Résumé

Ce rapport analyse les répercussions économiques et les effets sur les recettes fiscales des propositions au titre du Pilier Un et du Pilier Deux actuellement examinées par le Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS (le Cadre inclusif), dans le cadre des travaux qu’il consacre aux défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie. Ces propositions sont décrites dans les rapports sur le Blueprint du Pilier Un et du Pilier Deux ( (OCDE, 2020[1]) ; (OCDE, 2020[2])).

Un certain nombre d’éléments de conception et de paramètres du Pilier Un et du Pilier Deux feront l’objet de décisions futures de la part du Cadre inclusif. L'évaluation ‘ex ante’ décrite dans ce rapport, fruit du travail du Secrétariat de l'OCDE, repose sur un certain nombre d’hypothèses retenues aux fins d’illustration concernant la conception et les paramètres des propositions, et ne préjuge pas des décisions finales qui seront prises par le Cadre inclusif.

L’évaluation effectuée dans ce rapport s'appuie sur les meilleures données dont dispose le Secrétariat de l’OCDE pour un large éventail de juridictions, qui associent des sources de données au niveau des entreprises et des données plus agrégées, y compris les données anonymisées et agrégées récemment publiées issues des déclarations pays par pays. D’importants efforts ont été consentis pour obtenir des données de la plus grande qualité possible. Néanmoins, les données sous-jacentes présentent diverses limites et l’évaluation recourt à un certain nombre d’hypothèses de simplification concernant les propositions et les réactions potentielles des entreprises multinationales (EMN) et des gouvernements. Il convient en particulier de préciser que les données sous-jacentes sont antérieures à diverses évolutions importantes, et notamment la réforme fiscale américaine de 2017, la mise en œuvre de certains aspects du paquet BEPS OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices et la crise du COVID-19.

Les Piliers Un et Deux pourraient se traduire par une hausse des recettes totales de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) comprise entre 50 et 80 milliards USD par an. Si l’on prend en compte l’effet combiné de ces réformes et du régime GILTI aux États-Unis, l’effet total pourrait atteindre 60 à 100 milliards USD par an, soit environ 4 % des recettes de l’IS au niveau mondial. Les gains exacts pourraient différer de ces estimations ‘ex ante’, car ils dépendront de la conception finale et des paramètres des Piliers Un et Deux, de la portée de leur mise en œuvre, de la nature et de l’ampleur des réactions des EMN et des pouvoirs publics et des évolutions économiques futures. Les gains de recettes proviendraient essentiellement du Pilier Deux :

  • Le Pilier Un impliquerait un changement important dans la façon dont les droits d’imposition sont répartis entre juridictions, car les droits d’imposition portant sur environ 100 milliards USD de bénéfices pourraient être réattribués aux juridictions du marché en application des règles établies par le Pilier Un. Cela entrainerait une augmentation d'ampleur modeste des recettes fiscales au niveau mondial. En moyenne, les économies à revenu faible, intermédiaire et élevé bénéficieraient toutes de gains de recettes fiscales, tandis que les ‘centres d’investissement’ auraient tendance à perdre des recettes fiscales.

  • Le Pilier Deux générerait une progression significative des recettes de l’IS dans les économies à revenu faible, intermédiaire et élevé. Il réduirait fortement la tentation pour les entreprises multinationales (EMN) de transférer des bénéfices vers des juridictions à faible fiscalité, ce qui procurerait des gains supplémentaires outre les gains directs induits par l’impôt minimum proprement dit.

  • Selon les estimations, les gains de recettes cumulés générés par les deux piliers seraient globalement similaires — en pourcentage des recettes actuelles de l’IS — pour les économies à revenu faible, intermédiaire et élevé.

