5. La violence devient-elle plus urbaine en Afrique du Nord et de l’Ouest ?

L’Afrique du Nord et de l’Ouest connaissent depuis 20 ans des niveaux de violence sans précédent. Une proportion importante mais non mesurée des incidents et victimes s’observent à proximité des zones urbaines. C’est pourquoi ce chapitre propose une analyse spatiale exploratoire de la relation entre violence politique et zones urbaines. Il examine si les violences sont principalement rurales ou urbaines, si leur intensité dans les villes augmente au fil du temps, et pourquoi certaines villes ou leur hinterland se sont transformés, depuis 2000, en foyers de violence. L’analyse de données désagrégées sur les conflits sur 22 ans met en évidence la diminution des violences à mesure que l’on s’éloigne des zones urbaines, et leur intensification dans les zones rurales, notamment en Afrique de l’Ouest. L’analyse spatiale montre également la grande inégalité de répartition des violences urbaines et rurales à travers la région, soulignant ainsi la nécessité de mieux comprendre les racines locales des conflits et les spécificités des insurrections djihadistes qui frappent un nombre de pays toujours croissant.

Les violences sont essentiellement rurales : 43 % des événements violents et 44 % des victimes entre 2000 et 2022 s’observent dans des zones comptant moins de 300 habitants/km² (Graphique 5.1). Les zones urbaines comptant au moins 1 500 habitants/km2 totalisent 30 % des événements violents et des victimes, tandis que les zones semi-urbaines (à mi-chemin entre densités de population rurale et urbaine) enregistrent les proportions les plus faibles, avec 27 % des événements violents et 25 % des victimes. À l’échelle régionale et sur une longue période, les événements violents sont aussi meurtriers dans les zones urbaines (3.8 décès par événement) que rurales (3.9), et le sont légèrement moins dans les zones semi-urbaines (3.5).

La proportion d’événements violents et de victimes par catégories démographiques (Graphique 5.1) est homogène pour les deux principaux types de violence recensés par le projet Armed Conflict Location & Event Data (ACLED), à savoir les combats et les violences contre les civils. Une exception apparaît pour les explosions et violences perpétrées à distance : les zones urbaines en totalisent 30 %, pour 36 % des victimes de ce type d’événements. Il s’agit de l’écart le plus important entre la proportion d’événements violents et de victimes, tous types d’événements confondus. Ceci pourrait s’expliquer par la densité de population relativement élevée à proximité de ces événements. Les combats sont le type de violence le plus meurtrier, avec 4.6 victimes par événement depuis 2000, et près de 5 victimes dans les zones rurales. Les explosions et violences perpétrées à distance, ainsi que les violences contre les civils, tuent quant à elles en moyenne 3.2 personnes par événement, sans différence significative entre ces types d’événements.

Les violences diminuent très fortement à mesure que l’on s’éloigne des zones urbaines, suivant une dynamique nette de décroissance avec la distance (Graphique 5.2). Bien que la plupart des événements violents ne se produisent pas dans des zones urbaines, une écrasante majorité survient à relative proximité de celles-ci. Plus des deux tiers des événements violents (68 %) se situent dans un rayon de 40 km d’une zone urbaine, et 47 % dans un rayon de 10 km. Un pic secondaire s’observe par ailleurs à une distance d’environ 100 km d’une zone urbaine. En d’autres termes, plus on se rapproche d’un noyau urbain, plus le nombre d’événements violents est élevé, mais ces événements se produisent dans des zones classées comme rurales selon les critères de densité démographique établis par l’ONU (2020[1]). Ces dynamiques sont quasi identiques pour les proportions de victimes, et ne varient pas entre les principaux types de violence identifiés par ACLED (combats ; violences contre les civils ; et explosions et violences perpétrées à distance).

Les violences se concentrent principalement dans les petites zones urbaines. La proportion d’événements violents et de victimes varie fortement en fonction de la taille des zones urbaines. Plus de la moitié des événements violents en 2015 se sont produits dans des zones urbaines comptant entre 30 000 et 100 000 habitants (26 %) et entre 300 000 et 1 million d’habitants (27 %) (Graphique 5.3). Les victimes sont plus concentrées dans les zones urbaines de 30 000 à 100 000 habitants (43 %) que partout ailleurs. Les violences politiques sont en revanche particulièrement rares dans les grandes villes de plus de 3 millions d’habitants, qui ne totalisent que 3 % des événements violents et 1 % des victimes. Dans l’ensemble, les violences sont plus fréquentes dans les petites agglomérations urbaines de moins de 100 000 habitants que dans celles de taille intermédiaire ou grande. Près de 40 % des événements violents et 64 % des victimes sont ainsi recensés dans les petites agglomérations urbaines, qui représentent 92 % des villes et 32 % de la population du continent en 2015 (OCDE/CSAO, 2020[4]).

Les données agrégées indiquent que l’urbanisation rapide de la région ne rime pas nécessairement avec l’augmentation des conflits urbains. Ce constat surprenant tient d’abord au fait que l’Afrique du Nord et de l’Ouest est une vaste région avec plusieurs pays aux niveaux de conflit élevés mais d’urbanisation encore faibles, comme le Mali et le Niger, et d’autres présentant à la fois des niveaux d’urbanisation et de conflit élevés, comme le Nigéria et la Libye. L’hétérogénéité du processus d’urbanisation à l’échelle régionale minimise l’importance de certaines zones urbaines. En outre, le rapport étudie les conflits sur 22 ans, période relativement longue au cours de laquelle des conflits ont pris fin (au Libéria et en Sierra Leone, par exemple), d’autres sont apparus ou se sont étendus (au Mali et au Burkina Faso, notamment), ou se sont pérennisés (au Nigéria, par exemple).

Compte tenu de l’étendue relative de la région et de la longueur de la période étudiée, il est nécessaire d’approfondir ces premiers résultats, et ce, de deux manières interdépendantes. Les données sur les conflits fournies par ACLED sont désagrégées sur le plan temporel et spatial afin de déterminer si certaines années et certains contextes nationaux spécifiques sont respectivement associés à des dynamiques annuelles ou locales divergeant de celles observées à l’échelon global.

Les violences se sont largement ruralisées au fil du temps malgré la croissance ininterrompue des populations urbaines. L’analyse met en évidence d’importantes variations de la relation entre événements violents et zones urbaines au gré des différents épisodes de conflit, dont certains présentent une composante rurale évidente (Graphique 5.4).

Deux pics de violence urbaine apparaissent, en 2004 et en 2012. Le premier est dû à la première guerre civile ivoirienne, qui a fait de nombreuses victimes dans les villes de Korhogo, Bouaké et Abidjan, ainsi qu’aux violences religieuses dans les villes nigérianes de Yelwa et Kano, qui entraînent la mort d’environ 1 700 personnes en mai 2004.

Le second pic correspond au début de la guerre civile malienne en 2012, au cours de laquelle une coalition de rebelles sécessionnistes et de groupes djihadistes a pris le contrôle des villes clés du nord du pays. Pourtant, malgré ces pics, les zones urbaines n’ont été le théâtre principal des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest que durant une dizaine d'années depuis 2000. En effet, les violences urbaines ont atteint leur niveau maximal en 2012, elles représentaient alors 60 % des événements violents de la région, avant de diminuer fortement pour atteindre leur niveau le plus faible en 2022, avec un peu moins de 20 % des événements violents. Le milieu rural est le deuxième théâtre de conflit le plus fréquent, avec la plus grande proportion de violences depuis 10 ans. En 2021, les zones rurales totalisent 53 % des événements violents et 56 % des victimes. Les zones semi-urbaines n’ont été le théâtre de conflit majoritaire qu’en 2017 (et encore, de justesse). Ces dynamiques valent pour chacun des types de violence à l’étude, ainsi que pour les victimes.

La variabilité temporelle des violences urbaines est également liée aux fluctuations géographiques des conflits. Au Nigéria, les violences urbaines sont la catégorie prédominante depuis 2000. La proportion d’événements violents dans les zones rurales y augmente lentement depuis début 2010, soit l’émergence de l’insurrection de Boko Haram autour du lac Tchad (Graphique 5.5). Les violences rurales prédominent en revanche au Mali, à l’exception de trois années, de 2011 à 2013, au paroxysme de la dernière rébellion touareg (Graphique 5.6). L’importance des espaces ruraux ou urbains pour les belligérants fluctuerait donc au gré des variations d’intensité des conflits, aussi faut-il tenir compte de la variabilité de ces dynamiques régionales dans le temps, mais aussi dans l’espace.

Plus courantes en Afrique du Nord qu’en Afrique de l’Ouest, les violences urbaines voient leur part diminuer dans les deux zones. Afin de déterminer le caractère principalement rural ou urbain des violences politiques, les données sont ventilées en deux sous-régions : l’Afrique du Nord (Libye, Tunisie, Algérie et Maroc) et de l’Ouest (États restants). L’évolution de la proportion des violences urbaines dans le temps y est examinée. Les taux d’urbanisation généralement plus élevés en Afrique du Nord (70 % en 2021 selon les Nations unies) qu’en Afrique de l’Ouest (48 %) pourraient laisser présager une plus grande urbanisation des violences au nord du Sahara.

