4. Argentine

En Argentine, le soutien global au secteur agricole est négatif depuis le début des années 2000, en raison de taxes à l’exportation qui font baisser les prix intérieurs perçus par les producteurs. Toutefois, les producteurs bénéficient de paiements budgétaires au titre de l’utilisation d’intrants, principalement sous forme de crédit à des taux préférentiels.

Les fluctuations du soutien s’expliquent par la variation des taxes à l’exportation et par la conjoncture macroéconomique, qui se caractérise notamment par la forte dépréciation du peso argentin depuis 2018 et par une inflation élevée. En moyenne, l’estimation du soutien aux producteurs (ESP) s’établissait à -14.6 % des recettes agricoles brutes en 2020-22, contre -11.8 % il y a 20 ans, allant jusqu’à -51.1 % en 2008. Le soutien négatif des prix du marché est la principale composante du soutien aux producteurs. Par conséquent, on estime que 98.8 % des transferts découlant de l’action publique ont créé des distorsions importantes en 2020-22. Le ratio du prix à la production au prix à la frontière (coefficient nominal de protection, CNP) a atteint 0.86 en 2020-22, ce qui signifie que les prix à la production étaient en moyenne inférieurs de 14 % aux prix du marché mondial.

Le soja, principal produit d’exportation, est soumis au plus fort taux de taxes à l’exportation. En conséquence, il enregistre le soutien le plus négatif en ce qui concerne les transferts au titre d’un seul produit (TSP), équivalent à 39.5 % des recettes agricoles brutes par produit. Le soutien des prix et les TSP sont positifs uniquement pour le porc et les œufs. Compte tenu de l’ESP négative, les consommateurs profitent d’une estimation du soutien aux consommateurs positive, s’élevant à 18.5 % des dépenses par rapport aux prix au départ de l’exploitation en 2020-22.

L’estimation du soutien aux services d’intérêt général (ESSG), qui est nettement en deçà du niveau de la plupart des autres économies émergentes étudiées dans ce rapport, est en baisse par rapport à la valeur de la production agricole, passant de 0.6 % en 2000-02 à 0.5 % en 2020-22. Les dépenses consacrées aux systèmes d’innovation agricole et aux services de vulgarisation sont la principale composante de l’ESSG, mais diminuent par rapport à la taille du budget total de l’ESSG, passant de 57 % en 2000-02 à 50 % en 2020-22. Ces vingt dernières années, la production et les exportations agricoles ont enregistré une croissance dynamique grâce à un secteur privé innovant, malgré un soutien des prix du marché négatif et une augmentation légèrement moins forte du soutien fourni par les prestataires publics, notamment dans le domaine des connaissances, de la recherche, de la vulgarisation et des contrôles sanitaires, en tant que part des dépenses publiques.

Sur la période 2020-22, 61 % du soutien budgétaire total à l’agriculture ciblait l’ESSG plutôt que les producteurs à titre individuel. Le soutien budgétaire total aux agriculteurs et à l’ensemble du secteur représentait seulement 0.1 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020-22, bien en deçà de la valeur absolue du soutien négatif des prix du marché, rendant l’estimation du soutien total à l’agriculture également négative sur l’ensemble de la période : -1.0 % du PIB en 2000-02 et -1.6 % en 2020-22.

En 2022, l’Argentine a établi des normes de commercialisation de la viande bovine, a lancé le Plan GanAr visant à développer l’élevage, et a créé le Programme de compensation économique à destination des petits et moyens producteurs de laine de mouton. Un plan stratégique a été mis en œuvre pour le secteur biologique. Il comprend une nouvelle loi visant à encourager la production biologique et la création d’un label volontaire pour les produits en cours de conversion. Les programmes tels que En nuestras manos (« Dans nos mains ») ont continué à promouvoir les systèmes agroalimentaires durables pour les exploitations familiales, et à réduire les disparités de genre dans les zones rurales.

La SENASA, l’autorité principale chargée de la santé végétale et animale et de la sécurité sanitaire des aliments, a émis une alerte sanitaire nationale à la peste porcine africaine, et a mis en place des mesures destinées à limiter la propagation de l’épidémie. Des efforts ont été déployés afin d’améliorer les infrastructures, et des accords d’exécution ont été signés avec plusieurs provinces en vue d’améliorer les routes rurales, d’électrifier les zones isolées, et de développer l’agriculture dans le cadre du Plan régional de construction de réservoirs d’irrigation.

Le gouvernement a mis en œuvre des actions visant à soutenir la bioéconomie. Il a notamment lancé les programmes BIODESARROLLAR et CoopAR, qui visent à stimuler l’innovation et la compétitivité dans les chaînes de valeur agro-industrielles régionales. Un vaccin contre la leucose bovine a reçu une autorisation de mise sur le marché, et quatre organismes génétiquement modifiés de plantes ont été approuvés. L’Argentine a convenu avec le Brésil de mettre en relation leurs organes réglementaires respectifs chargés de la biosécurité des produits issus des biotechnologies, l’objectif étant de réduire les délais dans les échanges bilatéraux de produits biotechnologiques.

