3. Sélection d’accises appliquées dans les pays de l’OCDE

Les accises peuvent être perçues sur un grand nombre de produits, mais les droits d’accise sur l’alcool, le tabac et les hydrocarbures en particulier procurent des recettes publiques conséquentes dans tous les pays de l’OCDE. Ces dernières décennies, les pouvoirs publics ont de plus en plus souvent utilisé ces taxes, non seulement pour mobiliser des recettes, mais aussi pour influencer le comportement du consommateur lorsque la consommation de certains produits est considérée comme nuisible à la santé ou à l’environnement.

Ce chapitre présente une vue d’ensemble des principales caractéristiques des droits d’accise et de l’évolution de leur usage par les pouvoirs publics dans certains domaines (section 3.2). Il examine ensuite en détail la structure des taux d’accise frappant trois grandes catégories de produits : les boissons alcooliques (section 3.3), les produits du tabac (section 3.4) et les huiles minérales (section 3.5). Il se poursuit par un examen succinct de l’impact des différences de taux d’accise entre les pays sur le commerce transfrontalier (section 3.6) et sur leurs effets redistributifs (section 3.7). Le chapitre 4 contient une analyse plus détaillée de l’impact des droits d'accise sur les carburants automobiles et le kérosène.

À la différence d’autres impôts généraux sur la consommation (dont les taxes sur la valeur ajoutée – TVA), les accises ne frappent que des biens spécifiques. De nombreux produits peuvent y être soumis, par exemple le chocolat, le café ou encore le jus d’orange, mais ce chapitre ne porte que sur trois grandes catégories de produits, soumises aux droits d’accise dans tous les pays de l’OCDE : les boissons alcooliques, les huiles minérales et les produits du tabac.

Avant de décrire ces trois catégories de produits et d’examiner le traitement qui leur est réservé dans différents pays, il est utile de rappeler certaines caractéristiques générales des accises :

  • Les accises sont généralement calculées une base qui dépend du poids, du volume, de la concentration ou de la quantité de produit, parfois combiné avec sa valeur.

  • Il existe également des accises dont la base est exclusivement constituée par le prix. Les accises ne sont normalement dues qu’au moment de la mise à la consommation : les marchandises peuvent donc faire l’objet de transferts de propriété sans donner lieu à la perception d’une accise si elles restent stockées dans un environnement contrôlé ou si le transfert s’opère entre des opérateurs agréés.

  • Le régime des accises ne s’applique qu’à un petit nombre d’assujettis, exerçant une activité dans la fabrication, le commerce de gros ou l’importation des trois grandes catégories de produits précitées.

Contrairement à la TVA, qui est recouvrée au moyen d’un mécanisme de paiement fractionné impliquant tous les acteurs de la chaîne de valeur jusqu’au consommateur final (chapitre 2), les droits d’accise ne sont en principe acquittés qu’une seule fois, en l’occurrence par un opérateur agréé au moment de la mise à la consommation. Au sein de l’Union européenne, la circulation entre États membres des produits soumis aux accises s’effectue dans le cadre d’un régime de suspension des droits d’accise jusqu’à la mise de ces produits sur le marché. Aux États-Unis, l’administration fédérale et de nombreux États et autorités locales appliquent des accises. Les accises fédérales sont recouvrées par l’administration fiscale fédérale (Internal Revenue Service), tandis que les États peuvent fixer leurs propres règles et leurs propres taux.

Le montant des recettes tirées des droits d’accise et leur impact économique dépendent de leur structure. Il existe deux grands modes de calcul des droits d'accise sur les produits assujettis : une taxation ad valorem et une taxation ad quantum. L’accise ad quantum (ou « spécifique ») est un montant fixe appliqué par unité de produit (par exemple 1 USD par litre), si bien qu’elle est assimilable à une taxe sur le volume des ventes. L’accise ad valorem est proportionnelle au prix du produit (par exemple 20 % du prix de vente) et s’analyse donc en un impôt sur la valeur des ventes. Dans certains cas (par exemple les droits d’accise sur le tabac, présentés dans le Tableau annexe 3.A.4), les droits d’accise peuvent être prélevés sur la base d’une formule mixte associant droits ad valorem et ad quantum. L’application d’accises ad quantum suppose une définition précise de la nature et des caractéristiques de la matière imposable (par exemple, un litre d’essence sans plomb avec un indice 94 RON), tandis qu’une accise ad valorem repose simplement sur le prix du bien taxé.