Les violences urbaines sont effectivement plus fréquentes, dans l’ensemble, en Afrique du Nord ces 20 dernières années (Graphique 5.7). Les chiffres des deux sous-régions se suivent de près entre 2003 et 2009, puis entre 2013 et 2018. Cette dernière période est particulièrement parlante, des conflits majeurs s’y déroulant simultanément dans les deux espaces : les guerres civiles libyennes (2011, 2014-20) débutent deux ans après l’insurrection de Boko Haram en 2009, et un an avant le conflit malien (2012-). Les conflits de chaque sous-région présentent un niveau d’urbanisation similaire, les événements violents affectant une plus grande part de zones urbaines en Afrique de l’Ouest entre 2010 et 2012. Les taux d’urbanisation des sous-régions sont différents, pourtant le degré d’urbanisation des conflits y est similaire entre 2010 et 2012.

La relation entre violences et distance aux zones urbaines varie considérablement entre les États. L’analyse des distances séparant les événements violents des zones urbaines dans les 21 États (Graphique 5.8) fait apparaître une forte hétérogénéité. Plusieurs États présentent une diminution nette des événements violents à mesure que l’on s’éloigne des zones urbaines, dont de nombreux ayant connu des conflits majeurs ces 22 dernières années, comme l’Algérie, le Cameroun, la Libye, le Nigéria et la Tunisie. Cette dynamique s’observe également, bien que dans une moindre mesure, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Ghana. Dans quelques autres États, avec ou sans épisodes de conflit, aucune relation significative ne s’observe entre la violence et la distance aux zones urbaines. Les dynamiques malienne, burkinabé et nigérienne indiquent que les conflits et leurs imbrications sont en grande partie ruraux. Toutefois, la majeure partie des événements s’y sont produits dans un rayon de 90 à 100 km de la zone urbaine la plus proche.

La section suivante étudie la géographie de la violence urbaine en cartographiant les violences et leurs relations avec les zones urbaines dans trois des zones les plus touchées d’Afrique du Nord et de l’Ouest : le Sahel central, la région du lac Tchad et la Libye. L’analyse se concentre sur certains lieux comptabilisant un nombre élevé de victimes depuis 2000 : Djibo, Gao et Kidal dans le Sahel central ; Gwoza, Maiduguri et la forêt de Sambisa autour du lac Tchad ; et Benghazi, Syrte et Tripoli en Libye. Ces études de cas confirment que les violences urbaines sont, pour la majeure partie, survenues depuis le début des années 2010, et que le nombre de victimes recensées dans les zones urbaines de la région du lac Tchad et en Libye a toujours été supérieur à celui observé dans le Sahel central, où les principaux pics correspondent aux soulèvements d’organisations extrémistes violentes et aux contre-offensives militaires.

De toutes les zones en conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest, le Sahel central est celle où les violences sont le plus susceptible de se produire dans les zones rurales1. Le Sahel central est confronté à une myriade de groupes armés, dont les activités principales se déroulent dans les hinterland ruraux. Seuls 23 % (1 050 sur 4 732) des événements violents en 2020 et 2021 s’y sont produits dans un rayon de 40 km d’une zone urbaine. Le fait que les violences touchent principalement les zones rurales ne signifie pas pour autant que les zones urbaines et leur périphérie immédiate restent à l’abri des événements violents. En effet, des concentrations d’événements violents sont observées autour de nombreuses zones urbaines (Carte 5.1). Le chapelet d’agglomérations urbaines s’étendant entre Mopti au Mali, et Ouahigouya au Burkina Faso, enregistre par exemple 440 événements dans un rayon de 40 km sur la période 2020-21. Des concentrations d’événements plus restreintes s’observent près de Maradi, au Niger, et de Douentza, Gao et Niono, au Mali. Malgré la récente intensification des violences, on n’observe pas de concentrations d’événements violents à proximité des capitales nationales (Encadré 4.1). Pour autant qu’il existe des signes d’urbanisation des conflits dans un contexte par ailleurs essentiellement rural, celle-ci est associée à des villes plus petites et peut-être plus marginales, dont plusieurs à proximité de frontières.

Les villes sahariennes et sahéliennes, telles que Kidal, Gao et Tombouctou, jouent un rôle stratégique dans le début des insurrections qui sont apparues dans le nord du Mali et se sont propagées aux pays voisins ces dix dernières années. Dans une région aussi peu peuplée, la prise d’un territoire est inutile en raison de l’impossibilité d’y tenir garnison. Ce principe fut formulé il y a déjà plus d’un siècle par T.E. Lawrence (1920[5]), pour qui la guerre dans le désert s’apparente à une guerre navale : les insurgés y sont mobiles, omniprésents, indépendants des bases militaires et relativement indifférents aux contraintes de leur environnement. Cela vaut pour nombre de forces irrégulières. Ce qui fait toutefois la particularité des insurgés sahariens, c’est qu’ils ont, comme les marins, développé une conception de l’espace dans laquelle les zones stratégiques, les directions fixes et les ressources localisées ont moins d’importance que les allégeances tribales, les réseaux de villes et le contrôle des routes (Walther, 2015[6]). Dans le Sahara-Sahel, le contrôle des mouvements s’est de tout temps avéré le moyen le plus efficace de vaincre les forces régulières et de contrôler les populations locales, ce qui explique qu’une si grande part des activités violentes observées lors de la première phase de la guerre civile malienne se sont produites dans ou autour des zones urbaines, ainsi que le long des corridors commerciaux stratégiques (Retaillé et Walther, 2013[7]).

Kidal est l’une des villes les plus importantes du cœur de la confédération touareg des Kel Adagh, à l’extrême nord-est du Mali. Malgré sa petite taille (31 800 habitants en 2015), elle est le point de départ de quatre rébellions majeures au Mali en 1963-64, 1990-96, 2006-09, puis 2012-13. La première d’entre elles prend fin avec une répression brutale de l’armée malienne sur Kidal, tandis que les trois autres s’achèvent chacune par des accords de paix, qui ne permettent finalement pas de prévenir une reprise du conflit.

Pendant la rébellion de 2012, Kidal est d’abord sous contrôle du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), mouvance séparatiste sous le contrôle des Touaregs, avant de passer aux mains d’une coalition djihadiste regroupant Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Ansar Dine (les Défenseurs de la foi), qui devient alors la faction dominante de la ville (Carte 5.2). En janvier 2013, l’armée française et ses alliés lancent l’Opération Serval afin de contrer l’avancée des djihadistes vers le sud et de les chasser des villes du nord. Les modalités de reprise de Kidal aux djihadistes ont longuement fait polémique. Le 28 janvier 2013, le MNLA et un groupe de dissidents de haut niveau d’Ansar Dine, se faisant appeler Mouvement islamique de l’Azawad (rebaptisé plus tard Haut conseil pour l’unité de l’Azawad [HCUA]), annoncent avoir pris le contrôle de Kidal. Le 30 janvier, les forces françaises prennent l’aéroport de Kidal ; les autorités maliennes se plaignent publiquement de ne pas avoir été informées ou incluses. Les troupes tchadiennes entrent dans la ville le 5 février, faisant de Kidal la dernière grande ville du nord du Mali à tomber sous la coupe de l’opération Serval.

Le MNLA et le HCUA partagent ensuite formellement le contrôle de Kidal avec les forces gouvernementales maliennes dans le cadre d’une entente tendue. En mai 2014, la visite à Kidal du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, déclenche des combats directs entre le MNLA et les forces maliennes, remportés par le MNLA. La même année, le MNLA, le HCUA et une partie du Mouvement arabe de l’Azawad forment une coalition baptisée Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui devient l’un des trois signataires de l’Accord d’Alger de 2015, avec le gouvernement malien et la Plateforme, coalition de milices anti-rebelles. La CMA consolide son contrôle politique et militaire sur Kidal, et sur une grande partie de la région environnante, affrontant la principale composante de la Plateforme, le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA).

Malgré sa centralité politique dans le conflit malien, la ville de Kidal reste relativement épargnée par les violences avec 372 victimes entre 1997 et 2021. Les pics de violence de 2013 (101 morts) et 2014 (108) reflètent les turbulences de l’Opération Serval et de ses suites immédiates, ainsi que les violences des affrontements de mai 2014 et des efforts globaux de la CMA pour consolider son contrôle sur la ville. Les violences ultérieures impliquant la CMA touchent les environs de Kidal plutôt que son cœur. Les affrontements de juillet 2017 entre la CMA et le GATIA concernent bien le contrôle de Kidal, mais les combats se déroulent à une cinquantaine de kilomètres au sud-est. Outre la paix relative que la CMA apporte à Kidal, il s’agit également de la ville natale du principal chef djihadiste malien, Iyad ag Ghali, à la tête du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) (lié à Al-Qaïda) depuis sa création en 2017. Malgré les nombreuses attaques du JNIM dans la région de Kidal, le groupe cible ses attaques sur le centre du Mali et le nord du Burkina Faso.

