Résumé

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est sans équivoque quant à la nécessité de mobiliser les organisations de la société civile (OSC) pour mettre en œuvre les Objectifs de développement durable (ODD) et rendre compte des progrès accomplis. Les OSC assument de multiples rôles. Elles sont prestataires de services dans les situations de développement et les contextes humanitaires, elles influent sur l’élaboration des politiques par le dialogue et la sensibilisation, et elles œuvrent à la promotion et à la protection des droits humains et de la démocratisation. Leur capacité à atteindre ceux qui sont les premières victimes de la pauvreté, des inégalités et de la vulnérabilité fait des OSC des acteurs à part entière des efforts déployés pour honorer l’engagement de ne laisser personne de côté énoncé dans le Programme 2030. Les OSC jouent un rôle important dans la coopération pour le développement, en tant qu’acteurs indépendants mais aussi en tant que partenaires d’exécution des membres du Comité d’aide au développement (CAD). D’après les statistiques de l’OCDE, les membres du CAD (ci-après les « membres ») ont alloué près de 21 milliards USD aux OSC en 2018, ce qui représente 15 % de l’aide bilatérale totale.

Les membres se sont engagés à offrir à la société civile un environnement propice et à le pérenniser, notamment en faisant en sorte d'assurer une collaboration efficace avec la société civile et les OSC qui la composent. Il apparaît néanmoins qu'il faut faire plus pour bâtir et promouvoir un tel environnement. En divers endroits de par le monde, l’espace civique est restreint par la mise en place de cadres juridiques et réglementaires qui limitent les possibilités qu'ont les citoyens de s'unir en vue d’améliorer leur existence. En même temps, on peut constater que les OSC manquent parfois d’efficacité et que l’exercice de la redevabilité pourrait être amélioré. Les donneurs, y compris les membres, rencontrent des difficultés pour mettre dûment à profit le savoir-faire, les capacités et l’influence des OSC dans le rôle qu’elles assument pour sensibiliser le public au développement durable, et pour offrir un soutien effectif aux OSC.

S'appuyant sur les principales conclusions des enquêtes et des consultations avec les membres et les OSC, le rapport Les membres du Comité d'aide au développement et la société civile présente des propositions d'action à l’intention des membres et du CAD-OCDE en vue de rendre plus efficaces le soutien des membres et leur collaboration avec les OSC et la société civile.

  • Si les définitions des OSC adoptées par les membres présentent des points communs, elles comportent aussi des différences qui peuvent nuire à la cohérence de leur action.

  • La plupart des membres ont élaboré un document stratégique relatif à leur collaboration avec les OSC et la société civile qui est inscrit soit dans leur législation, soit dans leurs stratégies, lignes directrices, principes ou plans d'action. Environ la moitié des membres se sont dotés d'un document stratégique qui porte spécifiquement sur la société civile ou les OSC.

  • Les OSC appellent à une meilleure intégration des considérations relatives à la société civile dans un large éventail de politiques des membres.

  • La plupart des membres poursuivent deux types d'objectifs au moins : renforcer une société civile pluraliste et indépendante dans les pays partenaires, et atteindre d’autres objectifs de développement au-delà du seul renforcement de la société civile dans les pays partenaires.

  • Les membres citent plus fréquemment les avantages que les inconvénients de la collaboration avec les OSC. Ils évoquent également plus souvent les avantages liés à la collaboration avec des OSC des pays membres ou des OSC internationales que ceux qu’apporte la collaboration avec des OSC de pays partenaires.

  • Les membres apportent un concours financier plus important sous forme de soutien à des projets et/ou des programmes menés par le canal d’OSC plutôt que sous forme de soutien direct aux OSC dans le cadre de partenariats, d’accords-cadres ou de contributions à leur budget ordinaire. Cette forme de soutien est jugée plus appropriée pour produire des résultats tangibles au regard du développement sur le court terme. Pour les OSC, le soutien financier qu’apportent les membres est perçu comme court-termiste, exagérément directif et conditionné par des priorités qu'ils ont eux-mêmes définies.

  • Une part disproportionnée du financement émanant des membres est dirigée vers des OSC de pays membres ou des OSC internationales plutôt que vers des OSC de pays partenaires. Les raisons invoquées pour justifier cet état de fait tiennent notamment aux contraintes juridiques ou administratives auxquelles sont soumis les membres, à des considérations liées aux coûts de transaction, ou encore à l’expérience acquise par ces OSC, notamment au regard des résultats dont elles peuvent se prévaloir ainsi qu’à leur rôle de sensibilisation auprès du public. Les apports des membres sont également plutôt dirigés vers des OSC officiellement établies plutôt que vers la société civile au sens large.

  • Le dialogue systématique avec les OSC est beaucoup plus courant au niveau des services centraux qu’au niveau des pays partenaires. Le dialogue avec les OSC ne respecte pas nécessairement les normes de bonnes pratiques (concernant par exemple l'inclusivité, l’élaboration en commun des ordres du jour, la coordination entre les membres, l’accessibilité ou les calendriers).

  • Les OSC et les membres continuent de considérer les exigences administratives et, partant, les coûts de transaction associés à l’accès aux financements des membres et à l’établissement de rapports concernant ces apports comme excessivement lourds. La satisfaction de ces exigences a pour effet de détourner des ressources des activités fondamentales des OSC et de la concrétisation de résultats au regard du développement.

