1. Vue d’ensemble et principaux résultats de l’Examen de l’OCDE des pêcheries 2022

À l’échelle planétaire, la durabilité des pêches est essentielle à la sécurité alimentaire et à la subsistance de près de 10 % de la population. La présente édition de l’Examen des pêcheries de l’OCDE synthétise et analyse des données sur les instruments de gestion et de soutien applicables aux pêches, afin d’orienter la prise de décision par les pouvoirs publics et d’encourager une pêche à la fois durable et résiliente qui puisse être une source d’emplois, d’alimentation et de revenus pour les générations à venir. Cette édition permettra notamment aux décideurs de déterminer si leurs panoplies de mesures de soutien risquent de favoriser des pratiques non durables en l’absence de gestion efficace des pêches et de chercher, le cas échéant, des moyens de mieux concevoir et cibler leurs dispositifs de soutien.

La pêche représente une source importante d’aliments nutritifs à l’échelle mondiale. Dans de nombreuses cultures, le poisson, les mollusques et les crustacés sont au cœur du régime alimentaire traditionnel et représentent une source importante de protéines animales et d’oligo-éléments essentiels1. En 2020, les ressources halieutiques fournissaient 17 % des protéines animales et 7 % de la totalité des protéines consommées dans le monde, tandis qu’elles contribuaient à hauteur d’au moins 20 % aux apports moyens en protéines par habitant de 3.3 milliards d’individus (FAO, 2022[1]). La pêche et les secteurs d’activité connexes jouent aussi un rôle important en procurant des moyens de subsistance aux collectivités côtières. D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 38 millions de personnes vivaient de la pêche en 2020. Dans les pays en développement, la pêche artisanale peut constituer la source de revenus et d’emploi de dernier recours pour de nombreuses collectivités côtières (Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE), 2014[2]). Le Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE) (2014[2]) estime en outre qu’à l’échelle mondiale, 660 à 820 millions de personnes dépendent de la production alimentaire d’origine aquatique (issue de la pêche et de l’aquaculture) et des activités de transformation associées.

La présente édition de l’Examen de l’OCDE des pêcheries porte sur 30 pays de l’OCDE et dix des plus grandes nations de pêche hors zone OCDE (Argentine, Brésil, République populaire de Chine [ci-après « la Chine »], Inde, Indonésie, Malaisie, Pérou, Philippines, Taipei chinois et Viet Nam)2. En 2020, la production issue de la pêche maritime de ces 40 pays et économies réunis a avoisiné 58 millions de tonnes, après avoir culminé à 63 millions de tonnes en 20183. En valeur, le total de leurs débarquements s’est établi autour de 83 milliards USD en 2020, soit près du double de ce qui était relevé au milieu des années 2000, après avoir toutefois baissé par rapport au record de 91 milliards USD enregistré en 2018 (Graphique 1.1, encadré 1.1). En 2020, les pays de l’OCDE ont réalisé 38 % de ces captures en volume et 41 % de ces débarquements en valeur ; des proportions en recul constant sur les 15 dernières années.

Les produits halieutiques font partie des produits alimentaires les plus échangés. Après avoir culminé à 131 milliards USD en 2018, la valeur des exportations en provenance des pays et économies étudiés dans le cadre du présent rapport a reculé pour s’établir à 118 milliards USD environ en 2020, principalement du fait de la pandémie de COVID-19 (Graphique 1.2, encadré 1.1). Ces chiffres englobent la pêche proprement dite (production halieutique) et les produits d’élevage (production aquacole), les données relatives aux échanges n’opérant pas de distinction entre ces deux catégories de produits.

L’emploi est demeuré relativement stable dans la pêche ces dernières années, oscillant entre 25 et 27 millions de personnes depuis le milieu des années 2000 (Graphique 1.3, encadré 1.1). Dans les pays de l’OCDE, le secteur employait autour d’un million de personnes en 2020, soit environ 4 % de l’effectif total dans les pays et économies considérés. Ce chiffre a lui aussi assez peu varié depuis 15 ans. En valeur relative, la part du secteur de la pêche dans l’emploi total est bien plus élevée dans les économies émergentes que dans les pays de l’OCDE (entre 2010 et 2020, elle avoisinait en moyenne 2 % dans les économies émergentes, contre 0.2 % dans les pays de l’OCDE). La pêche est donc un pourvoyeur de moyens de subsistance particulièrement important dans les économies émergentes.