Avec une population estimée à 105 900 habitants en 2015, Gao se positionne comme un important centre politique et culturel du nord-est du Mali. La ville subit de plein fouet les rébellions du nord du Mali de 1990, 2006, puis 2012. Cette année-là, elle tombe d’abord aux mains du MNLA, puis de la coalition djihadiste qui s’empare du nord du Mali. Le MUJAO prend alors le contrôle de Gao. Le MNLA, comme les djihadistes, font subir aux habitants de la ville de graves violations des droits humains. Il est notamment vraisemblable que le MNLA, sous domination touareg, ait voulu commettre de plus graves exactions à Gao, ville multiethnique où coexistent Songhaïs, Arabes, Touaregs, Peuls et autres, qu’à Kidal, dominée par les Touaregs. Le MUJAO et les djihadistes perpètrent à Gao de cruels châtiments corporels, suivant l’interprétation djihadiste de la loi islamique, notamment des amputations et des passages à tabac (HRW, 2012[9])

Les violences qui s’abattent sur Gao en 2012 font le lit de tensions intercommunautaires durables une fois la ville libérée du MUJAO et des djihadistes en 2013 (Graphique 5.9). Les tensions ethniques s’embrasent ainsi lors d’incidents, tels que les affrontements intercommunautaires de 2020, où des Arabes sont lynchés par des Songhaïs les accusant de vol. Ce tableau complexe est aggravé par l’activité généralisée présumée de réseaux de trafic de drogue dominés par les Arabes dans la région de Gao depuis le milieu des années 2000. La presse en vient même à rebaptiser un quartier de la ville « Cocaïne bougou » (Dreazen, 2013[10]). Tarkint, ville de la région de Gao, est également le théâtre, en 2009, de l’affaire « Air Cocaïne », dans laquelle un chargement de drogue est découvert dans un avion et divers hommes d’affaires et responsables locaux sont impliqués (Tinti, 2020[11]). Plus récemment, des hommes politiques clés basés à Gao, comme Mohamed Ould Mataly, sont accusés de participation à des activités de trafic de drogue et de sabotage politique, et placés sous sanctions des Nations Unies (ONU, 2019[12]).

Gao reste, même après sa libération, la cible de violences djihadistes. En février et mars 2013, la résistance djihadiste contre la présence militaire française et malienne se fait ainsi plus rude à Gao qu’à Kidal et Tombouctou. En février 2013, Gao est le théâtre de ce qui est qualifié de premier attentat-suicide du Mali. C’est également là qu’a lieu, en janvier 2017, l’attentat-suicide le plus meurtrier de tout le conflit malien, visant une patrouille mixte de la CMA, de la Plateforme et de l’armée malienne. À plusieurs reprises, Gao est ciblée par les djihadistes, en partie parce qu’ils y voient le carrefour de diverses initiatives sécuritaires dans le nord du Mali (Traoré, 2017[13]). Gao accueille ainsi le quartier général malien de la mission antiterroriste française pour le Sahel – l’Opération Barkhane – et en est la dernière base remise aux forces maliennes en 2021-22. Elle est également le quartier général oriental de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

Ces dernières années, les activités violentes se sont largement déplacées des régions sahariennes vers le Sahel, et plus au sud encore. Kidal est l’une des régions les moins touchées du Mali, avec moins de 70 victimes recensées de janvier 2021 à juin 2022, contre plus de 2 100 pour la région de Mopti et 906 pour celle de Gao (Chapitre 4). Avec la progression des groupes armés vers le sud, le Burkina Faso est désormais le pays le plus violent d’Afrique de l’Ouest après le Nigéria, totalisant plus de 4 500 victimes de janvier 2021 à juin 2022, d’après les données d’ACLED. Les villes burkinabè voisines du Mali, telles que Djibo, Dori et Ouahigouya, sont ainsi devenues de nouveaux foyers de violence dans la région.

Djibo est la capitale de la province du Soum, l’une des quatre provinces de la région du Sahel, dans la partie la plus septentrionale du pays. La ville se situe à environ 210 km au nord de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, et à moins de 70 km de la frontière avec le Mali. Le Soum est limitrophe de certaines des zones les plus meurtries du centre du Mali, plongé dans la crise depuis 2015 (Carte 5.3).

Au Burkina Faso, la province du Soum est devenue le point de départ d’une insurrection plus vaste, initialement menée par le groupe djihadiste burkinabè Ansaroul Islam. Son fondateur, Ibrahim Dicko, né dans un village du Soum, centre ses activités à Djibo dans les années 2000 et 2010 : il y dirige les prières du vendredi dans une mosquée, prêche régulièrement sur deux stations de radio basées dans la ville, épouse la fille d’un éminent imam local et y fonde l’association islamique al-Irchad (de l’arabe irshad, « orientation »). La multiplication des contacts de Dicko avec des militants basés au Mali entraîne sa radicalisation, ainsi que celle d’une partie des partisans d’al-Irchad, ce qui nuit à son acceptation locale à Djibo (Thurston, 2020[14]). Ansaroul Islam mène sa première attaque d’envergure en décembre 2016 contre un avant-poste militaire à Nassoumbou, ville du Soum située à 35 km au nord de Djibo. D’abord sous la direction de Dicko, puis sous celle de son frère Jafar, Ansaroul Islam entretient des liens étroits avec le JNIM au Mali.

Djibo connaît des niveaux de violence relativement faibles, avec un total de 241 victimes sur la période 1997-2021, le pic s’observant en 2020, avec 157 victimes. La ville est toutefois profondément affectée par la crise du Soum et au-delà. Dès le début de l’insurrection, l’insuffisance des infrastructures, les rivalités au sein de l’élite locale et la négligence des gouvernements centraux burkinabè successifs se conjuguent pour accentuer sa vulnérabilité et son isolement (ICG, 2017[15]). Les environs de la ville connaissent une escalade de la violence, non seulement de la part des djihadistes, mais aussi des forces de sécurité et des milices d’auto-défense Koglweogo. En 2019-20, des habitants auraient découvert 180 corps dans des fosses communes aux alentours de Djibo, meurtres dont les forces de sécurité seraient les principaux suspects (HRW, 2020[16]). Les civils se retrouvent pris au piège de ces violences plurielles, chaque acteur en conflit les accusant de collaborer avec son ennemi (Koné, 2020[17]).

L’escalade de la crise au Burkina Faso et sa propagation au nord puis à l’est du pays entraînent des déplacements massifs à partir de 2019. Le nombre de déplacés internes passe de 87 000 en janvier 2019 à plus de 1.9 million au 30 avril 2022, dont plus de 574 000 dans la région du Sahel (UNOCHA, 2022[18]). De nombreux déplacés affluent à Djibo, dont la population atteint plus de 200 000 habitants au premier trimestre 2022 (Solidarités International, 2022[19]), contre 38 300 en 2015, selon Africapolis. À cette époque, Djibo accueille 17 % des déplacés internes du Burkina Faso. Parallèlement, les violences endémiques entraînent la fermeture de nombreux centres de santé et écoles de la ville, surtout à partir de 2018.

À partir de 2020, les djihadistes bloquent Djibo, et assassinent le maire adjoint et le grand imam lorsqu’ils tentent de quitter la ville ; d’autres zones du nord sont également bloquées (Koné, 2020[17]). Ces blocus semblent destinés à renforcer le contrôle sur les principaux axes de transport, à priver l’État d’un centre administratif majeur dans le nord, et à s’inscrire dans une dynamique plus globale d’intimidation et de gouvernance djihadiste. Au cours des années suivantes, la ville se retrouve coupée à plusieurs reprises de ses environs par les djihadistes. Du fait de son importance stratégique, Djibo est également le théâtre d’efforts complexes de négociation de trêves avec les djihadistes par les autorités locales, et même nationales. Fin 2020, le gouvernement du président de l’époque, Roch Kaboré, aurait ainsi négocié une trêve près de Djibo avec le JNIM (et, vraisemblablement, Ansaroul Islam) dans le but de permettre la tenue des élections nationales cette année-là. Si ces pourparlers atteignent, semble-t-il, cet objectif limité (Mednick, 2021[20]), ils s’avèrent toutefois fragiles et temporaires, comme en témoigne la reprise ultérieure du blocus de Djibo.

