ont en réalité progressé dans plus de la moitié des économies émergentes entre 2012-14 et 2018-20 mais, du fait des volumes de soutien en jeu en Chine, même des changements relativement minimes de leur valeur ont tendance à avoir une influence dominante sur l’évolution des agrégats dont ils font partie. Moins de la moitié des économies émergentes de la base de données FSE communiquent des chiffres de PMS. Ces paiements sont pourtant élevés en Argentine, où ils compensent 41 % des dépenses de SSS.

Examiner le soutien sous l’angle de son intensité apporte des informations utiles. Cette intensité peut être calculée par rapport à différentes mesures de la taille du secteur, comme la valeur des débarquements ou la capacité6. Le SSS net rapporté à la valeur des débarquements en 2018-20 était le plus élevé dans les pays de l’OCDE (où le SSS équivalait à 10 % de la valeur des débarquements), et dix fois moindre dans le groupe des économies émergentes (où il ne dépassait pas 0.8 %). En moyenne, dans l’ensemble des pays et des économies, le SSS net rapporté à la valeur des débarquements était de 4.7 % en 2018-20. Le schéma de hausse suivie d’une baisse dû à l’évolution du SSS en Chine, ainsi que l’augmentation continue de la valeur des débarquements pour le groupe des économies émergentes, s’observent tant dans ce groupe que pour l’ensemble des pays et économies (Graphique 1.5, diagramme du haut)7. L’intensité du SSS net rapporté à la valeur des débarquements est systématiquement supérieure dans les pays de l’OCDE et atteint actuellement son niveau le plus haut en raison d’une hausse du SSS net et d'une baisse simultanée de la valeur des débarquements8.

Compte tenu des niveaux de SSS généralement plus élevés et des flottes relativement plus petites dans les pays de l’OCDE, les dépenses consacrées aux services au secteur par tonne brute de capacité de pêche sont systématiquement supérieures, de beaucoup, à celles observées dans les économies émergentes. Alors que l’ensemble des pays et économies a dépensé chaque année en moyenne 200 USD/tonne brute de SSS net en 2018-20, ce montant atteignait 614 USD/tonne brute pour le groupe des pays de l’OCDE9. Il ne dépassait pas 33 USD/tonne brute dans les économies émergentes (Graphique 1.5, diagramme du bas)10.

Dans l’ensemble des pays et économies étudiés, les dépenses de GSCS se sont établies à 2.4 milliards USD par an au total en 2018-20. Elles sont donc restées relativement stables, ne diminuant que peu par rapport à 2012-14 (2.5 milliards USD). Elles sont principalement, et de plus en plus, le fait des pays de l’OCDE, qui pesaient pour 90 % dans le total des dépenses de GSCS répertoriées dans la base de données FSE (en hausse par rapport aux 82 % de 2012-14). Durant toutes les périodes étudiées, ces dépenses ont constitué la première forme de soutien comptabilisée pour le groupe des pays de l’OCDE, plus de deux fois plus importante que la forme de soutien arrivant à la seconde place (le soutien aux infrastructures). Les dépenses de GSCS de l’ensemble des pays de l’OCDE ont augmenté entre 2012-14 et 2018-20 pour passer de 2.03 milliards USD à 2.14 milliards USD, ayant progressé dans les deux tiers des pays de ce groupe. Les hausses proportionnellement les plus fortes ont été observées en Italie, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne et au Costa Rica, où les dépenses de GSCS ont au moins doublé entre 2012-14 et 2018-20. Tous ces pays partaient toutefois d'assez bas (en Italie par exemple, les dépenses de GSCS sont passées de 1 million USD à 25 millions USD). Certains pays ont également fait état de baisses importantes des dépenses de GSCS : l’Australie (-68 %), les Pays-Bas (-65 %) et le Mexique (-49 %), tandis que l’Irlande, le Japon, la Norvège et la Türkiye ont tous indiqué des réductions d’environ 30 %. En moyenne, les dépenses de GSCS ont représenté 41.9 % du soutien total dans les pays de l’OCDE en 2018-20.

À titre de comparaison, ces dépenses étaient relativement faibles en valeur absolue dans le groupe des économies émergentes en 2018-20 (0.23 milliard USD) et ont été divisées pratiquement par deux par rapport à la période de référence (0.44 milliard USD en 2012-14). Cette évolution est due principalement à une chute des dépenses de GSCS de 53 % en Chine et de 98 % au Brésil. Le soutien aux activités de GSCS en pourcentage du soutien total a légèrement fléchi pour passer à 5.9 % en 2018-20, contre 5.4 % en 2012-14, dans un contexte de baisse du soutien total dans les économies émergentes11.

Les écarts dans les dépenses de GSCS sont encore plus visibles lorsqu’elles sont rapportées à la taille de la flotte (Graphique 3.7) – dans la mesure où les tonnages bruts des flottes des économies émergentes sont plus du double de ceux des pays de l’OCDE. En 2018-20, les pays de l’OCDE ont dépensé 297 USD/tonne brute en GSCS, contre 15 USD/tonne brute pour les économies émergentes. Les dépenses ont légèrement augmenté par rapport à 2012-14 dans le groupe des pays de l’OCDE (où elles s'élevaient à 281 USD/tonne brute) mais elles ont été divisées par plus de deux dans les économies émergentes (où elles atteignaient 35 USD/tonne brute).

La contribution proportionnellement faible des dépenses de GSCS au soutien total dans les économies émergentes traduit non seulement des niveaux de soutien aux activités de GSCS relativement bas, mais aussi peut-être, au moins en partie, des problèmes de déclaration de données. Bien que les écarts observés entre les pays et entre les groupes de pays dans les dépenses de GSCS (à la fois en valeur absolue et en pourcentage) soient influencés par des différences d’objectifs de la politique publique et de contexte local, il peut être difficile dans certains cas de répertorier précisément les niveaux de soutien fournis aux activités de GSCS car la mise en œuvre de ces dernières fait parfois intervenir plusieurs organismes. Il peut aussi arriver que certaines composantes de GSCS ne soient pas intégrées dans la base de données FSE car elles sont financées directement par le secteur (encadré 3.2).

Un autre facteur à prendre en compte pour interpréter le soutien aux activités de GSCS est le fait que, même si ces activités sont nécessaires pour atteindre les objectifs de durabilité, il faut, pour pouvoir juger si les niveaux de soutien observés sont optimaux – ou même suffisants –, contextualiser les données et disposer d'informations supplémentaires, comme l’état des stocks associés aux pêcheries bénéficiaires du soutien. Malgré cela, les faibles niveaux absolus et relatifs du soutien aux activités de GSCS dans certains cas peuvent mériter que l’on analyse plus avant leurs causes profondes.

Le soutien aux infrastructures, qui comprend les financements utilisés pour construire ou permettre l’accès à des installations telles que des ports s’élevait à 1.25 milliard USD en 2018-20 pour l’ensemble des pays et économies. Cette forme de soutien était principalement présente dans les pays de l’OCDE : 0.97 milliard USD, contre 0.27 milliard USD pour les économies émergentes. Rapportées à la taille de la flotte, les dépenses d’infrastructures étaient beaucoup plus élevées en 2018-20 dans le groupe des pays de l’OCDE (213 USD/tonne brute) que dans les économies émergentes (13 USD/tonne brute) (Graphique 1.8).

Pour l’ensemble des pays et des économies, entre 2012-14 et 2018-20, le soutien aux infrastructures a augmenté en valeur absolue (passant de 1.08 milliard USD à 1.25 milliard USD), en importance relative (passant de 24.1 % à 26.8 % du SSS) et par tonne brute de capacité de pêche (passant de 66 USD/tonne brute à 70 USD/tonne brute), illustrant des hausses absolues tant dans le groupe des pays de l’OCDE que dans celui des économies émergentes.

Toutefois, les tendances sont beaucoup plus variées si l’on regarde les pays individuellement. Le soutien en faveur des infrastructures a chuté dans près des trois quarts des pays de l’OCDE, en particulier en Pologne (où il est passé de 38 millions USD à 2 millions USD), mais les hausses plus importantes enregistrées au Japon (où il est passé de 688 millions USD à 769 millions USD) et au Canada (passé de 98 millions USD à 142 millions USD) entre les deux périodes ont plus que compensé les baisses. Les dépenses de soutien aux infrastructures ont également fortement reculé au Brésil (passées de 78 millions USD à 5 millions USD) et au Viet Nam (passées de 29 millions USD à 7 millions USD), mais elles ont augmenté dans la plupart des autres économies émergentes, plus particulièrement en Chine (où elles sont passées de 33 millions USD à 128 millions USD).

En 2018-20, le soutien à la R-D s’est établi en moyenne à 0.49 milliard USD par an dans l’ensemble des pays et économies, soit 12 % du SSS, et a peu évolué que ce soit en valeur absolue ou en pourcentage depuis 2012-14 (0.51 milliard USD, 11 % du SSS). L’essentiel du soutien à la R-D répertorié concerne les pays de l’OCDE, où il s'établissait à 0.45 milliard USD en 2018-20 et 12 % du SSS. En valeur absolue, les dépenses sont moins élevées dans le groupe des économies émergentes (0.04 milliard USD en 2018-20), et représentent aussi une part plus faible du SSS (6 %). Le niveau de ces dépenses a peu évolué dans l’OCDE. Elles ont légèrement progressé dans les économies émergentes entre 2012-14 et 2015-17, avant de redescendre un peu en dessous de leur niveau de départ en 2018-20.

Au niveau des pays, plusieurs États membres de l’OCDE (notamment l’Islande, l’Australie et la Nouvelle-Zélande), ainsi que l’Argentine et la Malaisie, ont indiqué des pourcentages relativement élevés et stables de SSS allant à la R-D.

Rapporté à la taille de la flotte, le soutien à la R-D présente des profils similaires à celui du soutien aux infrastructures : des dépenses par tonne brute infiniment plus élevées dans les pays de l’OCDE en 2018-20 (83 USD/tonne brute) que dans les économies émergentes (1 USD/tonne brute), et une hausse des dépenses dans les pays de l’OCDE (qui étaient de 79 USD/tonne brute en 2012-14) mais une baisse dans les économies émergentes (où elles s’élevaient à 2 USD/tonne brute en 2012-14) (Graphique 1.9).

Le soutien aux communautés de pêcheurs s’élevait en moyenne à 124.3 millions USD par an en 2018-20 pour l’ensemble des pays et économies de la base de données FSE. Le niveau de ce soutien a fluctué depuis 2012-14, période où il s’établissait à 151.9 millions USD par an. Les pays de l’OCDE sont pratiquement les seuls à communiquer des chiffres sur ce soutien : 112.8 millions USD par an en 2018-20, en baisse de 24 % par rapport à 2012-14 (où il s'élevait à 148.8 millions USD par an). Son importance relative sur le plan de sa contribution aux dépenses de SSS était faible tant pour les pays de l’OCDE (3 % du SSS) que pour les économies émergentes (moins de 2 % du SSS) en 2018-20. Si l'on regarde les pays individuellement, l’importance relative du soutien aux communautés de pêche est également faible dans la plupart des cas, avec toutefois quelques exceptions notables où leur part dans le soutien total s’est révélée élevée en 2018-20 : en Estonie (47 %), en Colombie (44 %), en Slovénie (29 %) et en Espagne (24 %).

Actuellement, la base de données FSE ne comptabilise des paiements versés en vue d’accéder aux eaux d'autres pays que pour l’Union européenne (UE) (considérée comme une seule entité) et pour la Chine. S'agissant de l’Union européenne, ces paiements s’élevaient en moyenne à 152 millions USD par an en 2018-20, en légère baisse par rapport aux 157 millions USD communiqués en 2012-1412. Ces paiements comprennent, d’une part, une compensation financière pour l’accès aux ressources de la zone économique exclusive (ZEE) de pays tiers (qui représentait environ les trois quarts des paiements en moyenne), et, d'autre part, une contribution financière destinée à promouvoir la gestion durable des pêches dans ces pays, par exemple grâce au renforcement des capacités de contrôle et de surveillance, et au soutien aux communautés locales de pêcheurs. En pourcentage du soutien total de l’UE, les paiements en vue d'accéder aux eaux d’autres pays ont augmenté, passant de 14 % en 2012-14 à 17 % en 2018-20. La Chine n’a transmis des données sur ces paiements que pour la période la plus récente (2018-20), où ils s’établissaient en moyenne à 30.5 millions USD par an. Ces paiements représentaient moins de 1 % du soutien total de la Chine en 2018-20.

On sait que des paiements versés en vue d’accéder aux eaux d'autres pays existent dans d'autres pays, d'où la nécessité d'une plus grande transparence sur les paiements versés à ce titre. Il n’est possible de fournir des conseils avisés en matière d’action publique, fondés sur des données probantes, qu’à condition de disposer d'informations complètes et exactes. Le fait d’avoir des séries chronologiques non exhaustives empêche d’avoir une vision exacte du soutien public à la pêche et peut en donner une image déformée.

Le DSI s’élevait en moyenne à 5.8 milliards USD par an durant la période 2018-20 pour l’ensemble des pays et économies (Graphique 1.10, diagramme du haut), en baisse de 33 % par rapport à 2012-14 (8.6 milliards USD). Ce chiffre équivalait à 5.7 % de la valeur des débarquements en 2018-20, en recul par rapport aux 8.6 % de 2012-14 (Graphique 1.10, diagramme du bas, voir aussi le Tableau 1.3).

L’essentiel du soutien direct est fourni par les économies émergentes (79 % du DSI total comptabilisé dans la base de données FSE en 2018-20), contrairement à ce que l’on observe pour le SSS, où les pays de l’OCDE affichent les niveaux de dépenses les plus élevés. La baisse globale du DSI s’explique par une diminution importante de cette forme de soutien dans les économies émergentes.

S'agissant des pays de l’OCDE, le DSI s’élevait au total à 1.22 milliard USD par an en 2018-20, en hausse par rapport aux 0.88 milliard USD répertoriés en 2015-17, après une baisse par rapport aux 1.16 milliard USD en 2012-14 (Graphique 3.10, diagramme du haut). Compte tenu de la légère progression du DSI et de la baisse de la valeur des débarquements qui se poursuit, le soutien direct dans les pays de l’OCDE s’établissait à 3,3 % de la valeur des débarquements en 2018-20, un pourcentage en hausse par rapport aux 2.9 % de 2012-14 mais qui reste inférieur à moins de la moitié du niveau observé dans les économies émergentes.

L’augmentation du DSI rapporté à la valeur des débarquements se constate aussi au niveau des pays, où il a progressé dans un peu plus de la moitié des pays de l’OCDE pendant la période étudiée. Le soutien direct rapporté à la valeur des débarquements s’est aussi révélé élevé dans quelques pays en 2018-20 (par exemple, 459 % en Pologne, 30 % en Suède et 24 % en Slovénie).

Le DSI des économies émergentes s’élevait à 4.6 milliards USD par an en 2018-20, en baisse de 38 % par rapport aux 7.4 milliards USD communiqués pour 2012-14. Ce chiffre équivaut à 7.4 % de la valeur des débarquements en 2018-20, ce qui est très inférieur aux 14.0 % de 2012-14 et s’explique par une diminution des dépenses de DSI et une hausse de 19 % de la valeur des débarquements. Là aussi, quelques pays exercent une forte influence : en Chine, le DSI représentait un peu plus de 11 % de la valeur des débarquements en 2018-20, contre autour de 1 % ou moins dans le reste des économies émergentes pour lesquelles la valeur des débarquements était connue.

En valeur absolue, les dépenses de DSI ont chuté dans la plupart des économies émergentes, en particulier en Chine, au Brésil, en Malaisie et en Indonésie, mais elles ont progressé en Inde (où le soutien aux carburants et le soutien au revenu ont tous les deux augmenté). La principale cause du recul plus général du DSI dans les économies émergentes et dans l’OCDE est la baisse du soutien aux carburants. Sur les cinq économies émergentes ayant communiqué un soutien aux carburants (Brésil, Chine, Inde, Malaisie et Taipei chinois), ce type de soutien a fléchi d'au moins 70 % au Brésil, en Chine et en Malaisie (et il représentait en 2018-20 moins de 25 % du DSI dans toutes ces économies à l’exception de la Chine, où il s’établissait à 45 %). En Inde, le soutien aux carburants représentait 42 % du DSI en 2018-20. En Malaisie, le soutien aux carburants a été remplacé par un soutien au revenu qui est devenu la principale forme de DSI, tandis qu’au Brésil, le soutien au revenu représente plus de 99 % du DSI. En valeur absolue, l’évolution de la politique chinoise, dans le sens d’un moindre recours au soutien aux carburants, domine tant les niveaux que les tendances dans les économies émergentes. Le soutien aux carburants en Chine pesait pour 74 % dans le DSI du groupe des économies émergentes en 2012-14, un chiffre descendu à 36 % en 2018-20 avec le recul du soutien aux carburants (passé de 5.5 milliards USD à 1.6 milliard USD). Les autres types de soutien direct ont fortement augmenté pendant la même période en Chine (passant de 158 510 USD à 799 442 051 USD), mais cette hausse a été plus faible que la baisse du soutien aux carburants, et le DSI de la Chine a donc reculé de 37 %.

