copy the linklink copied!Chapitre 9. Le traitement des demandes d'accès à l’information

Ce chapitre traite des procédures de formulation des demandes d’accès à l’information auprès du détenteur de l’information, ainsi que des modalités selon lesquelles les IGAI de la Jordanie, du Liban, du Maroc et de la Tunisie statuent relativement à ces demandes.

    

Souvent difficilement mis en œuvre, le droit de solliciter l’information constitue un élément fondamental du droit d’accès à l’information. Les sollicitations peuvent venir d’une personne ou d’un groupe de personnes qui, pour des motifs de toute sorte, souhaitent obtenir la communication de données, indications, renseignements, précisions, détenus par une personne se trouvant en mesure de les leur donner et qui, dans les conditions définies par la législation, doit répondre positivement à leur demande. Les législations des quatre pays de la région MENA examinés dans ce rapport ont édicté des procédures précises de demande auprès de l’assujetti à la remise à l’information. Dans l’exercice de leurs missions, notamment lors de l’examen d’une décision de refus d’accès à l’information, les IGAI sont conduites à examiner l’application de cette législation, qui est au fondement de leurs propres décisions, lesquelles sont soumises à des procédures bien établies.

copy the linklink copied!9.1. La demande d’accès à l’information auprès de l’assujetti

Le droit d’accès individuel à l’information s’organise autour d’une procédure incluant la présentation de la demande d’accès et la réponse obtenue, sans oublier les frais occasionnés. Il convient de noter que sont ici décrites les grandes lignes de la procédure de demande d’accès à l’information, alors que dans certaines législations, par exemple en Tunisie, la procédure est très détaillée.

Seule la législation jordanienne réserve l’accès à l’information aux ressortissants du pays. Cependant, le projet d’amendement à la loi actuellement examiné par le Parlement, et auquel il a été précédemment fait référence, envisage de supprimer cette condition de nationalité1. La législation jordanienne précise également que le demandeur est tenu de motiver sa demande, alors que selon la loi tunisienne ce n’est pas une obligation. Dans les pays membres de l’OCDE, la motivation de la requête n’est généralement pas obligatoire.

La demande d’accès à l’information doit être formulée par écrit dans les quatre pays concernés. Selon les législations jordanienne et marocaine, le demandeur sollicite l’accès à l’information en utilisant le formulaire établi à cet effet par l’administration. La loi tunisienne dispose, quant à elle, que la personne effectue sa demande soit au moyen du formulaire préétabli, soit sur papier libre. Dans tous les cas, on doit pouvoir identifier la personne qui a présenté la demande ainsi que les documents sollicités. Selon la loi organique tunisienne, la demande doit préciser les modalités souhaitées de l’accès à l’information (consultation sur place, obtention d’une copie papier ou électronique, ou d'un extrait de l’information). Selon les législations tunisienne et libanaise, la demande d’accès à l’information intervient auprès du service concerné par cette information. La loi marocaine indique que la demande a lieu auprès de la personne chargée de l’accès à l’information de l’entité assujettie aux dispositions de la loi. Une demande mal orientée sera redirigée vers le service compétent par l’organisme récipiendaire.

Les lois libanaise et marocaine mentionnent que le chargé d’accès à l’information fournit l’assistance nécessaire aux demandeurs d’accès à l’information. La loi libanaise dispose que l’agent chargé de l’accès à l’information tient un registre des requêtes présentées et avise notamment le demandeur des délais de réponse. Si la demande n’est pas suffisamment détaillée, cet agent sollicite des renseignements complémentaires.