La région du lac Tchad totalise le plus grand nombre d’événements violents et de victimes depuis la fin des années 2000 en Afrique de l’Ouest. Deux fois plus de personnes sont tuées dans les zones les plus touchées du bassin du lac Tchad (Adamawa, Borno, Diffa, Extrême-Nord et Yobe) que dans l’ensemble du Mali et du Burkina Faso de janvier 2012 à juin 2022. Les quatre États bordant le lac sont le théâtre de l’une des insurrections les plus violentes qu’ait jamais connue l’Afrique de l’Ouest, menée par Boko Haram et son groupe dissident, l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Islamic State West Africa Province [ISWAP]) (Carte 5.4).

Ces groupes entretiennent une relation plutôt conflictuelle avec les villes. Au début des années 2000, les premiers membres de la secte Boko Haram sont de jeunes radicaux de la mosquée Alhaji Muhammadu Ndimi de Maiduguri (Agbiboa, 2022[21]). Déclarant la ville corrompue, une faction de partisans de la ligne dure tente d’établir une sorte de commune ou de camp d’entraînement près du village de Kanama, dans l’État voisin de Yobe, mais ce soulèvement éphémère contre les autorités est écrasé fin 2003 (Thurston, 2017[22]). Les survivants regagnent Maiduguri et y établissent leur propre mosquée près de la gare (Chapitre 2). En 2009, Boko Haram lance une série de soulèvements spectaculaires à Maiduguri, Bauchi, Borno, Gombe, Yobe, Kano et Katsina. Le groupe finit par être expulsé des zones urbaines et gagne du terrain dans les zones rurales. En 2015, l’armée nigériane et ses alliés régionaux mènent une série d’offensives majeures contre Boko Haram qui, perdant une grande partie de ses gains territoriaux, se replie dans des zones rurales reculées, comme les îles du lac Tchad ou les monts Mandara au Cameroun. Ces dernières années, la stratégie du gouvernement nigérian consistant à déplacer ses troupes (et certains civils) dans des camps fortifiés encourage Boko Haram et l’ISWAP à étendre leurs activités dans les zones rurales et le long des principaux axes de transport (Graphique 5.10).

Ville la plus peuplée de l’extrême nord-est du Nigéria, avec une population estimée en 2015 à 1 012 100 habitants, Maiduguri est la capitale du Borno, deuxième plus grand État du pays. Compte tenu de l’étendue de cet État et des distances séparant Maiduguri des autres grandes métropoles du Nigéria, la ville constitue un nœud économique clé reliant le Nigéria, le Niger, le Cameroun et le Tchad.

Agglomération urbaine la plus violente d’Afrique de l’Ouest (avec 5 483 victimes sur la période 1997-2021), Maiduguri joue un rôle central dans le conflit avec Boko Haram. Il est généralement admis que c’est là que naît le groupe, entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, sous le leadership charismatique du prédicateur Mohamed Yusuf (1970-2009), lui-même venu à Maiduguri depuis l’État de Yobe (Bukarti, 2020[23]). Au cours des années 2000, Yusuf conquiert de nombreux adeptes à Maiduguri et au-delà. Il considère la ville comme sa base et y établit tout un réseau de mosquées et de centres. La ville est l’épicentre du violent soulèvement de masse de Boko Haram en 2009, au cours duquel Yusuf est tué. Ce soulèvement s’avère le tournant le plus décisif de l’histoire du groupe qui, de mouvement dissident anti-système avec quelques éléments violents, devient dès lors une véritable insurrection.

Après la réapparition de Boko Haram en 2010, sous la direction du bras droit de Yusuf, Abubakar Shekau, Maiduguri constitue d’abord la cible la plus fréquente des violences du groupe. Boko Haram y organise ainsi des assassinats, des attentats à la bombe et d’autres attaques, notamment l’assassinat d’un candidat clé au poste de gouverneur en janvier 2011 et l’attaque d’un bar à bière en juin 2011. Cette même année, le déploiement d’une nouvelle Force d’intervention conjointe (MNJTF) contribue largement à l’escalade de la violence à Maiduguri, cette Force se voyant accusée de violations systématiques des droits humains et de punitions collectives (Amnesty International, 2011[24]).

En juin 2013, la création de la Force d’intervention civile conjointe (Civilian Joint Task Force [CJTF]), force d’auto-défense soutenue par le gouvernement, modifie une nouvelle fois les dynamiques. La CJTF recrute des milliers de volontaires, faisant de Maiduguri son centre de gravité et étendant sa forte présence dans le reste du nord du Nigéria. Les connaissances locales de ses membres permettent d’éradiquer les cellules de Boko Haram à Maiduguri, mais la Force est accusée de pratiquer une justice sommaire et d’infliger des traitements cruels aux membres présumés de Boko Haram, dont un grand nombre ne bénéficie d’aucune procédure régulière (Agbiboa, 2022[21]). Ces abus deviennent ensuite autant de nouveaux déclencheurs de représailles de la part de Boko Haram, qui mène en mars 2014 une attaque particulièrement violente contre la caserne de Giwa, une prison militaire située à Maiduguri.

Si la présence physique de Boko Haram à Maiduguri semble s’affaiblir à partir de 2013-14, avec la formation de la CJTF, le groupe continue néanmoins à prendre la ville pour cible à plusieurs reprises. Deux pics de violence s’y observent ainsi pendant la crise traversée par Boko Haram : le premier en 2009 et le second en 2015. Celui de 2009 correspond au soulèvement de masse de Boko Haram (818 morts, même si certaines estimations avancent un bilan bien plus élevé). En 2010, les violences sont en revanche faibles à Maiduguri (40 victimes), à l’heure où Boko Haram se rétablit, mais reprennent ensuite leur progression chaque année jusqu’au nouveau pic de 2015 (1 177 victimes). Ces morts se comptent en grande partie parmi les membres de Boko Haram et les civils accusés de soutenir le groupe ; l’armée nigériane aurait par exemple tué environ 600 personnes en représailles après l’attaque de la caserne de Giwa en 2014.

En 2014-15, Boko Haram forme un « proto-État » dans le nord-est du Nigéria, encerclant partiellement Maiduguri. Bien que le groupe ne prenne jamais le contrôle de la ville, il y mène de nombreuses attaques durant et après cette période. Les plus tristement célèbres, sans toujours être toutefois les plus meurtrières, sont les attentats-suicides souvent perpétrés par des femmes et des jeunes filles kamikazes soumises à des degrés divers de coercition et de manipulation (Warner et Matfess, 2017[25]). Plus récemment, la ville est aussi la cible d’une série d’attaques à la roquette. Ses environs sont le théâtre de graves violences, à l’instar du massacre de novembre 2020, qui fait environ 110 morts parmi des travailleurs agricoles du village de Koshobe, près de Maiduguri.

Maiduguri connaît également un afflux massif de déplacés pendant la crise de Boko Haram, la sécurité relative de la ville et son infrastructure humanitaire plus dense offrant un certain répit à ceux fuyant les attaques de Boko Haram et de l’ISWAP dans les villes plus petites et les campagnes. En avril 2022, on compte plus de 1.6 million de déplacés internes dans l’État de Borno (OIM, 2022[26]). Les autorités nigérianes cherchent toutefois de manière constante et souvent controversée à encourager leur rapatriement (ainsi que celui des réfugiés), notamment dans le cadre de plans contestés, annoncés en 2020, visant le rapatriement d’environ 1.8 million de personnes des camps de Maiduguri, avec une vague de fermetures de camps fin 2021 (HRW, 2021[27]). En avril 2022, plus de 1.8 million de personnes sont rapatriées dans l’État de Borno (OIM, 2022[26]), malgré les dangers les attendant souvent dans leurs villes et villages d’origine.

Gwoza est le centre administratif d’une zone de gouvernement local (Local Government Area [LGA]) du même nom, dans l’État de Borno, à l’extrême nord-est du Nigéria. En 2015, sa population est estimée à 69 600 habitants. La ville se situe au pied des monts Mandara, qui s'élèvent le long de la frontière entre le Nigéria et le Cameroun ; la géographie accidentée des alentours de Gwoza y complexifie les opérations de contre-insurrection et l’accès humanitaire.

La ville constitue un point névralgique du conflit avec Boko Haram. Source de recrues pour le groupe, ses membres et combattants tentent de s’y replier après les revers subis dans d’autres zones du nord-est en 2003. Durant la période de formation de Boko Haram, au début des années 2000, une section ou faction du groupe – surnommée les « talibans nigérians » par les médias – est impliquée dans des violences dans les États de Yobe et Borno en 2003-04, notamment les attaques menées en septembre 2004 contre les postes de police de Gwoza et Bama. Après la répression de Boko Haram à Maiduguri par l’armée à partir de 2011, et par la CJTF soutenue par le gouvernement à compter de 2013, certains membres du groupe fuient à nouveau vers la région de Gwoza, se repliant notamment dans la forêt de Sambisa toute proche. Les attaques de Boko Haram se multiplient alors contre les écoles et les habitants de Gwoza, et, plus généralement, du sud de l’État de Borno, région comptant une importante population chrétienne. Si Boko Haram s’en prend aux populations civiles dans leur ensemble et tue fréquemment des musulmans qu’il qualifie d’apostats, certaines des violences qu’il perpètre dans l’État de Borno, et notamment à Gwoza, se démarquent néanmoins par leur caractère spécifiquement anti-chrétien.