Le contrôle des taux de change en vigueur depuis 2019 a creusé l’écart entre les taux de change officiels et les taux du marché, ce qui a fait baisser les prix perçus par les agriculteurs. Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a lancé le Programme d’augmentation des exportations, qui permet de rémunérer les producteurs de soja à un taux de change supérieur au taux officiel. L’objectif est de rendre les exportations plus attractives afin d’encourager les ventes de soja et d’accroître les réserves de devises internationales. Les taxes à l’exportation ont été réduites pour les produits biologiques.

  • L’Argentine devrait intensifier ses efforts de production et de diffusion d’informations sur le climat afin d’améliorer l’adaptation au changement climatique dans le secteur agricole. Le Protocole interinstitutionnel de gestion de l’information devrait être consolidé et élargi afin d’inclure des informations complètes sur le climat ainsi que les résultats de recherche portant sur l’agriculture. L’exploitation de projets de recherche tels que ceux menés par l’Institut national de technologie agricole peut favoriser l’adoption de pratiques d’atténuation des émissions et améliorer les politiques d’adaptation.

  • En s’appuyant sur le Programme de changement rural et le Projet de pôles agroécologiques territoriaux, il conviendrait d’accroître les investissements afin de proposer aux agriculteurs une assistance technique ainsi que des activités de formation et de renforcement des capacités, pour leur permettre de devenir plus résilients et d’améliorer la durabilité de leurs activités. Le gouvernement devrait encourager les agriculteurs à adopter des pratiques climato-compatibles, à diversifier leurs cultures et à utiliser des techniques de gestion durable des terres au moyen de programmes de soutien ciblés et d’incitations financières.

  • Il est nécessaire d’investir plus massivement dans les infrastructures d’irrigation et l’amélioration des systèmes de gestion de l’eau pour faire face à la sécheresse persistante. Le gouvernement devrait élargir le Plan régional de construction de réservoirs d’irrigation afin de couvrir les régions déficitaires en eau. Promouvoir l’adoption de cultures résistantes à la sécheresse et de pratiques agricoles durables peut également contribuer à renforcer la résilience au changement climatique.

  • Compte tenu de la part élevée de l’agriculture (28 %) dans les émissions de gaz à effet de serre, et pour honorer son engagement à réduire les émissions nationales d’ici à 2030 et à parvenir à des émissions nettes égales à zéro en 2050, le gouvernement aurait intérêt à fixer des objectifs d’atténuation propres au secteur agricole et à proposer des mesures permettant de les atteindre.

  • Afin d’aider les petits et moyens exploitants, le gouvernement devrait étendre les programmes d’aide financière et faciliter l’accès au crédit grâce à des taux d’intérêt préférentiels. Investir dans des programmes de formation, des plateformes de partage des connaissances et le développement des chaînes de valeur agro-industrielles régionales permettrait de renforcer la compétitivité et la résilience de ces producteurs.

  • Le gouvernement devrait proposer une assistance technique et des activités de formation pour améliorer la production de bétail, accroître la valeur ajoutée à l’origine et moderniser le système de commercialisation de la viande bovine. En outre, mettre l’accent sur la durabilité environnementale dans l’élevage bovin argentin grâce à de meilleures pratiques de gestion des terres peut contribuer au succès de la filière sur la durée.

  • Les restrictions imprévisibles à l’exportation et l’incertitude liée aux taux de change et à l’inflation découragent les investissements à long terme et réduisent la sécurité alimentaire. Une approche plus équilibrée et plus transparente des taxes sur les exportations devrait être adoptée, en tenant compte de la viabilité économique des producteurs et de la compétitivité du secteur agricole dans le cadre d’un réexamen du système fiscal à l’échelle de l’économie, en envisageant d’autres sources de recettes fiscales.

  • La politique agricole pourrait s’inscrire davantage dans un cadre stratégique général à long terme, et évoluer vers des mesures plus neutres, stables, prévisibles et ciblées. Elle doit être exécutée en temps opportun, en évitant les retards de législation et de mise en œuvre, afin que les agriculteurs puissent planifier leurs activités économiques plus efficacement.

  • Pour pouvoir mener les activités de recherche et de vulgarisation ainsi que fournir les autres biens publics nécessaires à l’innovation agricole, l’Argentine devrait mettre en place un suivi systématique des initiatives et des résultats dans les secteurs de la recherche-développement et de l’innovation, mais aussi définir et mettre en œuvre des priorités stratégiques. La politique d’innovation devrait mettre l’accent sur les biens publics tels que ceux liés à la durabilité et à l’amélioration des chaînes de valeur, ou destinés aux économies régionales.

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