La plupart des produits soumis aux accises sont définis par plusieurs caractéristiques (volume, poids, concentration, indice d’octane, teneur en alcool ou en carbone, etc.). Alors que l’accise ad quantum n’est pas influencée par les caractéristiques qui n’ont pas été jugées pertinentes pour la détermination de la base d’imposition, l’accise ad valorem dépend de l’ensemble des caractéristiques qui sont reflétées dans le prix. Selon leur structure, les accises n’ont pas les mêmes effets sur la production et la consommation. Ainsi, un droit d’accise ad quantum sur la bière (par exemple, par pourcentage d’alcool pur par volume) peut inciter les brasseurs à concevoir des variétés de bière, notamment des variétés relativement haut de gamme, pouvant être vendues à un prix plus élevé tout en restant soumises à un droit d’accise identique à celui qui frappe une variété moins chère. À l’inverse, un droit ad valorem peut dissuader les producteurs de réaliser des améliorations coûteuses de la qualité de leurs produits ou inciter les consommateurs à se tourner vers des produits moins chers. Les droits ad quantum peuvent être plus faciles à administrer, parce qu’il suffit, pour les calculer, de déterminer la quantité physique du produit taxé.

Les recettes fiscales générées par les droits d'accise et l’impact de changements de conception de ces taxes sur les recettes publiques sont influencés par un large éventail de facteurs. Lorsqu’on évalue l’impact d’une modification des régimes de droits d'accise, il importe de savoir que les accises sont incluses dans l’assiette de la TVA, c’est-à-dire que la TVA est généralement perçue sur la valeur taxes comprises des produits soumis à accises. Aussi, l’impact d’une modification d’un droit d'accise sur les recettes fiscales sera aussi influencé par le niveau du taux de TVA applicable à un produit donné soumis à accises. L'élasticité de la demande des produits taxés est un facteur essentiel qui détermine l’impact que les réformes des droits d'accise auront sur les recettes fiscales. Plus la demande est élastique, plus la probabilité est élevée qu’une hausse du prix consécutive à une augmentation des accises entraîne une baisse de la demande et donc une diminution des recettes fiscales. Une augmentation des prix induite par un relèvement des accises peut inciter les ménages à se tourner vers des produits moins taxés, de sorte que l’effet sur les recettes fiscales dépendra aussi des taux de prélèvements sur les produits de substitution proches. En définitive, l’impact de ces différents facteurs dépendra de la mesure dans laquelle toute hausse des accises est répercutée sur les consommateurs sous la forme d’une majoration des prix après impôts. Si les producteurs réduisent les prix avant impôts en réaction à une hausse des accises, cette hausse ne sera pas (intégralement) répercutée dans les prix à la consommation, dans la mesure où les producteurs l'absorbent (en tout ou partie) via une réduction de leur marge bénéficiaire. Dans ce contexte, l’expérience empirique laisse penser qu’en cas d’augmentation des droits ad quantum, la hausse est souvent répercutée à plus de 100 % sur les consommateurs (en d’autres termes, la hausse des prix est supérieure à celle de l’accise), tandis que les hausses de droits ad valorem ne sont souvent que partiellement répercutées (Sassi, Belloni and Capobianco, 2013[1]). En général, les accises ad quantum génèrent un flux de recettes plus prévisible que les accises ad valorem, car les recettes ne varient pas en fonction du prix du produit. Cependant, les accises ad valorem suivent mieux le rythme de l’inflation que les accises ad quantum (même s’il est possible d’indexer les droits ad quantum sur l’inflation).

