27. Vaincre l’exclusion dans les économies numériques

François Coupienne
UNCDF
Nandini Harihareswara
UNCDF
  • Une démarche axée sur le développement du marché et des outils dédiés peut aider les responsables de l’action publique à élaborer des stratégies de transformation numérique, mesurer les progrès et identifier les obstacles qui excluent certains groupes de l’économie numérique.

  • Mesurer l’inclusion des femmes dans l’économie numérique permet de faire ressortir les écarts entre hommes et femmes au niveau de l'accès aux financements, de la participation au capital des entreprises, des compétences et de la culture financière, écarts que les différents pays peuvent combler en adoptant des approches communes.

  • Les fournisseurs de coopération pour le développement devraient adapter le soutien financier et l’assistance technique au stade de développement de l’économie numérique inclusive d’un pays et mettre à profit les rôles et comportements des acteurs présents sur le marché.

  • Les fournisseurs de coopération pour le développement peuvent jouer un rôle en rassemblant les parties prenantes des secteurs public et privé et de la société civile afin de déterminer quels sont les investissements et les changements réglementaires propices à l’inclusion dans l’économie numérique.

Des économies numériques qui ne laissent personne de côté ne peuvent être obtenues que si elles sont développées aux niveaux national, régional et mondial et dans l’intention délibérée de les rendre inclusives. Les femmes, les migrants, les réfugiés, les jeunes, les personnes âgées, les personnes handicapées et les populations rurales sont souvent marginalisés et exclus de la technologie et de l’innovation numériques en raison des normes sociales, de leur statut social ainsi que de leurs possibilités et revenus limités. Les contraintes du marché empêchent les micro-, petites et moyennes entreprises (MPME) – soit la plupart des entreprises dans le monde – d’accéder aux technologies numériques et de les utiliser1.

Une démarche axée sur le développement du marché peut aider les pouvoirs publics et le secteur privé à bâtir des économies numériques inclusives en déterminant les contraintes du marché et en apportant des solutions graduelles pour lever les obstacles à l’accès au numérique et à son adoption. Le Fonds d'équipement des Nations Unies (FENU) dispose d’un ensemble d’outils permettant d’évaluer le niveau de développement de l’économie numérique d’un pays et ses principales composantes. Les fournisseurs de coopération pour le développement et les autres bailleurs de fonds peuvent soutenir cette démarche par des investissements à long terme, par des conseils très précis à chaque stade de développement du marché et par des instruments de financement non conventionnels qui aident les femmes et les autres groupes marginalisés à participer à l’économie numérique.

La crise du Covid-19 a suscité un nouvel intérêt pour la mise en œuvre et la progression de la transformation numérique. Depuis le début de la pandémie, le FENU a reçu un nombre croissant de demandes de soutien émanant de partenaires publics et privés pour mettre la technologie numérique au service de la vie des citoyens, en particulier lorsqu’ils appartiennent à des groupes marginalisés. On assiste également à une recrudescence de demandes de nouvelles formules pour mobiliser les outils existants, comme les dons, et pour développer des mécanismes financiers non conventionnels ou recourir à des approches centrées sur l’humain en termes de la conception, d’analyse de données et d’assistance technique.

Depuis le début de la pandémie, le FENU a reçu un nombre croissant de demandes de soutien émanant de partenaires publics et privés pour mettre la technologie numérique au service de la vie des citoyens, en particulier lorsqu’ils appartiennent à des groupes marginalisés.  
        

À l’heure actuelle, 23 pays d’Afrique, d’Asie et du Pacifique sur les 28 dans lesquels le FENU est présent utilisent son tableau de bord de l’économie numérique inclusive (IDES) : un instrument de mesure des politiques et performances permettant d’évaluer le niveau de développement de l’économie numérique selon des critères tels qu’un cadre d’action propice, des infrastructures et des paiements numériques, des écosystèmes de l’innovation, et des compétences vis-à-vis de la clientèle. L’IDES note également les principales dimensions d’une économie numérique inclusive (compétences, innovation, infrastructures, stratégie et réglementation) et plus particulièrement l’inclusion des femmes2 (Graphique 27.1).

