Synthèse

La transformation numérique ouvre de nouveaux horizons à l’éducation. Si l’éducation n’a jamais manqué de données, qu’il s’agisse des notes ou des renseignements administratifs autour de l’absentéisme scolaire, ce n’est que depuis peu que celles-ci sont mises au service d’un meilleur apprentissage, d’un meilleur enseignement et des prises de décisions administratives. La relation des acteurs de l’éducation avec la technologie, loin d’être un long fleuve tranquille, oscille entre enthousiasme et scepticisme. Les technologies numériques, et tout particulièrement les technologies intelligentes axées sur l’intelligence artificielle (IA), l’analyse de l’apprentissage ou la robotique, sont-elles susceptibles de changer la face de l’éducation de la même façon qu’elles révolutionnent le reste de la société ? Si oui, comment ? Cet ouvrage tente d’apporter des éléments de réponse.

Après une vue d’ensemble des possibilités et des défis que représente la technologie numérique (Chapitre 1) et des solutions de technologie intelligente de pointe, en évoquant celles qui ne seront pas abordées plus en détails dans la suite de l’ouvrage (Chapitre 2), l’ouvrage s’attache à déterminer de quelle façon les technologies intelligentes peuvent changer l’éducation en classe et épauler les organisations et systèmes pédagogiques en matière de gestion.

Les technologies pédagogiques adaptatives comme les systèmes de tutorat intelligent offrent la possibilité de personnaliser l’apprentissage à l’aide d’approches similaires : elles détectent les connaissances (ou les lacunes) des élèves, diagnostiquent les mesures à prendre pour les faire progresser, proposent de nouveaux exercices, de nouveaux modules d’enseignement ou des éléments d’instruction, ou se contentent d’assurer la liaison avec l’enseignant. Cette approche va désormais au-delà de la simple acquisition de connaissances et tient compte de dimensions inhérentes au comportement, par exemple l’autorégulation ou le style d’apprentissage (Chapitre 3).

Garder les élèves motivés et les amener à participer sont deux piliers d’un apprentissage efficace. Dans cette perspective, de nouvelles innovations technologiques se concentrent sur l’évaluation de la participation et des interventions des élèves, dans des environnements d’apprentissage en personne et virtuels. Évaluer la participation n’a rien d’évident mais une multitude de nouvelles approches automatiques est en train de voir le jour, de capteurs de mouvements des yeux jusqu’au suivi et à l’analyse d’autres caractéristiques du visage. Deux voies sont possibles pour améliorer la participation : d’une part, des approches proactives qui s’efforcent de stimuler les élèves au moyen de mesures d’incitation ou de ludification, etc. et d’autre part, les approches réactives qui procèdent avec plus de subtilité en assurant un suivi constant de la participation, en détectant les baisses de régime des élèves et en adaptant l’enseignement en conséquence (Chapitre 4).

Si les technologies intelligentes qui mettent l’accent sur la personnalisation de l’apprentissage individuel sont sans nul doute les plus répandues, une autre option consiste à axer l’analyse de l’apprentissage sur la salle de classe, ou plutôt sur ce qui s’y déroule. Cette démarche a pour objectif d’aider les enseignants à orchestrer l’apprentissage dans leur classe et à proposer des scénarios d’apprentissage efficace d’une grande richesse à leurs élèves. Certaines techniques d’analyse en classe donnent aux enseignants des données en temps réel pour les aider à mieux passer d’une tâche à l’autre lorsque leurs élèves travaillent seuls, en petits groupes ou tous ensemble, par exemple. Elles donnent aussi des informations aux enseignants sur leur comportement en classe afin qu’ils puissent en prendre note et adapter leurs méthodes (Chapitre 5).

À leur tour, de plus en plus de robots sociaux voient le jour à des fins pédagogiques. Reposant généralement sur les systèmes de personnalisation cités ci-dessus, ils aident les enseignants de différentes manières : en faisant office d’instructeurs ou de professeurs particuliers pour les cours individuels ou en petits groupes, ou à l’inverse en se plaçant à leur tour à la hauteur des élèves afin de déclencher un apprentissage par l’enseignement des pairs. En outre, les robots de téléprésence offrent aux enseignants ou aux élèves la possibilité d’enseigner ou d’étudier à distance, avec à la clé de nouvelles perspectives pour les élèves malades qui ne peuvent assister aux cours en personne. Ils donnent aussi la possibilité de faire appel à des enseignants à distance, par exemple à des enseignants qui vivent à l’étranger pour l’enseignement des langues (Chapitre 7).

La technologie permet de surcroît de scolariser les élèves ayant des besoins spécifiques et de faire de l’éduction inclusive une réalité. Forte d’applications ayant fait leurs preuves comme la conversion de texte par synthèse vocale, la reconnaissance vocale et le sous-titrage automatique, l’IA permet aux élèves aveugles, déficients visuels, sourds et malentendants d’intégrer les environnements scolaires classiques et de profiter de leurs pratiques pédagogiques. Des technologies intelligentes favorisent le diagnostic de certains besoins spécifiques et permettent ainsi d’y remédier (à l’image de la dysgraphie). Elles favorisent également l’apprentissage socio-émotionnel des élèves autistes et leur donnent plus de clés pour participer à l’enseignement classique (Chapitre 6).