Du point de vue de la redistribution, il peut être plus judicieux d’opter pour une taxation ad valorem. En effet, si l’on admet que les personnes les plus aisées achètent des produits plus onéreux, ce type de droit pèse plus sur les ménages situés en haut de l’échelle des revenus que sur ceux qui se trouvent en bas. La situation n’est toutefois pas aussi simple qu’il n’y paraît car l’effet des accises sur la répartition du revenu dépend aussi des comportements de consommation, si bien que même lorsque les droits d’accise sont calculés ad valorem, ils représentent parfois une charge moins lourde en proportion du revenu pour les personnes aisées que pour les ménages modestes. L’impôt progressif sur le revenu des personnes physiques, qui établit un lien direct entre le montant de l’impôt dû et le revenu, est probablement un instrument plus efficace pour atteindre des objectifs redistributifs (Brys et al., 2016[2]) (voir également la section 3.4 ci-après).

Si la taxe a vocation à exercer un effet dissuasif à la fois sur l’achat de produits chers et sur l’achat de produits bon marché ou à maximiser les recettes tirées des accises frappant ces deux catégories de produits, il peut être judicieux d’associer des droits ad quantum et ad valorem. Lorsqu’il existe d’importants écarts de prix au niveau d’un produit, un droit d’accise ad quantum a une probabilité moins forte de réduire la consommation du produit coûteux et permettra d’en retirer moins de recettes qu’un droit ad valorem. De plus, les consommateurs relativement aisés, plus susceptibles de consommer des produits chers, risquent d’être moins sensibles que les ménages plus modestes à l’application d’une taxe donnée (bien que les droits ad quantum puissent réduire les différentiels de prix). Il faudra donc alourdir la charge fiscale totale pesant sur ces produits coûteux pour influer sur les comportements. À cette fin, il peut être envisagé d’associer un droit ad valorem et un droit ad quantum, ce qui est une pratique courante pour la taxation des produits du tabac (voir la section 3.3 ci-après). Le dosage « optimal » entre la composante ad valorem et la composante ad quantum de l’accise dépend des produits concernés, de la structure du marché et de l’objectif des pouvoirs publics, si bien qu’aucune combinaison n’est optimale dans l’absolu. (KEEN, 1998[3])

Enfin, le commerce illicite et les possibilités d’achats transfrontaliers sont d'autres facteurs qui peuvent jouer sur le potentiel de mobilisation de recettes fiscales et sur l’impact sur la consommation des produits soumis à accises.

Tous ces facteurs doivent être pris en compte par les pouvoirs publics en fonction des objectifs stratégiques qu’ils poursuivent, à savoir réduire la consommation de produits considérés comme nocifs pour la santé, accroître les recettes ou les deux.

Dans les pays de l’OCDE, la part relative des accises dans les recettes fiscales totales est en baisse constante depuis 1975, puisqu’elle est passée de 10.5 % en moyenne à 7.2 % en 2018 (voir le Tableau annexe 1.A.5). Bien que l’on observe de grandes variations entre certains pays, puisque les accises représentent 2.6 % des recettes fiscales totales en Nouvelle-Zélande et 14.9 % en Turquie, le poids des droits d’accise dans les recettes fiscales totales est compris entre 5 % et 10 % dans la majorité des pays de l’OCDE (26 sur 37). Ces taxes génèrent moins de 5 % du total des recettes fiscales dans huit pays de l’OCDE (Australie, Canada, États-Unis, Israël, Japon, Nouvelle-Zélande, Suède et Suisse). Elles représentent plus de 10 % du total des recettes fiscales dans cinq pays (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Turquie), ce qui était le cas dans douze pays de l’OCDE en 2010.

Les droits d’accise partagent pratiquement les mêmes grandes caractéristiques dans tous les pays de l’OCDE et poursuivent des objectifs similaires en termes de recettes et d’influence sur le comportement des consommateurs. Toutefois, leurs taux et leur structure sont très variables d’un pays à l’autre, si bien qu’il n’est pas aisé de donner un ordre de grandeur de la charge fiscale totale qui pèse sur les produits spécifiques concernés. Par exemple, la bière produite par les petites brasseries peut être soumise à un taux d’accise réduit par rapport à celui normalement appliqué à la bière. S'agissant des produits du tabac, l’application de taux différents à des produits substituables (cigarettes et tabac à rouler) peut rendre la situation plus complexe. De même, les droits d’accise sur les carburants ne donnent qu’une image partielle de la politique fiscale appliquée au secteur du transport, celle-ci englobant également les péages routiers, les taxes sur l’immatriculation et l’utilisation des véhicules, les taxes sur l’assurance, etc.