Un autre score, le Score de l’économie numérique (DES), examine le stade de transformation numérique d'un pays, depuis sa phase initiale, puis son démarrage et la mise en place de services financiers numériques jusqu’à son développement, avec la mise à disposition d’une gamme de services numériques plus étendue, et enfin sa consolidation. Parmi les pays qui ont appliqué l’IDES en 2021, un seul en est à ses débuts, 16 pays en sont au stade de démarrage de l’économie numérique, cinq autres pays sont en phase de développement et un seul d’entre eux a atteint la phase de consolidation. Les investissements stratégiques, le financement et les compétences apportés par les acteurs du développement et les autres bailleurs de fonds à chaque étape du parcours d’un pays permettent de soutenir les pouvoirs publics et le secteur privé.

Durant sa phase initiale (score IDES de 24 %), il manque au pays ce que le FENU qualifie de socle numérique de base – stratégie et réglementation, infrastructures d’identité numérique, propriété de téléphones, réseaux d’agents et services financiers numériques – qui permet le développement de services numériques allant au-delà de la voix et de l’internet. Hormis les services de télécommunications, aucun fournisseur ne propose de services numériques destinés au marché de masse et les citoyens ne peuvent pas utiliser la technologie pour accéder à des services financiers ou autres et les utiliser.

Pour passer à l’étape suivante, les apporteurs de financement numérique doivent créer des services destinés au marché de masse et les autorités de réglementation doivent créer un environnement propice3. Il peut s’écouler plusieurs années avant que les systèmes ne soient créés, les produits testés, les projets pilotes achevés, que les clients n’utilisent les services et que les prestataires de services financiers numériques n’aient obtenu l’approbation réglementaire. À ce stade, les acteurs du développement peuvent apporter les compétences nécessaires, des dons ou tout autre type de soutien financier afin d’écarter les risques associés aux investissements des prestataires et de guider les stratégies d’entrée sur le marché des nouveaux services.

Durant la phase de démarrage (score DES de 25 à 49 %), le pays met en place le socle numérique de base permettant aux citoyens d’accéder à certains services numériques fondamentaux, principalement dans le secteur des paiements et/ou de la finance, et de les utiliser. Plusieurs fournisseurs proposent des services financiers numériques destinés au marché de masse, qui touchent les personnes n’ayant pas accès aux services bancaires. L’innovation en est encore à ses balbutiements, mais certains incubateurs et start-ups ont lancé un nombre limité de produits et de services sous la forme de paiements numériques (argent mobile) ou utilisent des services de paiement numérique (paiement à l’usage des solutions solaires).

Pour passer à l’étape suivante, les apporteurs de financement numérique doivent trouver un point d’équilibre entre le nombre de clients actifs et le nombre d’agents actifs et disponibles afin de satisfaire les besoins des clients et d’atteindre la rentabilité. Certains marchés restent bloqués à ce stade pendant de nombreuses années jusqu’à ce que les prestataires aient réglé l’ensemble des difficultés qui freinent l’adoption par les clients et l’activité des agents. Une infrastructure ouverte et un système de paiement peuvent ouvrir des portes aux entrepreneurs qui gèrent des services numériques dans différents domaines (finance, agriculture, énergie, santé, éducation, commerce électronique). Outre le soutien financier nécessaire au déploiement de services efficaces, les acteurs du développement peuvent offrir un savoir-faire spécialisé dans différents domaines des infrastructures numériques, de la finance et des compétences.

Durant la phase de développement (score DES de 50 à 70 %), les systèmes de paiement numériques sont d’usage courant et généralisé et l’écosystème de l’innovation commence à se développer à travers de nouveaux partenariats et services dans des domaines tels que la finance, l’agriculture, l’énergie, la santé, l’éducation et le commerce électronique. De plus en plus de citoyens adoptent les outils numériques et de nouveaux acteurs font leur entrée sur le marché (fournisseurs, technologies financières (FinTech), start-ups, entrepreneurs, incubateurs, etc.).

Pour dépasser le stade du développement, les pouvoirs publics et les acteurs du secteur privé doivent avoir recours à des incitations afin de stimuler la croissance des start-ups, les aider à réunir les compétences nécessaires et leur donner accès aux financements à tous les stades de développement. Durant cette phase, une combinaison judicieuse de compétences et de financements comme des dons, des prêts, des apports en capitaux propres (prises de participation) et des garanties favorise l’innovation.

Dans sa phase de consolidation (score DES de 75 % à 100 %), une large gamme de services numériques accessibles et faciles à utiliser est proposée dans différents domaines et les utilisateurs ont le choix entre plusieurs fournisseurs. Dans le même temps, les prestataires de services ne se contentent plus de mettre l’accent sur l’accès et l’utilisation, mais ils entrent désormais en concurrence pour conserver leurs clients et s’attachent à créer une valeur ajoutée et à renforcer l’impact que leurs services ont sur les clients.