Ces technologies intelligentes ne peuvent généralement se passer d’un intervenant humain, à savoir l’enseignant. Le niveau d’automatisation des actions et des décisions doit être envisagé sur un spectre qui va d’actions purement automatiques d’une part à des actions entièrement du ressort des humains de l’autre. À l’heure actuelle, les systèmes d’IA restent des hybrides qui exigent une intervention humaine à un stade ou à un autre.

Les technologies intelligentes qui reposent sur l’IA et l’analyse de l’apprentissage facilitent également la gestion des structures éducatives. Leur utilité est multiple ; elles servent par exemple à améliorer le programme de cours d’un établissement à la faveur de l’analyse du parcours d’apprentissage et du cursus des élèves. Bien que cette démarche en soit à ses balbutiements, l’adoption de l’analyse de l’apprentissage à l’échelle de la structure éducative pourrait bien révolutionner la culture des établissements d’enseignement (Chapitre 8).

Les systèmes d’alerte précoce qui identifient les élèves susceptibles de décrocher du deuxième cycle du secondaire mettent à profit les micro-données administratives toujours plus souvent recueillies par les systèmes et organismes d’éducation. S’il reste difficile d’identifier un ensemble pertinent d’indicateurs précoces, quelques systèmes font preuve d’une grande précision et ainsi, d’une réflexion poussée sur les raisons qui poussent les élèves à décrocher. Pour ne pas tomber dans le piège du profilage des élèves, des algorithmes ouverts et transparents s’imposent (Chapitre 9).

Les évaluations standardisées basées sur un jeu vidéo s’appuient elles aussi sur les technologies intelligentes et les techniques d’analyse des données intelligentes pour étendre les évaluations aux compétences difficiles à évaluer d’après des tests traditionnels (sur papier ou ordinateur), à l’image des compétences de haut niveau (comme la créativité) ou des compétences émotionnelles et comportementales (la collaboration ou la stratégie comportementale, par exemple). Les tests dispensés via jeux vidéo peuvent analyser des données de suivi des mouvements des yeux et des enregistrements audio, traiter le langage naturel et des informations comme le temps consacré à une tâche, ou encore se servir de simulations (Chapitre 10).

Enfin, en tant que « infrastructure de vérification », la technologie de la blockchain (chaîne de blocs en anglais) ouvre des horizons en matière de reconnaissance des diplômes et certificats. Cette technologie permet de confirmer ce qu’avance un individu ou un établissement, que ce soit en matière de compétences ou de qualifications, et ce de manière instantanée et fiable. Elle élimine la fraude aux diplômes (et autres qualifications), facilite la mobilité géographique et institutionnelle des apprenants et du personnel et émancipe les individus en leur accordant plus de contrôle sur les données qui les concernent. De nombreuses initiatives en ce sens ont vu le jour dans le monde. Elles pourraient bien changer la façon dont les systèmes d’éducation et d’apprentissage tout au long de la vie gèrent les diplômes et les qualifications (Chapitre 11).

De nombreuses raisons portent à croire que les technologies intelligentes sont susceptibles d’améliorer l’efficacité, l’équité et la rentabilité des systèmes d’éducation. Cela étant, il convient de garder à l’esprit quelques points importants relatifs aux technologies intelligentes afin d’en tirer le meilleur parti :

  • Les technologies intelligentes sont des systèmes hybrides qui conjuguent IA et intervention humaine. Impliquer les utilisateurs finaux à leur conception, donner aux humains le dernier mot pour les décisions importantes et négocier leur usage avec transparence sont autant d’éléments essentiels pour les rendre à la fois utiles et acceptables aux yeux de la société.

  • Les technologies intelligentes aident les humains de différentes façons, sans pour autant être parfaites. Faire preuve de transparence sur leurs capacités réelles en matière d’évaluation, de diagnostic et d’action est un impératif. Cela étant, leurs limites doivent être envisagées à l’aune des limites humaines pour des tâches analogues.

  • Il convient de financer des études visant à déterminer l’efficacité pédagogique des technologies intelligentes dans un cadre à la fois scolaire et extrascolaire, et leur efficacité à des fins de gestion des systèmes, sans s’intéresser exclusivement à la technologie. Des critères pourraient aussi être définis afin de produire rapidement ces études.

  • L’adoption des technologies intelligentes repose sur des mécanismes fiables de protection et de réglementation des données confidentielles, eux-mêmes basés sur l’évaluation des risques. Des considérations éthiques s’imposent en l’absence de directives officielles. Par exemple, le niveau d’impartialité des algorithmes suscite toujours plus de réserves. Il pourrait être vérifié par l’intermédiaire d’ « algorithmes ouverts » par des tiers.

  • Les technologies intelligentes ont un coût, et leur adoption doit reposer sur une analyse coûts-avantages reconnaissant que leurs atouts surpassent de simples avantages pécuniaires. Dans bien des cas, identifier des tendances en matière de données permet de mieux concevoir les politiques et favorise les interventions propices à l’équité ou l’efficacité. Les responsables politiques doivent également encourager la conception de technologies abordables et durables grâce aux normes libres et à l’interopérabilité.

Disclaimers

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