Les violences perpétrées dans les environs de Gwoza en 2013-14, et dans le centre-sud de l’État de Borno durant cette même période, préparent le terrain des conquêtes territoriales menées ouvertement par Boko Haram à partir de l’été 2014. Le groupe s’empare alors de différentes villes, comme Damboa en juillet 2014, en partie pour priver la CJTF de ses bases. D’août 2014 à mars 2015, Gwoza devient de fait le siège du « proto-État » de Boko Haram. C’est l’une des dernières villes aux mains du groupe à tomber dans la campagne multinationale menée contre lui, bien que certaines zones des alentours de Gwoza restent sous contrôle de Boko Haram, même après la libération officielle de la ville (HRW, 2016[28]).

Dans l’ensemble, les années 2013-15 sont une période d’importantes violences à Gwoza, avec 121 victimes en 2013, 200 en 2014 et 134 en 2015 (Graphique 5.11). Les environs de la ville connaissent des niveaux de violence encore plus élevés, et plusieurs villages du LGA sont le théâtre de certains des pires massacres de tout le conflit. Entre 2011 et 2021, ACLED recense ainsi près de 1 700 victimes dans un rayon de 20 km de Gwoza, et près de 8 500 dans un rayon de 50 km. La ville de Pulka, à environ 18 km au nord de Gwoza et au sein de son LGA paie un lourd tribut à cette crise (UNOCHA, 2020[29]).

L’occupation destructrice et sans merci de Gwoza par Boko Haram a de graves répercussions à long terme pour les habitants et les rapatriés, la ville se retrouvant « rasée » à 70 % par les forces d’occupation (Caux, 2016[30]). Après 2015, Gwoza et sa région font face à des problèmes de sécurité alimentaire graves et persistants. Jusqu’au moment de la rédaction de ce rapport, en 2022, une grande partie du LGA de Gwoza est classée comme « difficile à atteindre », et les rares données dont disposent les groupes humanitaires indiquent que l’on meurt de faim à Gwoza et dans d’autres LGA voisines, une fois épuisées les stratégies de recherche de nourriture dans la nature (REACH, 2020[31]). Depuis la période de soudure de 2022 (juin-septembre), le niveau le plus sévère d’insécurité alimentaire dans l’État de Borno s’observe dans les LGA de l’extrême nord, classées au niveau 4 (« urgence ») sur une échelle largement utilisée en comprenant cinq. Gwoza et une grande partie du reste de l’État se situent quant à elles au niveau 3 (« crise ») (FEWS Net, 2022[32]).

Après sa reconquête par l’armée nigériane en 2015, Gwoza devient l’une des « villes de garnison » de l’armée, avec un « super camp », dans le cadre d’une stratégie mise en œuvre à partir de 2017 dans le nord-est, notamment dans l’État de Borno (Carsten et Lanre, 2017[33]), dans le but de défendre les villes stratégiques contre Boko Haram et l’ISWAP. L’inconvénient de cette stratégie est qu’elle implique de céder les zones rurales aux militants, tendance qui se confirme dans les environs de Gwoza, où elle provoque d’importantes perturbations des activités agricoles (Ugoh, 2021[34]). La présence de soldats nigérians n’est en outre pas sans risque pour les habitants, avec notamment des cas de violences sexuelles commises par les soldats. De plus, certaines de ces « villes de garnison » tombent aux mains de l’ISWAP, à l’instar de Dikwa en mars 2021.

Ancienne réserve de chasse de l’époque coloniale, la forêt de Sambisa fait partie du parc national du bassin du Tchad, au Nigéria. Avec sa végétation dense d’arbustes épineux, elle s’étend sur une bande de 518 km2 dans le centre-sud de l’État de Borno. Elle devient partie intégrante du conflit avec Boko Haram à partir de 2013 environ, quand le groupe, fuyant la campagne menée contre lui à Maiduguri par l’armée et les forces d’auto-défense, cherche refuge dans les zones rurales et les villes de taille intermédiaire du nord-est du Nigéria (Marama, 2014[35]). Le sanctuaire que représente la forêt de Sambisa donne à Boko Haram la liberté et la capacité d’infliger des violences de masse dans une bande du centre-sud de l’État Borno. Certaines des attaques les plus tristement célèbres du groupe ont ainsi lieu dans les environs de Sambisa, notamment l’enlèvement, en avril 2014, de 276 filles à la Government Girls Secondary School de Chibok, dont un grand nombre seront ensuite détenues par Boko Haram dans la forêt.

Certaines des agglomérations urbaines des environs de la forêt de Sambisa comptent parmi les zones les plus violentes d’Afrique du Nord et de l’Ouest sur la période 1997-2021, notamment Damboa (1 490 victimes), Konduga (1 122) et Gwoza (891). De ce sanctuaire, Boko Haram parvient à conquérir temporairement, en 2014-15, certaines villes en lisière de forêt, notamment Damboa, Gwoza et Bama. Le proto-État mis en place par le groupe s’étend néanmoins bien au-delà de ce périmètre. Le pic de violence observé en 2014 aux alentours de Sambisa reflète les conquêtes territoriales de Boko Haram et la violence quasi aveugle que le groupe fait régner à l’apogée de sa puissance.

La forêt de Sambisa est en outre la cible de campagnes aériennes et terrestres récurrentes de la part de l’armée nigériane, notamment en 2015, dans le cadre de la lutte conjointe du Nigéria, du Tchad et du Niger pour démanteler le proto-État de Boko Haram. En décembre 2016, en partie pour honorer ses promesses de campagne de 2015, le président nigérian, Muhammadu Buhari, annonce la destruction du dernier camp de Boko Haram dans la forêt de Sambisa. Celle-ci reste néanmoins le principal bastion du groupe, notamment de la faction d’Abubakar Shekau (Encadré 5.1).

Les autorités nigérianes et les forces d’auto-défense poursuivent leur lutte contre Boko Haram dans la forêt de Sambisa, et pas uniquement depuis les airs. En 2019, le nouveau gouverneur de l’État de Borno, Babagana Zulum, soutient ainsi une initiative visant à mobiliser jusqu’à 10 000 chasseurs traditionnels pour traquer Boko Haram dans ses caches les plus reculées (Umar, 2019[36]). Les activités de Boko Haram dans et autour de la forêt de Sambisa s’en trouvent, semble-t-il, perturbées, les chasseurs tuant des combattants du groupe et s’emparant de leurs approvisionnements.

La Libye connaît plus d’une décennie d’instabilité politique depuis le début des protestations populaires, en février 2011, contre le régime de Mouammar Kadhafi (au pouvoir de 1969 à 2011). La première guerre civile libyenne s’achève après neuf mois de combats intenses entre le gouvernement et différentes forces rebelles. Ce premier conflit est marqué par l’intervention militaire de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), qui finit par mener, dans le cadre de l’Opération Unified Protector, une campagne de bombardements afin de détruire les forces gouvernementales et de faire respecter la zone d’exclusion aérienne décrétée par les Nations Unies.

La première guerre civile libyenne est suivie d’un second conflit, qui débute en mai 2014 avec le lancement de l’Opération Dignité par Khalifa Haftar, officier militaire à la retraite. Les tensions s’accentuent cette même année, avec des élections parlementaires contestées en juin, qui divisent la classe politique du pays en deux gouvernements rivaux. Le premier, reconnu à l’international, est la Chambre des représentants. Basé à Tobrouk et sous l’égide de Haftar, il prendra ensuite le nom d’Armée nationale libyenne (Libyan National Army [LNA]) ou encore de Forces armées arabes libyennes (FAAL). Le second est le gouvernement de salut national, soutenu par une coalition de milices anti-Haftar baptisée Opération Dawn.

Après une longue campagne militaire essentiellement ciblée sur les zones urbaines, la deuxième guerre civile libyenne prend fin avec la signature d’un cessez-le-feu permanent entre la LNA et le gouvernement d’accord national (Government of National Accord [GNA]) en octobre 2020, et la formation d’un gouvernement d’unité nationale (Government of National Unity [GNU]) en mars 2021. Contrairement au Sahel central et à la région du lac Tchad, où les violences connaissent une double dynamique de ruralisation et d’intensification, les événements violents atteignent un niveau historiquement bas ces dernières années en Libye et restent urbains (Carte 5.5).