Les travaux menés par le FENU auprès de plusieurs pays dans le cadre de l’IDES contribuent à apporter des changements positifs et concrets, notamment par l’action des organismes publics pour élaborer des stratégies en matière d’économie numérique et se concentrer sur le caractère inclusif de leur transformation numérique. Ils aident les pouvoirs publics à se recentrer sur leur transformation numérique à l’aide d’un cadre et d’indicateurs complets permettant de mettre en évidence les lacunes et d’établir des priorités pour les années à venir.

En Ouganda, le numérique est devenu un domaine prioritaire transversal à part entière dans le cadre du deuxième plan de développement national (PDN) du pays. En 2020, le FENU a apporté son soutien à l’autorité nationale de planification du pays afin de prendre en compte le numérique dans le troisième PDN à titre de levier du développement économique, et le gouvernement a adopté l’IDES pour mesurer les progrès en matière de transformation numérique. Divers organismes publics utilisent désormais les résultats de l’IDES pour prévoir les activités, identifier les besoins de financement et établir les budgets pour 2022 dans le cadre de la Vision numérique de l’Ouganda, la stratégie de transformation numérique globale du pays.

Le gouvernement des Îles Salomon utilise également l'IDES pour suivre les progrès du pays sur le plan de la transformation numérique. La Banque centrale a eu recours aux scores et études de l’IDES pour élaborer la troisième version de la Stratégie nationale d’inclusion financière. Le ministère de la Communication et de l’Aviation l’a employé pour définir les domaines prioritaires dans le cadre de l’élaboration de la Stratégie nationale pour l’économie numérique. Les travaux de l’IDES ont également contribué à créer l’Autorité nationale pour la transformation numérique.

Les gouvernements du Burkina Faso et de la Zambie ont également adopté l’IDES en 2021 pour concevoir et accompagner leur transformation numérique. Le ministère de l’Économie numérique, des Postes et de la Transformation numérique du Burkina Faso l’emploie pour mettre en évidence les lacunes les plus importantes et cibler les priorités en matière de politique et de réglementation, d’infrastructures, d’innovation, de compétences et d’inclusion, notamment en ce qui concerne les femmes, les jeunes et les PME. En Zambie, le ministère de la Science et de la Technologie a recours à l’IDES pour élaborer la première stratégie nationale en faveur de l’économie numérique et les plans de transformation numérique de trois ministères.

Pour assurer que les économies numériques soient inclusives, il convient d’accorder une attention particulière aux groupes traditionnellement marginalisés. Afin d’évaluer dans quelle mesure les secteurs publics et privés incluent les populations marginalisées dans la transformation numérique, le FENU a mis au point le Score d’inclusion des femmes (WIS)4. Il indique le niveau d’inclusion des femmes dans l’économie numérique d’un pays, à chacune des étapes de son développement et dans chaque dimension (compétences, innovation, infrastructures, stratégie et réglementation) et permet de mettre en évidence les obstacles auxquels elles sont confrontées5. Les pays peuvent utiliser le score WIS pour déterminer quels sont les domaines ou dimensions qui ont le plus d’incidence sur un faible score et, par conséquent, les obstacles du marché à surmonter en priorité.

Un pays peut avoir un score DES élevé et un score WIS faible. L’écart entre les deux scores peut indiquer que des progrès ont été accomplis dans une dimension lorsqu’on évalue l’ensemble de la situation, mais qu’ils sont moins sensibles dans cette même dimension au regard de l’inclusion des femmes. Ainsi, bon nombre de pays ont un score DES élevé s’agissant de la stratégie et de la réglementation, mais le score WIS le plus faible de tous les pays utilisant l’IDES en matière de stratégie, de réglementation et d’innovation. Cela s’explique par le fait que de nombreux documents concernant la stratégie en matière d’économie numérique ne font pas mention expressément de l’inclusion des femmes ou ne s’appuient pas sur des politiques particulièrement axées sur l’inclusion des femmes.

Les scores généralement peu élevés dans le domaine de l’innovation peuvent s’expliquer par le fait que le WIS est calculé à partir de l’écart entre hommes et femmes d’un pays en termes de propriété et de financement des PME et de la mesure dans laquelle les produits financiers et numériques sont commercialisés ou conçus spécialement pour les femmes. Ainsi, de faibles scores WIS en matière d’innovation ne sont pas surprenants attendu que l’écart entre les femmes et les hommes en termes de propriété des entreprises dans les pays les moins développés avoisine 62 % (Banque mondiale, 2021[1]). En outre, la plupart des pays dans lesquels le FENU intervient estiment que les services numériques et financiers ne répondent pas aux besoins des femmes.