La capacité totale des flottes des pays et économies étudiés s’élevait à environ 16 millions de tonnes brutes en 2020, après avoir atteint 17 millions de tonnes brutes en 2017 au terme d’une décennie de faible croissance (environ 1 % par an depuis 2005, date à laquelle les flottes présentaient une capacité de 15 millions de tonnes). En 2020, les pays de l’OCDE se répartissaient 28 % du tonnage brut, soit une part équivalente à celle du milieu des années 2000 (après avoir atteint l’étiage à 23 % entre 2012 et 2016). Cette même année, 2 millions de navires, toutes tailles confondues, étaient recensés dans les pays et économies étudiés, contre plus de 2.5 millions en 2005 (Graphique 1.4, encadré 1.1). En 2020, 29 % de ces navires provenaient d’un pays de l’OCDE, une part en baisse régulière depuis le milieu des années 2000, où elle atteignait 39 %.

La santé des stocks est l’un des principaux déterminants de la performance des activités de pêche. Pour parvenir aux objectifs socio-économiques qu’ils se sont fixés dans le domaine de la pêche, les pouvoirs publics et les parties prenantes doivent garantir la bonne santé des stocks ou, en d’autres termes, veiller à la durabilité des rendements à long terme. La bonne santé des stocks halieutiques est par ailleurs importante pour la protection de la biodiversité et la fourniture des services écosystémiques marins, qui participent notamment à la régulation du climat, à l’approvisionnement alimentaire et au recyclage des éléments nutritifs (Barbier, 2017[3]). Des stocks en meilleure santé peuvent par ailleurs engendrer des gains de productivité considérables et ainsi améliorer la rentabilité des activités de pêche et le bien-être des collectivités côtières qui en dépendent (Costello et al., 2016[4]).

La communauté internationale reconnaît l’importance d’une bonne gestion des pêches pour protéger et exploiter durablement les océans, les mers et les ressources marines dans une optique de développement durable, comme en témoignent les cibles relatives à la pêche fixées dans le cadre de l’objectif de développement durable (ODD) no 14, adopté en 2015 par les pays membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La cible 14.4 de l’ODD 14 ambitionne plus particulièrement de rétablir les stocks halieutiques au moins à des niveaux permettant d’obtenir un rendement constant maximal le plus rapidement possible. L’objectif d’Aïchi no 6, adopté en 2010 par les Parties à la Convention sur la diversité biologique, vise également à ce que les conséquences de la pêche sur les stocks, les espèces et les écosystèmes restent dans des limites écologiques sûres4.

La gestion des pêches est cependant une tâche ardue impliquant de collecter régulièrement des données sur la santé des différents stocks halieutiques et de concevoir et mettre en œuvre efficacement des régimes de gestion qui leur soient adaptés, ainsi que de suivre et surveiller les activités de pêche en mer. L’influence de facteurs extérieurs sur la santé des stocks, comme le changement climatique ou d’autres activités économiques non liées à la pêche, vient encore compliquer cette tâche. Souvent, la gestion des pêches nécessite des ressources considérables et repose sur des financements publics.

En général, les pouvoirs publics soutiennent le secteur de la pêche pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale et l’économie maritime. Le plus souvent, ils poursuivent également d’autres objectifs socio-économiques que les mesures de gestion des pêches ne peuvent pas satisfaire à elles seules, comme la préservation des revenus des pêcheurs en cas de chocs, ou leur augmentation dans les régions où les sources de revenus de substitution sont peu nombreuses.

Le soutien public est utile à la pêche lorsqu’il concourt à la santé des stocks halieutiques et des écosystèmes, améliore la productivité de ces stocks et renforce la résilience du secteur. Cela dit, ces dispositifs peuvent avoir des conséquences préjudiciables pour les stocks en l’absence de gestion efficace des pêches, car ils peuvent favoriser la formation d’une capacité de pêche excessive, la surexploitation, ainsi que la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) (OCDE, 2020[5] ; Martini et Innes, 2018[6]). Par ailleurs, lorsque le soutien public favorise une pêche non durable, il finit par mettre en péril les moyens de subsistance des pêcheurs en portant atteinte à la productivité et à l’existence même de la ressource dont ils dépendent, tout en risquant de les rendre plus tributaires des aides. En règle générale, le soutien ne permet alors pas d’augmenter le revenu des pêcheurs et peut éroder involontairement la compétitivité de la pêche artisanale (Martini et Innes, 2018[6]).