Les délais de réponse aux demandes d’accès à l’information figurent clairement dans les législations examinées. Selon la loi jordanienne, la réponse doit intervenir dans un délai de 30 jours. Le projet de modification de la loi jordanienne actuellement à l’étude devant le Parlement propose de réduire ce délai à 15 jours2. Selon la loi tunisienne, les critères sont variables : un délai de droit commun de 20 jours est fixé à partir de la réception de la demande, et une demande de consultation sur place implique une réponse dans les 10 jours. Selon la loi libanaise, la réponse doit avoir lieu dans les 15 jours. Cette période peut être prolongée de 15 jours si la demande requiert un grand nombre de renseignements ou la consultation d’un tiers ou d’un autre ministère. La loi marocaine fixe un délai de droit commun de 20 jours ouvrables. Celui-ci est doublé dans certaines conditions si l’institution ou l’organe concerné ne sont en mesure de répondre que partiellement à la demande ; si la réponse nécessite de collecter un grand nombre d’informations ; s’il est matériellement impossible de fournir les informations dans les délais prévus; si la demande nécessite la consultation d’autres parties. Le délai sera réduit à deux jours dans la législation tunisienne et à trois jours dans la législation marocaine si la sécurité ou la liberté d’une personne sont en cause. Ces mesures ont pour objectif d’assurer la protection et la liberté des individus.

Une décision de rejet de demande d’accès à l’information peut être tacite ou explicite. Selon la loi libanaise, cette décision intervient par écrit et elle est dûment motivée. L’article 18 de loi marocaine dispose que la décision de rejet intervient par écrit, notamment lorsque les informations demandées ne sont pas clairement identifiées, ou qu’elles sont en cours d’élaboration.

L’ensemble des législations examinées établissent le principe de gratuité de la communication, tout en laissant les frais induits à la charge du demandeur.

copy the linklink copied!9.2. Les décisions ou les recommandations des IGAI sur les recours

Une décision de refus d’une demande d’accès à l’information est susceptible de recours administratifs (gracieux et hiérarchique) ou devant l’IGAI. L’article 29 de la loi tunisienne d’accès à l’information dispose par exemple que le demandeur d’accès à l’information peut formuler un recours gracieux auprès du chef de l’organisme concerné par sa demande dans un délai de 20 jours après notification de la décision. L’article 19 de la loi marocaine énonce qu’il est possible de former un recours gracieux ou hiérarchique en cas de rejet d’une demande d’accès à l’information.

Selon les législations, la personne qui souhaite contester un refus d’accès à l’information a ou bien le choix de s’adresser à l’IGAI ou à une juridiction, ou bien elle doit obligatoirement saisir l’IGAI avant tout recours juridictionnel. La loi jordanienne autorise de la sorte la personne ayant reçu une réponse explicite ou implicite de refus à intenter un recours devant le Conseil d’État ou devant le Conseil d’accès à l’information. Dans le cas du Liban, du Maroc et de la Tunisie, le recours doit systématiquement être d’abord porté devant l’IGAI. De même, il appartient à la personne directement concernée par le refus de l’administration d’introduire une requête devant l’IGAI, ce qui signifie que cette institution ne bénéficie pas du droit de s’autosaisir des rejets individuels.

9.2.1. La saisine de l’IGAI par la personne concernée

S’agissant d’une décision individuelle, l’IGAI ne peut pas s’autosaisir. C’est la saisine par la personne concernée par la décision relative à l’accès à l’information qui donne compétence à l’IGAI, et nul ne peut agir au nom d’un tiers.

9.2.2. La saisine fondée sur le refus d’une demande d’accès à l’information

Selon l’article 4(b) de la loi jordanienne, le Conseil de l’information est l’entité compétente pour examiner les demandes individuelles consécutives à un rejet explicite ou implicite d’accès à l’information. Selon loi organique tunisienne, le recours peut être introduit soit directement contre la décision de l’autorité qui s’est prononcée sur la demande d’accès à l’information, soit contre la décision hiérarchique consécutive à la décision initiale (art. 29 et 30).

L’article 22 de la loi libanaise donne compétence à la Commission nationale anticorruption pour recevoir et examiner les plaintes, et prendre des décisions dans le respect de la loi. L’article 22 de la loi marocaine charge la Commission d’accès à l’information d’enregistrer les plaintes des demandeurs d’accès à l’information et de se prononcer à leur sujet, ce qui inclut l’instruction, l’enquête et la formulation de recommandations au sujet des plaintes. L’IGAI est par ailleurs habilitée à formuler des recommandations dans l’objectif de régler le conflit.

