Résumé

Ce Scan propose une analyse détaillée des défis et opportunités de l’espace civique en Tunisie et des recommandations pour renforcer sa protection et sa promotion.

Les décrets-lois relatifs à la liberté d’association et des médias adoptés au lendemain de la Révolution tunisienne, de même que la Constitution de 2014, ont permis des avancées significatives dans la mise en place d’un cadre légal relatif aux droits et libertés de l’espace civique conforme aux engagements internationaux de la Tunisie. Cependant, le retard dans la réforme de textes clés, en partie lié à l’instabilité gouvernementale des dix dernières années, ainsi que dans l’harmonisation de la législation, limite la pleine jouissance de ces droits. Ainsi, le Code pénal, la loi relative à la liberté de manifestation ou le décret sur l’état d’urgence font partie des textes prioritaires à réformer. En outre, la sensibilisation et la formation continue des agents publics contribueraient à consolider les droits et libertés publics dans la pratique.

De plus, la Tunisie connait un état d’urgence permanent depuis sa déclaration en 2015 et un état d’exception décrété par le président de la République le 25 juillet 2021. La mise en œuvre prolongée de dispositions exceptionnelles, qui doivent d’après les normes internationales être limitées dans le temps, appelle à la mise en place de mécanismes de redevabilité ainsi qu’à une veille et un dialogue ouvert avec l’ensemble des parties prenantes dont la société civile autour de l’impact de ces mesures sur l’espace civique.

La Tunisie s’est dotée d’instances indépendantes qui jouent un rôle crucial de veille, de sensibilisation et de promotion des droits et libertés de l’espace civique tels que l’accès à l’information, la protection des données personnelles ou la liberté de communication audiovisuelle. Cependant, le retard dans la mise en place de la Cour Constitutionnelle et de l’Instance des Droits de l’Homme crée un vide limitant les mécanismes de protection de l’État de droit et promotion des droits et libertés en Tunisie. La mise en place de ces institutions ainsi que le renforcement du positionnement et des moyens humains et budgétaires des instances existantes devraient constituer une priorité pour le gouvernement.

La Révolution a permis l’avènement d’une véritable liberté d’expression et d’un nombre important de nouveaux acteurs dans le champ médiatique. Cependant, des cas d’atteintes à l’égard des journalistes et des médias, à travers des violences verbales voire physiques, appellent à la mise en place de mesures de protection et de redevabilité, telles que des enquêtes judiciaires et administratives transparentes et une sensibilisation sur le rôle la presse en démocratie. Le secteur des médias est par ailleurs confronté à certains défis, communs à de nombreux pays, relatifs à son modèle économique et à l’accélération de la désinformation et de la mésinformation.

Ces défis complexes et mondialisés appellent à une coopération renforcée entre le gouvernement et l’ensemble des parties prenantes (journalistes, représentants des médias, instances indépendantes, citoyens…) pour trouver un juste équilibre entre la lutte contre ces menaces à l’écosystème de l’information et la préservation de la liberté d’expression sur internet, de la presse et de l’accès à l’information.

La Tunisie a mis en place un cadre favorable à la société civile à travers l’adoption du décret-loi n° 2011-88, qui a permis à la société civile de jouer un rôle déterminant dans le processus de la transition démocratique.

Le contexte de la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent a eu un impact certain sur l’environnement opérationnel des organisations de la société civile en Tunisie. Si le décret-loi n° 2011-88 met en place des règles visant à assurer la redevabilité et la transparence financières des associations, leur mise en œuvre partielle, en partie due aux moyens et capacités limités des organes publics chargés du suivi, a conduit à l’adoption de lois supplémentaires posant des obligations additionnelles et parfois redondantes aux associations. Une réforme et une rationalisation du cadre institutionnel d’appui et de suivi des associations couplée à la préservation du décret-loi n° 2011-88 faciliterait la mise en œuvre du cadre légal favorable établi.

Le défi de la pérennisation du financement de la société civile tunisienne appelle le gouvernement à faciliter ce financement à travers davantage de financements publics octroyés via des processus transparents ou par un appui à la recherche de modes alternatifs et autonomes de financement.

La Constitution tunisienne de 2014 instaure le principe de la démocratie participative. Depuis, des textes ont introduit certaines formes de participation dans l’ordre juridique, telles que la consultation, et une multitude d’outils et d’initiatives d’engagement citoyen ont été lancés, au niveau national comme local. En parallèle, une « culture » de la coopération avec la société civile s’installe progressivement.

Néanmoins, plusieurs leviers existent pour ancrer davantage la participation au cœur du cycle des politiques publiques. Le gouvernement pourrait adopter un texte légal ou réglementaire institutionnalisant et rendant obligatoire les processus de consultation, simplifier et clarifier le cadre institutionnel, élaborer des guides sur les mécanismes existants et sensibiliser autour des portails de participation.

La Tunisie dispose d’une loi relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et est le premier pays de la région MENA à avoir adopté en 2018 une loi pour lutter contre les discriminations raciales. Malgré des avancées législatives majeures, la mise en œuvre de ces dispositions demeure inégale et appelle à un renforcement des efforts pour opérationnaliser le cadre institutionnel, renforcer les volets préventifs et éducatifs et étoffer le cadre légal afin d’y inclure toutes les formes de discrimination, sur base ethnique, religieuse, de genre ou d’orientation sexuelle. L’opérationnalisation des voies de recours pour les victimes peut également passer par un renforcement de la formation et la sensibilisation des magistrats et des forces de sécurité.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2023

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : https://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.