Éditorial

Ces deux dernières décennies, le pourcentage de jeunes diplômés de l’enseignement tertiaire a fortement augmenté dans les pays de l’OCDE : 48 % des 24-34 ans sont diplômés de l’enseignement tertiaire selon les chiffres de 2021, contre 27 % à peine en 2000. Cette progression s’explique par la demande en hausse de compétences de pointe sur le marché du travail et a de grandes implications pour nos sociétés et l’avenir de l’éducation.

La pandémie de COVID-19 a montré que l’élévation du niveau de formation était l’une des meilleures protections contre les risques économiques : au plus fort de l’épidémie, le chômage a nettement plus augmenté chez les non-diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire que chez les diplômés de l’enseignement tertiaire. C’est à peu de choses près ce qui s’est produit au lendemain de la crise financière de 2008.

Adopter de nouvelles applications technologiques qui améliorent la qualité de la vie peut aussi être moins ardu avec un certain bagage. Il apparaît par exemple que dans le groupe d’âge 55-74 ans, 71 % des diplômés de l’enseignement tertiaire ont passé des appels téléphoniques ou vidéo en ligne pendant la pandémie, ce qui leur a permis de rester en contact avec leur famille et leur cercle d’amis et les a protégés de l’isolement social. À titre de comparaison, 34 % seulement des non-diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire disent en avoir fait autant dans ce groupe d’âge.

Cette année, Regards sur l’éducation analyse en particulier ce que ces changements impliquent pour l’enseignement tertiaire.

Comme les étudiants sont de plus en plus nombreux dans l’enseignement tertiaire, la diversité qui s’observe dans leur profil socio-économique et leur parcours scolaire va croissant. Pour répondre aux besoins de cet effectif qui se diversifie, l’enseignement tertiaire doit se diversifier aussi. Les modèles efficaces à l’époque où l’université ouvrait ses portes à un pourcentage minime de chaque cohorte d’âge — le plus souvent dans les milieux privilégiés — ne le sont plus à l’heure où plus de la moitié des jeunes s’inscrivent dans l’enseignement tertiaire.

Les systèmes d’enseignement tertiaire doivent être prêts à accueillir des étudiants désireux d’acquérir de nouvelles compétences à différents stades de leur carrière. Les micro-qualifications semblent très prometteuses, car elles donnent aux étudiants un plus grand pouvoir sur ce qu’ils apprennent et une plus grande liberté de choisir où et à quel stade de leur vie se former est le plus approprié. À mesure que le marché du travail évolue, des avancées telles que celles-là pourraient épargner aux jeunes diplômés des difficultés à trouver un emploi de qualité alors que les employeurs qui cherchent la perle rare restent bredouilles.

Un diplôme tertiaire ne convient de surcroît pas nécessairement à tous. L’augmentation générale de l’effectif diplômé de l’enseignement tertiaire pourrait avoir amené les employeurs à faire de ce niveau de formation leur nouvelle norme, incitant des jeunes à s’orienter vers la filière académique alors que la filière professionnelle leur conviendrait mieux. Pour l’éviter, il est important de proposer dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire des formations professionnelles dont la qualité et les débouchés sur le marché du travail n’ont rien à envier à ceux de l’enseignement tertiaire, mais ce type de formations reste rare. Il faut de nouvelles passerelles en filière professionnelle entre le deuxième cycle de l’enseignement secondaire et l’enseignement tertiaire pour que les élèves optent pour cette filière par choix et non en dernier recours et qu’une fois diplômés, ils aient la possibilité de poursuivre leurs études ou de reprendre des études par la suite.

La pandémie a montré à quel point les outils numériques étaient importants dans l’enseignement tertiaire. Les modèles novateurs d’enseignement à distance qui ont été élaborés ont permis aux étudiants de poursuivre leurs études au plus fort de la pandémie.

La moitié environ des pays de l’OCDE ont modifié leur cadre institutionnel ou réglementaire pendant la pandémie pour faciliter l’utilisation de ces outils. La plupart des pays de l’OCDE ont réussi à financer l’achat d’outils numériques à utiliser pendant les cours en classe ou à distance et la formation des enseignants à leur utilisation. Ces mesures prises dans de nombreux pays pendant la pandémie sont de belles avancées, mais elles ne suffisent pas.

Une plus grande culture de l’innovation s’impose dans l’éducation pour exploiter pleinement le potentiel de la transformation numérique. Il faut des cadres institutionnels ou réglementaires appropriés, en particulier ceux régissant l’enseignement numérique. Il faut aussi veiller à une plus grande réactivité aux possibilités du numérique dans les marchés publics de l’éducation et inciter davantage le secteur privé à innover. Quant aux enseignants, il faut faire en sorte qu’ils acquièrent les compétences indispensables à l’utilisation des outils numériques non seulement pour enseigner, mais aussi pour améliorer leur propre développement professionnel.

Les questions politiques décrites ci-dessus ouvrent diverses voies de développement aux statistiques de l’OCDE sur l’éducation. Pour l’heure, les modes de scolarisation non conventionnels, tels que celui de micro-qualification, sont encore peu documentés à l’échelle nationale, alors qu’ils promettent de prendre de l’importance à l’avenir. Il en va de même au sujet de la qualité des cursus tertiaires et de leur valeur sur le marché du travail qui sont peu documentées aussi, alors que ce sont des aspects essentiels dont les responsables politiques doivent être informés. Des statistiques sur l’utilisation des solutions numériques sont également nécessaires pour faire en sorte que les systèmes d’éducation répondent aux besoins du marché du travail aujourd’hui et demain. Les sources d’information actuelles ne suffisent pas pour cerner ces dimensions. Il faut consulter des données des employeurs et du secteur des technologies de l’éducation pour mesurer l’impact de l’apprentissage tout au long de la vie et de la formation en entreprise par exemple.

L’OCDE entend continuer de travailler avec ses membres et ses partenaires pour fournir aux responsables politiques les données dont ils ont besoin pour évaluer les politiques de relance de l’apprentissage, s’inspirer des innovations et initiatives numériques lancées durant la pandémie et développer les systèmes d’éducation et les mettre au service d’un objectif majeur, des emplois meilleurs pour une vie meilleure.

 

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Mathias Cormann

Secrétaire général de l’OCDE

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