Observations sur les fondements de la saisine

Dans le cas des quatre pays examinés, c’est le rejet de la demande d’accès à l’information qui est au fondement de la saisine, ce qui se rapproche des droits romano-germaniques largement répandus dans les pays membres de l’OCDE. Dans d’autres traditions juridiques en revanche, la législation doit détailler précisément les motifs autorisant l’introduction d’une l’instance devant l’IGAI (UNESCO, 2015).

Délais de saisine de l’IGAI

La loi jordanienne ne fixe pas de délai de saisine de l’IGAI. Selon la législation tunisienne, à l’opposé, le demandeur d’accès peut interjeter appel devant l’Instance d’accès à l’information dans un délai ne dépassant pas 20 jours à compter de la réception de la décision de refus ou de la date de refus tacite. La loi libanaise fixe à deux mois le délai de saisine de la Commission nationale anticorruption.

Selon la loi marocaine, le demandeur d'accès à l’information peut déposer une plainte auprès de l’IGAI dans un délai de 30 jours à compter soit de l’expiration du délai légal de réponse à sa demande initiale auprès de l’organisme concerné, soit de la date de réception de la réponse à cette demande

9.2.3. L’instruction des demandes d’accès à l’information par les IGAI

Le Commissaire à l'information jordanien transmet des recommandations relatives à l'acceptation, à la présentation et au règlement des plaintes au Conseil de l’information. Il reçoit les plaintes et les soumet au Conseil. Il prend les mesures administratives et professionnelles nécessaires à l'exercice des fonctions et pouvoirs qui lui sont dévolus (art. 6). La loi ne définit pas clairement les pouvoirs d'investigation du Conseil de l’information, qui n’a pas le pouvoir spécifique de convoquer des témoins ou procéder à des contrôles sur le terrain. Par ailleurs, dans cette procédure, la charge de la preuve n’incombe pas clairement aux autorités administratives.

La législation tunisienne contient des dispositions plus claires concernant la procédure d’instruction des demandes d’accès à l’information. Selon l’article 38 de la loi organique, l’Instance d’accès à l’information statue sur les recours qui lui sont soumis. Elle peut à ce titre mener les investigations nécessaires sur le terrain auprès de l’organisme concerné, accomplir toutes les procédures d’instruction et auditionner toute personne dont l’audition est jugée utile. Les responsables des organismes soumis aux dispositions de la loi doivent faciliter dans toute la mesure du possible les démarches indispensables à l’Instance d’accès à l’information pour le bon exercice de ses fonctions (art. 39). L’IGAI tunisienne informe de ses décisions tous les organismes concernés ainsi que le demandeur d’accès à l’information, et publie ses décisions sur son site web. Il apparaît vraisemblable que l’Instance d’accès à l’information complètera les dispositions précitées par des mesures internes d’organisation qu’elle devrait prendre. Par ailleurs, le président de l’Instance d’accès à l’information peut, sans passer par le vote, inviter aux réunions toute personne compétente dont la présence est jugée utile. De même, un ensemble de dispositions tendent à éviter les conflits d’intérêts. Il est interdit aux membres de l’instance de participer à ses délibérations, s’ils ont un intérêt direct ou indirect lié à l’objet de la délibération, et s’ils ont participé directement ou indirectement dans la prise de décision objet de la réunion (art. 51). En revanche, aucune disposition relative à l’instruction des demandes d’accès à l’information devant la Commission nationale anticorruption n’est énoncée par la loi libanaise. Selon la loi marocaine, la Commission d’accès à l’information reçoit les plaintes déposées par les demandeurs d’accès à l’information et se prononce à leur sujet, ce qui inclut l’instruction, l’enquête et la formulation de recommandations (art. 22). L’article 25 dispose que dans l’exercice de ses missions la Commission s’appuiera sur un dispositif administratif tel que décrit dans les articles 40 et 41 de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Selon l’article 40, le président de l’Instance est assisté, dans l’exercice de ses fonctions administratives et financières, par un secrétaire général chargé de préparer les documents de travail des réunions de la Commission d’accès à l’information et de tenir le registre de ses délibérations. Il résulte que, en vertu de l’article 25 de la loi sur l’accès à l’information et de l’article 40 de la loi n° 09-08, le secrétaire général prépare les dossiers relatifs aux demandes individuelles d’accès à l’information. Le président de la Commission pourra également, à titre de consultation, convoquer toute personne, instance ou représentant d’une administration aux réunions de la Commission dans l’objectif de bénéficier de son expertise (art. 23). Les règles de procédure de la Commission sont par ailleurs établies en vertu d’un règlement intérieur élaboré par son président, approuvé par la Commission, et publié au Bulletin officiel (art. 26).