Une solution multilatérale fondée sur un consensus associant les Piliers Un et Deux conduirait à un environnement plus propice à l’investissement et à la croissance économique qu’en l’absence d'accord du Cadre inclusif :

  • Les Piliers Un et Deux entraîneraient une augmentation relativement faible des coûts d’investissement moyens (après impôt) des groupes d’EMN. L’effet négatif sur l’investissement mondial qui s’ensuivrait serait minime, car les propositions affecteraient principalement les groupes d’EMN très rentables dont les investissements sont moins sensibles à la charge fiscale. L’impact des propositions devrait se concentrer sur les groupes d’EMN très rentables appartenant aux secteurs à forte composante numérique et très dépendants des actifs incorporels dans le cas du Pilier Un, et sur les groupes d’EMN qui pratiquent le transfert de bénéfices dans le cas du Pilier Deux. Dans l’ensemble, on estime que l’effet négatif sur le PIB mondial provenant de l’augmentation escomptée des recettes fiscales associée aux propositions serait inférieur à 0.1 % sur le long terme.

  • Les Piliers Un et Deux soutiendraient l’investissement et la croissance à l’échelle mondiale par des canaux de transmission moins quantifiables mais néanmoins importants, qui pourraient compenser en tout ou partie cet effet négatif minime. Ainsi, les propositions visent à renforcer la sécurité juridique en matière fiscale pourraient améliorer l’efficience dans la répartition mondiale du capital en augmentant l’importance de facteurs non fiscaux (tels que les infrastructures, niveaux d’éducation ou coûts du travail) dans les décisions d’investissement. Elles réduiraient également, dans une certaine mesure, la nécessité de mobiliser des recettes en appliquant d'autres mesures fiscales (ayant un effet de distorsion potentiellement plus grand) dans le contexte budgétaire difficile de l’ère post-COVID-19. Enfin, les propositions pourraient engendrer des coûts de conformité et d'administration supplémentaires pour les EMN et les pouvoirs publics. L’importance de ces coûts est difficile à évaluer et dépendra de la conception définitive des propositions.

  • À l’inverse, l’absence de solution fondée sur un consensus conduirait probablement à une multiplication des mesures fiscales unilatérales non coordonnées (taxes sur les services numériques, par exemple) et à une augmentation de la fréquence des différends commerciaux et fiscaux préjudiciables à la sécurité juridique en matière fiscale et à l’investissement, tout en entraînant des coûts de conformité et d'administration supplémentaires. L’importance des conséquences négatives dépendra de la conception, de la portée et du degré de mise en œuvre de ces mesures unilatérales, ainsi que de l’ampleur des mesures de représailles commerciales éventuelles. Dans le scénario le plus défavorable, ces différends pourraient amputer le PIB mondial de plus de 1 %.

Bien des incertitudes entourent encore l’ampleur exacte de la crise du COVID-19, mais certaines répercussions sur l'évaluation d’impact des Piliers Un et Deux sont d’ores et déjà probables :

  • La pandémie de COVID-19 devrait réduire les gains escomptés de recettes générés par les Piliers Un et Deux, du moins à court terme, car elle érode la rentabilité de nombreuses entreprises multinationales, même si certaines d’entre elles, à forte intensité numérique, ont réussi à maintenir, voire à améliorer leurs résultats depuis le début de la crise.

  • La crise accélère la transformation numérique en cours de l’économie, et accentue l’importance des défis fiscaux soulevés par la numérisation et la nécessité d'y répondre. Cette accélération va également accroître l’importance relative des services numériques automatisés (ADS) dans le champ d’application envisagé du Pilier Un.

  • L’essor de la numérisation, les pressions croissantes sur les finances publiques après la crise et le mécontentement grandissant du public face aux pratiques de planification fiscale des entreprises multinationales sont autant de facteurs qui augmenteront la probabilité de mesures fiscales unilatérales si le Cadre inclusif ne parvient pas à s’entendre sur une solution fondée sur un consensus. Les différends fiscaux et commerciaux qui en résulteraient viendraient pénaliser l’investissement et la croissance, à l’heure où l’économie mondiale est extrêmement fragilisée par la crise du COVID-19. Ils aggraveraient l’effet négatif de la crise et compromettraient la reprise.

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