  • Les membres adoptent des approches plus itératives et adaptatives en matière de suivi face au constat selon lequel l’application stricte de la gestion axée sur les résultats, qui met l’accent sur des résultats immédiats, quantitatifs et linéaires, peut nuire à la capacité des OSC à innover, prendre des risques, faire preuve de flexibilité et de réactivité vis-à-vis de leurs partenaires ou sur le terrain, et à s’attaquer à des problèmes de développement complexes en vue de susciter sur le long terme un changement durable et porteur de transformations.

  • Les membres encouragent les OSC à développer leurs liens de redevabilité dans les pays partenaires, mais ils n'évaluent pas à sa juste mesure la façon dont l’accent mis dans leurs politiques et pratiques sur la reddition de comptes vers le haut (aux membres) peut porter préjudice à la reddition de comptes au niveau des pays partenaires. Si les membres affichent une transparence croissante quant aux apports financiers qu’ils allouent aux OSC, ces informations ne sont pas toujours accessibles aux parties prenantes des pays partenaires ou ventilées par pays partenaire.

Eu égard à ces constats, cette étude présente les propositions d'action suivantes à l’intention des membres du CAD et du CAD-OCDE lui-même, qui visent à améliorer le soutien que les uns et l’autre apportent aux OSC et à la société civile, ainsi que leur collaboration avec ces dernières.

  • Clarifier les définitions de la société civile et des OSC afin d’en favoriser une compréhension commune au niveau de l’ensemble des membres et de mieux refléter la diversité de la société civile.

  • En consultation avec les OSC, élaborer des politiques qui prennent en compte à la fois les objectifs des membres et les modalités de leur collaboration avec les OSC et la société civile, ainsi que des problématiques contextuelles, comme la question de l’espace civique. Intégrer les considérations relatives à la société civile dans des domaines de l’action publique autres que la coopération pour le développement.

  • Poursuivre les deux types d'objectifs de la collaboration avec les OSC et la société civile, à savoir renforcer une société civile indépendante et pluraliste dans les pays partenaires, et atteindre d’autres objectifs de développement que le seul renforcement de la société civile dans les pays partenaires.

  • Recourir à diverses stratégies pour corriger le déséquilibre entre le soutien à l'appui de projets/programmes et les apports consentis par le canal d’OSC en leur qualité de partenaires d’exécution pour le compte des membres, d'une part, et le soutien sous forme de partenariats/d’accords-cadres/de contribution au budget ordinaire et les apports alloués à des OSC en leur qualité d'acteurs du développement indépendants, d'autre part.

  • Accroître le soutien financier apporté directement aux OSC des pays partenaires ainsi que le soutien en faveur d’un éventail plus large d’acteurs de la société civile, y compris les formes plus souples ou informelles d’association, les nouveaux types d’association et les acteurs traditionnels de la société civile.

  • Recourir plus systématiquement au dialogue et à la consultation avec les OSC et la société civile, et mettre davantage l’accent sur un dialogue systématique au niveau des pays partenaires, tout en veillant à se conformer aux bonnes pratiques. Encourager le dialogue dans des domaines d'action autres que la coopération pour le développement, par exemple la politique étrangère, la politique d’investissement du secteur privé ou la politique commerciale.

  • Évaluer, s’employer à diminuer autant que possible et surveiller la charge que représentent les coûts de transaction découlant des exigences administratives des membres, notamment par une coordination et une harmonisation entre les membres, conformément au Code de bonnes pratiques en matière d’harmonisation des donneurs de 2013.

  • Œuvrer aux côtés des OSC pour définir des cadres de résultats et des indicateurs pertinents que les acteurs locaux s'approprient, tout en adoptant des approches itératives et adaptatives en matière de gestion axée sur les résultats. Définir des indicateurs de résultats à même de renforcer une société civile pluraliste et indépendante dans les pays partenaires.

  • Favoriser l’exercice de la redevabilité des OSC dans les pays partenaires à l’aide de diverses méthodes, tout en améliorant la transparence au niveau des membres et en veillant à ce que leurs pratiques en matière de collaboration avec les OSC et la société civile ne portent pas atteinte à l’exercice de la redevabilité des OSC au niveau des pays partenaires.

  • Élaborer des orientations à jour sur la manière dont les membres du CAD devraient collaborer avec les OSC et la société civile, ou une recommandation, pour un plus grand potentiel d’application.

  • Engager un échange de vues avec les membres sur les directives du CAD-OCDE pour l’établissement des rapports statistiques en ce qui concerne les définitions de la société civile et des OSC, et l’utilité et la précision des codes qui sont attribués aux apports financiers alloués directement aux OSC ou bien acheminés par leur canal.

Ces propositions d'action devront faire l'objet d’un examen plus approfondi de la part des membres et des OSC, dans l'optique d'élaborer sur cette base – en consultation avec les membres, les OSC et d’autres parties prenantes à partir de 2020 – des orientations ou une recommandation quant à la façon dont les membres pourraient travailler plus efficacement aux côtés de la société civile et, par extension, pourraient bâtir un environnement plus propice à l’action de la société civile.

Disclaimers

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