Le DSI prend souvent la forme de mesures visant à favoriser (augmenter) la rentabilité des entreprises de pêche, dans le but général de maintenir ou d’accroître directement les revenus des pêcheurs (et ce faisant, de contribuer indirectement au secteur et aux communautés associés). Dans l’ensemble des pays et économies étudiés ici, l’intensité du DSI s’élevait à 235 USD par pêcheur en 2018-20 – en baisse par rapport aux 333 USD par pêcheur de 2012-14, les dépenses de DSI en valeur absolue ayant reculé proportionnellement beaucoup plus que l’emploi pendant cette période.

Dans l’OCDE, le soutien par pêcheur atteignait 1 228 USD en 2018-20, en hausse par rapport aux 1 089 USD de 2012-14 (après une chute à 868 USD en 2015-17 (Tableau 3.3). En raison des niveaux relativement faibles d’emploi dans l’OCDE, le niveau moyen du soutien par pêcheur y est près de dix fois plus élevé que dans les économies émergentes (le nombre de travailleurs de la pêche dans l’OCDE ne représentait qu’environ 5 % de l’emploi total dans la pêche pour l’ensemble des pays et économies étudiés en 2018-20)13. Dans les économies émergentes, le DSI par pêcheur était de 194 USD en 2018-20, en baisse par rapport aux 301 USD de 2012-14.

Si l’on regarde les pays individuellement, l’intensité du soutien était beaucoup plus élevée que la moyenne dans certains pays de l’OCDE, le Danemark, la Pologne et la Suède se démarquant avec un DSI supérieur ou égal à 23 000 USD par pêcheur en 2018-20. Le DSI dans les pays de l’UE étudiés était en moyenne près du triple de la moyenne de l’OCDE pendant la même période (3 338 USD par pêcheur).

Le DSI regroupe différents types de mesures. Par exemple, les dispositifs de soutien aux carburants ou à l’utilisation d’autres intrants variables (comme les paiements destinés à réduire le coût de la glace ou des appâts) ou d’intrants fixes (notamment les paiements pour la construction et la modernisation de navires, ou pour l’achat d’engins) visent à augmenter les bénéfices en abaissant directement le coût des intrants. Le soutien aux programmes de sortie de flotte et les paiements pour retraite anticipée ont pour but de réduire la capacité de pêche en versant des indemnisations. D'autres mesures, comme le soutien au revenu ou les régimes spéciaux d'assurance, qui visent en général à apporter un filet de sécurité financière, sont partiellement découplées des activités halieutiques.

Dans l’ensemble des pays et économies, le soutien destiné à réduire le coût des intrants s’élevait au total à 3.1 milliards USD en 2018-20, soit 54 % du DSI déclaré (Graphique 1.11) et 30 % du soutien total. Le soutien total aux intrants communiqué ainsi que sa part dans le DSI ont tous les deux reculé pendant la période étudiée (ils s’établissaient à 6.8 milliards USD et à 80 % du DSI en 2012-14), mais les mesures de ce type représentent encore le plus grand domaine de dépenses à l’intérieur du DSI.

Dans l’OCDE, les mesures abaissant le coût des intrants étaient également la principale forme de DSI encore récemment, mais, sur la période 2018-20, les paiements partiellement découplés, plus précisément le soutien au revenu, ont dépassé le soutien aux intrants (respectivement 53 % du DSI, soit 0.64 milliard USD, pour les premiers, et 38 % du DSI, soit 0.46 milliard USD, pour le second).

Les mesures réduisant le coût des intrants restent la principale source de DSI dans les économies émergentes mais ce soutien a fortement diminué, tant en valeur absolue qu’en pourcentage du DSI. La diminution des dépenses de financement de ces mesures représente l'évolution la plus importante en valeur absolue enregistrée dans toutes les catégories de soutien de la base de données FSE puisqu’elles ont chuté de près des deux tiers entre 2012-14 et 2018-20, passant de 6.3 milliards USD (85 % du DSI) à 2.7 milliards USD (58 % du DSI) (Graphique 3.11). Elle traduit une baisse générale du recours à ces formes de soutien public dans les économies émergentes (Brésil, Chine, Indonésie, Malaisie et Taipei chinois) et, plus précisément, une tendance à réduire les dépenses consacrées au soutien aux carburants (dans toutes les économies émergentes hormis l’Inde).

Bien que, dans l’ensemble des économies émergentes, la tendance soit au recul du soutien aux intrants, en particulier aux carburants, les mesures de soutien appliquées en Chine représentent de tels volumes qu’elles ont en général une influence prédominante à la fois sur les niveaux et sur les évolutions de tout agrégat dont elles font partie. En guise d’illustration, le soutien aux intrants en Chine représentait en 2018-20 96 % du soutien aux intrants dans le groupe des économies émergentes, et le soutien aux carburants en Chine comptait à lui seul pour 52 % dans la valeur des mesures réduisant le coût des intrants dans l’ensemble des pays et des économies de la base de données FSE (en baisse par rapport aux 80 % de 2012-14).

L’intensité des dépenses de soutien aux intrants est beaucoup plus élevée dans les pays de l’OCDE (465 USD par pêcheur) que dans les économies émergentes (113 USD par pêcheur). Encore une fois, ces chiffres soulignent les niveaux d’emploi habituellement très inférieurs pour le secteur de la pêche dans les pays de l’OCDE.

Dans l’ensemble des pays et des économies, les mesures réduisant le coût des carburants constituaient la composante la plus importante du DSI en 2018-20 (37 % du DSI, 2.1 milliards USD). Elles représentaient 21 % du soutien net total dans ce groupe, arrivant à la deuxième place en volume après le dépenses de GSCS (2.4 milliards USD en 2018-20). En outre, dans beaucoup de pays, la pêche bénéficie de dispositifs de soutien aux carburants qui profitent aussi à d'autres secteurs (comme l’agriculture, l’exploitation forestière, ou les transports maritimes et la navigation). Ces dispositifs, qui ne sont pas spécifiques à la pêche, ne sont en général pas communiqués à la base de données FSE (voir à la section 3.5 l’étude exploratoire sur le soutien non spécifique à la pêche).

Dans l’OCDE, le soutien aux carburants a baissé en 2018-20 (0.40 milliard USD) par rapport à 2012-20 (0.44 milliard USD) mais il a augmenté de 0.03 milliard USD entre les deux dernières périodes (entre 2015-17 et 2018-20). En 2018-20, le soutien aux carburants n’était plus la forme déclarée de DSI la plus importante dans ce groupe de pays, où elle était dépassée par le soutien au revenu (0.64 milliard USD). Il représentait 33 % du DSI de l’OCDE et 8 % du soutien net total.

L'augmentation récente du soutien aux carburants dans l’OCDE s’explique par les hausses intervenues dans les pays de l’UE (où il est passé de 0.21 milliard USD en 2015-17 à 0.26 milliard USD en 2018-20), qui ont plus que compensé les baisses observées ailleurs dans l’OCDE (par exemple au Mexique et en Türkiye). L’importance relative du soutien aux carburants a progressé dans l’UE, tant en pourcentage du DSI (passé de 49 % en 2012-14 à 67 % en 2018-20) qu’en pourcentage du soutien net total (passé de 21 % en 2012-14 à 30 % en 2018-20).

Dans les économies émergentes, le soutien aux carburants communiqué a chuté de 71 % entre 2012-14 et 2018-20 (passant de 6.0 milliards USD à 1.7 milliard USD), faisant reculer également sa contribution au DSI (passée de 81 % en 2012-14 à 38 % en 2018-20). Malgré les baisses observées, il est resté la première forme de soutien dans les économies émergentes en 2018-20, où il représentait 33 % du soutien net total.

Les dépenses de soutien aux carburants étaient égales à 1.1 % de la valeur des débarquements dans l’OCDE en 2018-20. L’intensité du soutien est demeurée relativement stable au fil des ans (1.1 % en 2012-14 et 1.0 % en 2015-17). Dans les économies émergentes, le soutien aux carburants rapporté à la valeur des débarquements a fléchi progressivement pour atteindre 3.3 % en 2018-20, en forte baisse par rapport aux 13.1 % de 2012-14. Dans plus des deux tiers des neuf pays de l’OCDE ayant déclaré avoir fourni un soutien aux carburants, celui-ci représentait plus de 3 % de la valeur des débarquements, et bien plus dans certains pays. Dans les pays de l’UE étudiés, le soutien aux carburants atteignait 3.9 % de la valeur des débarquements en 2018-20, en hausse par rapport aux 3.0 % de 2012-14.

En même temps que diminuaient les dépenses consacrées au soutien aux carburants, l'intensité de ce soutien par pêcheur a également reculé dans tous les pays et économies de la base de données. L’intensité du soutien aux carburants par pêcheur est demeurée beaucoup plus élevée dans les pays de l’OCDE (Graphique 1.12), qui ont dépensé 401 USD par pêcheur en 2018-20 (409 USD par pêcheur en 2012-14). Dans les économies émergentes, ce montant s’établissait à 73 USD par pêcheur en 2018-20 (242 USD par pêcheur de 2012-14). Par rapport à leur capacité de pêche, les pays de l’OCDE ont dépensé 87 USD/tonne brute en 2018-20 (92 USD/tonne brute en 2012-14) et les économies émergentes 145 USD/tonne brute en 2018-20 (490 USD/tonne brute en 2012-14).

Bien que cette tendance à la baisse ait été également observée sur le plan de la capacité de pêche dans le groupe des pays de l’UE, où le soutien s’élevait à 1 615 USD/tonne brute en 2018-20 contre 4 308 USD/tonne brute en 2012-14, l’intensité du soutien par pêcheur a progressé pour atteindre 2 246 USD par pêcheur en 2018-20, en hausse par rapport aux 1 935 USD par pêcheur en 2012-14. Elle est plus de cinq fois supérieure à l’intensité enregistrée dans le groupe des pays de l’OCDE. Il faut remarquer en particulier l’intensité du soutien aux carburants par pêcheur en Pologne (43 693 USD), au Danemark (23 931 USD) et en Suède (21 317 USD), des pays qui, comme on l’a vu plus haut, affichent des niveaux élevés de DSI par pêcheur.

Enfin, la plus grande prudence s'impose pour interpréter les écarts entre pays et entre groupes de pays, dans la mesure où seulement 14 pays sur 40 ont déclaré un soutien aux carburants en 2018-20.

Dans l’ensemble des pays et des économies, les paiements partiellement découplés (qui comprennent le soutien au revenu et les régimes spéciaux d’assurance) représentaient en moyenne 27 % du DSI annuel en 2018-20 (1.5 milliard USD). Ce pourcentage est en hausse par rapport aux 17 % de 2012-14 (1.5 milliard USD), essentiellement du fait du recul du DSI total.

Les paiements partiellement découplés ont progressé dans l’OCDE et représentaient la majorité (53 %) des dépenses de DSI en 2018-20 (0.64 milliard USD), contre 37 % en 2012-14 (0.43 milliard USD). Au niveau des pays cependant, un tiers des pays de l’OCDE n’ont communiqué aucun soutien découplé en 2018-20. Un autre tiers ont déclaré moins de 35 % de paiements découplés parmi leur DSI. Dans le dernier tiers, les paiements découplés constituaient la forme prédominante de DSI, à savoir aux États-Unis (99 %), au Canada (93 %), en Allemagne (80 %), en Corée (50 %) et au Mexique (58 %) ; il s'agissait dans tous les cas d’un soutien au revenu.

La hausse du soutien au revenu observée dans l’OCDE est relativement importante : de 0.43 milliard USD en 2012-14, il est passé à 0.64 milliard USD en 2018-20, soit 50 % d'augmentation. Les niveaux de soutien au revenu ont reculé dans un plus grand nombre de pays que ceux où ils ont progressé, mais la hausse a été forte dans certains d’entre eux, dont les États-Unis, le Mexique, l’Italie et la Corée. Cela est particulièrement vrai pour les États-Unis, qui ont multiplié par plus de huit leurs dépenses de soutien au revenu, passées de 26.6 millions USD à 228.3 millions USD entre 2012-14 et 2018-20. En moyenne, les pays de l’OCDE ont fourni 645 USD de soutien au revenu par pêcheur en 2018-20, près du double du montant accordé en 2015-17 (Graphique 1.13).

Dans les économies émergentes, les paiements partiellement découplés ont fléchi en valeur absolue (passant de 1.0 milliard USD en 2012-14 à 0.9 milliard USD en 2018-20) mais leur contribution relative au DSI a augmenté durant la même période (passant de 14 % à 20 %). Il existe de très grandes variations d'un pays à l’autre puisque leur part du DSI est parfois élevée, comme au Brésil et en Indonésie (100 %), au Viet Nam (92 %), au Taipei chinois (77 %) et en Malaisie (52 %), mais bien moindre ailleurs, comme en Chine (4 %) et aux Philippines, au Pérou et en Argentine (0 %). Rapporté à l’emploi, le soutien au revenu était sensiblement inférieur dans les économies émergentes par rapport aux pays de l’OCDE, avec 33 USD par pêcheur de soutien au revenu en moyenne en 2018-20, en légère baisse par rapport aux montants alloués au cours des périodes précédentes (Graphique 3.13).

Le dernier groupe de mesures de soutien direct comprend celles qui visent à réduire la capacité de pêche : il s'agit des programmes de sortie de flotte et des paiements pour retraite anticipée. Dans l’ensemble des pays et des économies, ce type de soutien constituait une part relativement minime du total des dépenses de DSI en 2018-20 (4.5 %, 0.3 milliard USD) mais il a augmenté par rapport à 2012-14 (2.9 %, 0.2 milliard USD).

Dans le groupe des pays de l’OCDE, leur part dans le DSI a diminué, passant de 16.5 % en 2012-14 (0.2 milliard USD) à 6.8 % du DSI en 2018-20 (0.1 milliard USD). Bien que seule une minorité de pays déclarent ce type de mesures, dans ceux qui le font, elles représentent souvent un pourcentage important du DSI du pays (100 % en Australie, 93 % en Grèce, 41 % en Italie et en Corée, et 35 % en Espagne). Dans certains cas, c’est parce que le pays utilise peu d’autres formes de DSI.

Dans les économies émergentes, les aides publiques destinées à réduire la capacité ont augmenté entre 2012-14 (0.8 % du DSI, 0.1 milliard USD) et 2018-20 (3.9 % du DSI, 0.2 milliard USD). Seuls la Chine et le Taipei chinois ont déclaré des chiffres pour cette forme de soutien. Elle est en recul au Taipei chinois (passée de 2.8 millions USD en 2012-14 à 1.6 million USD en 2018-20) mais elle a fortement progressé en Chine (passant de 54.4 millions USD en 2012-14 à 178.3 millions USD en 2018-20). En revanche, le soutien à la réduction de la capacité en Chine a diminué en 2018-20 (il s'élevait à 193.0 millions USD en 2015-17), ce qui pourrait être le signe d’un changement de cap.

Les pouvoirs publics ont en général plusieurs objectifs en tête lorsqu’ils adoptent des mesures de soutien au secteur de la pêche : ils cherchent à préserver l’emploi dans les zones côtières, à améliorer le bien-être des pêcheurs, à promouvoir la compétitivité des pêches, à encourager la production lorsque cela semble important pour la sécurité alimentaire, et à assurer la durabilité du secteur, notamment en gérant les stocks d’une manière durable et en facilitant l’adaptation au changement climatique. Les mesures prises visent également de plus en plus à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur.

Toutefois, le soutien public peut parfois avoir des effets indésirables. Il peut en particulier fausser l’environnement économique dans lequel les pêcheurs exercent leurs activités (par exemple en réduisant les coûts marginaux ou en augmentant les bénéfices marginaux de la pêche). Ces distorsions peuvent entraîner une augmentation excessive de la capacité de pêche, une surpêche, ou des incitations encourageant la pêche INN, autant de situations qui nuisent à la santé des stocks et des écosystèmes halieutiques.