Les sections suivantes fournissent de plus amples informations sur les principales différences en matière de structure des droits d’accise et sur leur utilisation croissante en tant que moyen d’influer sur les comportements.

Il existe dans le monde une grande variété de boissons alcooliques, qui peuvent être obtenues par distillation ou fermentation de divers ingrédients (raisins, pommes, malt, riz, etc.). La nomenclature douanière combinée propose une classification des boissons alcooliques à laquelle les différentes catégories d’accise sont étroitement liées. Elle comprend six grandes catégories de boissons alcooliques : bières de malt (code 22.03) ; vins de raisins frais, y compris les vins enrichis en alcool (code 22.04) ; vermouths et autres vins de raisins frais préparés à l’aide de plantes ou de substances aromatiques (code 22.05) ; autres boissons fermentées (cidre, poiré, hydromel, par exemple), mélanges de boissons fermentées et mélanges de boissons fermentées et de boissons non alcooliques (code 22.06) ; alcool éthylique non dénaturé d’un titre alcoométrique volumique de 80 % vol. ou plus ; eaux-de-vie, liqueurs et autres boissons spiritueuses (code 22.07) et alcool éthylique non dénaturé d’un titre alcoométrique volumique de moins de 80 % vol. (code 22.08). Il existe inévitablement des subdivisions au sein de chacune de ces grandes catégories mais l’utilisation de cette nomenclature reconnue sur le plan international permet de renforcer la cohérence et contribue à éviter l’utilisation de définitions contradictoires pour l’application des taux. Les États membres de l’Union européenne appliquent en outre une structure harmonisée pour fixer les droits d’accise sur l’alcool et les boissons alcooliques (directive du Conseil 92/83/CEE). Sauf indication contraire dans les notes pays, les Tableaux annexes 3.A.1 et 3.A.2 portent sur les produits correspondant aux codes 22.03 et 22.04, et le Tableau annexe 3.A.3 porte sur les produits ne figurant pas dans les Tableaux annexes 3.A.1 et 3.A.2.

La taxation de l’alcool ayant une longue histoire, plusieurs méthodes et indicateurs ont été mis au point au fil du temps pour évaluer la teneur d’un produit en alcool. Actuellement, l’indicateur couramment utilisé pour mesurer la quantité d’alcool (éthanol) contenue dans une boisson alcoolisée est le titre alcoométrique volumique. Il est égal au nombre de litres d’éthanol pur contenu dans 100 litres d’une solution à 20 °C, exprimé en pourcentage du volume total. Dans les Tableaux 3.A.1 et 3.A.2, qui présentent un panorama des droits d’accise frappant la bière et le vin, le titre alcoométrique est exprimé en pourcentage par volume (% vol.) Dans certains pays, pour calculer les accises applicables à la bière, on exprime la teneur en alcool de la bière en degrés Plato (indicateur qui mesure la densité du moût, exprimée en pourcentage d’extrait par unité de masse). Pour que les données relatives aux accises soient comparables entre pays, dans le Tableau 3.A.1, les droits par degré Plato appliqués dans ces pays ont été convertis en droits par pourcentage d’alcool par volume. Il n’existe pas de taux précis pour la conversion des degrés Plato en pourcentage d’alcool par volume, mais à des fins fiscales, on suppose que 1 % vol. est équivalent à 2.5° Plato. Dans le Tableau 3.A.1, on a donc multiplié les taux d’accise exprimés par degré Plato par 2.5 pour obtenir les taux par pourcentage d’alcool par volume pour les pays concernés.