Tripoli est la ville la plus peuplée de Libye, avec une population estimée à 2 millions d’habitants en 2015. C’est l’agglomération urbaine la plus violente d’Afrique du Nord et de l’Ouest, avec un total de 6 045 victimes sur la période 1997-2021, pratiquement toutes recensées depuis le début de la première guerre civile libyenne, selon ACLED. Ces violences attestent du poids politique de Tripoli dans le contexte de grave fragmentation caractérisant la Libye post-Kadhafi. La ville est ainsi le théâtre de contestations locales entre diverses milices, mais aussi nationales entre différentes grandes factions.

Les trois pics de violence observés à Tripoli sont liés à des épisodes de bouleversements à l’échelle nationale. Le premier correspond ainsi à la révolution de 2011, qui déclenche une vague d’intenses violences dans la ville et sa périphérie (2 035 victimes), les loyalistes de Kadhafi tentant de conserver le contrôle de la capitale face aux révolutionnaires. Les rebelles soutenus par l’OTAN finissent par reprendre la ville au régime de Kadhafi en août. Le deuxième pic correspond à la guerre civile de 2014 (857 victimes à Tripoli), au cours de laquelle d’intenses combats ont lieu dans l’agglomération en juillet et août 2014 entre les milices affiliées à l’Opération Dawn et leurs rivaux. Durant cette période, des affrontements pour la prise de l’aéroport international de Tripoli opposent les milices de l’Opération Dawn à celles de la ville de Zintan, qui en avaient jusqu’alors le contrôle. Les affrontements autour de l’aéroport finissent par s’étendre à des quartiers civils densément peuplés, où les bombardements, l’utilisation de mines terrestres et les combats de rue font de nombreuses victimes (ONU, 2014[37]).

Enfin, le troisième pic de violence à Tripoli a lieu lors de la campagne infructueuse menée par Haftar en 2019-20 pour s’emparer de la ville (1 173 victimes en 2019, 725 en 2020). Opposant la LNA de Haftar aux forces du GNA soutenu par les Nations Unies, cette campagne fait également intervenir toute une série d’acteurs extérieurs apportant leur concours aux différentes parties du conflit ; l’intervention de la République de Türkiye s’avère finalement décisive pour repousser les forces de Haftar (Pack et Pusztai, 2020[38]). En mars 2021, le GNA est dissous et remplacé par le GNU, structure reconnue à l’international visant à unifier le GNA et la Chambre des représentants basée à Tobrouk. Les compromis sous-tendant le GNU volent toutefois en éclats après l’annonce en novembre 2021 par le Premier ministre par intérim, Abdel Hamid Dbeibah, de son intention de se présenter aux élections présidentielles de 2022. La fracture entre Tripoli et Tobrouk refait alors surface, la Chambre des représentants cherchant dans un premier temps à évincer Dbeibah en février 2022, puis à créer (ou rétablir) son propre gouvernement parallèle (Mcdowall, 2022[39]). Le conflit entre Dbeibah et Fathi Bachagha, pressenti par le Parlement pour le remplacer au poste de Premier ministre, provoque des affrontements à Tripoli à partir de mars 2022.

Sur fond de contestation nationale, Tripoli se révèle aussi un lieu d’action clé des milices locales. Les premières autorités libyennes post-révolutionnaires s’attachent à réguler les nombreuses milices formées pendant et après la révolution. Cependant, la décision de rétribuer et de légitimer certaines d’entre elles encourage, involontairement, la milicisation de la politique dans de nombreuses villes, dont Tripoli. Les initiatives mixtes gouvernement-milices, telles que la Libya Shield Force ou les Comités de sécurité suprême, ne parviennent pas à offrir au pays un cadre sécuritaire cohérent (Wehrey et Cole, 2013[40]). Dans la capitale, la fusion de quelques groupes entraîne la diminution du nombre de milices majeures au fil du temps, qui se porte à quatre en 2018, avec la Brigade des révolutionnaires de Tripoli, la Brigade des martyrs d’Abou Salim, la Brigade Nawasi et la Force Rada.

Ces milices incarnent un faisceau d’intérêts individuels, idéologiques, géographiques et politiques. Toutes parviennent à un certain degré de compromis avec le GNA soutenu par les Nations Unies après sa formation en 2016 (Eaton et al., 2020[41]). La Force Rada d’Abderraouf Kara, d’obédience salafiste, développe ainsi des affiliations avec le ministère de l’Intérieur du GNA en 2018, puis avec son Conseil présidentiel en 2020. Les relations entre milices sont toutefois instables : en juin 2022, des affrontements éclatent par exemple à Tripoli entre la Brigade Nawasi et l’Autorité de soutien à la stabilité (qui succède à la Brigade des martyrs d’Abou Salim), sur fond de soutien de la première à Bachagha et de la seconde à Dbeibah. Les rivalités nationales ont des répercussions particulièrement meurtrières pour les habitants de Tripoli, où toutes les principales milices commettent des violations des droits humains (Amnesty International, 2021[42]).

Deuxième ville la plus peuplée de Libye, avec une population estimée à 594 300 habitants en 2015, Benghazi est le cœur politique de l’est de la Libye. Cette région, aussi connue sous le nom de Cyrénaïque, est la base politique de la monarchie libyenne de 1951 à 1969. Sous le colonel Kadhafi, Benghazi et la Cyrénaïque se trouvent néanmoins marginalisées et réprimées. C’est en partie à cause de ces griefs de longue date que Benghazi devient l’épicentre initial de la révolution de 2011, qui débute en février, dans l’effervescence du printemps arabe. La crainte d’un massacre des protestataires de Benghazi par Kadhafi constitue la justification principale de l’intervention de l’OTAN en Libye à partir de mars. Les frappes aériennes françaises, britanniques et américaines permettent de repousser l’offensive de Kadhafi contre Benghazi ce mois-là (Abbas, 2011[43]). Le contrôle de Benghazi donne ensuite aux rebelles la possibilité de gagner du terrain, de s’allier à d’autres villes insurgées et, avec le soutien continu de l’OTAN, de prendre Tripoli et de renverser Kadhafi. C’est à Benghazi que se forme le Conseil national de transition (CNT), qui devient en 2011-12 le gouvernement intérimaire de la Libye.

Benghazi est la troisième agglomération urbaine la plus violente de cette étude, avec un total de 3 842 victimes sur la période 1997-2021, selon les données d’ACLED. La ville reste un théâtre important de violences tout au long des différentes phases de la guerre civile libyenne. Dans le contexte de la milicisation de la Libye post-Kadhafi, Benghazi compte dans un premier temps de nombreuses milices, dont une branche du groupe Ansar al-Charia (défenseurs de la loi islamique), proche des djihadistes. Une figure singulière, vaguement affiliée à Ansar al-Charia, Ahmed Abou Khattala, de la Brigade Abou Obeida Ibn Al-Jarah, joue d’ailleurs un rôle de premier plan dans les violences de 2012, au cours desquelles quatre Américains trouvent la mort au consulat américain de Benghazi (Département de la Justice des États-Unis, 2018[44]). Durant les premières années suivant la révolution de 2011, Benghazi est en outre le théâtre de vagues d’assassinats, sur fond de luttes troubles pour le pouvoir. Ces meurtres visent souvent des militants de la société civile et des personnalités des médias. Plusieurs des victimes les plus visibles en sont des femmes (HRW, 2014[45]), comme l’avocate et militante des droits humains, Salwa Bugaighis, abattue le jour des élections, le 25 juin 2014.

En mai 2014, l’officier libyen à la retraite Khalifa Haftar lance l’Opération Dignité, à visée antiterroriste, mais non dénuée d’objectifs politiques. Haftar, originaire de la ville d’Ajdabiya, dans l’est de la Libye, fait de cette région sa base. En 2015, le gouvernement libyen de l’est – la Chambre des représentants – nomme Haftar à la tête de la LNA. Celui-ci reçoit, à différentes reprises, le soutien de puissances étrangères telles que les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Russie, la France et les États-Unis.

Après le lancement de l’Opération Dignité, Haftar cherche à consolider son contrôle sur Benghazi, qui occupe une place centrale dans son giron de l’est libyen. Il se heurte alors aux milices islamistes et djihadistes, en particulier au Conseil de la Choura des révolutionnaires de Benghazi (Shura Council of Benghazi Revolutionaries [SCBR]), coalition regroupant Ansar al-Charia ainsi que d’autres groupes rebelles et islamistes plus conventionnels. Ces affrontements font de 2014 l’année la plus violente à Benghazi, avec 1 143 victimes. Les trois années suivantes sont également très meurtrières, avec respectivement 824 victimes en 2015, 831 en 2016 et 542 en 2017, selon ACLED (Graphique 5.12). Les combats pour le contrôle de quartiers spécifiques de la ville, comme celui de Ganfouda, sont souvent longs et acharnés, avec de lourdes pertes dans les deux camps et un recours important aux frappes aériennes du côté de la LNA. En juillet 2017, Haftar annonce la « libération de Benghazi », qui lui permet alors de se concentrer sur la conquête d’autres villes de l’est de la Libye, comme Derna, puis de préparer sa tentative (infructueuse) de prise de Tripoli en 2019-20.