Tout impact négatif d’un dispositif de soutien gouvernemental sur la santé des stocks aura des répercussions sur les autres objectifs des pouvoirs publics à moyen ou long terme (Graphique 1.14). Les mesures qui nuisent aux stocks finissent par avoir des conséquences économiques négatives sur les personnes qu’elles ont pour but d’aider. Lorsque les stocks sont moins abondants, le volume pouvant être pêché de façon durable (par exemple, le rendement maximal durable) s’en trouve diminué tandis que les coûts de la pêche augmentent, ce qui a des retombées sur la productivité et la résilience du secteur. En outre, le soutien à la pêche peut aller à l’encontre des objectifs d'équité. C’est le cas par exemple des mesures abaissant le coût des carburants, qui peuvent profiter de façon disproportionnée aux activités de pêche très consommatrices de carburant et réduire ainsi la compétitivité des artisans-pêcheurs, aggravant leur situation (Martini et Innes, 2018[2]).

Si l'on veut atteindre les objectifs socioéconomiques visés, il est donc essentiel de veiller à ce que le soutien à la pêche ne mette pas en péril la santé des stocks halieutiques. Il en va aussi de la durabilité de toute l’économie maritime. Les mesures qui encouragent une pêche non durable portent aussi préjudice à la société et à l’environnement plus globalement car elles se traduisent par des contributions sous-optimales à la sécurité alimentaire, davantage d'impacts sur les écosystèmes et les espèces non ciblées, et des émissions de GES plus importantes (Hilborn et al., 2020[8])14. La section 3.3.2 dresse une synthèse de ce que l’on sait de l’impact du soutien à la pêche sur la santé des stocks halieutiques, puis la section 3.3.3 propose un cadre susceptible d'aider les responsables publics à repérer les mesures qui peuvent présenter un risque d’encourager des pratiques non durables dans certaines conditions.

Des travaux de l’OCDE, notamment le modèle FishPEM (Martini et Innes, 2018[2]), et des analyses fondées sur des études théoriques et empiriques (notamment OECD (2008[9])), ont étudié en détail les liens entre capacité de pêche, surpêche et appauvrissement des ressources ; les impacts de divers types de soutien ; et la manière dont différents cadres de gestion des pêcheries peuvent potentiellement atténuer ces impacts. Le corpus d'écrits théoriques et empiriques est également riche et relativement bien établi (voir par exemple, APEC (2020[10]) ; Arthur et al. (2019[11]) ; Costello et al. (2020[12]) ; Da-Rocha et al. (2017[13]) ; Duy and Flaaten (2016[14]) ; Merayo, Waldo and Nielsen (2017[15]) ; Munro and Sumaila (2002[16]) ; Sakai (2017[17]) ; Sumaila, Dyck and Cheung (2013[18]) ; Sumaila et al. (2016[19]) ; PNUE (2004[20]); Yagi, Senda and Ariji (2008[21]).

Il en ressort que classer un dispositif de soutien comme étant strictement « positif » ou « négatif » au regard d’un ensemble d’objectifs socioéconomiques et environnementaux est complexe. Les modélisations réalisées par l’OCDE ont montré en effet que les impacts relatifs des mesures peuvent varier sensiblement en fonction d’une combinaison de facteurs susceptibles de les atténuer (Martini et Innes, 2018[2]) (Graphique 1.15)15. Ces facteurs comprennent :

  • le cadre de gestion à l’intérieur duquel les activités halieutiques qui bénéficient du soutien sont exercées (notamment la réglementation et la police des pêches), et sa capacité à réguler effectivement les captures, l’effort et la capacité de pêche ;

  • la santé des stocks halieutiques ciblés par les bénéficiaires du soutien ;

  • les modalités du soutien, notamment l’éligibilité (c’est-à-dire les bénéficiaires pouvant y prétendre) et les conditions dans lesquelles il est possible d’en bénéficier (par exemple, pendant combien de temps) ;

  • le type de mesure de soutien.

En règle générale, les navires pêchent jusqu’à ce que le total de leurs recettes soit égal au total de leurs coûts (salaires compris). Pour comprendre la capacité potentielle de la gestion des pêches à atténuer les impacts, prenons le cas d’une situation où le volume des captures et le niveau d’effort ne sont pas régulés par le cadre de gestion. Dans un tel contexte, si le dispositif de soutien modifie l'équilibre recettes/coûts, soit en augmentant les recettes, soit en réduisant les coûts – par exemple en diminuant le coût d’un investissement dans un nouvel équipement (navire, engin...) ou le coût d’intrants variables (par exemple du carburant) –, il en résultera une augmentation de l’effort de pêche jusqu’à ce que les recettes soient à nouveau égales aux coûts. La gestion des pêches peut atténuer cet impact en posant des limites à la capacité totale, à l’effort ou, idéalement, aux captures16.

En théorie, lorsque la gestion et la police des pêches limitent effectivement la pêche à des niveaux durables, il ne devrait pas y avoir de risque que le soutien public porte atteinte aux stocks halieutiques, puisque l’effort de pêche ne pourrait pas dépasser les niveaux permettant de maximiser les prises de façon durable. Toutefois, lorsque l’efficacité de la gestion et de la police des pêches diminue, le risque augmente que certains types de soutien aient des impacts négatifs sur les stocks.

Même lorsque le cadre de gestion impose des limites effectives au volume total pouvant être capturé ou débarqué, le soutien public peut quand même encourager la surcapacité et la surpêche car la gestion des pêches peut atténuer les effets du soutien sur les coûts de la pêche, mais pas les éliminer entièrement (Clark, Munro et Sumaila, 2005[22] ; Martini et Innes, 2018[2])17. Dans ces cas, le soutien est susceptible d’encourager davantage la pêche INN. Une capacité excédentaire peut également générer des pressions sur le processus décisionnel de gestion, conduisant à des choix qui ne sont pas en phase avec les engagements pris en matière de durabilité, par exemple à des quotas supérieurs aux préconisations de la communauté scientifique (Carpenter et Heisse, 2019[23]).

La santé d’un stock halieutique au moment du déploiement d’un dispositif de soutien constitue un deuxième facteur important qui influe sur l’impact relatif que ce dispositif pourra avoir sur la santé du stock. Lorsque les stocks sont sous-exploités, ils peuvent produire des niveaux de capture et de valeur plus élevés à mesure que l’effort augmente jusqu’au rendement maximal durable (RMD) ou au rendement économique maximal (REM). Tant que les stocks restent sous-exploités, les mesures de soutien qui accroissent la capacité de pêche n’entraînent pas de surpêche. La situation est différente lorsque les stocks sont pleinement exploités ou surexploités. Dans ce cas, si l’effort augmente à la suite des mesures de soutien, le rendement durable descendra en dessous (ou encore plus en dessous) du niveau optimal, en s'éloignant du RMD et du REM, et aura des effets économiques et sociaux sous-optimaux à court ou moyen terme.

Ce facteur entre en ligne de compte uniquement à court et à moyen terme. Si les aides entraînent une augmentation continue de l’effort de pêche, leurs conséquences à long terme seront les mêmes quel que soit l’état de santé initial des ressources. L’ampleur des effets négatifs possibles sur les ressources et sur les performances économiques et sociales du secteur de la pêche dépendra de la distance qui séparait initialement un stock de la pleine exploitation, et du degré de réaction des activités de pêche aux mesures de soutien (Hilborn et al., 2020[8]).

Les modalités du soutien (c’est-à-dire les conditions précises dans lesquelles l’aide est accordée) est le troisième facteur pouvant influer sur l’impact relatif d’un dispositif gouvernemental sur la durabilité des stocks halieutiques. Ces modalités peuvent comprendre les critères d'éligibilité (qui peuvent être limités, par exemple, à des segments particuliers d’une flotte, en général le segment de la pêche artisanale, ou à une pêcherie déterminée) et les conditions d’octroi, notamment la durée du soutien. Ces modalités influeront sur le degré d’impact éventuel de la mesure sur la capacité, l’effort et la durabilité – ainsi que sur les effets redistributifs du soutien (Schuhbauer et al., 2017[24] ; Harper et Sumaila, 2019[25] ; Schuhbauer et al., 2020[26]). Par exemple, si l’aide n’est accordée qu’aux navires évoluant dans des pêcheries gérées efficacement, ou qu’aux pêcheries ne ciblant que les stocks sous-exploités, le risque d’encourager une pêche non durable sera minimal, au moyen à court ou moyen terme.

Le dernier facteur influant sur l’impact relatif du soutien sur la santé des stocks est le type de mesure de soutien et ses répercussions directes sur les coûts d’exploitation et les recettes, et donc sur la rentabilité des activités de pêche. Il est examiné plus en détail ci-dessous.

Pour pouvoir déterminer l’impact probable d’une mesure donnée sur la santé des stocks halieutiques, on a besoin de données granulaires sur tous les facteurs qui influencent son impact relatif, c'est-à-dire de données sur les pêcheries qui bénéficient de la mesure, sur la manière dont elles sont gérées, sur les stocks halieutiques qu’elles exploitent, sur la santé de ces stocks et sur le type de soutien reçu, y compris les modalités associées. Or, les informations habituellement disponibles au niveau des pays sont le plus souvent insuffisantes pour relier les données sur les mesures de soutien aux pêcheries et aux stocks qu’elles exploitent en particlier (notamment, parce que, comme indiqué au chapitre 2, l’état de nombreux stocks halieutiques n’est toujours pas évalué).

En l’absence des données granulaires nécessaires, le présent chapitre propose d'évaluer les risques d’encourager une pêche non durable que peuvent présenter différentes mesures de soutien public lorsque les pêches ne sont pas gérées efficacement, que les stocks ne sont pas sous-exploités et que les critères d’éligibilité sont peu restrictifs. Le graphique 3.16 répartit les mesures de soutien à la pêche en quatre catégories : risque élevé, risque modéré, risque indéterminé et pas de risque, d'après les résultats de précédentes analyses de l’OCDE et des nombreux travaux dans ce domaine (voir plus haut). Chaque catégorie de soutien est étudiée en détail ci-dessous.

Par ailleurs, les flèches situées dans le bas du Graphique 1.16 indiquent comment le contexte général dans lequel les mesures de soutien sont déployées peut atténuer les risques d’encourager une pêche non durable – c’est-à-dire la gestion des pêches, l’état de santé initial des stocks exploités par les bénéficiaires du soutien, et les modalités du soutien. Dans le cas des mesures des catégories « risque élevé », « risque modéré » et « risque indéterminé », le risque a tendance à diminuer si la gestion est efficace, si les stocks sont sous-exploités ou si les modalités du soutien limitent les bénéficiaires aux pêcheries gérées efficacement ou sous-exploitées.

En pratique cependant, les données FSE tendent à montrer que le potential d’atténuation des impacts du soutien sur les stocks halieutiques lié aux modalités des politiques de soutien s'applique rarement aujourd’hui : les mesures de soutien sont généralement conçues de telle sorte qu’elles sont accessibles aux pêcheries sans restrictions. On peut donc penser que les pays auraient la possibilité de réduire les risques que certains types de mesures de soutien font courir, en posant des conditions particulières de manière que seuls puissent en bénéficier les pêcheurs qui exercent leurs activités dans des pêcheries gérées efficacement et durables. De même, le potentiel d’atténuation des impacts lié à l’état initial des stocks halieutiques s'applique également rarement: l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime qu’en 2019, seuls 7.2 % des stocks étaient en situation de sous-exploitation dans le monde (FAO, 2022[27]).

En revanche, le potentiel d’atténuation des impacts afférent à la gestion des pêches est important : l’efficacité de cette gestion varie en effet sensiblement entre les pays, dans le temps et selon les stocks – non seulement du fait des efforts de gestion déployés, mais aussi à cause de facteurs externes comme les effets du changement climatique sur les écosystèmes océaniques et l’abondance et l’emplacement des stocks. Les données présentées au chapitre 2 montrent qu’un grand nombre de pêcheries se situent quelque part entre une gestion et une police des pêches efficaces, et aucune gestion : environ un cinquième du volume total des débarquements et plus des deux cinquièmes de la valeur totale des débarquements pour les principales espèces exploitées par les pays et économies étudiés ici provenaient de stocks pour lesquels les captures n’étaient pas totalement régulées. L’analyse ci-dessous porte sur ce potentiel d’atténuation des impacts, relatif aux risques d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace.

La classification présentée dans le Graphique 1.16 peut constituer une base pragmatique pour aider les pays à déterminer quels dispositifs de soutien sont susceptibles de présenter des risques d’encourager une pêche non durable18. Les pouvoirs publics peuvent s’y reporter pour réfléchir aux mesures potentiellement problématiques à cet égard, et pour rechercher si les bénéficiaires de ces aides évoluent dans des pêcheries gérées efficacement. Dans la négative, les autorités devraient envisager de mieux encadrer et cibler ces mesures ou de recourir à d’autres formes de soutien. Par précaution, les pays peuvent aussi opter pour un retrait progressif des mesures susceptibles de menacer les stocks halieutiques de manière générale, tant il est difficile et coûteux d’évaluer régulièrement que les bénéficiaires des aides évoluent au sein de pêches gérées durablement. Un examen attentif sera nécessaire pour que les pouvoirs publics puissent déterminer le niveau de risque que présente une mesure précise, car ce dernier dépendra des circonstances et des conditions associées à la mesure.

La première catégorie regroupe les mesures de soutien pouvant présenter un risque élevé d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace des pêches (ci-après les mesures à « risque élevé »). Ces mesures ont pour effet direct de réduire les coûts d’exploitation ou d’augmenter les recettes de la pêche, et donc d’augmenter directement la rentabilité des activités halieutiques. Par conséquent, elles créent une incitation financière qui encourage (et rendent viable) l'augmentation des niveaux de capacité et de pêche lorsque la gestion et la police des pêches ne permettent pas de limiter les captures à des niveaux durables (par exemple le RMD ou le REM) et de dissuader la pêche INN (Martini et Innes, 2018[2]). Dans ce cas, lorsque les stocks ciblés se trouvent au moins pleinement exploités au départ, la mesure de soutien entraîne une surexploitation.

Ces mesures comprennent les dispositifs de soutien direct à l’utilisation d’intrants variables et les allégements de taxes, notamment : les soutiens aux carburants, à l’accès aux infrastructures ou à d'autres intrants variables ; les allégements de taxes sur les carburants ; les dispositifs subventionnés d’assurance des navires ; et l’accès subventionné à des infrastructures portuaires. En diminuant les coûts d’exploitation, ces mesures favorisent l’utilisation plus importante d’intrants, et permettent donc aux navires de pêcher plus loin et de façon plus intensive. Plus la part des coûts concernée est importante, plus l’impact de la mesure augmente, et cet impact est en général plus élevé lorsque l’élément ciblé par la mesure est sensible aux fluctuations de prix et peut être remplacé. De ce fait, les mesures de soutien portant sur des intrants achetés, comme les carburants, ou sur des coûts d’exploitation, par exemple l’utilisation de services portuaires, présentent le risque le plus élevé de provoquer une surpêche et l’appauvrissement des stocks halieutiques (OCDE, 2021[28] ; OCDE, 2020[1] ; Martini et Innes, 2018[2]).

Les dispositifs de soutien aux coûts fixes entrent également dans la catégorie « risque élevé », notamment les aides accordées pour la construction de navires ou d’engins ou leur modernisation en vue d’augmenter la capacité de pêche. En l’absence de gestion efficace, ce soutien augmente (ou maintient) les niveaux de capacité au-dessus de ce qui est nécessaire pour exploiter la ressource de façon durable. Lorsque la capacité de pêche est excessive, on a un trop grand nombre de navires actifs par rapport à des quantités de ressources halieutiques trop faibles car les pêcheurs sont incités à utiliser ces équipements tant que les coûts d’exploitation (également susceptibles de faire l’objet d’un soutien) peuvent être couverts – l'incitation peut être encore plus forte en cas de crédit à rembourser19. Il est avéré que les dispositifs d’aide à la construction et à la modernisation de navires ont contribué aux problèmes de surcapacité dans de nombreuses pêcheries du monde (voir par exemple (Westlund, 2004[29] ; Gréboval et Munro, 1999[30] ; Cunningham et Gréboval, 2001[31])). Enfin, parce que les navires ont une longue durée de vie et représentent des coûts fixes, les effets des mesures de soutien à la construction et à l’achat de navires peuvent persister pendant un certain temps une fois qu’elles s’arrêtent.