La communauté internationale convient de la nécessité de réformer les aides publiques à la pêche pour éliminer les dispositifs favorisant des pratiques non durables. Dans le cadre de la cible 14.6 des ODD, les pays membres de l’ONU ont appelé à interdire les subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, et à supprimer celles qui favorisent la pêche INN d’ici 20205. En juin 2022, après plus de 20 ans de négociations, les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont adopté des disciplines contraignantes interdisant les subventions qui favorisent la pêche INN, la pêche des stocks surexploités ou la pêche en haute mer non réglementée (OMC, 2022[7]). En vertu de l’Accord sur les subventions à la pêche (OMC, 2022[8]), les membres de l’OMC sont par ailleurs tenus de faire preuve de modération lorsqu’ils accordent des subventions à des navires ne battant pas leur pavillon et lorsqu’ils accordent des subventions liées à l’exploitation de stocks dont l’état n’est pas connu. L’Accord prévoit également l’obligation de communiquer des informations relatives aux subventions elles-mêmes, au mode de gestion des pêches, à l’état des stocks visés par des activités de pêche subventionnées et aux mesures que prennent les pays pour éviter de subventionner la pêche INN. De plus, les membres de l’OMC se sont engagés à poursuivre leurs négociations afin de convenir de disciplines visant à éliminer d’autres subventions potentiellement néfastes, comme celles qui encouragent la surcapacité et la surpêche.

Pour assurer sa performance sociale, économique et environnementale et résister aux chocs, le secteur de la pêche a donc besoin d’une gestion durable et efficace des stocks halieutiques, ainsi que de mesures de soutien adaptées. Une réforme des mesures de gestion et de soutien des pêches visant à préserver les stocks halieutiques s’impose d’autant plus que le secteur va devoir relever de nombreux défis à l’échelle planétaire, qu’il s’agisse de s’adapter aux conséquences du changement climatique et de réduire ses émissions ou d’améliorer sa résilience dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et de perturbation des chaînes de valeur mondiales. Les responsables de l’action publique ont pour lourde tâche de trouver comment encourager au mieux les changements nécessaires, d’une manière équitable et respectueuse de l’environnement, alors même que bien d’autres secteurs connaissent des difficultés semblables, ce qui accroît les pressions budgétaires. Le présent rapport examine cette problématique de façon globale, en proposant une évaluation à la fois objective et approfondie des mesures de gestion et de soutien que les pays et économies concernés mettent en œuvre dans le secteur de la pêche.

Le chapitre 2 analyse un ensemble unique de données sur l’état de 1 456 stocks halieutiques évalués par 32 pays de l’OCDE et économies émergentes (réalisant à eux tous 45 % des captures mondiales en volume). Ces données servent à produire des indicateurs nationaux qui renseignent sur la santé des stocks et leur productivité. Ces indicateurs permettent à leur tour de nuancer les tendances observées aux niveaux mondial et régional et contribuent à déterminer quelles sont les actions à mener en priorité.

Selon les données, 64 % des stocks évalués sont en bonne santé et 18 % ne satisfont pas aux critères de durabilité, tandis que l’état des 18 % restants ne peut pas être établi de manière concluante. En outre, un peu moins de la moitié des stocks en bonne santé répondent à des critères de gestion plus stricts que les gestionnaires des pêches définissent parfois dans une perspective d’amélioration de la productivité (en d’autres termes, ces stocks sont suffisamment abondants pour que le volume ou la valeur des captures puissent être portés à leur niveau maximal dans une optique de durabilité).

Les données révèlent aussi d’importants écarts selon le pays, tant du point de vue du nombre de stocks évalués que de celui de leur état au regard de critères de durabilité et de gestion plus stricts. En moyenne, les pays et économies de la base de données ont évalué 57 stocks. Le plus grand nombre d’évaluations a été conduit par l’Australie (449), suivie par les États-Unis (326) et la Nouvelle-Zélande (183). Dans l’ensemble des pays et des économies étudiés, une partie des stocks n’a pas été évaluée et ne figure donc pas dans l’analyse. Le nombre variable de stocks évalués selon le pays ou l’économie tient à de nombreux facteurs, comme le nombre de stocks exploités ainsi que la capacité institutionnelle, laquelle dépend des ressources allouées à la conduite des évaluations. En outre, il peut être compliqué, voire impossible, d’évaluer les stocks lorsqu’un grand nombre d’espèces sont exploitées conjointement par une même pêcherie, comme c’est souvent le cas pour les pêcheries des récifs tropicaux.