Les droits d’accise sur les boissons alcooliques sont appliqués selon deux grandes méthodes : ils peuvent être ad quantum, dépendant alors de la teneur en alcool du produit, ou ad valorem et reposer ainsi sur la valeur du produit. Ces deux méthodes sont généralement associées, le droit comprenant une composante liée au volume (qui dépend de la teneur en alcool) et une composante liée à la valeur du produit. Le Mexique se démarque des autres pays en ce que les droits d’accise sur les boissons alcooliques dépendent exclusivement de leur valeur ; le taux appliqué à la bière est progressif en fonction du degré d’alcool du produit.

Les Tableaux annexes 3.A.1, 3.A.2 et 3.A.3, qui présentent respectivement les droits d’accise appliqués à la bière, au vin et à d’autres boissons alcooliques, montrent que le calcul de ces droits est souvent complexe. Du fait qu’il existe différentes sous-catégories et divers taux particuliers (par exemple pour les produits peu alcooliques ou la bière produite par les petites brasseries) et que les droits sont parfois calculés à la fois en fonction de la valeur et de la nature des produits, il est difficile de fournir des indications précises sur les écarts de prix pour le consommateur. Ces trois tableaux mettent cependant en évidence de fortes disparités entre les pays. Par exemple, l’accise sur la bière (Tableau annexe 3.A.1) est comprise entre moins de 5 USD par degré d’alcool et par hectolitre (Allemagne, Luxembourg, République slovaque, République tchèque et Turquie) et plus de 20 USD (Finlande, Irlande, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et Suède), les niveaux les plus élevés étant observés en Finlande (41.01 USD) et en Israël (66.01 USD). Trois quarts des pays de l’OCDE (29 sur 36) appliquent des taux réduits aux petites brasseries, avec souvent une augmentation progressive du taux de la taxe en fonction de leur production annuelle. Les notes pays relatives au Tableau annexe 3.1 illustrent la grande diversité de ces régimes fiscaux.

Les taux des accises sur le vin non pétillant (Tableau annexe 3.A.2) varient eux aussi considérablement d’un pays de l’OCDE à l'autre, entre zéro (Allemagne, Autriche, Espagne, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Luxembourg, Portugal, République slovaque, République tchèque, Slovénie et Suisse) et plus de 4 USD par litre en Finlande et en Irlande et plus de 6 USD par litre en Norvège. En outre, pratiquement tous les pays de l’OCDE appliquent le taux normal de TVA aux boissons alcooliques, mais la Colombie et le Luxembourg appliquent un taux réduit de respectivement 5 % et 14 % au vin non pétillant. Quatre pays de l’OCDE n'appliquent aucun droit d'accise ad quantum au vin, mais uniquement des accises ad valorem (Australie, Chili, Corée et Mexique).

Pour d'autres boissons alcooliques (Tableau annexe 3.A.3), les taux des droits d'accise varient aussi entre les pays de l’OCDE, mais dans une moindre mesure que pour le vin et la bière, et les petits producteurs ne bénéficient pas de taux zéro ou réduits. Ces taux sont compris entre moins de 15 USD par litre d’alcool pur (Allemagne, Hongrie, République tchèque) et environ 90 USD par litre d’alcool pur en Norvège et 126 USD en Islande. La Colombie est le seul pays qui applique un taux de TVA réduit (5 %) aux boissons alcooliques.

À l’origine, les taxes sur le tabac ont, comme celles sur l’alcool, été instaurées dans le but principal de collecter des recettes publiques. Pratiquement tous les pays taxent les produits du tabac depuis des décennies, voire, dans certains cas, des siècles. Ces produits se caractérisent par une consommation importante, par une élasticité de la demande aux prix relativement faible (en d’autres termes, une hausse modérée des prix ne se traduit pas par une baisse équivalente de la consommation) et par la faiblesse du nombre de producteurs, si bien qu’ils constituent une cible particulièrement intéressante pour l’application d’accises et d’autres types de taxes. Les effets néfastes du tabac sur la santé n’étant plus à prouver, la fiscalité sur le tabac est de plus en plus utilisée pour faire reculer le tabagisme. L’Organisation mondiale de la santé a réuni des éléments qui attestent l’efficacité de la hausse des taxes et du prix du tabac sur la réduction de sa consommation. L'étude qu’elle a réalisée montre que la fiscalité sur le tabac est très rentable, associant un impact potentiel considérable et un faible coût de mise en œuvre, les retombées économiques de cette mesure étant plusieurs fois supérieures à son coût (OMS, 2019[4]).