Certaines aides plus générales au secteur présentent aussi un risque élevé. Les accords d'accès qui étendent les périmètres de pêche permettent aux flottes d'accéder aux eaux d’autres pays sans supporter intégralement les coûts d'accès. Ils incitent donc à pêcher au-delà du niveau qui serait observé si les flottes étrangères devaient payer l’intégralité des coûts d'accès. Cette situation risque d’encourager à pêcher plus que ce qui est durable dans les eaux du pays finançant les mesures, en l’absence de gestion efficace. Les pays qui vendent l’accès à leurs ressources le font parfois parce qu’ils ne disposent de capacités suffisantes pour exploiter les stocks, lesquels peuvent être sous-exploités au moment de la signature de l’accord. Très souvent toutefois, ces pays ne sont pas capables d'évaluer l’état des stocks ni d’assurer une gestion et un suivi efficaces des activités halieutiques. Certains accords d'accès prévoient aussi des paiements supplémentaires destinés à favoriser la gestion durable des pêches dans le pays donnant accès à ses ressources. Bien employés, ces paiements peuvent améliorer la gestion des pêches et limiter le risque d’encourager une pêche non durable20.

La seconde catégorie rassemble les mesures qui ont des effets indirects et potentiellement moins générateurs de distorsions sur les incitations économiques auxquelles le secteur est soumis. De ce fait, ils présentent un risque plus modéré d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace, mais peuvent néanmoins avoir pour conséquence d’augmenter l’effort et la capacité de pêche d’une manière préjudiciable aux stocks halieutiques. Là aussi, on trouve dans cette catégorie à la fois des mesures de soutien direct aux indépendants et aux entreprises du secteur, et certains types d’aides générales au secteur.

Le soutien en faveur des navires et des engins qui améliore la sécurité à bord ou qui diminue l’impact de la pêche sur l’environnement a théoriquement peu de risque d’encourager une pêche non durable. Pourtant, même si ces mesures peuvent avoir certains effets positifs sur l’environnement, comme réduire les prises accessoires ou les émissions de GES, elles peuvent aussi augmenter l’efficacité de la pêche et en abaisser les coûts (en diminuant la consommation de carburant, par exemple) (Steele et al., 2002[32]), ce qui est susceptible d’entraîner des pressions plus importantes sur les ressources et une situation de surpêche21.

Le soutien à la construction de nouvelles infrastructures réduit les coûts que le secteur pourrait sinon avoir à prendre en charge. Il peut donc envoyer des signaux contradictoires sur la viabilité et la rentabilité des activités halieutiques, contribuer à encourager une surcapacité en l’absence de contraintes, et attirer de nouveaux investissements dans une zone de pêche.

Les programmes de sortie de flotte sont généralement déployés dans les pêcheries en situation de surcapacité et de surpêche afin de réduire la capacité et la pression sur les stocks. La réalité montre cependant qu’à long terme, la capacité ne diminue généralement pas. Sans une réforme majeure réelle de la gestion des pêches s'attaquant aux causes profondes de la surcapacité existante, les aides ont tendance à revenir dans les pêcheries sous forme de capitaux injectés dans de nouveaux équipements, ce qui finit par accroître encore la capacité et l’effort de pêche (Weninger et McConnell, 2000[33] ; Beddington et Rettig, 1984[34] ; OCDE, 1997[35] ; Holland, Gudmundsson et Gates, 1999[36] ; Curtis et Squires, 2007[37] ; OCDE, 2008[9]). C’est notamment le cas lorsque le secteur anticipe ces formes de soutien. Quand les professionnels ont la certitude que les pouvoirs publics vont financer le déclassement de capacités excédentaires, ils peuvent être incités à investir dans de nouveaux navires, le résultat étant une surcapacité plus grande encore que celle à laquelle on aurait sinon assisté, ce qui crée un aléa moral (Clark, Munro et Sumaila, 2005[22]). En pratique, le manque d’information ou des modalités mal conçues peuvent aussi se traduire par le retrait de capacités en quantités insuffisantes (OCDE, 2008[9]).

Les programmes de soutien au revenu peuvent aider les artisans-pêcheurs à faire face aux incertitudes du marché et aux événements exceptionnels, mais ils peuvent aussi diminuer les salaires que les entreprises ont besoin de verser aux pêcheurs, et donc entraîner une baisse des coûts de la pêche. Ils peuvent donc encourager les activités à forte intensité de main-d’œuvre, inhiber les ajustements et maintenir une situation de surcapacité. Ce faisant, les mesures de ce type peuvent ralentir ou empêcher la reconstitution des stocks. Parce qu’elle a encouragé les pêcheurs à rester employés dans le secteur, on estime que l’assurance chômage (qui est une forme de soutien au revenu) a constitué un obstacle important à l’ajustement à long terme de certaines pêcheries atlantiques et à leur viabilité commerciale (Schrank, 1998[38])22. Ces programmes ont aussi affaibli les systèmes de gestion des quotas en augmentant l’effort et en contribuant à alimenter les pressions pour demander une expansion des efforts de pêche (Poole, 2000[39]).

L’effet que pourrait produire certaines formes de soutien n’est pas clair car certaines mesures peuvent varier dans leurs modalités et leur application et avoir ainsi des impacts très différents. L'impact dépend alors du contexte23. Ces types de soutien, susceptibles soit de réduire, soit d’augmenter la capacité et l’effort, et donc d’avoir des impacts positifs ou négatifs sur la santé des stocks, sont classés dans la catégorie « risque indéterminé ». Une plus grande transparence sur les modalités des mesures de cette catégorie aiderait à mieux anticiper les risques qu’elles peuvent présenter sur le plan de la santé des ressources halieutiques, et à éclairer les éventuels besoins de réforme.

L’enseignement et la formation peuvent potentiellement réduire la pression de la pêche s’ils apportent aux pêcheurs de nouvelles compétences et ouvrent des possibilités d'emploi en dehors du secteur. Ils le peuvent aussi s’ils encouragent à adopter des pratiques de pêche plus durables (Roberson et Wilcox, 2022[40]). En revanche, s’ils augmentent l’efficacité des pêcheurs, le risque est qu’ils contribuent à accroître l’effort de pêche.

L’impact des dispositifs de soutien aux communautés de pêcheurs n’est pas forcément évident, pour les mêmes raisons ; si les mesures rendent une communauté moins dépendante de la pêche ou la font participer davantage à la gestion des pêches, elles peuvent aider à améliorer la santé des stocks halieutiques. À l’inverse, si leur application (ou la perspective de leur utilisation) perpétue une situation de surcapacité et de surpêche, elles peuvent être préjudiciables à ces mêmes stocks.

De la même façon, le soutien à la commercialisation et à la promotion peut accroître la valeur des produits de la pêche ou la demande pour ces produits, et donc augmenter les bénéfices réalisés et inciter à augmenter l’effort de pêche. Les mesures de soutien dans ce domaine peuvent pourtant produire des effets positifs si elles ciblent la durabilité. Par exemple, la création de normes ou de labels appropriés peut faire progresser la demande en produits issus de la pêche durable, et donc inciter à adopter des pratiques halieutiques plus durables.

Enfin, les objectifs de la R-D et les résultats associés peuvent être très variables. La R-D axée sur la réduction des coûts ou l’augmentation des bénéfices, par exemple sur des engins technologiquement plus évolués et sur la sélectivité, peuvent amener des évolutions qui diminuent les coûts de la pêche et améliorent la productivité des pêcheurs, et inciter alors à augmenter l’effort et la capacité de pêche. À l’inverse, les travaux de recherche qui contribuent à améliorer la gestion des ressources, par exemple les études sur la santé des stocks, pourrait avoir des impacts positifs sur la santé des stocks24.

Les seuls types de soutien qui ne présentent aucun risque d’encourager une pêche non durable sont ceux qui contribuent à assurer une bonne gestion des ressources halieutiques et le respect de la réglementation. Bien mis en œuvre, ils améliorent de façon déterminante l’état des stocks (Hilborn et al., 2020[8]) en apportant une meilleure compréhension de l’état des ressources halieutiques, en faisant mieux correspondre la capacité et l’effort avec les ressources disponibles, en assurant un suivi et un contrôle des activités de pêche et en veillant à ce que les captures soient régulées. La police et la gestion des pêches, y compris les études sur la santé des stocks, sont des composantes essentielles d’une gestion des pêches efficace et durable, et doivent être assurées, ou au moins supervisées, par une administration publique.

Le Graphique 1.17 présente les données FSE réparties en fonction des risques que le soutien peut présenter d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace, tels qu’indiqués au Graphique 3.1625. Dans l’ensemble des pays et des économies inclus dans la base de données FSE, 33 % (3.4 milliards USD) du soutien total en 2018-20 sont allés à des mesures de soutien présentant un risque élevé d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace. Ce pourcentage est en net recul par rapport à 2012-14, période où les mesures de cette catégorie représentaient un peu plus de 52 % du soutien total (7.0 milliards USD). La baisse ne s’est pas accompagnée d’une croissance équivalente des mesures de la catégorie « risque modéré », ce qui est positif. Ces dernières représentaient 28 % de du soutien total en 2018-20 ; elles sont en hausse par rapport aux 21 % de 2012-14 mais ont peu augmenté en termes réels (de 2.86 milliards USD en 2012-14, elles sont passées à 2.94 milliards USD en 2018-20).

Le pourcentage des mesures considérées comme ne présentant pas de risque d’encourager une pêche non durable a également progressé pour atteindre 23 % (2.4 milliards USD) du soutien total en 2018-20, en hausse par rapport aux 18 % (2.5 milliards USD) en 2012-14, ce qui est bon signe. La baisse générale du soutien total en est la cause. En valeur absolue, les dépenses consacrées à ces mesures ont légèrement fléchi. La plus forte hausse relative (et en valeur absolue) de toutes les catégories de soutien a concerné la catégorie « risque indéterminé ». Ce type de mesures représentaient 16 % du soutien total, en hausse par rapport aux 8 % de 2012-14 (1.6 milliard USD et 1.1 milliard USD, respectivement). Des travaux complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre la nature des mesures de cette catégorie.

Dans le groupe des pays de l’OCDE, la répartition du soutien a été relativement stable tant en pourcentage qu’en valeur absolue au cours de la période étudiée. En 2018-20, la plus grande part du soutien à la pêche est allée à des mesures classées comme ne présentant pas de risque d’encourager une pêche non durable (42 % du soutien total, soit 2.1 milliards USD). Cela a été le cas pendant toute la période étudiée, avec une légère augmentation en pourcentage et en valeur absolue ces dernières années (partant de 40 % de du soutien total, soit 2.0 milliards USD, en 2012-14). Les mesures qui présentent un risque modéré d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace arrivent en deuxième position par ordre d’importance dans l’OCDE avec 33 % en 2018-20 (1.7 milliard USD) et ont également peu évolué (31 %, 1.6 milliard USD en 2012-14). Les dispositifs de soutien susceptibles de présenter un risque élevé d’encourager des pratiques non durables représentaient 12 % du soutien total (0.6 milliard USD) en 2018-20, un chiffre relativement bas, et étaient aussi plutôt stables (13 % du soutien total, 0.7 milliard USD, en 2012-14).

La situation est différente dans les économies émergentes : en 2018-20, la majorité du soutien est allée à des mesures présentant un risque élevé d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace (53 %, 2.8 milliards USD). Leur contribution relative au soutien total et le montant des dépenses correspondantes ont pourtant reculé au fil des ans (ils s’élevaient à 76 % du soutien total et à 6.3 milliards USD en 2012-14). La baisse enregistrée dans cette catégorie de mesures est encourageante, en particulier du fait que les économies émergentes disposent en général de capacités plus limitées pour assurer une gestion et une police des pêches efficaces. Néanmoins, les montants très importants consacrés à des mesures à risque élevé sont préoccupants s'agissant de la durabilité des ressources. Les mesures de la catégorie « risque modéré » arrivent en deuxième position dans les économies émergentes, avec 24 % du soutien total (1.2 milliard USD) en 2018-20. En valeur absolue, les dépenses consacrées à ces mesures ont diminué depuis 2012-14 où elles s’établissaient à 16 % du soutien total, soit 1.3 milliard USD. D'autres éléments inquiétants sont la part relativement faible et en baisse de la catégorie des mesures jugées sans risque, et la progression des mesures présentant un niveau de risque indéterminé26. Les dépenses de GSCS représentaient seulement 4 % du soutien total en 2018-20 (0.2 milliard USD), en recul par rapport aux 5 % de 2012-14 (0.4 milliard USD).

Si l’on regarde le soutien à la pêche dans chaque pays, la répartition entre les différentes catégories de risque, c’est-à-dire le « profil de risque » du pays, varie fortement à l’intérieur des groupes (Graphique 1.18). Quand on compare la moitié centrale des pays (c’est-à-dire l’amplitude interquartile), représentée par les rectangles dans le Graphique 1.18, le pourcentage de mesures à risque élevé ou modéré est relativement proche dans le groupe des pays de l’OCDE et dans celui des économies émergentes. La médiane (indiquée par la ligne horizontale à l’intérieur de chaque rectangle) est toutefois plus basse dans les pays de l’OCDE dans les deux cas, et elle l’est beaucoup plus pour les mesures à risque modéré. La proportion médiane du soutien allant à des mesures ne présentant pas de risque est aussi bien supérieure pour les pays de l’OCDE.

Du côté des tendances, l’évolution la plus notable dans les pays de l’OCDE est le fait que les pourcentages du soutien allant à des mesures sans risque ont augmenté régulièrement entre 2012-14 et 2018-20, et que le degré de variation entre les pays a diminué (graphique d’annexe 3.A.1) Dans les économies émergentes, la proportion médiane du soutien qui présente un risque élevé d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace a progressé entre 2012-14 et 2018-20, mais le degré de variabilité et, en particulier, les limites supérieures de cette variabilité, se sont abaissés (graphique d’annexe 3.A.1.). Les niveaux médians du soutien à risque modéré ont également augmenté, encore plus que pour le soutien à risque élevé. Le degré de variation entre les pays a aussi légèrement progressé.

La base de données FSE de l’OCDE couvre actuellement 40 pays et économies. Ensemble, ces pays et économies ont représenté 90 % des débarquements mondiaux pendant la période 2018-20 et ont consacré chaque année 10.4 milliards USD à soutenir le secteur de la pêche. Du côté positif, les dépenses de GSCS forment à présent le type de mesure le plus important en valeur (avec 2.37 milliards USD dépensés en 2018-20). En revanche, prises ensembles, les mesures de soutien qui diminuent le coût des intrants – notamment le soutien aux carburants, aux navires et aux engins – constituent toujours la plus grande composante du soutien (3.12 milliards USD en 2018-20), même si leurs niveaux ont fortement baissé depuis 2012-14.

Si l’on examine la composition du soutien du point de vue du risque que les différentes mesures présentent d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace des pêches, deux principales observations ressortent. Tout d'abord, au niveau de l’ensemble des pays et économies couverts dans le présent rapport, des progrès ont été constatés durant la première moitié de la période étudiée, avec une baisse notable du pourcentage de soutien pouvant présenter un risque élevé d’encourager des pratiques non durables. Elle s’explique principalement par le recul du soutien aux carburants en Chine. Les progrès sont toutefois au point mort depuis 2016-18 et les mesures qui présentent un risque élevé d’encourager une pêche non durable continuent de représenter environ un tiers du soutien total.

En second lieu, par rapport à celles appliquées dans les économies émergentes, les panoplies de mesures utilisées dans les pays de l’OCDE se traduisent habituellement par une moindre exposition au risque d’encourager des pratiques non durables en l’absence de gestion des pêches efficace. Dans l’OCDE, 42 % du soutien ne présente pas de risque d’encourager une pêche non durable. Cependant, ce pourcentage varie beaucoup à l’intérieur du groupe des pays de l’OCDE comme à l’intérieur de celui des économies émergentes, et certains pays et économies présentent des profils de risque relativement élevés en matière de soutien. Dans tous les cas, une réforme des politiques publiques dans certains domaines pourrait contribuer à abaisser encore le risque d’encourager une pêche non durable.