Plusieurs pays (Corée, Estonie, Finlande, Islande, Lettonie, Lituanie et Pologne) rapportent que tous les stocks évalués sont en bonne santé. Dans tous ces pays, à l’exception de la Corée, les évaluations ont cependant porté sur un nombre restreint de stocks. Dans d’autres pays, il apparaît que plus de la moitié des stocks évalués ne remplissent pas les critères de durabilité biologique. De manière générale, les chiffres relatifs à l’état des stocks doivent être interprétés en fonction du contexte particulier de chaque pays, qui influence le nombre d’évaluations réalisées, leur type et les critères de durabilité biologique retenus. La santé des stocks peut aussi varier naturellement ou sous l’effet de facteurs exogènes sans aucun lien avec la pêche, tels que le changement climatique, avec à la clé des diminutions (ou des augmentations) inattendues indépendantes du régime de gestion. Il faut donc se garder de tirer des conclusions définitives sur le fondement de cette seule capture instantanée de données. Enfin, il convient de noter que les données ne renseignent pas sur l’efficacité de la gestion dans un pays donné ou au niveau international.

Le chapitre 2 présente également des données sur la gestion des pêches commerciales. Il ressort que la gestion des pêches repose généralement sur une panoplie de mesures dont l’objectif est de maîtriser les volumes ainsi que les modalités, la période et le lieu des captures. Les pratiques de gestion varient aussi considérablement selon les pêcheries. En 2021, les restrictions concernant les engins de pêche étaient l’outil de gestion le plus fréquemment utilisé (pour 87 % des stocks), devant les totaux admissibles de capture, ou TAC, qui permettent de plafonner les quantités pouvant être pêchées (76 % des stocks). Les TAC sont considérés comme l’un des principaux garants de la santé des stocks. En 2020, les débarquements d’espèces intégralement soumises à un TAC ont atteint 9.2 milliards USD, soit 61 % de la valeur des débarquements de l’ensemble des espèces prises en compte. En volume, ces débarquements représentaient 12.6 millions de tonnes, soit 81 % de l’ensemble.

Les pays devraient reconstituer les 18 % de stocks halieutiques qui ne répondent pas aux critères de durabilité, afin de garantir leur bonne santé à long terme et d’améliorer leur productivité et les retombées économiques pour le secteur de la pêche. Lorsqu’aucun programme de reconstitution n’a encore été adopté, les gestionnaires devraient envisager de modifier leur mode de gestion afin d’œuvrer à cette reconstitution. En allant plus loin et en veillant à ce que les stocks déjà en bonne santé soient exploités de façon optimale (pour maximiser la valeur ou le volume des captures), il serait également possible d’ouvrir la voie à des gains économiques.

De plus, les pouvoirs publics dervaient continuer d’investir dans l’évaluation des stocks, de manière à connaître l’état et la productivité de ceux qui ne sont actuellement pas évalués ou dont l’état est indéterminé, notamment lorsqu’ils occupent une place importante dans l’activité de pêche commerciale. Cela permettrait probablement d’améliorer la durabilité des pêches et d’accroître la rentabilité économique des stocks sous-exploités ou, au contraire, surexploités sans que cela ait été détecté. La mise au point de méthodes permettant l’évaluation des stocks même lorsque les données disponibles sont peu nombreuses et les capacités limitées va devenir de plus en plus importante pour renseigner une gestion des stocks adaptative, notamment à mesure que le changement climatique continue d’affecter l’abondance et la localisation des stocks de ressources halieutiques.