Les quatre obstacles les plus fréquents à l’inclusion des femmes sur le marché sont liés aux produits numériques et financiers qui ne répondent pas à leurs besoins, à un accès restreint aux financements, à des compétences entrepreneuriales insuffisantes et à un faible accès aux outils et plateformes des entreprises du numérique. Le Graphique 27.2 présente des mesures visant à aplanir les contraintes induites par l’inadéquation des produits financiers et numériques aux besoins de femmes et des jeunes filles.

L’exemple de la Papouasie-Nouvelle-Guinée montre de quelle manière les progrès dans le développement d’une économie numérique solide peuvent masquer des difficultés sous-jacentes prenant la forme d’obstacles excluant les femmes ou d’offres de produits financiers ne répondant pas aux besoins des femmes et des jeunes filles (Graphique 27.3).

La Papouasie-Nouvelle-Guinée affiche un score WIS global de 61 %, ce qui signifie que 39 % des femmes ne sont pas incluses dans l’économie numérique. Les scores WIS dans les différentes dimensions sont compris entre 43 % et 78 %, ce qui place la Papouasie-Nouvelle-Guinée au milieu du classement des pays évalués. En revanche, son score de 34 % en matière d’innovation place le pays dans le quintile inférieur de la cohorte de l’IDES. Cela s’explique par un écart net entre les femmes et les hommes dans des domaines précis :

  • Écart de 47 % entre hommes et femmes en matière de propriété d’entreprise (Banque mondiale, 2021[4])

  • Écart de 34 % entre hommes et femmes dans l’accès au crédit des MPME (Banque mondiale, 2021[4])

  • Seuls 10 % des produits numériques sont commercialisés ou conçus pour les femmes.

Outre l’analyse WIS et le recours au modèle Inclusive Digital Economy and Gender Playbook6, les interventions et les activités du FENU visent à accroître le nombre de MPME dirigées par des femmes, améliorer l’accès au financement des entreprises dirigées par des femmes et renforcer le nombre et l’utilisation de produits répondant à leurs besoins. En collaboration avec ONU Femmes, le FENU travaille sur un programme pour les marchés, la reprise économique et l’inclusion, qui bénéficie du soutien du ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce extérieur. Ce programme se concentre sur trois domaines en vue de lever les obstacles du marché à l’inclusion des femmes dans l’innovation numérique :

  • Compétences entrepreneuriales insuffisantes dans le domaine de l’innovation : renforcer les capacités des entreprises dirigées par des femmes, en mettant l’accent sur les connaissances et l’éducation financières ainsi que sur les formations pour le développement des compétences entrepreneuriales afin d’améliorer les revenus des femmes prestataires sur le marché.

  • Produits numériques et financiers ne répondent pas aux besoins des femmes : mettre en place des points d'accès à Mama-Bank (système biométrique à faible coût qui permet aux femmes ayant des difficultés à signer de leur nom d'effectuer des transactions bancaires à l'aide de leurs empreintes digitales) sur les marchés ou à proximité, et développer l'utilisation des services financiers à l’aide de ce système.

  • Accès limité au financement : fournir à une institution de microcrédit une garantie au premier risque de l’ordre de 225 000 USD afin d’écarter les risques des crédits consentis à ce segment vulnérable et d’assouplir les garanties exigées de la part des entreprises dirigées par des femmes dans les régions concernées.

Il est essentiel de supprimer les obstacles du marché à la participation des femmes à l'économie numérique pour accélérer le passage aux technologies numériques et veiller à ce que les bienfaits de la transformation numérique profitent à tous les citoyens. Les normes sociales et culturelles sont de fréquents obstacles sous-jacents à l'inclusion des femmes, mais elles sont souvent négligées dans la conception des modèles économiques et des environnements propices à l’inclusion. L’accès au financement peut aussi être un frein. Des instruments de financement non conventionnels, faisant appel au numérique, peuvent changer la donne pour les femmes chefs d’entreprise :

  • d’autres dispositifs de prêt possibles comme le prêt numérique basé sur l'historique des transactions, le financement participatif, le prêt entre particuliers et les tests psychométriques permettent de limiter ou de supprimer le recours à une garantie. Il a été démontré qu’ils renforçaient les capacités d’emprunt et de développement des entrepreneurs, y compris des femmes (Feyen et al., 2021[5]).