Les pays doivent faire soigneusement le point sur les dispositifs susceptibles de présenter un risque d’encourager une pêche non durable et déterminer si les bénéficiaires de ces aides exercent leurs activités au sein de pêcheries gérées durablement. Quand ce n’est pas le cas, les pays devraient envisager d’utiliser d’autres formes de soutien ou de mieux cibler ces mesures, par exemple en les assortissant de conditions d’éligibilité restrictives. Cette approche peut être particulièrement intéressante pour réformer les mesures susceptibles de présenter un risque modéré d’encourager une pêche non durable, et celles pour lesquelles ce risque est indéterminé. Par précaution, les pays peuvent aussi opter pour un retrait progressif des mesures susceptibles de menacer les stocks halieutiques de manière générale, tant il est difficile et coûteux de vérifier régulièrement que les bénéficiaires des aides évoluent au sein de pêcheries gérées durablement.

À  cet égard, il convient de souligner l’accord prometteur sur les pêches conclu récemment dans le cadre de l’OMC, qui sanctionne quelques-unes des formes de subvention potentiellement les plus préjudiciables : celles qui favorisent la pêche INN, celles qui favorisent la pêche de stocks surexploités, et celles qui favorisent la pêche en haute mer non réglementée. Les informations détaillées contenues dans la base de données FSE au niveau de chaque pays pourraient aider les pouvoirs publics à cibler les réformes à engager pour mettre en œuvre l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche. La section suivante examine les mécanismes pouvant être mis en place par les pays pour éviter de favoriser la pêche INN.

S'appuyant sur un récent rapport de l’OCDE (Delpeuch, Migliaccio et Symes, 2022[41]), cette section examine comment les membres de l’Organisation et les économies partenaires participant au Comité des pêcheries de l’OCDE peuvent s'assurer que le soutien aux activités halieutiques ne contribue pas à la pêche INN.27 Elle émet des suggestions pour lutter plus efficacement contre le versement d’argent public au profit de la pêche INN, à savoir en augmentant au maximum les possibilités d’exclure les personnes physiques et morales ayant des liens avec ce type de pêche des dispositifs de soutien des pouvoirs publics, et en réduisant les risques que ce soutien ne bénéficie à la pêche INN ex ante, compte tenu de la difficulté, en l’état, à prendre des mesures ex post.

En examinant comment mettre fin au soutien des pouvoirs publics à la pêche INN, cette section aborde ce type de pêche au sens large, sans la limiter à une définition particulière.28 Dans cette large acception, la pêche INN recouvre un ensemble d'activités halieutiques qui peuvent raisonnablement être considérées comme « non réglementées », « non déclarées » ou « insuffisamment réglementées ». Cela comprend par exemple la pêche en haute mer qui concerne des espèces – ou des zones – non couvertes par les organisations régionales/accords régionaux de gestion des pêches (ORGP/ARGP), et qui n’est pas réglementée collectivement d'une manière permettant la gestion durable des ressources à l'aide de données probantes. Cela inclut également des activités liées à la pêche qui contribuent à la pêche INN.

Cette section, et ce rapport, ont donc un champ d'étude plus large que l’une des dispositions clés de l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche – adopté lors de la 12e session de la Conférence ministérielle le 17 juin 2022 –, qui est la prohibition des subventions contribuant à la pêche INN (à l’article 3 de l’accord). Cette disposition a été négociée en réponse à l’ODD 14, cible 14.6, qui vise à « supprimer [les subventions] qui favorisent la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et s’abstenir d’en accorder de nouvelles ».29 L’accord appelle également les membres de l’OMC à informer, dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de l’accord, des mesures qui sont en vigueur ou qu'ils ont prises pour assurer sa mise en œuvre et son administration, y compris les mesures prises pour mettre en œuvre les prohibitions concernant la pêche INN. Par la suite, chaque membre doit également informer de toutes modifications apportées ultérieurement à ces mesures et des nouvelles mesures prises. Par ailleurs, chaque membre doit communiquer annuellement une liste des navires et des exploitants dont il a déterminé d'une manière positive qu'ils pratiquaient la pêche INN (article 8).Il convient également de noter que le présent rapport s'appuie sur une définition de la pêche INN plus large que celle utilisée dans l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, qui s’inspire du Plan d’action international de la FAO visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (PAI-INDNR) (PNUE, 2004[20]).

De la même manière, le soutien des pouvoirs publics est appréhendé ici au sens large, en incluant à la fois les paiements directs et les exonérations fiscales bénéficiant aux personnes physiques et morales, ainsi que le soutien au secteur en général, par exemple sous la forme d’accès subventionné à des infrastructures. Il inclut également les aides aux activités liées à la pêche ainsi que le soutien non spécifique qui bénéficie au secteur de la pêche, c’est-à-dire le soutien versé à un certain nombre de secteurs, dont celui de la pêche. Cet angle de vue élargi sur la pêche INN et le soutien des pouvoirs publics s’explique par le fait que tous les types de pêches et d'activités liées à la pêche INN peuvent s'avérer non durables, et par la volonté de ne leur accorder aucune aide publique. En ce sens, la présente section a une portée plus large que l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche car elle utilise des définitions différentes et a des objectifs différents. L’accord de l’OMC n’interdit que les subventions spécifiées par ladite Organisation.

La nature variée que peur prendre la pêche à travers le monde, ainsi que la complexité et la diversité des modes de gouvernance des pêcheries, font qu'il est vraiment compliqué d’exclure la pêche INN de toute mesure de soutien public. Plus généralement, la nature des systèmes juridiques et réglementaires qui sont en place a également une incidence sur les mesures qui sont nécessaires et appropriées pour éviter de soutenir la pêche INN dans certaines économies.

Globalement, trois méthodes sont couramment utilisées par les économies pour éviter de subventionner la pêche INN. Premièrement, certaines économies emploient des mécanismes spécifiques pour refuser ou retirer leurs aides à la pêche INN, qui sont définis dans la législation et la réglementation générales. Deuxièmement, dans d'autres économies, ces mécanismes sont spécifiés directement dans les accords ou les contrats établissant les mesures de soutien. Enfin, certains pays se reposent sur la possibilité de retirer les autorisations de pêche en cas de pêche INN : dans la mesure où cette autorisation est nécessaire pour pouvoir prétendre à des aides, son retrait peut implicitement conduire à la suspension de ce droit.

Ces trois approches présentent toutes plusieurs difficultés communes. Tout d'abord, la pêche INN est, par nature, difficile à observer et à documenter. Établir des liens entre les activités halieutiques INN – associées le plus souvent à un navire – et les indépendants/ou entreprises du secteur de la pêche tirant parti de ces activités et bénéficiant par ailleurs du soutien des pouvoirs publics peut s'avérer encore plus compliqué.

Ensuite, définir quels actes doivent susciter le refus, la suspension ou le retrait des mesures de soutien n’est pas simple. Comme décrite dans le PAI-INDNR (FAO, 2001[47]), la pêche INN recouvre toutes sortes d'activités et de contextes halieutiques différents. Cela inclut la pêche industrielle pratiquée par des navires pêchant illégalement dans les eaux d'un pays étranger, mais aussi la pêche en haute mer par un navire sans pavillon, ou encore la pêche artisanale dont les prises ne sont pas déclarées, l’utilisation d’engins prohibés ou la pêche en excédent des quotas autorisés dans les zones côtières nationales. Les conséquences socioéconomiques et en termes de durabilité de l’exclusion de ces différents types d’activités des dispositifs de soutien, ainsi que le coût d’opportunité que cela représente, varient en conséquence.

Par ailleurs, les activités liées à la pêche sont généralement moins soumises à des lois et des réglementations et plus difficiles à surveiller, sanctionner et exclure des dispositifs de soutien public que la pêche elle-même. Ces activités comprennent le transbordement – c’est-à-dire le transfert de poisson des bateaux de pêche vers des navires réfrigérés de plus grande taille qui acheminent les prises au port – ainsi que l’approvisionnement en mer en personnel, en carburant et autres fournitures ; leur rôle peut être déterminant dans le cadre de la pêche INN.

Enfin, certains types de soutien des pouvoirs publics aux pêches bénéficient à l’ensemble du secteur. C’est souvent le cas, par exemple, de l’investissement public dans les infrastructures ou des exonérations fiscales. Il peut, dans ce type de cas, s'avérer plus difficile d’empêcher certains indépendants, navires et entreprises de bénéficier des avantages correspondants.

Le premier levier que peuvent utiliser les pouvoirs publics pour refuser ex ante le droit de bénéficier de leur soutien est la procédure d'autorisation, lorsque le droit à des aides est conditionné à la détention d'une autorisation de pêcher. C’est le cas dans de nombreuses économies. Lorsque cette autorisation ne conditionne pas encore l’ouverture du droit à des mesures de soutien, la priorité numéro un devrait être d’établir cette condition. Cette disposition pourrait en outre contribuer à inciter les pêcheurs informels à immatriculer leur navire et à solliciter une autorisation de pêche, dans les cas où les pouvoirs publics essaient de mettre fin aux régimes en accès libre. L'instauration d'une condition similaire pour les activités liées à la pêche inciterait à créer des systèmes de licence complets.

D’autre part, le fait d’obliger les navires à battre le pavillon de l’État qui verse les aides permet de s’assurer que l’État en question a compétence pour sanctionner un navire bénéficiant de son soutien. Cela peut permettre d’éviter les ambiguïtés qui risquent de survenir si l’État qui apporte son soutien et celui qui a immatriculé le navire utilisent des définitions différentes pour la pêche INN.

Réclamer aux navires des informations précises et fiables lors des procédures d'immatriculation et d’autorisation accroît les chances d'établir des liens avec la pêche INN et facilite le traçage des activités des navires, notamment illicites, non déclarées et non réglementées. Il faut par conséquent, pour empêcher que la pêche INN ne bénéficie d'un soutien public, mettre en place des procédures d'autorisation et d'immatriculation les plus complètes possible – et appropriées aux différents contextes (de nombreuses économies ont adopté des procédures simplifiées pour la pêche artisanale).

Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne les procédures de licence et d'immatriculation. En 2018, par exemple, toutes les économies prises en compte dans l’Examen des pêcheries 2020 de l’OCDE (OCDE, 2020[1]) exigeaient des navires de pêche qu'ils soient immatriculés, et recueillaient des informations sur leurs caractéristiques ainsi que sur les personnes physiques ou morales au nom desquelles ils étaient immatriculés.

Ledit rapport avait cependant mis en évidence deux lacunes des procédures d'immatriculation et d’autorisation sur lesquelles il convient d'agir directement pour faire en sorte que les aides ne profitent pas à la pêche INN. Premièrement, l’identification des propriétaires effectifs des navires est insuffisante : en 2018, un tiers des économies figurant dans l’édition 2020 de l’Examen des pêcheries ne demandaient pas d’informations sur les intéressés dans le cadre des procédures d'immatriculation. Un quart desdites économies n’exigeaient pas non plus l’utilisation d’identifiants uniques, vérifiés et permanents pour identifier les navires, comme par exemple ceux délivré par l’Organisation maritime internationale (OMI). L’emploi d’identifiants uniques peut faciliter le suivi, le contrôle et la surveillance en évitant les cas où les navires changent de pavillon ou de nom pour échapper à la surveillance mondiale ou s’immatriculent dans une autre juridiction lorsque leurs activités illicites ont été découvertes. Deuxièmement, la réglementation des activités liées à la pêche est insuffisante par rapport à celle de la pêche. Dans de nombreuses économies, les procédures d’octroi de licence sont moins exigeantes pour les activités liées à la pêche que pour la pêche, quand elles ne sont pas tout simplement inexistantes.

En somme, pour réduire le risque que le soutien des pouvoirs publics ne bénéficie à la pêche INN, les États devraient conditionner toutes les aides à l’immatriculation des navires sous le pavillon du pays pourvoyeur desdites aides et à leur détention d’une autorisation de pêche. Outre les conditions qui sont généralement incluses dans les procédures d’autorisation (comme la transmission de la position du navire via les systèmes de surveillance ou la déclaration des prises, selon les cas), les autorisations elles-mêmes devraient exiger un identifiant unique pour les navires (comme un numéro OMI, le cas échéant) ainsi que des informations détaillées sur les propriétaires effectifs du navire.

Des mécanismes spécifiques permettant de refuser à des bénéficiaires potentiels tout type de soutien (ex ante) – et, selon le cas, de suspendre ou retirer le soutien accordé (ex post) – peuvent compléter l’utilisation de critères d’éligibilité dans le cadre des procédures d'immatriculation et d'autorisation. De tels mécanismes peuvent apporter plus de souplesse dans la gestion des différents types de pêche INN et accélérer le processus. Ils doivent être adaptés au contexte de gouvernance national – notamment dans le sens où ils doivent être prévus dans la législation et la réglementation générales, ou dans un accord ou un contrat établissant le programme de soutien individuel – et se dérouler selon un processus établi. Les principaux aspects à prendre en compte au moment de la conception de ces mécanismes sont les suivants : qu’est-ce qui déclenche l'action, qui est concerné, pendant combien de temps, et les aides versées doivent-elles être récupérées ?

Il convient en outre de définir clairement quels sont les critères déclenchant une action. Une action sur les aides est souvent possible lorsque le navire concerné figure sur une liste des navires pratiquant la pêche INN ou lorsque des poursuites judiciaires ont donné lieu à un jugement. Il peut cependant arriver que le soutien puisse être suspendu avant que le navire concerné soit identifié comme se livrant à de la pêche INN s'il existe des preuves évidentes de son non-respect de la réglementation intérieure ou des mesures de conservation et de gestion établies par une ORGP/un ARGP. Un recours accru à de telles dispositions faciliterait les interventions en évitant des procédures potentiellement longues qui pourraient ne pas relever totalement de la compétence des autorités ayant accordé le soutien (comme l’inscription d'un navire dans une liste de navires pratiquant la pêche INN par une ORGP/le secrétariat d’un ARGP) (Tipping, Irschlinger et Bellmann, 2020[48]). En dernier lieu, cela permettrait aux pouvoirs publics d'intervenir plus rapidement en cas d'infraction et d'éviter les situations dans lesquelles les navires et les exploitants se livrant à la pêche INN continuent de toucher des aides, y compris après avoir commis une infraction.

Si certaines activités liées à la pêche, comme le transbordement, peuvent être incluses dans la réglementation des pêches, d'autres (comme le transfert de carburant, de vivres et de membres d’équipage depuis des bateaux cargo) peuvent être gérées plus efficacement si elles relèvent d’une autre réglementation (par exemple de la main-d’œuvre ou de l’énergie). Par conséquent, pour empêcher totalement les activités liées à la pêche INN de bénéficier du soutien des pouvoirs publics, il peut être nécessaire de s'assurer que les infractions aux réglementations autres que celle de la pêche peuvent aussi donner lieu au retrait ou à la suspension des aides.

La durée d’applicabilité des sanctions liées au soutien a un impact sur leur degré de dissuasion de la pêche INN (Tipping, Irschlinger et Bellmann, 2020[48]). La durée des sanctions applicables en cas de pêche INN doit être progressive et proportionnelle. De la même manière, il est pertinent que la période de restriction du droit aux aides pour les exploitants qui s'avèrent être coupables de pêche INN soit proportionnelle à la gravité de l’infraction. Toutefois, si le retrait du soutien est lié uniquement à l’autorisation de pêcher, les autorités risquent d'avoir moins de latitude pour adapter les sanctions à la gravité de l’action. C’est un aspect important car la pêche INN recouvre un très large éventail d'activités, dont certaines pour lesquelles le retrait de l’autorisation de pêcher (et de toutes les aides) serait d'une sévérité disproportionnée.

Certaines économies fixent des restrictions des droits auxquelles elles associent des durées minimale et maximale (jusqu’à plus de 25 ans), selon la gravité de l'infraction commise. Un grand nombre d’entre elles maintiennent ces restrictions aussi longtemps que les navires figurent dans une liste de navires se livrant à la pêche INN. La législation européenne applique par exemple le principe de la proportionnalité des sanctions en établissant des périodes d’exclusion des dispositifs de soutien d'après un système à points qui évalue la gravité de chaque infraction, la durée de l’exclusion dépendant du nombre de points. Par ailleurs, lorsqu'un navire figure sur la liste UE des navires impliqués dans la pêche INN, les exploitants ne  touchent aucune aide pendant au moins 24 mois et jusqu'à ce que le navire soit retiré de la liste. L’efficacité de ces mécanismes repose sur l’efficacité des procédures d’établissement et d'actualisation des listes de navires pratiquant la pêche INN et leur réactivité face aux nouvelles informations disponibles, ce qui nécessite des prises de décisions efficaces et rapides, en particulier lorsque plusieurs pays ou autorités sont concernés (voir plus bas la section « Partage des informations et transparence »).