Au cours de leur campagne pour le contrôle de Benghazi et d’autres villes de l’est de la Libye, les forces de Haftar commettent des violations massives des droits humains. En 2017 et 2018, la Cour pénale internationale émet ainsi des mandats d’arrêt contre l’un des principaux lieutenants de Haftar, Mahmoud al-Werfalli, après la découverte de preuves d’exécutions sommaires que lui et ses forces ont commises à Benghazi et ailleurs. Ces poursuites sont toutefois abandonnées à la mort d’al-Werfalli, en 2021. Certains observateurs extérieurs accuseront le régime de Haftar d’avoir fait de Benghazi « une ville à moitié en ruines, minée par la corruption, où les agents de sécurité traquent les journalistes étrangers, les habitants vivent dans la peur des arrestations arbitraires et les milices pro-gouvernementales n’obéissent à aucune autorité » (Kirkpatrick, 2020[46]). Des manifestations anti-Haftar ont régulièrement lieu à Benghazi et ailleurs, par exemple en septembre 2020. La coalition de Haftar, constituée de diverses factions (loyalistes, anciens révolutionnaires, sécessionnistes de l’est, tribus et salafistes) connaît elle-même des épisodes de désunion (Eaton, 2021[47]).

Située sur la côte méditerranéenne de la Libye, Syrte est une ville de taille intermédiaire, dont la population est estimée à 59 100 habitants en 2015. C’est la ville natale du colonel Kadhafi et son dernier bastion pendant la révolution de 2011. En octobre de cette même année, alors qu’il tente de fuir la ville, il y est capturé et assassiné par une milice de combattants de la ville de Misrata, bastion révolutionnaire clé. Les milices de Misrata sont accusées de graves violations des droits humains à Syrte, notamment d’exécutions extra-judiciaires, visant non seulement Kadhafi et ses combattants mais aussi, plus globalement, toute personne soupçonnée d’être l’un de ses partisans (HRW, 2012[48]). Les habitants de Syrte accusent en outre les nouvelles autorités libyennes d’y bloquer les efforts de compensation et de reconstruction au lendemain de la révolution (Westcott, 2018[49]).

La cruauté des révolutionnaires à l’égard des supposés partisans de Kadhafi attise les ressentiments. Dans ce contexte de défiance, des combattants de l’État islamique commencent à circuler à Syrte à partir de 2014. En 2015-16, la ville tombe officiellement aux mains de la branche libyenne de l’État islamique (IS-L) et s’avère le bastion urbain le plus durable du groupe, notamment après l’expulsion de ses combattants de la ville de Derna en 2015 par des milices et djihadistes rivaux. À Syrte, l’IS-L profite du fait que la ville échappe aux zones de contrôle émergentes des deux principaux gouvernements rivaux du pays pour réunir une coalition de djihadistes, d’anciens loyalistes de Kadhafi et de tribus, tout en infligeant de graves violences et violations des droits humains à ses habitants, notamment l’exécution sommaire d’espions et d’apostats présumés, ainsi qu’un système plus vaste d’intimidation, de pillage, d’accaparement des produits de base et d’entrave à l’éducation et à d’autres aspects du quotidien (HRW, 2016[50]).

En mai 2016, le GNA libyen de l’époque, basé à Tripoli, lance l’Opération Bunyan Marsous (« structure solide »), dans l’objectif de défendre Misrata contre les incursions de l’IS-L et d’écraser le groupe à Syrte, à l’aide des combattants des milices de Misrata (Wehrey, 2016[51]). Les États-Unis effectuent environ 495 frappes aériennes (par avions ou drones) sur Syrte en soutien à cette campagne (Bergen et Sims, 2018[52]). Couronnée de succès avec la reprise de Syrte à l’IS-L en décembre 2016 par les forces du GNA, l’opération met toutefois aussi en évidence les rivalités entre le GNA et les forces de Haftar, les deux factions se disputant la mission anti-djihadiste.

Les violences infligées par l’IS-L, l’Opération Bunyan Marsous et les frappes aériennes font de 2016 l’année la plus violente à Syrte (avec un total de 1 236 victimes, soit un bilan encore plus lourd que les 917 victimes recensées lors de la révolution de 2011) et contribuent à en faire la cinquième agglomération urbaine la plus violente de cette étude (avec 2 691 victimes sur la période 1997-2021). Deux tiers de ses habitants fuient les abus de l’IS-L et les violences des opérations menées contre le groupe. Au moins 19 000 familles sont déplacées entre juin 2015 et décembre 2016 (Zargoun, 2016[53]). À l’issue de cette campagne, Syrte est une ville « totalement détruite » (Westcott, 2018[49]). Sur le plan politique et militaire, le GNA laisse Syrte mal gouvernée par des milices rivales, telles que la Force de protection, composée de combattants de Misrata, et la Brigade 604, à base tribale et à tendance salafiste. Après sa défaite à Syrte, l’IS-L mène quelques attaques dans les zones voisines. Les forces de Haftar prennent les djihadistes pour cible et concentrent leurs efforts dans des zones plus reculées du sud de la Libye, où l’IS-L et les djihadistes rivaux d’Al-Qaïda sont visés à plusieurs reprises par des frappes aériennes américaines (Salyk-Virk, 2020[54]).

Depuis la chute de l’IS-L à Syrte, la ville joue à plusieurs reprises un rôle majeur sur la scène politique et militaire libyenne. Dans le cadre de la campagne de Haftar visant à conquérir Tripoli, la LNA prend Syrte pour cible à partir de septembre 2019. En janvier 2020, la LNA annonce sa prise de contrôle de Syrte lors d’une offensive « éclair ». Les forces de Haftar délogent la Force de protection de Syrte, alliée au GNA, qui abandonne la ville sans réelle résistance. Elles obtiennent également la défection de la Brigade 604 et d’autres factions clés basées à Syrte (Al-Hawari, 2021[55]). Pour l’année 2020, la ville enregistre ainsi un bilan humain relativement faible (37 victimes). Alors que le GNA s’efforce d’avancer vers l’est et de repousser la LNA de Haftar, Syrte devient une monnaie d’échange dans les négociations sur un cessez-le-feu, en partie du fait de son emplacement stratégique à proximité de champs et de terminaux pétroliers clés dans le « croissant pétrolier » de la Libye. L’accord conclu en octobre 2020 comprend finalement une disposition prévoyant la réouverture d’une autoroute côtière reliant Tripoli et Benghazi, via Misrata et Syrte (ONU, 2020[56]). En mars 2022, alors que les efforts de formation d’un gouvernement d’unité nationale échouent, l’un des deux premiers ministres rivaux du pays, Fathi Bachagha, base son gouvernement à Syrte après avoir été empêché de prendre le contrôle de Tripoli.

Cette étude met en évidence une forte variation de la relation entre villes et violences politiques selon les États d’Afrique du Nord et de l’Ouest, et en leur sein. Ainsi, tandis qu’à l’échelon régional, la plupart des événements violents tendent à se produire à proximité des zones urbaines, dans certains États, tels que le Burkina Faso, le Mali et le Niger, le niveau de ruralisation des conflits est en revanche bien plus élevé. L’observation de dynamiques similaires dans ces trois pays n’a toutefois rien de surprenant, tous étant actuellement confrontés à des insurrections djihadistes majeures et interconnectées.

Depuis leur apparition dans la région dans les années 2000, les organisations djihadistes entretiennent une relation assez singulière avec les villes. Certains de ces groupes sont ainsi urbains à leurs débuts, notamment Boko Haram, dont l’épicentre est Maiduguri jusqu’en 2009, mais aussi Ansaroul Islam, au Burkina Faso, dont le fondateur Ibrahim Dicko utilisait initialement Djibo comme base. D’autres encore, comme AQMI, cherchent au contraire délibérément au cours des années 2000 des caches dans des zones reculées, attaquant des avant-postes militaires et enlevant des Occidentaux, entre autres cibles. Les djihadistes invoquent en outre parfois des motifs moraux pour justifier leur préférence pour les campagnes, condamnant les villes pour leurs vices présumés, la corruption financière et morale de leurs élites, ainsi que la visibilité des valeurs occidentales qui y prévalent dans la mode, la culture, l’éducation et la politique. D’aucuns décrient enfin les villes de la région comme autant de bastions du sécularisme.

Toutefois, lorsque l’occasion se présente, les organisations djihadistes peuvent chercher à s’implanter dans les villes, à l’instar d’AQMI et de ses alliés lors de la crise de 2012 dans le nord du Mali. Dans certains cas, ces mouvements s’attachent à réformer totalement le paysage physique et moral des villes, en détruisant par exemple les édifices religieux d’ordres plus anciens, comme l’illustre la démolition des mausolées de Tombouctou par Ansar Dine et ses alliés en 2012. Les attaques terroristes contre les capitales et autres grandes villes peuvent, quant à elles, présenter une précieuse valeur de propagande pour les djihadistes, leur permettant d’attirer temporairement l’attention des gouvernements nationaux et de faire la une des médias nationaux, voire internationaux. Certains groupes djihadistes fluctuent ainsi entre l’urbain et le rural, au gré des opportunités et des niveaux de répression.