  • le financement d'actifs via le numérique, qui était utilisé au départ pour l’achat de produits à énergie solaire et de smartphones, produit désormais des modèles économiques qui permettent aux populations à faible revenu d'avoir accès à leurs premiers téléviseurs, réfrigérateurs et autres actifs (Mattern, 2020[6]).

Des investissements à long terme dans des économies numériques inclusives sont la condition préalable à une transformation numérique inclusive. Le FENU adopte une approche fondée sur le développement des marchés pour comprendre et agir sur les systèmes de marché afin de s'attaquer aux obstacles sous-jacents et d'améliorer l'efficacité, l'efficience et la durabilité. L'objectif est de mettre à profit les rôles et comportements des acteurs présents sur le marché (usagers et prestataires de services numériques, par exemple) et de les aider à faire ce qu'ils font mieux ou différemment ; de collaborer avec les acteurs existants pour proposer des instruments financiers qui favorisent l'investissement et écartent les risques des nouveaux modèles d’activité afin de rendre les solutions numériques plus inclusives ; et de renforcer les systèmes et les relations entre les différents acteurs du marché (prestataires de services, responsables de l’action publique et autorités chargées de la réglementation, par exemple), notamment à travers un cadre d’action et une réglementation propice. Ce dernier point est essentiel pour renforcer les systèmes et peut être tout aussi important que l'investissement et la concurrence.

Fort de son expérience en matière de développement des marchés, le FENU recommande aux fournisseurs de coopération pour le développement d’envisager les approches suivantes :

  • Collaborer étroitement avec les pouvoirs publics afin de favoriser la transformation numérique. Le soutien devrait permettre d’aider les pouvoirs publics à élaborer une stratégie nationale pour l’économie numérique, d’intégrer la transition numérique dans le plan de développement national, de mettre en place une structure et des organes de gouvernance pour favoriser la transformation, de fournir des instruments de mesure et de suivi régulier des progrès et d’aider les offices nationaux de statistiques à collecter des données pertinentes pour suivre la transformation numérique et l'inclusion.

  • Une démarche délibérément inclusive. La croissance devrait être délibérément conçue en vue de réduire la fracture numérique. Le soutien apporté devrait se concentrer sur le suivi régulier de l’inclusion, l’investissement dans la culture numérique et financière et les possibilités d’y accéder, et la réponse aux normes sociales et culturelles, comme la norme culturelle en vertu de laquelle les femmes ne devraient pas avoir accès à un téléphone.

  • Collaborer avec l’écosystème numérique. Travailler avec un seul acteur ou secteur ne permet pas de produire le changement durable que les acteurs sur le terrain appellent de leurs vœux. Il est essentiel d'adopter une approche écosystémique et de faire participer les secteurs public et privé ainsi que la société civile.

  • Investir sur le long terme. Lorsque les partenaires au développement adoptent des approches axées sur les résultats du marché et comprennent que développer un marché demande du temps, ils concourent à un changement notable. En 2014, le financement sur cinq ans de la Fondation Mastercard au profit du programme Mobile Money for the poor du FENU a permis de faire progresser le Bénin, le Sénégal et la Zambie, pays dans lesquels les services financiers numériques étaient quasiment inexistants. En 2019, tous trois affichaient une forte progression en matière d’utilisation de services financiers numériques : de 2 % à 40 % pour le Bénin, de 13 % à 29 % pour le Sénégal et de 4 % à 44 % pour la Zambie.

  • Réglementer pour innover. L'innovation suppose un environnement propice à l’expérimentation et à l’apprentissage. Le soutien apporté à des cadres d’action et de réglementation qui protègent les consommateurs, mais offrent des environnements propices à l’expérimentation et l’apprentissage, permet de stimuler l'innovation dans le secteur privé. Il peut s’agir de bacs à sable réglementaires, de navigateurs réglementaires et de partenariats avec des pôles d’innovation. Autant d’approches qui peuvent favoriser une collaboration fructueuse avec le secteur privé.

  • Adopter une approche centrée sur l’humain et adaptée au contexte. Adapter les services nécessaires pour améliorer la vie et les moyens de subsistance des populations est l’une des meilleures manières de combler les fossés numériques. Une démarche adaptée au contexte est également cruciale. Les institutions possèdent chacune des ressources distinctes, et leurs spécificités culturelles guident le développement de la finance numérique et des écosystèmes qui y contribuent sur des voies distinctes.