Comme les boissons alcooliques et les huiles minérales, les produits du tabac se divisent en sous-catégories – cigarettes, cigares, tabac à rouler et tabac à pipe. Par ailleurs, de nouveaux produits apparus ces dix dernières années, par exemple les produits de tabac chauffés et les systèmes électroniques d’administration de nicotine, peuvent être soumis à des taux spécifiques.

Alors que les accises appliquées aux boissons alcooliques et aux huiles minérales sont presque exclusivement des droits ad quantum, dans la plupart des pays, les accises qui frappent les produits du tabac comprennent des éléments ad quantum et des éléments ad valorem.

Les Tableaux annexes 3.A.4 et 3.A.5 illustrent les écarts significatifs entre les taux d’imposition appliqués par les différents pays. Il peut également exister des disparités au sein d’une même juridiction lorsque les accises peuvent être perçues à l’échelon infranational ; c’est par exemple le cas aux États-Unis, où les droits d’accise locaux sur les cigarettes (qui s’ajoutent aux droits fédéraux) sont compris entre 0.17 USD par paquet de 20 cigarettes dans le Missouri et 0.30 USD en Virginie, et 4.50 USD dans le District de Columbia et 4.35 USD dans l’État de New York. (Federation of Tax Administrators, 2020[5])

À noter que les taux ou montants de chaque taxe (accise ad valorem ou ad quantum, TVA ou autres droits) par type de produit du tabac tels qu’ils figurent dans le Tableau annexe 3.A.4 ne permettent pas à eux seuls d’évaluer l’intégralité de la charge fiscale qui pèse sur ces produits. De fait, lorsque la structure des accises est mixte (l’accise comportant une composante ad valorem et une composante ad quantum), une taxe ad valorem élevée appliquée à une catégorie de produits peut être contrebalancée par une accise spécifique faible (ou vice versa). Les accises ad valorem peuvent être calculées sur différentes bases (prix à la production, prix à l’importation, prix de détail). Il faut en outre évaluer l’effet cumulé de la TVA et des droits d’accise, etc.

Le calcul de la charge fiscale totale (CFT) pour le consommateur final en pourcentage du prix de vente au détail (PVD) d’un produit donné fournit donc une idée plus précise des niveaux d’imposition relatifs. Pour l’illustrer, le Tableau annexe 3.A.5 présente, pour les pays de l’OCDE, la charge fiscale totale (accise ad quantum + accise ad valorem + TVA) qui pèse sur les cigarettes en pourcentage du prix de vente au détail (PVD) d’un paquet de 20 cigarettes. Il montre que la charge fiscale totale qui pèse sur un paquet de 20 cigarettes est très variable d’un pays à l’autre, puisqu’elle varie de 39.47 % du PVD (moyenne nationale des taxes fédérales et locales) aux États-Unis et 55.49 % en Islande à 82.69 % en République tchèque et 87.41 % en Finlande. Elle est supérieure à 60 % du PVD dans tous les pays de l’OCDE, sauf en Islande et aux États-Unis, et supérieure à 75 % (comme l’OMS le préconise) dans 26 pays de l’OCDE.

Le Tableau annexe 3.A.5 met également en évidence d’importantes différences de prix hors taxes, les prix variant en fonction de la structure du marché, du lieu géographique (en particulier en fonction de la possibilité ou non d’achats transfrontaliers) et de la structure des taxes applicables.