De plus, investir dans la mise en corrélation des données sur la gestion des stocks et celles relatives à leur santé permettrait aux pouvoirs publics de mieux déterminer où les mesures de gestion sont efficaces, d’optimiser ces mesures et, au fil du temps, d’améliorer encore la santé et la productivité des ressources halieutiques. Pour faciliter cette analyse, les pouvoirs publics devraient envisager d’adopter une convention internationale de dénomination des stocks qui reprendrait, dans la mesure du possible, les codes assignés aux espèces répertoriées par le Système d’information sur les sciences aquatiques et la pêche (ASFIS). L’harmonisation des dénominations revêt une importance toute particulière dans le cas des stocks partagés, dont le nombre devrait croître du fait du changement climatique.

Le chapitre 3 du présent rapport décrit et analyse les mesures de soutien à la pêche, leurs conséquences sur la santé des stocks halieutiques et leur évolution observée ces dernières années. Cette analyse s’appuie sur la base de données FSE (pour estimation du soutien à la pêche en anglais) de l’OCDE, une base de donnée unique en son genre qui mesure, décrit et classe de façon homogène et transparente les mesures de soutien à la pêche appliquées dans 40 pays et économies totalisant environ 90 % des débarquements mondiaux. La base de données FSE distingue deux grandes catégories de mesures : les dispositifs de soutien aux services fournis au secteur, d’une part, et les dispositifs de soutien direct aux indépendants et aux entreprises du secteur, d’autre part. Les mesures de soutien aux services fournis au secteur correspondent à des dépenses publiques qui profitent au secteur dans son ensemble ou à des segments particuliers, à l’instar des dépenses consacrées aux activités de gestion, de suivi, de contrôle et de surveillance (GSCS), des fonds alloués à la recherche-développement (R-D) ou des paiements effectués en contrepartie de l’accès aux eaux étrangères. Le soutien direct aux indépendants et aux entreprises comprends quant à lui des aides à l’achat de carburant ou à la construction de navires ou des mesures de soutien des revenus, par exemple.

Entre 2018 et 2020, les 40 pays et économies présents dans la base de données FSE ont accordé un soutien annuel de 10.4 milliards USD en moyenne au secteur de la pêche, ce qui correspond à quelque 11 % de la valeur moyenne des captures débarquées dans ces pays et économies, contre environ 14 % sur la période 2012-14.

Ce sont souvent les pays aux secteurs halieutiques les plus importants qui accordent le plus de soutien. En 2018-20, 86 % de la totalité du soutien recensé dans la base de données FSE relevait de six économies : la Chine, à hauteur de 38 % (contre un peu moins de 50 % en 2012-14), le Japon (13 %), les États-Unis (10 %), le Canada (8 %), le Brésil (6 %) tandis que les États membres de l’UE dans leur ensemble pesaient un peu moins de 9 %. Ces six économies occupaient également l’une des sept premières places mondiales en termes de volume total de captures, de capacité de pêche ou d’emploi. Elles étaient suivies de l’Inde, de la Norvège et de la Pologne, qui ont accordé chacune entre 2 % et 3 % du soutien total déclaré, tandis que la Corée, le Danemark, l’Italie et la Suède ont versé entre 1 % et 2 % du soutien chacun. Les autres pays inclus dans la base de données ont alloué moins de 1 % du soutien chacun. Étant donné sa masse totale, le soutien accordé par la Chine influence l’ampleur et les tendances de l’aide observées de manière globale (et dans les économies émergentes en particulier), malgré une baisse en valeur relative et absolue.

La base de données FSE regroupe toutefois un grand nombre de mesures de soutien qui se distinguent par leur nature et leurs possibles effets socio-économiques ou environnementaux. Par conséquent, lorsqu’on procède à des comparaisons, il est instructif de distinguer les différentes catégories de mesures considérées. Il est également important de mettre l’ampleur du soutien en regard de mesures appropriées de la taille du secteur. Lorsque le soutien est exprimé en pourcentage de la valeur des débarquements, par tonne brute de capacité de pêche ou par pêcheur, ce sont la Pologne, la Suède, la Slovénie, le Danemark et le Brésil qui arrivent en tête du classement.

En moyenne, le niveau relatif du soutien et les types de mesures mises en œuvre varient considérablement entre les pays de l’OCDE et les économies émergentes. Le soutien accordé par les pays de l’OCDE prenant part à la base de données FSE a atteint une moyenne annuelle de 5.11 milliards USD en 2018-20, soit 5 163 USD par pêcheur au cours de la période. Au fil du temps, les dépenses relatives aux activités de GSCS sont devenues le principal levier d’action dans la zone OCDE. Ces dernières représentaient en effet 42 % du soutien octroyé dans ces pays sur la période 2018-20, suivies des dépenses d’infrastructure (19 %), de soutien des revenus (12 %) et de soutien aux carburants (8 %).