    En Zambie, le FENU a collaboré avec Airtel Zambie pour comprendre les obstacles à l’adoption des services financiers numériques de l’entreprise par les clients et les agents (FENU, 2017[7]).L’analyse du parcours entre le statut de « non-client » ou de « non-agent » et celui de superutilisateur a donné lieu à des recommandations exploitables. Différents modèles de gestion des agents ont été testés et ils ont été sollicités pour proposer des idées utiles en faveur de l’inclusion.

La transformation numérique inclusive repose sur le partage de l’apprentissage, la capacité de réagir rapidement à des situations en évolution constante, la connaissance du contexte particulier, des liens solides avec les secteurs public et privé ainsi que la société civile, et des investissements à long terme. Ce sont là les conditions préalables pour ne laisser personne de côté à l’ère du numérique.

Références

[1] Banque mondiale (2021), Enterprise Surveys Data (base de données), https://www.enterprisesurveys.org/en/data.

[4] Banque mondiale (2021), World Bank SME Finance: Development news, research, data, https://www.worldbank.org/en/topic/smefinance (consulté le 25 novembre 2021).

[2] FENU (2021), Inclusive Digital Economies and Gender Equality Playbook, https://www.uncdf.org/article/6875/ide-and-gender-equality-playbook (consulté le 4 novembre 2021).

[3] FENU (2021), Inclusive Digital Economy Scoreboard (base de données), https://ides.uncdf.org/dashboard.

[7] FENU (2017), Airtel Money: Human-Centered Design Learnings from Zambia, https://www.uncdf.org/article/2766/human-centred-design-learnings-zambia.

[5] Feyen, E. et al. (2021), « Fintech and the digital transformation of financial services: Implications for market structure and public policy », BIS Papers, n° 117, Banque des règlements internationaux, Bâle, https://www.bis.org/publ/bppdf/bispap117.pdf.

[6] Mattern, M. (2020), Innovations in Asset Finance: Unlocking the Potential for Low-income Customers, Groupe consultatif d’assistance aux pauvres, Washington, D.C., https://www.cgap.org/sites/default/files/publications/slidedeck/2020_05_Slidedeck_Innovations_Asset_Finance_0.pdf.

Notes

← 1. Alors que le Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) cible les MPME, la plupart des outils de mesure existants ne visent que les petites et moyennes entreprises (PME). Cette analyse porte sur les deux types d’entreprises.

← 2. Les scores tiennent compte du niveau d’inclusion obtenu dans des segments clés (jeunes, personnes âgées, réfugiés, migrants, populations rurales, etc.) de la population (clients) de l’économie numérique, en donnant un aperçu des efforts déployés par les secteurs public et privé pour faire participer les populations marginalisées au développement de l’économie numérique. Une autre mesure, le Score d’inclusion des femmes, indique le niveau d’inclusion des femmes dans l’économie numérique. Pour plus de précisions, voir : https://ides.uncdf.org/about-the-scorecard.

← 3. Pour plus d’informations sur les quatre leviers réglementaires de la finance numérique, voir : https://www.cgap.org/blog/4-regulatory-enablers-digital-finance-gender-perspective.

← 4. Le WIS comprend principalement des indicateurs quantitatifs s’appuyant sur des sources de données nationales et mondiales. On constate cependant un déficit de données accessibles au public ventilées par segment de clientèle du WIS (femmes, jeunes, personnes âgées, migrants, etc.). Le FENU s’appuie donc sur des données qualitatives issues des évaluations de ses équipes dans les pays. Pour améliorer la méthodologie et les indicateurs utilisés, l’IDES dans son ensemble, le WIS et les autres éléments sont évalués chaque année en tenant compte des commentaires d’experts extérieurs et des équipes du FENU dans les pays.

← 5. Le FENU s’engage en faveur d’une « vision de l’égalité économique » dans laquelle les femmes ont une égalité d’accès, de représentation et d’encadrement ; voir : https://www.uncdf.org/article/6930/uncdf-leverages-unique-mandate-in-service-to-gender-equality-vision-equal-economies-gender-finance-gap-zero-red-tape-zero. Son autre objectif est de faire en sorte que les femmes construisent des économies numériques inclusives partout où le FENU intervient ; voir : https://www.uncdf.org/article/6538/how-do-we-make-women-builders-of-the-digital-economy.

← 6. Le modèle, publié en juin 2021, était conçu initialement pour aider les équipes du FENU dans les pays à comprendre les obstacles qui freinent l’inclusion financière et numérique des femmes et les mesures susceptibles de les surmonter : https://www.uncdf.org/article/6875/ide-and-gender-equality-playbook.

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