En conclusion, il est recommandé d’utiliser des procédures appropriées pour exclure de toutes les formes d'aide l’ensemble des bénéficiaires potentiels ayant des liens avec la pêche INN (au sens large) et les activités connexes venant en appui de cette forme de pêche. Cela suppose notamment :

  • de faire preuve de transparence au sujet des conséquences de la pêche INN avant que les aides ne soient octroyées, et de déployer des actions coercitives en liaison avec les aides ;

  • d'assurer la proportionnalité de l’action gouvernementale en tenant dûment compte de la nature de l'activité halieutique INN et du contexte dans lequel elle a eu lieu ;

  • de déterminer qui est concerné, pendant combien de temps et si les aides versées doivent être récupérées ;

  • de ne pas nécessairement lier les actions relatives aux aides avec d’autres actions coercitives ayant trait à la pêche INN (comme les procédures d’établissement des listes de navires pratiquant la pêche INN).

La définition, dans la législation, de la pêche INN et des activités qui y sont liées est un point essentiel. L’existence d'une telle définition dans la législation nationale est souvent l’un des critères pouvant déclencher une action au regard des aides. Lorsque la définition de la pêche INN n’est pas utilisée pour réduire les aides – soit parce que la législation nationale ne définit pas la pêche INN en tant que telle ou parce que la définition a d’autres finalités –, la pêche INN est définie implicitement par des infractions à la loi ainsi que par le non-respect des réglementations ou des conditions stipulées dans les contrats ou les accords établissant le programme de soutien. Réduire les aides sur la base des infractions à la loi ou des violations de la réglementation intérieure (dont les obligations de déclaration) peut par conséquent être suffisant pour exclure la pêche INN des dispositifs de soutien.

Néanmoins, le fait de définir la pêche INN en tant que telle dans la législation peut être utile pour réduire les aides en cas d'infraction commise en dehors de la juridiction de l’État qui les verse. En adoptant des définitions détaillées et pragmatiques de la pêche INN et des activités qui y sont liées, les pouvoirs publics contribuent à la fois à faciliter la coopération et à indiquer plus clairement aux États du pavillon, aux États côtiers et aux exploitants de navires les activités qui seront considérées comme illicites, non déclarées et non réglementées, et qui entraîneront la suppression des mesures de soutien.

Les définitions doivent en outre être suffisamment ouvertes pour s’adapter aux différents contextes et types de pêche. Si elles sont trop rigides, elles risquent d’exclure (voire de mettre en cause) des modes de gestion plus ordinaires ou informels, en particulier dans les zones où la déclaration centralisée des prises est difficile, voire impossible (Song et al., 2020[49]). Ces considérations peuvent également s’appliquer au-delà des contextes nationaux si les accords commerciaux contiennent des dispositions sur la pêche INN et le soutien dont elle bénéficie, comme c’est de plus en plus le cas.

Les activités liées à la pêche, qui peuvent jouer un rôle central à l’égard de la pêche INN, ne sont pas incluses spécifiquement dans la description de la pêche INN figurant dans le PAI-INDNR. Ces activités sont en fait rarement définies dans la législation nationale. L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (AMREP) définit à l’article 1(d) les activités liées à la pêche comme « toute opération de soutien, ou de préparation, aux fins de la pêche, y compris le débarquement, le conditionnement, la transformation, le transbordement ou le transport des poissons qui n’ont pas été précédemment débarqués dans un port, ainsi que l’apport de personnel et la fourniture de carburant, d’engins et d’autres provisions en mer ». De meilleures définitions de ces activités dans la législation applicable, ainsi que leur inclusion implicite dans les définitions de la pêche INN du fait du soutien qu’elles lui apportent, permettraient de renforcer la réglementation et d'avoir un effet plus dissuasif sur les pratiques INN (OCDE, 2020[1]), notamment en refusant le versement de toute aide.

Pour résumer, il est recommandé aux pouvoirs publics d'adopter dans leur législation ou réglementation nationale – ou par un document officiel – une définition de la pêche INN et des activités qui y sont associées qui soit conforme aux définitions existant au niveau international. Une telle définition sera particulièrement utile dans les cas où une coopération internationale est nécessaire. Le PAI-INDNR est la référence la plus utilisée pour définir la pêche INN, et l’AMREP pour définir les activités liées à la pêche.

Une autre recommandation est que les pouvoirs publics améliorent la réglementation et la surveillance du transbordement des poissons et des autres activités liées à la pêche (comme l’approvisionnement des navires en mer), notamment en fixant des obligations en matière d’autorisation et de déclaration. Le projet de directives volontaires de la FAO sur le transbordement (FAO, 2022[50]) fournit une liste détaillée de recommandations pour aider les pays à mettre en place des dispositifs d’autorisation, de notification, de déclaration et de surveillance, assortis de conditions, pour mieux réglementer et contrôler le transbordement.

La pêche INN est, par nature, difficile à observer et à documenter. Établir des liens entre les activités halieutiques INN – associées le plus souvent à un navire – et les indépendants/entreprises du secteur de la pêche tirant parti de ces activités et bénéficiant du soutien des pouvoirs publics peut s'avérer encore plus compliqué.

Outre des dispositions légales pour refuser, suspendre ou retirer les aides, il est nécessaire, pour s'assurer que le soutien à la pêche ne bénéficie pas à la pêche INN, de mettre en place des procédures permettant de viser concrètement les navires qui se livrent à ce type de pêche – et aux activités qui y sont liées –, ainsi que leurs exploitants et leurs propriétaires (effectifs ou autres) (Tipping, Irschlinger et Bellmann, 2020[48]). Dans certains cas graves de pêche INN, il peut aussi être souhaitable de cibler tous les navires exploités ou détenus par un contrevenant, de manière à produire le plus d'impact possible sur les risques-avantages que peut espérer retirer l’intéressé de la pêche INN (Hutniczak, Delpeuch et Leroy, 2019[51] ; GAFI, 2014[52]). Cela souligne l’importance de la recommandation n° 4.1, qui préconise l’utilisation d'informations plus précises sur les propriétaires effectifs des navires dans le cadre des procédures d’autorisation.

Il convient, pour détecter et sanctionner la pêche INN, de mettre en place une surveillance efficace des activités halieutiques, tant à l’intérieur qu'à l’extérieur de la juridiction d'un État. L’amélioration de la capacité de surveillance, y compris en haute mer, est donc primordiale pour détecter la pêche INN et faire en sorte que les aides soient retirées et, si nécessaire, remboursées. Cela dit, entre 2012-14 et 2016-18, les dépenses consacrées à la gestion, au suivi, au contrôle et à la surveillance ont nettement baissé en valeur relative par rapport à la taille des flottes dans plusieurs économies (OCDE, 2020[1]). Réformer les subventions selon les préceptes approuvés dans le cadre de l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche et, plus généralement, abandonner celles qui encouragent la surpêche et la surcapacité, pourraient permettre d'économiser des ressources afin de les réaffecter à la gestion, au suivi, au contrôle et à la surveillance (GSCS). Conditionner la délivrance d'une autorisation de pêcher à l’utilisation d'instruments de suivi et d’identifiants uniques des navires (comme suggéré dans la recommandation n° 4.1) et améliorer la réglementation du transbordement conformément au projet de directives volontaires de la FAO sur le transbordement (FAO, 2022[50]) permettraient également d'accroître les chances de détection de la pêche INN et de réduire les risques que les pouvoirs publics ne soutiennent sans le savoir ce type d'activité.

La vérification des navires dans les ports peut aussi aider les pays à repérer ceux se livrant à la pêche INN. L’État du port peut inspecter les navires entrant au port et leur refuser l’accès ou l'utilisation des installations en cas de pêche INN. L’AMREP prévoit le respect par les parties signataires d’un niveau minimum d'inspection des ports et encourage à cet égard la coopération internationale (Encadré 3.3). La mise en œuvre de l’intégralité des dispositions de cet accord permettrait non seulement d'améliorer la détection de la pêche INN, mais aussi de réduire la rentabilité de cette activité en refusant l’utilisation des installations et l’accès aux marchés. De surcroît, si le port concerné bénéficie d'aides publiques, l’application des dispositions de l’accord aura en outre pour conséquence directe d’empêcher que la pêche INN ne profite également de ces aides. L’Examen de l’OCDE des pêcheries 2020 montrait que, bien que 85 % des économies étudiées aient signé l’AMREP et que la plupart d’entre elles eussent adopté une législation pour mettre en œuvre ses principales dispositions, un certain nombre d’entre elles avaient encore du mal à adopter une approche fondée sur les risques pour établir un ordre de priorité des inspections et fixer leurs objectifs, ainsi que pour refuser l’entrée au port ou l’utilisation de ses installations aux navires soupçonnés de pêche INN (OCDE, 2020[1]).30

Il est donc recommandé aux pays de continuer à améliorer le suivi de la pêche et des activités qui y sont liées afin de mieux repérer et prévenir la pêche INN, de mettre en œuvre toutes les dispositions clés de l’AMREP et, dans la mesure du possible, de signer l’accord.

Le partage des informations entre organismes publics au sein d’une même économie, entre économies et avec les ORGP/secrétariats des ARGP est essentiel pour améliorer les données servant de base à l’exclusion de la pêche INN des dispositifs de soutien – à la fois ex ante et ex post – et raccourcir les procédures correspondantes. Une diffusion rapide et efficace des informations est nécessaire entre, d'une part, l’autorité qui établit l’existence d'une pêche INN et, d'autre part, les autorités qui délivrent les autorisations de pêcher et celles qui octroient les aides.

Il est à noter que cela concerne les données relatives aux bénéficiaires des aides, qui ne sont toujours pas disponibles à un niveau détaillé dans un grand nombre de pays ; les données concernant les navires immatriculés et autorisés (ainsi que leurs exploitants et propriétaires, notamment effectifs) ; et enfin, les données relatives aux navires identifiés comme se livrant à la pêche INN. La mise à disposition de ces informations à l’ensemble des autorités compétentes permettrait aux États qui versent des aides de rester informés et de mettre en relation les listes de navires pratiquant la pêche INN et les registres de navires et personnes physiques et morales percevant des aides. Cela reste un point important à améliorer. Souvent, les listes existantes sont incomplètes ; elles indiquent le nom des navires mais pas celui des personnes physiques ou morales qui y sont associés, et les mises à jour ne sont pas assez fréquentes. Dans de nombreux cas, les listes ne sont pas totalement accessibles au public ou par l’ensemble des organismes publics compétents. Enfin, un grand nombre de pays s'appuient sur les listes de navires pratiquant la pêche INN établies par les ORGP. Or, ces listes doivent être complétées par des informations sur les navires, les personnes morales et physiques qui s'avèrent être coupables de violation de la loi ou d'infraction à la réglementation intérieure (notamment des obligations de déclaration) dans la ZEE – même si ces violations ou infractions ne relèvent pas de la pêche INN en tant que telle, conformément à sa définition au niveau national.

Un point particulier sur lequel les informations tendent à manquer est le nom des propriétaires effectifs des navires, qui n’est pas toujours recueilli lors des procédures d'immatriculation et d’autorisation. Outre son utilité pour les autorités de pêche nationales, cette information peut aussi servir en cas de coopération et pour suivre les investissements réalisés à l’étranger par les propriétaires effectifs. Lorsqu'il y a un seul propriétaire effectif pour plusieurs navires, cette information peut être utilisée pour exclure tous les navires de l’intéressé des dispositifs de soutien dans les cas graves de pêche INN (même si les activités en question ont lieu dans d'autres juridictions). Lorsque c’est possible, un partage approprié des données relatives aux propriétaires effectifs entre autorités – notamment celles responsables des pêches (au sein du même pays, ainsi qu’avec les pays partenaires et les ORGP/secrétariats des ARGP) – dans les cas de pêche INN serait très utile pour cibler les actions coercitives.

Dans certains pays, le nom des propriétaires effectifs est librement consultable dans les registres des entreprises publiques. D'autres pays envisagent d’adopter des dispositifs similaires. Par ailleurs, une coopération internationale est déjà en place ainsi que des échanges d'informations sur les propriétaires effectifs à des fins fiscales. Le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, qui compte 163 membres, veille à l’application de deux normes relatives à l’échange de renseignements : automatique et sur demande. Ces deux normes s’accompagnent de diverses exigences concernant lesdits renseignements, notamment en matière de notification, de disponibilité, d’accès et d'échange (OCDE, 2017[53]).

Les examens par les pairs du respect de ces exigences montrent que des lacunes subsistent dans le cadre juridique d'un grand nombre de juridictions, et que des difficultés ont été rencontrées pour la mise en œuvre pratique. Toutefois, bien que les informations sur les propriétaires effectifs ne soient pas toujours mises promptement à la disposition des autorités fiscales (BID/OCDE, 2019[54]), les juridictions ont régulièrement progressé ces dernières années dans le respect des exigences en la matière, certaines mettant en place un registre pour recueillir ces renseignements.

Par ailleurs, le fait d’investir dans l’enregistrement et la publication d'informations claires sur les procédures en place pour réduire les mesures de soutien à la pêche INN et sur la façon dont elles sont mises en œuvre pourrait améliorer leur efficacité. La publication de ce type d’information peut avoir un effet dissuasif sur la pêche INN en augmentant les coûts que peuvent avoir à supporter ceux qui s'y livrent et en réduisant les incitations financières pour les intéressés (Tipping, Irschlinger et Bellmann, 2020[48]). Bien qu’elles soient rarement accessibles publiquement, des informations sur le nombre de mesures de soutien qui sont suspendues ou retirées et, plus rarement, sur le montant concerné sont enregistrées par certaines économies. En revanche, aucune information ou presque n’est disponible sur les cas dans lesquels les aides ont été refusées dès le départ.

Il est, par conséquent, recommandé d'améliorer la capacité à établir l’existence d'une pêche INN, à détecter les personnes physiques et morales concernés, ainsi qu'à identifier parmi eux les bénéficiaires des mesures de soutien par les actions suivantes : amélioration du partage d’informations au sein des organismes publics et entre eux, avec les autres économies et les ORGP/secrétariats des ARGP ; publication et mise à jour régulière des listes de navires pratiquant la pêche INN ou contrevenant à la législation et la réglementation des pêches, dans la ZEE où cette infraction n’est pas forcément considérée comme de la pêche INN en tant que telle ; amélioration de la transparence sur les procédures applicables pour réduire le soutien à la pêche INN et sur leur mise en œuvre ; enfin, si compatibilité avec la législation relative à la protection de la vie privée, amélioration de la transparence concernant les bénéficiaires du soutien des pouvoirs publics.

Compte tenu de l’ampleur de la pêche INN, il est difficile pour les responsables de l'action publique de s’assurer que les mesures de soutien ne bénéficient pas à ce type d'activité. La tâche est encore plus ardue dans les juridictions dont les capacités de réglementation et de surveillance de la pêche sont limitées. Le contexte de gouvernance fragmentée dans lequel évoluent les pêcheurs rend le problème encore plus épineux car cela implique que les programmes de soutien soient en conformité avec plusieurs cadres juridiques, aux niveaux national, supranational et international (très souvent).

Pour compléter les mécanismes visant à la fois à empêcher que la pêche INN ne bénéficie de mesures de soutien et à retirer les aides aux exploitants qui s'avèrent être coupables de ce type d'activité (comme expliqué plus haut), les pouvoirs publics peuvent alléger la pression qui pèse sur le système en réformant la façon dont les aides sont attribuées dès le départ. Cela suppose l’abandon progressif des formes de soutien les plus susceptibles d’encourager la surcapacité et la pêche INN.

Le soutien aux pêcheurs prend de nombreuses formes, avec des objectifs différents, d'où leur contribution variable à la pêche INN. Bien qu’aucun type de soutien ne cherche explicitement à bénéficier à la pêche INN ni ne crée des incitations spécifiques pour la pêche INN, certaines formes de soutien sont plus susceptibles de contribuer à la pêche INN. Il est donc possible de concevoir des mesures de soutien qui limitent le plus possible ce risque.

La principale différence entre la pêche INN et d'autres pratiques halieutiques est qu’elle ne respecte pas les dispositifs de gestion et d’encadrement mis en place pour limiter les efforts de pêche. Par conséquent, à accès égal, les aides qui incitent à accroître les efforts vont proportionnellement entraîner une augmentation plus forte de la pêche INN que de la pêche réglementée. Inversement, les dispositifs de soutien ayant un impact plus neutre sur les efforts vont avoir plus ou moins la même incidence sur la pêche INN et sur la pêche réglementée, avec des effets généralement moins négatifs sur la santé des stocks halieutiques.