La fixation du taux d’une taxe sur le tabac dépend de l’objectif de politique publique assigné à cette taxe. Lorsqu’elle a principalement pour but de procurer des recettes fiscales, son taux est fixé en fonction du montant de recettes visé et de l’élasticité-prix de la demande des produits taxés. Un taux moyen peut suffire à produire des recettes stables sans entraîner de difficultés importantes en termes d’économie politique. Si elle est censée influer sensiblement sur le comportement des consommateurs, il faut probablement fixer un taux plus élevé pour atteindre les objectifs sanitaires visés. Dans le cas précis du tabac, les travaux de recherche (Goodchild, Perucic and Nargis, 2016[6])montrent que des taxes et des prix plus élevés font reculer à la fois la prévalence (certains fumeurs cessant de fumer) et l’intensité du tabagisme (les fumeurs fumant moins), en particulier au sein des populations vulnérables (jeunes et ménages modestes). Une hausse de la fiscalité du tabac a des conséquences financières plus lourdes pour les fumeurs les plus aisés, qui diminuent moins leur consommation, tandis que l’essentiel des effets économiques et sanitaires positifs de la diminution du tabagisme concernent les populations défavorisées, dont la consommation baisse davantage lorsque la fiscalité s’alourdit (Belinda Loring, 2014[7]). Il peut cependant être difficile d’appliquer un taux plus élevé en raison de facteurs d’économie politique (pressions exercées par les fabricants, opposition de la population, etc.). L’affectation des recettes tirées des taxes (ou d’une partie d’entre elles) au financement d’objectifs de santé spécifiques, par exemple de programmes de promotion de la santé et/ou d’activités de lutte contre le tabagisme, peut être un moyen de renforcer l’adhésion de la population, mais réduit la latitude budgétaire des pouvoirs publics. Elle peut aussi fournir une source régulière de financements de programmes de soins et de promotion de la santé qui n’est pas soumise à un examen budgétaire annuel (Organisation mondiale de la santé, 2016[8]). De plus, les risques d’achats transfrontaliers et de contrebande entre pays pratiquant des prix très différents peuvent rendre difficile l’application de taxes élevées dans certains pays s’il n’existe pas une coopération régionale efficace.

En général, les huiles minérales sont réparties en plusieurs catégories en fonction de leurs caractéristiques techniques. Aux fins des droits d'accise, les principales catégories sont l’essence sans plomb, le carburant diesel et le fioul lourd. Certains pays de l’OCDE soumettent aussi d’autres produits énergétiques, comme le gaz naturel, l’électricité et le charbon, à un régime de droits d’accise ou à des taxes spécialement applicables aux produits énergétiques, par exemple une taxe carbone. Cette publication analyse uniquement la TVA et les droits d'accise, ou les taxes assimilées ou incluses dans le montant des accises. Ces taxes sont fixées ad valorem ou ad quantum plutôt qu’en fonction du contenu énergétique ou en CO2 du combustible.

Dans la plupart des pays de l’OCDE, le fioul est taxé à des taux inférieurs aux carburants automobiles. Dans l’Union européenne, la directive sur la taxation de l'énergie fixe un taux minimum applicable au fuel domestique (0.021 EUR/litre) qui est bien inférieur à celui applicable aux carburants automobiles (0.3 EUR/litre de gazole). Seuls quelques États membres (Hongrie, Pays-Bas et République tchèque) appliquent des taux de droits d’accise pratiquement identiques au fioul et au gazole. L’Irlande, le Luxembourg et le Royaume-Uni appliquent également un taux de TVA réduit au fioul domestique, mais aucun pays de l’OCDE n’a adopté un taux de TVA réduit pour le gazole ou l’essence.

Les écarts importants entre les taux d'accises se retrouvent dans l’hétérogénéité des prix du fioul domestique dans la zone OCDE, allant de 0.705 USD/litre au Luxembourg et 0.751 USD/litre en Belgique (qui affichent les taux les plus bas) à 1.509 USD/litre au Danemark et 1.877 USD/litre en Israël.