Les quatre lois examinées précisent clairement les délais dont dispose l’IGAI pour statuer sur les recours qui lui sont présentés. Le délai dont bénéficie le Conseil de l’Information jordanien pour statuer sur une demande est de 30 jours à compter du dépôt de la demande. Un projet de loi propose de réduire ce délai à 15 jours. Le délai est de 45 jours dans le cas de l’IGAI tunisienne, de 2 mois pour la Commission nationale anticorruption libanaise, et de 30 jours selon la loi marocaine.

Les effets des décisions des IGAI sont particulièrement importants puisqu’ils déterminent largement l’efficacité de l’action des institutions, et justifient leur existence. Les effets obligatoires des décisions de l’IGAI jordanienne ne sont pas clairement définis. Cette IGAI n'a pas le pouvoir d'imposer des sanctions aux autorités publiques qui enfreignent la loi. Au Liban, la loi ne dit rien du caractère contraignant ou non des décisions de la Commission nationale anticorruption. Elle précise toutefois que la Commission est chargée de conseiller les autorités compétentes dans tous les cas relatifs à l'application des dispositions de la loi (art. 22-2), ce qui peut inclure les modalités d’exécution de ses propres décisions. Les recommandations de la Commission d’accès à l’information marocaine ne sont pas davantage contraignantes pour les assujettis à la communication de l’information.

De façon très novatrice, selon la législation tunisienne la décision de l’Instance d’accès à l’information revêt un caractère contraignant pour l’organisme visé par la décision (art. 30). Cette mesure devra être examinée à la lumière, d’une part, de l’amende prévue à l’article 57 de la loi organique dont est passible quiconque entrave intentionnellement l’accès à l’information au sein des organismes soumis aux dispositions de la loi, et, d’autre part, de la sanction disciplinaire encourue au titre de l’article 58 par l’agent ne respectant pas les dispositions de la loi organique. La législation tunisienne donne enfin compétence à l’Instance d’accès à l’information pour informer de ses décisions tous les organismes concernés ainsi que le demandeur d’accès (art. 38).

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Tableau ‎9.1. Les voies de recours contre les refus d’accès à l’information selon la législation marocaine

Demandeurs de l'information

Délai

Table Organisme/Institutions

Commission

Dépôt de plainte en cas de non réponse ou réponse négative

20 jours ouvrables

Réception et étude de la plainte

Réception de la décision de président de l'organisme

15 jours

Décision du chef de l'organisme ou de l'institution

Dépôt de plainte par courrier recommandé ou électronique au président de la commission

30 jours

Réception et étude de la plainte

Source : Ministère de la Réforme de l’Administration et de la fonction publique, « L’expérience marocaine sur le projet de loi sur le droit d’accès à l’information », Contribution à l’atelier régional de l’OCDE sur l’accès à l’information, Caserte, 18 décembre 2017.  

Références

Mendel, T. (2016), Participant’s Manual, Training Programme on the Right to Information for Jordanian Information Officers, UNESCO, Amman, http://stmjo.com/en/wp-content/uploads/2016/06/UpdatedATIManual.Jordan-Officials.16-05-18LS.pdf.

UNESCO (2015), « Assessment of Media Development in Jordan », UNESCO, Amman, http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002344/234425e.pdf

Notes

← 1. Voir : Mutawe, E., La situation du droit d’accès à l’information en Jordanie, contribution à l’atelier régional de l’OCDE sur l’accès à l’information, Caserte, 18 décembre 2017

← 2. Idem

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Chapitre 9. Le traitement des demandes d'accès à l’information