Les mesures de soutien qui réduisent les coûts de la pêche, comme les subventions pour financer les intrants – les coûts fixes (navires et engins) et, plus encore, les dépenses d’exploitation, en particulier le carburant –, sont les plus susceptibles d'accroître la pêche INN de par leur impact sur le niveau des efforts (Martini et Innes, 2018[2]). Un moyen efficace pour empêcher la pêche INN de bénéficier des aides publiques est donc d'abandonner progressivement le soutien aux intrants.

Par ailleurs, la pêche INN est susceptible de bénéficier de certaines formes de soutien accordées au secteur dans son ensemble (par exemple aux infrastructures), pour lesquelles l’exclusion ex ante est difficile, voire impossible. Dans la mesure où ces formes de soutien peuvent aussi être de nature à entraîner un accroissement des efforts et, compte tenu de la difficulté à empêcher que tel ou tel exploitant n’en bénéficie, leur suppression sera toujours, dans la plupart des cas, l’action la plus efficace. Si elles sont conservées, d'autres méthodes de lutte contre la pêche INN (comme les mesures du ressort de l’État du port ou l’amélioration du suivi, du contrôle et de la surveillance) seront alors nécessaires.

La recommandation est donc de réduire ou de supprimer progressivement les dispositifs de soutien qui risquent le plus d'augmenter l’effort et la capacité de pêche et, par voie de conséquence, de susciter le développement de la pêche INN. C’est notamment le cas des subventions qui réduisent les coûts des navires et du carburant.

Pour finir, bien qu’elle ne soit pas considérée comme « non réglementée » dans le PAI-INDNR et qu’elle soit autorisée par certains pays, la pêche en haute mer d’espèces – ou dans des zones – situées hors de la compétence d'une ORGP/d'un ARGP n’est pas réglementée collectivement d'une manière permettant la gestion durable des ressources. Il est donc également recommandé d’exclure explicitement des mesures de soutien la pêche en haute mer ayant lieu en dehors de la compétence d'une ORGP/d'un ARGP.

Cela peut s'avérer difficile à mettre en œuvre, car la pêche en dehors de la compétence d'une ORGP/d'un ARGP risque de ne représenter qu’une fraction des activités en haute mer d'un navire, et la pratique du transbordement – qui consiste à transférer du poisson d'un navire vers un autre – complique encore plus le traçage des opérations en haute mer et la tâche des autorités publiques.

Comme indiqué plus haut, il existe des alternatives pour soutenir le secteur. Le soutien des pouvoirs publics peut être réorienté vers des mesures qui garantissent la durabilité du secteur (comme des investissements dans la GSCS) ou des aides qui améliorent le bien-être des communautés de pêcheurs sans avoir d'incidence sur les recettes ni les coûts de chaque pêcheur. Dans l’idéal, ces aides cibleront les populations des zones côtières qui en ont généralement besoin, afin de contribuer à leur bien-être ou, de façon générale, à ouvrir des perspectives économiques. Les mesures de soutien qui réduisent la valeur des produits de la pêche illicites (comme celles qui améliorent la traçabilité de ces produits) peuvent avoir un effet dissuasif sur la pêche INN tout en récompensant les exploitants qui respectent les règles.

Supprimer les aides qui sont susceptibles de profiter à la pêche INN et les remplacer par d'autres qui n’auraient pas cet effet serait une solution doublement bénéfique pour les pouvoirs publics. Ces réformes permettraient non seulement de réduire la possibilité pour la pêche INN de bénéficier des aides publiques, mais elles contribueraient aussi à créer un secteur plus équitable et plus durable sur le plan social, économique et environnemental. Elles auraient des effets positifs sur la santé marine en général et contribueraient à établir un terrrain d’égalité pour les pêcheries au niveau mondial. En aidant à la réalisation de l’Objectif de développement durable 14, une telle réforme permettrait globalement de contribuer à une nette amélioration des bienfaits de la pêche pour la société.

La présente section se penche sur les mesures de soutien qui profitent à différents secteurs, dont celui de la pêche, un domaine encore relativement peu étudié. Il importe de bien faire la distinction avec le contenu de l’Accord de l’OMC, qui porte sur les subventions (spécifiques) telles que définies dans l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires. L’objectif est seulement d’enrichir la réflexion sur la manière dont l'action publique en général peut contribuer à la durabilité et à la résilience des pêches au niveau national, sachant que l’on manque de données comparables et qu’il n’est pas question ici de quantifier cette forme de soutien ni de mesurer son impact sur les résultats socioéconomiques et la durabilité des pêches.

Face aux enjeux mondiaux actuels, notamment dans le contexte du relèvement de l’épidémie de COVID-19, beaucoup de gouvernements ont mis en place des mesures de soutien énergétique. Le soutien aux combustibles fossiles a presque doublé en 2021, et l’agression à grande échelle de la Russie contre l’Ukraine a entraîné de nouvelles difficultés qui vont très certainement conduire à une nouvelle hausse des subventions à la consommation (OCDE, 2022[55]). Dans le même temps, le monde est confronté à la nécessité urgente de s'adapter au changement climatique tout en atténuant les émissions de GES. Pour pouvoir relever ces défis, les pouvoirs publics doivent comprendre quelles conséquences leurs politiques de soutien ont sur les différents secteurs de l'économie et comment cibler les dépenses publiques de façon optimale pour atteindre leurs objectifs.

Pour mieux cibler les réformes, les autorités gouvernementales ont besoin d’informations sur la nature et le volume du soutien dont bénéficient les différents secteurs, et sur la manière dont celui-ci influe sur les résultats socioéconomiques et la durabilité. Ce soutien inclut les mesures non spécifiques, c’est-à-dire qui ne ciblent pas un seul secteur mais profitent à un ensemble de secteurs simultanément. Elles comprennent par exemple les aides en faveur d’infrastructures côtières susceptibles d’être utilisées par le secteur de la pêche mais aussi par les transports maritimes ou le secteur du tourisme, ou encore le soutien à la commercialisation et au transport de tous les produits alimentaires. Autres exemples : les exonérations de taxes sur les carburants et les tarifs préférentiels dont bénéficient l’agriculture, l’exploitation forestière, les transports maritimes et les usages non routiers de véhicules. Dans la suite du chapitre, ces mesures sont appelées « mesures de soutien non spécifique à la pêche » (SNSP).

Tout comme les dispositifs ciblés sur un secteur particulier, les mesures de soutien non spécifique peuvent toucher les secteurs de manières différentes. Pour la pêche, par exemple, le soutien non spécifique peut avoir sur l’environnement des effets positifs s’il favorise une gestion efficace des pêches, ou négatifs s’il a pour résultat final d’encourager la surpêche (OCDE, 2020[1] ; Martini et Innes, 2018[2]). Pour bien comprendre l’impact de l’action publique sur la performance d’un secteur, il est donc nécessaire d’analyser les effets du soutien sur le long terme. Le rôle du soutien public fait aujourd’hui l’objet de nombreuses discussions dans beaucoup de secteurs, l’objectif étant de mettre en évidence les mesures susceptibles de corriger utilement les défaillances du marché mais aussi celles qui présentent des risques du point de vue de l’équité et de la durabilité environnementale (Sauvage, 2019[56]).

Pour le moment toutefois, ces discussions sont limitées par l’absence d’informations sur la nature et le volume du soutien que les différents secteurs reçoivent dans le cadre des mesures non spécifiques31. Celles-ci ne rentrent pas dans le périmètre de l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, qui ne concerne que les subventions spécifiques. De plus, il n’existe pas de données officiellement reconnues ni de mécanismes généraux de communication de données sur les mesures de soutien non spécifiques. Enfin, chiffrer le soutien non spécifique et analyser ses variations en volume dans le temps et entre les pays est compliqué. Très souvent, il est difficile d’identifier un prix de référence approprié pour les biens ou services faisant l’objet d’un soutien et, lorsqu’il s’agit d’une exonération fiscale, le volume du soutien dépend à la fois de l’ampleur de l’exonération et du niveau d’imposition initial (Fonds monétaire international (FMI), 2019[57]).

La présente section fait le point sur les informations disponibles sur la nature des mesures de SNSP afin de remédier au manque de données sur le sujet. L’objectif est de donner aux responsables publics un premier aperçu du SNSP comme point de départ pour éclairer les échanges sur cette question complexe et enrichir les discussions sur le soutien à la pêche plus généralement, de manière à garantir qu’il contribue à la durabilité et à la résilience dans un contexte national. Il n’est pas question ici de quantifier le SNSP ni de mesurer son impact sur les résultats socioéconomiques et la durabilité des pêches.

À partir d’une analyse des données publiques existantes sur les politiques gouvernementales, la présente section s’emploie à montrer à quels stades de la filière halieutique on peut trouver des mesures de SNSP ; elle décrit également la nature des mesures énergétiques qui procurent un soutien non spécifique à la pêche au moyen de l’Inventaire OCDE des mesures de soutien pour les combustibles fossiles, qui est la seule source de données comparables et officiellement reconnues sur les mesures de SNSP32.

Sans préjuger de toute future définition officielle du soutien non spécifique qui pourrait être formulée dans d'autres instances, on considère ici que le SNSP inclut tout soutien public qui profite au secteur de la pêche parmi un ensemble défini d’autres secteurs, mais sans être généralisé à toute l’économie. Le soutien lui-même est défini comme dans la base de données FSE, mais sans la contrainte de la spécificité. Il comprend donc le soutien direct aux indépendants et aux entreprises du secteur et le soutien aux services au secteur (voir l’encadré 3.1).

Comme le soutien spécifique, les mesures de SNSP peuvent intervenir à différentes stades de la filière pêche. Le Graphique 1.19 illustre les nombreux stades où elles peuvent se manifester. Avant les opérations de pêche, il peut s'agir d’aides à la construction ou à la modernisation d’infrastructures portuaires. Après la pêche, le soutien peut porter sur la commercialisation et la promotion des produits alimentaires, les installations portuaires de stockage, ou les transports dans les zones côtières. Le Tableau 1.4 donne des exemples réels de ce type de mesures, provenant des données en libre accès étudiées pour la présente section.

La seule source de données comparables et officiellement reconnues sur les mesures de SNSP est l’Inventaire OCDE des mesures de soutien pour les combustibles fossiles (ci-après « l’Inventaire »). La présente sous-section analyse les éléments de cette base de données afin de dresser un premier tableau des mesures non spécifiques de soutien énergétique dont bénéficie le secteur de la pêche33.

L’Inventaire fournit des informations sur les dispositifs de soutien énergétique, recueillies par l’OCDE pour 50 pays membres de l’OCDE et économies partenaires (encadré 3.4). Les métadonnées incluses dans l’Inventaire ont été utilisées pour mettre en évidence les mesures qui profitent à la pêche, entre autres secteurs34. Au total, 136 dispositifs de soutien ont été répertoriés, dont au moins un dans la plupart des pays de l’OCDE et économies émergentes couverts ici, ce qui laisse penser que le secteur de la pêche bénéficie souvent de mesures non spécifiques de soutien énergétique35.

L’Inventaire couvre une période étendue. D’après les données communiquées, l'une des mesures recensées comme étant de type SNSP a été adoptée en 1928. L'immense majorité (98 %) de ces mesures ont concerné des années postérieures à 2010 ; 78 % étaient en place pendant la période 2016-18, et environ 60 % étaient déclarées en vigueur depuis 199136.

L’Inventaire contient des descriptions des mesures, des informations sur les secteurs qui en bénéficient et les montants globaux associés. Dans la plupart des cas, on ne dispose pas de données sur les volumes de soutien ayant profité à tel ou tel secteur. C'est pourquoi l’Inventaire ne fournit pas d’informations quantitatives sur le soutien non spécifique à la pêche, mais indique uniquement que le secteur a bénéficié d’un certain nombre de mesures de soutien non spécifiques.

L’Inventaire montre que beaucoup d'autres secteurs bénéficient des mesures de soutien non spécifique qui profitent à la pêche (Graphique 1.20). C’est le cas de l’agriculture le plus souvent. Viennent ensuite les activités de dragage et d’extraction minière, l’exploitation forestière et les transports maritimes et la navigation.

Afin d’évaluer la finalité implicite d’un dispositif, les secteurs bénéficiaires ont été regroupés, et ces groupes ont été analysés de manière à repérer ceux qui peuvent dessiner une finalité de politique publique. Trois groupes ont ainsi été identifiés dans les données :

  • « Usages non routiers » : 44 % des mesures de SNSP ont profité aux transports aériens et ferroviaires, à l’exploitation forestière, aux activités de dragage et d’extraction minière, aux transports maritimes et à la navigation, à l’agriculture, à l’aquaculture et/ou à d'autres secteurs des produits alimentaires de la mer (mais à aucun autre secteur).

  • « Production du secteur primaire » : 12 % de ces mesures ont profité à l’agriculture, à l’exploitation forestière, à l’aquaculture et/ou à d’autres secteurs des produits alimentaires de la mer (mais à aucun autre secteur).

  • « Production alimentaire » : 7 % de ces mesures ont profité à l’agriculture, à l’aquaculture et/ou à d’autres secteurs des produits alimentaires de la mer (mais à aucun autre secteur).

La majorité des mesures de soutien énergétique SNSP ont pris la forme d’avantages fiscaux (89 %), tels que des exonérations, des taux réduits, des remboursements ou des régimes préférentiels pour certains usagers, applicables sur des prélèvements fiscaux normalement imposés aux acteurs économiques (Tableau 1.5). La majorité des pays et des économies couverts dans le présent chapitre (87 %) ont adopté au moins une mesure de SNSP conférant un avantage fiscal.

Les mesures de soutien énergétique non spécifique à la pêche ont porté presque entièrement sur les carburants (99 %), même si quelques-unes étaient ciblées sur l’électricité ou l’englobaient. Environ 10 % d’entre elles étaient des avantages fiscaux conférés sur diverses taxes à vocation environnementale, par exemple des exonérations des taxes sur les émissions de dioxyde de carbone.

Certains pays couverts dans le présent chapitre publient des données sur les montants transférés à leur secteur de la pêche via des mesures de soutien énergétique non spécifique. Ces montants ont été comparés aux montants totaux transférés via les mesures spécifiques à la pêche communiquées dans la base de données FSE. Les données semblent montrer que les mesures non spécifiques de soutien énergétique peuvent représenter pour le secteur une importante source de soutien.

Aux Pays-Bas, par exemple, le secteur halieutique a été exonéré d’une taxe non spécifique sur les carburants, ce qui s’est traduite par un volume de soutien allant jusqu’à quatre fois la valeur du soutien total spécifique à la pêche tel que mesure dans la base de donnée FSE entre 2009 et 2018 (selon les années)37. Cette exonération fiscale a pour but de compenser une taxe nationale sur les carburants qui est l’une des plus élevées au monde (AIE, 2020[65]) afin que les flottes de pêche s’avitaillant en carburant aux Pays-Bas ne soient pas désavantagées. Tous les navires de mer achetant du carburant aux Pays-Bas peuvent bénéficier de cette exonération de taxe sur les carburants quel que soit leur État du pavillon et leur État côtier.

À ce jour, réunir des données sur les mesures de soutien non spécifique qui profitent à la pêche reste difficile. Comparer les pays et analyser les évolutions dans le temps l’est d’autant plus. La seule source de données comparables sur le soutien non spécifique à la pêche (SNSP) est l’Inventaire OCDE des mesures de soutien pour les combustibles fossiles, qui décrit les dispositifs utilisés par 50 pays et économies (dont la plupart de ceux couverts dans le présent chapitre) pour fournir un soutien en matière d’énergie. Cet Inventaire montre qu’au cours des dernières années, un grand nombre de ces pays et économies ont appliqué des mesures de soutien énergétique non spécifique qui ont profité à leur secteur de la pêche. Mais il ne contient pas d’informations sur les montants transférés au secteur halieutique dans le cadre de ces mesures. Il en ressort que la plupart des mesures de soutien énergétique SNSP prennent la forme d’avantages fiscaux sur les carburants, et que l’agriculture est le secteur qui en bénéficie le plus souvent, en plus d’autres secteurs. Le peu de données disponibles laisse penser que, dans certains pays, les volumes du soutien énergétique non spécifique dont bénéficie la pêche peuvent représenter des volumes importants en comparaison du soutien spécifique à la pêche.