Les écarts de taux d’accise entre pays résultent souvent des traditions nationales, des politiques sociales, environnementales et de santé, de la production locale et des besoins de financement de l’État. Ils ne sont pas sans incidence sur la circulation transfrontalière des marchandises. La création de marchés intégrés (comme l’Union européenne) et la suppression des contrôles aux frontières ont permis de prendre conscience du fait que les différences de taux d’accise parfois considérables entre pays voisins étaient telles que le jeu du marché en était affecté. En pareil cas, les achats transfrontaliers peuvent être lourds de conséquences pour les entreprises et contraindre ainsi les autorités fiscales concernées à rapprocher leurs taux d’accise de ceux des pays limitrophes. Les écarts entre pays voisins peuvent également favoriser la « contrebande » transfrontalière (McKee, L., E. MacLehose, M. et al., 2004[9]). Même si certains estiment que le jeu des mécanismes du marché devrait favoriser une convergence des taux, une telle orientation serait contradictoire avec d’autres aspects des politiques publiques lorsque des critères tels que la santé sont pris en compte pour la définition des taux.

Bien que les accises puissent réduire la demande des produits considérés comme nocifs qui y sont soumis, et donc les dépenses des ménages pour ces biens au fil du temps, leur augmentation peut exercer une pression immédiate sur le budget des ménages modestes lorsque des mesures compensatoires ne sont pas introduites. Il est donc important de comprendre les effets redistributifs probables des choix opérés en matière de droits d'accise, et d'assortir les augmentations des droits d'accise de mesures compensatoires, si possible par le biais du système de prestations et de transferts sociaux, afin d'atténuer les conséquences redistributives négatives le cas échéant. Flues et Van Dender (Flues and van Dender, 2017[10]) montrent notamment qu’un tiers seulement des recettes supplémentaires générées par une hausse des droits d'accise sur l'énergie pourrait suffire non seulement à compenser entièrement la hausse subie par les ménages modestes, mais aussi à réduire leur facture énergétique grâce à des transferts en espèces.

L’effet redistributif des accises dépend des produits auxquels elles s’appliquent. Une étude portant sur 20 pays de l’OCDE majoritairement européens montre que l’effet cumulé des droits d’accise sur le tabac, l’alcool et les carburants est régressif, qu’il soit mesuré en pourcentage du revenu ou des dépenses (OCDE/KIPF, 2014[11]). Ces résultats impliquent qu’à mesure que leur revenu augmente, les ménages consacrent une part de leur revenu et de leurs dépenses plus faible à ces produits. La charge fiscale exacte peut varier selon la structure des accises. Par exemple, si les ménages aisés consomment des alcools et du tabac plus chers que les ménages plus modestes, ils auront à supporter une charge fiscale plus lourde si l’accise est calculée en fonction de la valeur du produit (ad valorem) que si elle dépend de la quantité consommée.

Pour les tableaux en annexe, les références à ‘l’Union européenne et à ses États membres’ englobent le Royaume-Uni en tant qu’État membre pour janvier 2020 et en tant qu’ajout aux États membres (‘les États membres et le Royaume-Uni’) pour la période comprise entre le 1er février 2020 et la fin décembre 2020.

Références

[7] Belinda Loring (2014), Tobacco and inequities, Organisation mondiale de la santé, Union européenne.

[2] Brys, B. et al. (2016), Tax Design for Inclusive Economic Growth, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jlv74ggk0g7-en.

[5] Federation of Tax Administrators (2020), State Excise Tax Rates on Cigarettes, Federation of Tax Administrators, https://www.taxadmin.org/assets/docs/Research/Rates/cigarette.pdf (accessed on 12 November 2020).

[10] Flues, F. and K. van Dender (2017), The impact of energy taxes on the affordability of domestic energy, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/08705547-en.

[6] Goodchild, M., A. Perucic and N. Nargis (2016), “Modelling the impact of raising tobacco taxes on public health and finance”, Bulletin de l’Organisation mondiale de la santé, Vol. 94/4, pp. 250-257, https://doi.org/10.2471/blt.15.164707.

[3] KEEN, M. (1998), “The Balance between Specific and Ad Valorem Taxation”, Fiscal Studies, Vol. 19/1, pp. 1-37, https://doi.org/10.1111/j.1475-5890.1998.tb00274.x.

[9] McKee, L., E. MacLehose, M., N. et al. (2004), Health policy and European Union enlargement, http://www.openup.co.uk.

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