À l’opposé, les mesures en faveur des carburants représentaient, en moyenne, 33 % du soutien total dans les économies émergentes, suivies des mesures de soutien des revenus (15 %), des dépenses d’infrastructure (5 %) et des dépenses liées aux activités de GSCS (4 %). Au total, les économies émergentes participant à la base de données FSE ont consacré en moyenne 4 milliards USD par an aux dispositifs de soutien sur la période 2018-20, soit 222 USD par pêcheur.

Pour déterminer les conséquences probables d’une mesure de soutien sur la santé des stocks halieutiques, il est nécessaire de disposer de données granulaires sur l’ensemble des facteurs qui entrent en ligne de compte : les bénéficiaires du dispositif, les mesures de gestion auxquels les pêcheries dans lesquels ils opèrent sont soumises, les stocks qu’ils exploitent et leur santé, ainsi que le type de soutien reçu et les conditions à remplir pour pouvoir y prétendre, le cas échéant. Toutefois, les informations habituellement disponibles à l’échelle des pays permettent difficilement de mettre en corrélation les mesures de soutien avec les différentes pêcheries, les bénéficiaires des mesures et les stocks exploités, notamment parce que de nombreux stocks halieutiques ne sont pas évalués et leur statut est inconnu.

Ces données granulaires n’étant pas disponibles, le chapitre 3 du présent rapport étudie les risques d’encourager une pêche non durable que peuvent présenter les différentes mesures de soutien en l’absence de gestion efficace, puis les classe dans quatre grandes catégories : « risque élevé » lorsque les mesures sont susceptibles d’augmenter la capacité de pêche et la surpêche en agissant directement sur les coûts et bénéfices de la pêche ; « risque modéré » lorsque les mesures peuvent augmenter indirectement la capacité de pêche et la surpêche par des effets indirects sur les coûts et bénéfices de la pêche ; « risque nul » lorsque les mesures peuvent contribuer à assurer une bonne gestion des ressources halieutiques ; et « risque indéterminé » lorsque les mesures sont susceptibles de présenter un risque élevé, modéré ou nul.

Le fait d’analyser le panachage des mesures nationales sous cet angle peut fournir un point de départ concret pour se demander si les dispositifs de soutien en vigueur au niveau national risquent ou non encourager une pêche non durable.

Dans l’ensemble des pays et des économies inclus dans la base de données FSE, 33 % (3.4 milliards USD) du soutien total en 2018-20 sont allés à des mesures de soutien présentant un risque élevé d’encourager une pêche non durable en l’absence de gestion efficace. Ce pourcentage est en net recul par rapport à 2012-14, période où les mesures de cette catégorie représentaient un peu plus de 52 % du soutien total. La baisse ne s’est pas accompagnée d’une croissance équivalente des mesures de la catégorie « risque modéré », ce qui est positif. Ces dernières représentaient 28 % du soutien (2.94 milliards USD) en 2018-20, une hausse relative par rapport aux 21 % observés en 2012-14.

La part des mesures jugées sans risque d’encourager une pêche non durable a également progressé pour atteindre 23 % (2.4 milliards USD) du soutien total en 2018-20, contre 18 % en 2012-14. Parallèlement, la part des dispositifs présentant un risque indéterminé a cependant augmenté, atteignant 16 % du soutien totale (1.6 milliard USD) en 2018-20, contre 8 % en 2012-14. Des travaux complémentaires devront être entrepris pour mieux cerner la nature des mesures entrant dans cette catégorie.