Si l'on veut mieux comprendre dans quelle mesure les politiques publiques permettent d'atteindre les objectifs que les pays ont fixés pour leurs pêches, il est nécessaire de réaliser des études complémentaires décrivant la nature et le volume du soutien apporté par le biais de mesures non spécifiques, y compris ne portant pas sur l’énergie, et d’analyser son impact sur la performance et la durabilité des pêches, lequel, tout comme le soutien public spécifique à la pêche, peut dépendre de la nature des mesures, des systèmes de gestion en place et de l’état de la ressource.

Références

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[62] Suharsono, A. et al. (2021), Supporting Marine Fishing Sustainably: A Review of Central and Provincial Government Support for Marine Fisheries in Indonesia, Institut international du développement durable, Winnipeg, Manitoba, Canada, https://www.iisd.org/system/files/2021-07/sustainable-marine-fisheries-indonesia-en.pdf.

[18] Sumaila, U., A. Dyck et W. Cheung (2013), « Fisheries subsidies and potential catch loss in SIDS exclusive economic zones: Food security implications », Environment and Development Economics, vol. 18/4, pp. 427-439, https://doi.org/10.1017/s1355770x13000156.

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[48] Tipping, A., T. Irschlinger et C. Bellmann (2020), Stock Take of APEC Economies’ Existing Measures on Withdrawal of Subsidies in Cases Where There Has Been a Determination of IUU Fishing, Secrétariat de la Coopération économique Asie-Pacifique, Singapour, https://www.apec.org/Publications/2020/07/APEC-IUU-Study.

[33] Weninger et K. McConnell (2000), « Buyback programs in commercial fisheries: effciency versus transfers », Canadian Journal of Economics/Revue canadienne d’économique, vol. 33, pp. 394-412, https://doi.org/10.1111/0008-4085.00021.

[29] Westlund, L. (2004), Guide pour l’identification, l’évaluation et la notification des subventions dans le secteur des pêches, FAO Document technique sur les pêches n° 438, Rome, https://www.fao.org/3/y5424f/y5424f00.htm (consulté le 24 mars 2022).

[45] Widjaja, S. et al. (2020), Illegal, Unreported and Unregulated Fishing and Associated Drivers, Institut des ressources mondiales, Washington, D.C., https://oceanpanel.org/wp-content/uploads/2022/05/Illegal-Unreported-and-Unregulated-Fishing-and-Associated-Drivers.pdf.

[21] Yagi, N., Y. Senda et M. Ariji (2008), « Panel data analyses to examine effects of subsidies to fishery productions in OECD countries », Fisheries Science, vol. 74/6, pp. 1229-1234, https://doi.org/10.1111/j.1444-2906.2008.01647.x.

Notes

← 1. Les données sur la valeur des débarquements n’étaient pas disponibles pour le Brésil, l’Inde, la Malaisie, le Pérou, les Philippines et le Viet Nam, raison pour laquelle ces pays n’ont pas été inclus dans ce calcul du soutien total en valeur des débarquements.

← 2. Ce calcul repose sur un sous-ensemble de pays pour lesquels les données concernant à la fois le soutien et la valeur des débarquements étaient disponibles (Argentine, Chine, Indonésie, Taipei chinois).

← 3. Il est raisonnable de considérer l’UE comme une seule entité s'agissant du soutien à la pêche dans la mesure où son financement et les sommes allouées sont en grande partie décidés au niveau de l’UE.

← 4. Le soutien, le volume des captures, le tonnage brut de la flotte et l’emploi sont, dans une certaine mesure, tous corrélés. Les flottes de grande taille peuvent nécessiter plus d’argent en valeur absolue, mais un soutien plus élevé peut aussi se traduire par une flotte plus importante, davantage d’emplois et un plus grand volume de captures.

← 5. Durant toute la période, les dépenses de SSS dans les économies émergentes ont reculé de 0.17 milliard USD au total, partant de 0.86 milliard USD en 2012-14. Les PMS ont peu évolué (ils s’élevaient à 0.05 milliard USD en 2012-14). La contribution relative du SSS net au soutien total net dans le groupe des économies émergentes a également progressé, puis diminué sur la période, mais il était plus élevé en 2018-20 (13 %) qu’en 2012-14 (10 %) car le niveau du DSI a baissé aussi.

← 6. Certains services varient aussi en fonction de la taille de la zone économique exclusive – les grands territoires maritimes coûtant plus cher à réguler –, de la diversité des activités halieutiques, et de diverses caractéristiques de chaque pays, telles que la géographie ou la gouvernance. En somme, il est peu probable qu’une relation claire et directe existe entre l’un de ces facteurs et le niveau approprié de SSS.

← 7. Certaines économies émergentes (Brésil, Inde, Malaisie, Pérou, Philippines et Viet Nam) ne sont pas incluses dans cet indicateur, car les données relatives à la valeur de leurs débarquements n'étaient pas disponibles.

← 8. Si l’on examine le soutien total rapporté à la valeur des débarquements, il convient de noter que, si certains pays ont des activités halieutiques à la fois maritimes et continentales, seules sont disponibles les données sur les débarquements des pêches maritimes. Pour l’ensemble des pays et économies, les débarquements des pêches maritimes représentent l’immense majorité de la valeur des débarquements, c’est pourquoi, bien que l’indicateur soit surestimé, il ne l’est très certainement que peu. La situation est différente au niveau des pays, où les données de l’emploi semblent indiquer que la pêche continentale peut parfois occuper une place importante (par exemple en Allemagne, en Argentine, en Colombie, en Estonie, en Lituanie et en Pologne, où l’emploi dans la pêche continentale représente plus de 30 % du total, et en Inde, où ce pourcentage dépasse les 70 %), même si les valeurs unitaires des débarquements des pêches continentales sont en général relativement faibles par rapport à celles des débarquements des pêches maritimes.

← 9. L'intensité des dépenses de SSS net a diminué entre 2012-14 et 2016-18 dans l’OCDE (passant de 618 USD/tonne brute à 579 USD/tonne brute) mais a augmenté depuis, malgré un léger recul des dépenses nettes de SSS dans l’ensemble de l’OCDE à mesure de la diminution de la taille de la flotte (-4 %).

← 10. En règle générale, les économies émergentes possèdent des flottes relativement grandes et ont déclaré des SSS relativement faibles, mais les données sont imparfaites. On ne dispose pas d’informations sur le tonnage brut pour tous les pays émergents, et des incertitudes demeurent quant à la précision des chiffres transmis sur les dépenses consacrées à des services comme la gestion, qui représentent souvent une part importante du SSS.

← 11. Le soutien total a augmenté dans certaines de ces économies (Inde, Pérou et Taipei chinois), mais cette hausse a été plus que compensée par des diminutions plus fortes ailleurs (principalement au Brésil, en Chine et en Malaisie).

← 12. Ces chiffres sont des estimations peut-être sous-évaluées de la contribution financière versée en contrepartie de l’accès aux eaux territoriales consenti dans le cadre des accords de partenariat de l’UE dans le domaine de la pêche. Ils illustrent en effet la partie « fixe » des paiements prévus dans les accords. Dans certains cas, des paiements supplémentaires peuvent avoir lieu, lorsque le volume des captures a dépassé le tonnage de référence, en fonction des conditions propres à chaque accord. Les données n’étaient pas disponibles pour ajuster les montants en conséquence dans la base FSE.

← 13. Cette situation peut aussi tenir aux capacités budgétaires, parfois insuffisantes pour financer un niveau de DSI plus élevé. En outre, le niveau relatif de soutien par dollar peut varier en fonction du pouvoir d’achat des différents pays ou économies.

← 14. Les conséquences négatives sur le réchauffement planétaire peuvent venir à la fois des émissions de GES plus importantes dues à l’effort de pêche accru, et des effets préjudiciables sur les stocks halieutiques et les écosystèmes océaniques, qui pèsent sur le potentiel de régulation climatique de l’océan.

← 15. Afin d’aller plus loin qu’une simple analyse des effets d’après les principes de base, un modèle bioéconomique de l’activité halieutique mondiale s’appuyant sur la théorie économique de la production a été mis au point et a permis de simuler les effets de six formes courantes de soutien à la pêche sur la capacité, l’effort et la taille des stocks selon différents modes de gestion (Martini et Innes, 2018[2]). Les six grandes catégories de mesures de soutien direct aux indépendants et aux entreprises du secteur de la pêche étaient les suivantes : 1) les paiements fondés sur les revenus des pêcheurs ; 2) les capitaux propres (c’est-à-dire le rendement des activités de pêche) ; 3) les navires ; 4) l’utilisation d’intrants variables (les engins) ; 5) les carburants; et 6) la production (le volume des captures). Les effets sur les revenus ont été quantifiés en calculant l’efficience des transferts. Des travaux de l’OCDE à paraître qui s’en inspirent apportent des éclairages complémentaires sur le sujet en modélisant et en évaluant les impacts de différentes politiques de soutien sous l’angle des échanges entre régions.

← 16. On sait que les mesures de gestion visant à limiter les prises (par exemple les totaux admissibles de capture), l’effort ou les deux (par exemple les quotas individuels transférables) sont capables, à des degrés variables, d'influer sur la manière dont un dispositif de soutien se manifeste dans une pêcherie et à quel degré (OCDE, 2008[9] ; PNUE, 2004[20]), tout comme les mesures ciblées sur des problèmes plus précis comme la pêche INN (OCDE, 2020[1]).

← 17. Martini et Innes (2018[2]) ont analysé les effets relatifs de mesures courantes de soutien direct et démontré que toutes les formes évaluées appauvrissent les stocks halieutiques dans une certaine mesure et que le fait de réduire le soutien se traduit par une baisse nette de l’effort et une amélioration des stocks.

← 18. Il peut être utile de préciser que le graphique 3.16 a pour but d’expliciter les différences entre le risque inhérent (c’est-à-dire la probabilité) que divers types de mesures présentent d’encourager une pêche non durable, et les facteurs pouvant influer sur ce risque. La taille de l’impact (c’est-à-dire l’effet produit), en cas de pêche non durable, dépend également du niveau des dépenses consacrées au soutien en question. C’est pourquoi le niveau de risque indiqué ne présuppose pas l’ampleur de l’effet produit.

← 19. De précédents travaux de l’OCDE ont démontré la manière globalement analogue dont les mesures de soutien tant aux coûts variables qu’aux coûts fixes peuvent entraîner un appauvrissement des stocks – et aboutir à une augmentation des captures à long terme si le stock est sous-exploité et à une diminution si le stock est surexploité (voir l'annexe 5.A dans OCDE (2008[9])).

← 20. C’est le cas, par exemple, des accords de partenariat de l’UE dans le domaine de la pêche, qui ciblent l’excédent du total admissible de capture des ressources biologiques et prévoient à la fois une compensation financière pour l’accès aux ressources dans la ZEE de pays tiers, et une contribution financière destinée à promouvoir la gestion durable des pêches dans ces pays, par exemple par le renforcement des capacités de contrôle et de surveillance, et un soutien aux communautés locales de pêcheurs.

← 21. Ce phénomène d’augmentation insidieuse de l’effort (« effort creep ») est un problème reconnu et persistant dans le domaine de la gestion des pêches (voir par exemple O’Neill et Leigh (2007[67]) et Palomares et Pauly (2019[66])).

← 22. Le soutien direct au revenu ne réduit pas le taux d’emploi dans le secteur de la pêche, mais de meilleurs résultats peuvent être obtenus lorsque les financements visent expressément à diminuer le nombre de personnes qui dépendent de la pêche. Au Canada, dans le cadre des volets « retrait de permis » et « retraite anticipée » du Programme d'adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord et de la Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique, environ 35 % des détenteurs de permis de pêche de poissons de fond de Terre-Neuve-et-Labrador ont fermé leurs entreprises et quitté le secteur.

← 23. De même, les dispositifs de soutien classés « autres » (dans le FSE ou ailleurs) sont ventilés dans cette catégorie car ils contiennent un ensemble de mesures (en plus de rentrer dans des catégories pouvant avoir différents types d’impact en fonction des modalités de la mesure).

← 24. Des données plus granulaires sur la nature des mesures classées dans la catégorie « risque indéterminé » pourraient permettre, dans le futur, de ventiler certains programmes dans d'autres cases du tableau.

← 25. Actuellement, les indicateurs FSE ne font pas la distinction entre le soutien aux infrastructures (accès) et le soutien aux infrastructures (équipements) ; de ce fait, toutes les dépenses d’infrastructures sont classées dans la catégorie « risque modéré ». De même, en l’état actuel des choses, il n’est pas possible de faire la différence entre le soutien aux navires et aux engins (augmentation de la capacité) et le soutien aux engins (sécurité et impact sur l’environnement). Il semble toutefois que, dans l’ensemble de la base de données, une grande partie de ce soutien aille probablement à l’augmentation de la capacité (par exemple, des aides à la construction de navires en Chine). Conformément à l’approche fondée sur les risques utilisée pour analyser le soutien dans la présente section, tous les dispositifs de soutien en faveur des navires et des engins ont été ventilés dans la catégorie « risque élevé ». Des révisions futures de la structure de la base de données FSE et des données à communiquer pourraient permettre d'affiner ces ventilations.

← 26. Les mesures de la catégorie « risque indéterminé » représentaient 19 % du soutien total (1.0 milliard USD) en 2018-20 et ont progressé régulièrement, tant en pourcentage qu’en valeur absolue, depuis 2012-14 (3 % du soutien total, 0.3 milliard USD).

← 27. Cette section s'appuie sur un document récent de l’OCDE intitulé « Eliminating government support to IUU fishing » (Delpeuch, Migliaccio et Symes, 2022[41]). Elle en présente de façon synthétique les conclusions, notamment en reproduisant son texte, et adopte un nouveau cadrage à la lumière du récent Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche.

← 28. L’accord de l’OMC reprend la définition de la pêche INN utilisée dans le PAI-INDNR. Dans leur législation intérieure, les économies reprennent également parfois la définition énoncée dans le PAI-INDNR, mais d'autres définitions sont aussi souvent utilisées (voir la section 3.4.2).

← 29. La communauté internationale a reconnu la nécessité de mettre fin au soutien à la pêche INN et en a fait une priorité d'action depuis plus de vingt ans. À titre d’exemple, le PAI-INDNR appelait déjà en 2001 les pays qui le souhaitaient à éviter de soutenir la pêche INN.

← 30. En septembre 2022, huit pays et économies étudiés dans le rapport n’avaient pas signé l’AMREP, à savoir : Argentine, Brésil, Chine, Colombie, Inde, Malaisie, Mexique et Taipei chinois.

← 31. , d'autres sources d’information reposant principalement sur des estimations sont souvent utilisées comme référence.

← 32. Les données en libre accès extraites aux fins de cette analyse proviennent de l’Inventaire OCDE des mesures de soutien (pour plus d’informations, voir l’encadré 3.4) et des données publiées par l’Institut international pour le développement durable sur le soutien à la pêche en Inde et en Indonésie. Les données de l’IIDD sont accessibles aux adresses suivantes : https://www.iisd.org/publications/supporting-marine-fisheries-india et https://www.iisd.org/publications/sustainable-marine-fisheries-indonesia.

← 33. Quelques mesures supplémentaires issues du processus de déclaration du FSE ont été incluses dans l’Inventaire SNSP, à la demande du pays ou de l’économie concerné ou lorsque cela était jugé utile.

← 34. Avec une méthode du même type, la base de données de l’OCDE sur l’économie durable de l’océan montre les mesures qui profitent à l'économie maritime grâce à une série d’indicateurs sur le soutien aux énergies fossiles dans le domaine maritime. Voir : https://www.oecd.org/ocean/data.

← 35. La Colombie, le Costa Rica, l’Islande et la Suède sont les seuls pays de l’OCDE couverts dans ce rapport et dans l’Inventaire pour lesquels aucune mesure SNSP n'a été trouvée.

← 36. Lorsque les métadonnées ne mentionnaient pas de date de fin, les dispositifs étaient supposés être encore en vigueur en 2020. Les calculs pour les mesures en vigueur depuis 1991 englobent celles pour lesquelles aucune date de mise en place ne figurait dans les métadonnées.

← 37. Entre 2009 et 2018, la valeur de l’exonération non spécifique de taxe sur les carburants a été au moins 15 fois supérieure au « soutien direct aux indépendants et aux entreprises du secteur » répertorié dans la base de données FSE.

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