Ces fluctuations reflètent, dans une certaine mesure, les dynamiques plus globales de la relation entre les mouvements réformistes islamiques et les villes. L’islam est souvent considéré comme une religion fondamentalement urbaine, étant donné son berceau citadin, à La Mecque et Médine, et la constellation de villes (Damas, Koufa, Fostat) qui ancrent le califat à ses origines. En Afrique du Nord-Ouest, l’islamisation est également un phénomène fortement urbain, commerçants et érudits se regroupant dans des villes allant de Fès, dans l’actuel Maroc, aux cités-États haoussa, dans l’actuel Nigéria (Last, 2013[57]). Dans certaines zones rurales d’Afrique de l’Ouest, l’islamisation de masse n’intervient qu’au XXe siècle, en partie suite aux conséquences imprévues du colonialisme et à l’augmentation concomitante de la circulation des personnes et des idées due, entre autres facteurs, au travail forcé, aux migrations et au service militaire (Peterson, 2011[58]).

D’un autre côté, l’attrait spirituel des zones rurales et d’une interaction plus limitée avec le monde est fort dès les premières heures de l’Islam, comme l’illustrent déjà les retraites du prophète Mahomet dans la grotte de Hira, lieu de sa révélation prophétique, puis le retrait de la vie sociale de ses compagnons ascètes, comme Abu Dhar al-Ghifari. En Afrique du Nord-Ouest, de grandes figures spirituelles et des réformateurs cherchent aussi parfois des lieux de retraite dans des zones désertiques et rurales, à l’instar de Mohammed bin Ali Al-Sanoussi à Al-Jaghboub (actuelle Libye), et d’Ousman dan Fodio à Gudu (actuel nord du Nigéria), point de départ de son djihad en 1804. L’idée d’une émigration religieuse (hijra) d’une ville corrompue vers une autre destination (urbaine ou rurale) est un concept fondateur de l’islam, que les réformateurs utilisent à maintes reprises afin de lier leur propre parcours à celui du prophète Mahomet et de sa hijra de La Mecque à Médine en 622. Les djihadistes, eux aussi, s’approprient cette sémantique, dépeignant leur propre retrait de la société comme une forme de hijra.

En Afrique du Nord-Ouest, les mouvements réformistes coloniaux et post-coloniaux, qui ont un impact majeur sur la religiosité musulmane à travers le continent (Loimeier, 2016[59]), entretiennent également une relation complexe avec les villes et les campagnes. Dans la région, le réformisme islamique présente dans l’ensemble une orientation urbaine, du wahhabisme du Mali et de la Guinée de la fin de la période coloniale, dont le réseau englobe des villes comme Ségou, Bamako et Kankan, au mouvement Izala du nord du Nigéria et du sud du Niger, dont les centres comprennent Jos, Kano et Maradi (Grégoire, 1993[60] ; Kane, 2003[61] ; Ben Amara, 2020[62]). Les villes sont en outre reliées entre elles par des routes commerciales, facilitant ainsi la propagation des mouvements réformistes.

Outre les opportunités qu’elles offrent en matière de recrutement de masse, ainsi que de financement grâce à leur élite marchande, les villes constituent aussi pour les mouvements réformistes des laboratoires où définir et diffuser de nouvelles normes sociales, interdictions et codes vestimentaires, en particulier pour les femmes (Masquelier, 2009[63]). La nature cosmopolite des villes donne par ailleurs aux réformistes la possibilité de recruter dans différentes ethnies et de profiter des clivages générationnels qui prédisposent parfois les jeunes à remettre en cause un certain traditionalisme. Les villes offrent, d’autre part, aux réformistes une tribune où faire la démonstration de leur pertinence politique et sociale via des mobilisations et des manifestations, comme lors des protestations contre la révision du Code de la famille au Mali en 2009-12. Le mouvement en faveur de la charia dans le nord du Nigéria, en partie impulsé par l’activisme réformiste, présente également un caractère fortement urbain.

Au vu de l’importance des villes dans la diffusion et la vie de la religion, la ruralisation actuelle des conflits dans le Sahel ne semble pouvoir être que temporaire. Si les mouvements réformistes ou djihadistes souhaitent atteindre leur objectif de réforme profonde des sociétés sahéliennes, ils ne peuvent se contenter de recruter parmi les populations rurales. En outre, l’affaiblissement des États sahéliens et d’autres États d’Afrique de l’Ouest pourrait multiplier les possibilités pour les djihadistes de repartir à la conquête des zones urbaines. L’évolution des tactiques djihadistes s’observe d’ailleurs déjà dans les blocus qu’ils ont imposés ces dernières années autour de Djibo et d’autres villes sahéliennes ; ils y développent des approches leur permettant de mettre de grandes villes sous pression extrême, sans toutefois prétendre ouvertement à leur contrôle. À l’avenir, il faut donc s’attendre à une intensification des conflits pour le contrôle des villes.

Ce rapport éclaire la variation de l’importance des villes et des zones urbaines tout au long de la durée des conflits. L’étude de la composante urbaine s’avère donc essentielle pour une compréhension plus approfondie du cycle de vie global des conflits (Chapitre 2). Les conflits de la région tendent à être plus géographiquement diffus et moins intenses lors de leur phase initiale, plus intenses et concentrés lors de leur phase intermédiaire, puis à nouveau plus diffus et moins intenses lors de leur phase finale, selon la théorie du cycle de vie spatial des conflits. Questionner la manière dont différents types de mouvements politiques suivent ces différentes phases permettrait de mesurer l’importance des régions urbaines à la théorie générale des conflits.

L’étude de l’activité djihadiste dans la région suggère que certains types de mouvements et de groupes affichent des relations, des motivations et des objectifs spécifiques à destination des zones urbaines, qui peuvent se traduire par des dynamiques de violence différentes sur le plan spatial. L’ambivalence de Boko Haram vis-à-vis des milieux urbains entraîne, par exemple, une prolifération de violences plus diffuses, bien qu’encore assez intenses, dans les zones rurales et semi-urbaines. À l’inverse, les premières phases de la révolte du MNLA au Mali donnent lieu à des épisodes d’attaques concentrés et intenses contre de grandes villes, reflétant son objectif de contrôle de sites clés du pouvoir politique et économique. Des dynamiques similaires s’observent tout au long des guerres civiles libyennes.

Il faudrait poursuivre ces travaux pour appréhender toute la complexité du rôle des villes et des zones urbaines dans le cycle de vie des conflits. L’identification des différents types de groupes non étatiques violents impliqués et de leurs motivations pourrait constituer une première étape. On ignore toujours, par exemple, si les rebelles sécessionnistes et les groupes djihadistes partagent les mêmes objectifs stratégiques lorsqu’ils décident d’attaquer une ville. Dans l’ensemble, les zones urbaines resteront vraisemblablement des lieux stratégiques à conquérir ou contrôler dans le cadre d’un épisode violent donné, dont l’importance variera toutefois en fonction de la période, du lieu et du conflit.

Références

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[25] Warner, J. et H. Matfess (2017), « Exploding Stereotypes: The Unexpected Operational and Demographic Characteristics of Boko Haram’s Suicide Bombers », Combating Terrorism Center, 9 août, https://ctc.usma.edu/report-exploding-stereotypes-the-unexpected-operational-and-demographic-characteristics-of-boko-harams-suicide-bombers/.

[51] Wehrey, F. (2016), « Libyans Are Winning the Battle Against the Islamic State », Foreign Policy, 30 juin, https://carnegieendowment.org/2016/06/30/libyans-are-winning-battle-against-islamic-state-pub-63983.

[40] Wehrey, F. et P. Cole (2013), « Building Libya’s Security Sector », Carnegie Endowment, 6 août, https://carnegieendowment.org/2013/08/06/building-libya-s-security-sector-pub-52603.

[49] Westcott, T. (2018), « In Libya, a City Once Run by Islamic State Struggles to Start Again », The New Humanitarian, 21 août, https://www.thenewhumanitarian.org/news-feature/2018/08/21/libya-Sirte-islamic-state-struggles-rebuild.

[3] WorldPop (2022), WorldPop (base des données), University of Southampton, https://www.worldpop.org.

[53] Zargoun, T. (2016), « Libyans Twice Uprooted by War Call for Urgent Help », Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, 8 décembre, https://www.unhcr.org/news/latest/2016/12/5847c6434/libyans-twice-uprooted-war-call-urgent-help.html.

Note

← 1. Cette section et le reste du chapitre s’appuient sur un texte initial du Dr Alexander Thurston.

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