Les profils de risque moyens des différents assortiments de mesures, tels que définis dans le présent rapport, varient eux aussi considérablement entre les pays de l’OCDE et les économies émergentes. En 2018-20, 12 % de l’aide accordée dans les pays de l’OCDE relevait de mesures qui, en l’absence de gestion efficace des pêches, risquent fortement d’encourager des pratiques non durables. Au premier rang de ces mesures, on trouvait notamment les dispositifs d’aide aux carburants et navires. Par ailleurs, 33 % du soutien était imputable à des mesures susceptibles d’encourager de façon modérée, mais non négligeable, une pêche non durable. Les principaux mécanismes en cause étaient alors le soutien aux infrastructures et aux revenus. Dans les économies émergentes, en moyenne, la majorité des aides accordées en 2018-20 (53 %) relevaient de mesures hautement susceptibles d’encourager des pratiques non durables en l’absence de gestion efficace des pêches, avec pour cible principale les carburants. Il importe de noter que ces pays sont généralement moins en capacité d’assurer une gestion et une police des pêches efficaces.

Les pays devraient faire soigneusement le point sur les mesures de soutien qui risquent de favoriser une pêche non durable, et déterminer si les bénéficiaires des ces aides exercent leurs activités au sein de pêches gérées durablement. Dans la négative, ils devraient envisager de mieux concevoir et cibler ces mesures en les assortissant par exemple de conditions d’éligibilité, ou de recourir à d’autres formes de soutien. Par précaution, les pays peuvent aussi opter pour un retrait progressif des mesures susceptibles de menacer les stocks halieutiques de manière générale, tant il est difficile et coûteux de vérifier régulièrement que chacun des bénéficiaires de ces aides évolue au sein de pêches gérées durablement.

Le fait de supprimer les formes de soutien qui risquent fortement d’encourager la surpêche permettrait par ailleurs au secteur d’être plus équitable et de mieux résister en cas de chocs, ces mesures pouvant être source d’iniquité pour les artisans-pêcheurs et ne permettant généralement pas d’augmenter les revenus. L’argent ainsi économisé pourrait être réaffecté aux activités de gestion durable et de surveillance des pêches, ainsi qu’à la recherche sur la santé des ressources halieutiques et les conséquences du changement climatique. Par ailleurs, si cela était nécessaire, des mesures de soutien direct des revenus pourraient contribuer à préserver les moyens de subsistance des pêcheurs dans certains cas particuliers.

Les pays devraient également accepter l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche pour que ce dernier puisse entrer en vigueur, et poursuivre leurs négociations avec l’organisation afin de convenir de disciplines visant à éliminer d’autres subventions potentiellement néfastes, comme celles qui encouragent la surcapacité et la surpêche. Afin de réduire à son minimum le risque de favoriser la pêche INN, les aides accordées par un pays ne devraient être accessibles qu’aux navires y étant immatriculés ou autorisés à y pêcher. Les pouvoirs publics devraient aussi mettre en place des procédures appropriées pour exclure des aides les acteurs associés à des activités de pêche INN ou à d’autres activités liées à la pêche qui rendent possible la pêche INN. Enfin, les informations relatives à l’ensemble des bénéficiaires des aides devraient être rendues publiques.

Pour finir, la pêche bénéficie le plus souvent, à l’instar de nombreux autres secteurs, de mesures de soutien qui ne lui sont pas exclusives, dans le domaine de l’énergie notamment. Ces aides non spécifiques sont rarement recensée dans la base de données FSE et peu examinées par les instances internationales. Il est nécessaire de disposer d’informations plus complètes sur l’ensemble des mesures profitant au secteur de la pêche et sur leurs conséquences en termes de performances et de durabilité. Il serait alors plus aisé de comprendre comment cibler au mieux les dépenses publiques afin qu’elles répondent aux objectifs poursuivis par les pouvoir publics dans le domaine de la pêche.

Références

[3] Barbier, E. (2017), « Marine ecosystem services », Current Biology, vol. 27/11, pp. R507-R510, https://doi.org/10.1016/j.cub.2017.03.020.

[12] Béné, C. et al. (2016), « Contribution of Fisheries and Aquaculture to Food Security and Poverty Reduction: Assessing the Current Evidence », World Development, vol. 79, pp. 177-196, https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2015.11.007.

[11] Béné, C. et al. (2015), « Feeding 9 billion by 2050 – Putting fish back on the menu », Food Security, pp. 261-274, https://doi.org/10.1007/s12571-015-0427-z.

[4] Costello, C. et al. (2016), « Global fishery prospects under contrasting management regimes », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 113/18, pp. 5125-5129, https://doi.org/10.1073/pnas.1520420113.

[1] FAO (2022), La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2022 : vers une transformation bleue, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, https://doi.org/10.4060/cc0461en.

