Résumé

Le Québec s’est doté en 2002 d’une Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme. Cette Loi reconnaît la légitimité du lobbying et le droit des citoyens de savoir qui tente d’influencer les décideurs des institutions parlementaires, gouvernementales et municipales. Elle prévoit l’inscription obligatoire des lobbyistes sur un registre rendu public, un code de déontologie applicable à ceux qui conduisent des activités de lobbying, un commissaire au lobbyisme chargé de la surveillance et du contrôle de ces activités ainsi qu’un régime de sanctions pénales et disciplinaires.

Afin de répondre à l'évolution des pratiques de lobbying et du contexte sociopolitique québécois, le Québec pourrait envisager de moderniser le cadre législatif et réglementaire pour continuer à développer une culture de transparence et d'intégrité.

Au Québec, un même cadre légal et institutionnel s’applique aussi bien aux activités de lobbying visant le gouvernement du Québec qu’aux activités s’exerçant au niveau municipal. À cet égard, la Loi québécoise s’inscrit comme l’une des plus complètes et des plus cohérentes parmi les pays de l’OCDE, et il est donc souhaitable de maintenir la couverture de la Loi actuelle concernant les municipalités. La prise en compte de cette spécificité nécessite toutefois de trouver des compromis entre l’objectif de transparence de la Loi, les risques dans la gestion publique locale et les exigences de bon fonctionnement de la démocratie locale, par exemple la nécessité de maintenir un dialogue citoyen avec les institutions publiques. 

Le législateur québécois a fait le choix en 2002 de faire peser l’obligation de transparence sur certains types d’acteurs dont les activités supposent la recherche d’un bénéfice pécuniaire et corporatif, plutôt que de délimiter un périmètre d’acteurs assujettis selon la nature de leurs communications d’influence et leur effet sur la prise de décision publique. Ces critères sont toutefois peu lisibles et peuvent être considérés comme un obstacle à l’atteinte des objectifs de la Loi en matière de transparence. Surtout, cette démarcation a pu contribuer au sentiment que seules certaines activités menées pour des intérêts corporatifs devraient être associées au mot « lobbying » et faire l’objet de mesures législatives visant à prévenir certaines dérives. Aujourd’hui, le lobbying au Québec est perçu de manière négative au sein de la population et reste associé à certaines pratiques pouvant être jugées illégitimes voire illégales.

Les obligations déclaratives au registre des lobbyistes ne répondent qu’imparfaitement aux objectifs de transparence de la Loi et ne permettent pas de comprendre réellement la portée ou le poids relatif d’une activité de lobbying. La mise en service au printemps 2022 par Lobbyisme Québec d’une nouvelle plateforme destinée à pallier les lacunes technologiques de l’actuel registre des lobbyistes, constituera sans doute un pas important vers une plus grande simplicité et efficacité en lien avec les obligations de transparence.

Malgré le travail de sensibilisation de Lobbyisme Québec, les bénéfices d’un encadrement du lobbying sont insuffisamment connus pour favoriser l’approbation du public. De plus, la Loi ne donne pas clairement de responsabilités à l’État, aux institutions publiques et aux titulaires de charges publiques à l’égard de la transparence des activités de lobbying.

Tout en conservant la couverture de la Loi actuelle concernant les municipalités, le législateur québécois pourrait envisager une plus grande adaptation du champ d’application de la Loi selon différents échelons locaux et selon le type de décisions visées. De même, la Loi pourrait tenir compte des avancées en matière de transparence et d’intégrité permises par la Loi sur les contrats des organismes publics et le renforcement des lois électorales.

Afin de tenir compte de l’évolution des pratiques de lobbying, rendues plus complexe par l’avènement des réseaux sociaux, la Loi pourrait couvrir les activités d’appel au grand public (« grassroots lobbying »), comme c’est le cas au palier fédéral et dans la plupart des juridictions canadiennes. La Loi devrait également envisager la définition de « lobbyiste » dans une optique inclusive afin de couvrir tous les groupes d’intérêts, opérant ou non dans un but lucratif, qui cherchent à influencer les décisions publiques. Toutefois, pour instaurer un juste équilibre entre la diversité des entités pratiquant le lobbying, leurs capacités et leurs ressources, d’une part et les mesures prises pour accroître la transparence d’autre part, la Loi pourrait prévoir des exemptions pour certains organismes d’action collective et lorsque les activités de lobbying sont très ponctuelles. Ces mesures paraissent nécessaires afin que l’assujettissement ne devienne pas un obstacle à l’accès équitable à l’administration.

La notion de « partie importante » porte à confusion et pourrait être revue. À tout le moins, le législateur québécois pourrait considérer de prévoir que la qualité de lobbyiste s’apprécie en considérant l’ensemble des activités de la personne morale concernée, et non celles des personnes physiques qui la composent, afin de déterminer des seuils plus pertinents déclenchant une obligation d’inscription au registre.

Le registre devrait confier l’obligation d’enregistrement aux entités et non aux individus. La déclaration initiale pourrait être simplifiée, tandis que des informations plus précises -- comme les dates des activités de lobbying, les agents publics et décisions spécifiques visées -- pourraient être exigées lors de mises à jour régulières, afin de permettre au citoyen de saisir pleinement l’envergure et la profondeur de ces activités. Ces mesures pourraient être complétées par une divulgation adaptée selon la catégorie de responsable public approché.

Les agents publics et des lobbyistes ont une responsabilité partagée dans l’application des principes de bonne gouvernance, en particulier ceux de transparence et d’intégrité, pour maintenir la confiance dans les décisions des autorités publiques. Du côté des lobbyistes, le Code de déontologie pourrait être renforcé et le Québec pourrait inciter les entreprises et les représentants d’intérêts à mettre en œuvre des principes d’engagement responsable. Du côté des responsables publics, l’encadrement des activités de lobbying doit également s’inscrire dans une démarche plus large qui vise à promouvoir une réflexion éthique au sein des institutions publiques. Le Québec pourrait considérer responsabiliser en partie les agents publics en leur demandant qu’ils s’assurent que les représentants des entreprises ou organisations qui les contactent aient effectivement inscrit leurs activités de lobbying, ou en mettant en place des initiatives d’agendas ouverts pour certains agents publics.  Une coordination accrue avec le Secrétariat du Conseil du trésor (STC) du Québec, la Commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale du Québec, la Commission municipale du Québec en matière de lobbying et d’intégrité pourrait permettre de renforcer les activités de sensibilisation et de formation sur les standards d’intégrité applicables aux responsables publics dans le contexte spécifique des activités de lobbying.

Enfin, pour assurer le respect des règles, le législateur québécois pourrait réorienter la législation vers un régime davantage axé sur la conformité administrative (plutôt que pénale), conférer au commissaire au lobbyisme un pouvoir de sanctions administratives pécuniaires, et lui donner davantage de pouvoirs de sensibilisation afin de renforcer les efforts déjà fournis par Lobbyisme Québec.

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