[13] FAO (2022), Tour d’horizon des tendances récentes dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, COFI:FT/XVIII/2022/8, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, https://www.fao.org/3/cb9932fr/cb9932fr.pdf.

[15] FAO (2020), La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2020 La durabilité en action, https://doi.org/10.4060/ca9229fr.

[14] FAO (2001), Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, https://www.fao.org/3/y1224f/Y1224F.pdf.

[2] Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE) (2014), La durabilité de la pêche et de l’aquaculture au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition, https://www.fao.org/3/i3844f/i3844f.pdf.

[10] Kawarazuka, N. et C. Béné (2010), « Linking small-scale fisheries and aquaculture to householdnutritional security: an overview », Food security, pp. 343-357, https://doi.org/10.1007/s12571-010-0079-y.

[6] Martini, R. et J. Innes (2018), Relative Effects of Fisheries Support Policies, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/bd9b0dc3-en.

[5] OCDE (2020), Examen de l’OCDE des pêcheries 2020, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/6d369b02-fr.

[8] OMC (2022), Accord sur les subventions à la pêche, décision ministérielle du 17 juin 2022, https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/WT/MIN22/33.pdf&Open=True.

[7] OMC (2022), Mise en oeuvre de l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche, https://www.wto.org/french/tratop_f/rulesneg_f/fish_f/implementfishagreement22_f.htm.

[9] Sampels, S. (2017), « Nutritional Value of Fish: Lipids, Proteins, Vitamins, and Minerals », Reviews in Fisheries Science & Aquaculture, pp. 243-253, https://doi.org/10.1080/23308249.2017.1399104.

Notes

← 1. Les produits halieutiques sont une source importante d’acides gras polyinsaturés, de minéraux, de vitamines et d’oligo-éléments. Leur association avec d’autres aliments peut améliorer l’absorption de ces nutriments, avec des effets bénéfiques pour la santé des adultes et le développement cognitif des enfants. Ces produits peuvent donc se révéler particulièrement utiles dans la lutte pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle, notamment dans les pays en développement, dès lors que les petits poissons sont abordables pour tous (Béné et al., 2016[12] ; FAO, 2020[15] ; Sampels, 2017[9] ; Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE), 2014[2] ; Béné et al., 2015[11] ; Kawarazuka et Béné, 2010[10]).

← 2. Ce rapport s’intéresse à tous les pays de l’OCDE, à l’exception de l’Autriche, de la Finlande, de la Hongrie, d’Israël, du Luxembourg, de la République slovaque, de la République tchèque et de la Suisse.

← 3. D’après la FAO (2022[13]), le déclin de la pêche maritime observé à l’échelle mondiale en 2019 s’explique, pour l’essentiel, par la fluctuation des captures d’espèces pélagiques, notamment d’anchois du Pérou. La baisse s’est poursuivie en 2020, sous l’effet des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les activités de pêche, principalement.

← 4. L’ODD 14.4 se présente comme suit : « D’ici à 2020, réglementer efficacement la pêche, mettre un terme à la surpêche, à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et aux pratiques de pêche destructrices et exécuter des plans de gestion fondés sur des données scientifiques, l’objectif étant de rétablir les stocks de poissons le plus rapidement possible, au moins à des niveaux permettant d’obtenir un rendement constant maximal compte tenu des caractéristiques biologiques. » L’objectif d’Aïchi no 6 dispose quant à lui : « D’ici à 2020, tous les stocks de poissons et d’invertébrés et plantes aquatiques sont gérés et récoltés d’une manière durable, légale et en appliquant des approches fondées sur les écosystèmes, de telle sorte que la surpêche soit évitée, que des plans et des mesures de récupération soient en place pour toutes les espèces épuisées, que les pêcheries n’aient pas d’impacts négatifs marqués sur les espèces menacées et les écosystèmes vulnérables, et que l’impact de la pêche sur les stocks, les espèces et les écosystèmes reste dans des limites écologiques sûres. »

← 5. La communauté internationale reconnaît la nécessité de supprimer les subventions dommageables, en particulier celles qui encouragent la pêche INN, ce dont elle a fait une priorité pendant plus de deux décennies. Ainsi, en 2001, le Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche INN (PAI-INDNR) (FAO, 2001[14]) appelait déjà les pays à éviter de subventionner la pêche INN.

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