5. Analyse des données de la classe : Du gros plan sur l’élève à une vue générale de la classe

Pierre Dillenbourg
École polytechnique fédérale de Lausanne
Suisse

L’analyse de l’apprentissage vise à modeler le processus d’apprentissage, c’est-à-dire à définir comment les apprenants développent leurs compétences et talents en effectuant certaines activités. Grâce à ces modèles, et à condition que les activités soient exécutées sur ordinateur, le logiciel peut adapter les activités suivantes aux besoins de l’apprenant. Que se passerait-il si 30 apprenants utilisaient indépendamment ce logiciel d’éducation dans la même classe ? De nombreuses activités importantes se produiraient alors en classe à l’insu du logiciel, des activités que, pour la plupart, l’analyse des données ne pourrait pas prendre en compte, comme les interventions de l’enseignant et les discussions entre pairs, etc. Les élèves s’impliquent-ils davantage dans le système lorsque l’enseignant est à proximité que lorsqu’il est éloigné ? Et si les activités individuelles sur les ordinateurs ne constituaient qu’une partie du cours, en plus du travail d’équipe et des cours magistraux ? L’analyse des données ignorerait ces activités, invisibles pour le logiciel, alors même qu’elles sont importantes en termes de résultats d’apprentissage des apprenants.

Ce chapitre approfondit la portée de l’analyse des données de l’apprentissage, en partant de la modélisation des interactions des apprenants avec les dispositifs numériques pour finir par la saisie de ce qui se passe dans cet écosystème singulier qu’on appelle la classe. L’analyse des données de la classe est multimodale, c’est-à-dire qu’elle recueille des données pertinentes grâce à une variété de capteurs afin d’analyser les modes de conversations, les niveaux d’attention, les postures corporelles, etc. Certains de ces capteurs sont des caméras, ce qui d’emblée soulève des questions d’éthique. L’équilibre entre ces risques et les avantages potentiels de l’analyse des données de la classe est une préoccupation majeure.

Les avantages de l’analyse de la classe sont idéalement de deux ordres. En premier lieu, l’analyse de la classe est conçue pour améliorer la gestion de la classe, par exemple, en affichant un tableau de bord qui permet à l’enseignant de repérer les apprenants expérimentant des difficultés ou qui les aide à déterminer le bon moment pour passer à l’activité suivante. En second lieu, l’amélioration de la gestion de la classe devrait conduire à de meilleurs résultats pour les apprenants, comme l’ont démontré Do-Lenh et al. (2012[1]) ainsi que Holstein, McLaren et Aleven (2018[2]). Autre avantage attendu de l’analyse des données de la classe est celui qui permet d’étendre l’analyse de l’apprentissage à une vaste gamme d’activités d’apprentissage, comme les cours magistraux, le travail en équipe, les activités pratiques ou des discussions en classe, et même certaines activités en dehors de la classe, telles que des sorties éducatives. Le terme « orchestration de la classe » reflète parfaitement ce que recouvre la gestion d’une organisation pédagogique aussi riche, c’est-à-dire qui regroupe des activités individuelles, en groupe et en classe entière, certaines à l’aide des technologies numériques, d’autres non. L’analyse des données de la classe ne mène pas à une prise de décisions à la place des enseignants. Au contraire, elle fournit aux enseignants des informations qu’ils devront interpréter, puisqu’ils connaissent le contexte en général : par exemple, le système peut indiquer qu’un apprenant est en difficulté, alors qu’en fait il est peut-être malade ou en train d’aider un autre élève ou qu’il a des problèmes de connexion. Il devrait toujours y avoir un enseignant présent dans la classe ; l’analyse des données de la classe renforce sa capacité à enseigner de manière efficace.

Ce chapitre examine comment l’analyse de l’apprentissage peut transformer le paysage de l’éducation au cours de la prochaine décennie. Nous prenons pour hypothèse qu’une classe de 2030 ressemblera visuellement à une classe de 2020, tout comme celle-ci est similaire à une classe de 1920. Si un conducteur de voiture de 1920 ressuscitait en 2020, il aurait du mal à conduire une voiture. Il ne discernerait pas non plus qu’une plaque à induction est une cuisinière, ou qu’un Smartphone est un téléphone, mais il saurait qu’il entre dans une « classe ». Le système éducatif évolue lentement. Les enseignants d’aujourd’hui vivent dans la « classe du futur » des enseignants qui vivaient dans les années 1980. En conséquence, l’analyse de l’évolution de l’enseignement numérique au cours des 40 dernières années permet d’établir des projections linéaires pour les 10-20 années à venir. Prédire qu’il y aura encore de vraies salles de classe pourrait paraître conservateur. Certains vont même jusqu’à affirmer que la salle de classe disparaîtra. Ils négligent une réalité désagréable : les établissements scolaires remplissent également une fonction de garderie, c’est-à-dire qu’ils gardent les enfants occupés pendant que les parents travaillent. Ce chapitre postule que les responsables politiques auront encore à faire des choix quant à la salle de classe traditionnelle en 2030. Certaines initiatives de type la « classe du futur » la voient comme un espace peu chaleureux meublé d’écrans et d’ordinateurs individuels. Ce chapitre présente une vision différente dans laquelle les salles de classe demeurent des lieux de vie sociale riches et où les dispositifs numériques restent discrets.

Entrer dans une salle de classe de demain, cela pourrait être comme monter dans une voiture aujourd’hui. Dans les deux cas, on entre dans un espace physique avec des portes, des sièges, des fenêtres et d’autres personnes, entre autres, équipé également de nombreux capteurs, d’ordinateurs et d’actionneurs. S’asseoir dans une voiture s’assimile à se retrouver dans un système numérique. Cela peut sembler effrayant, mais un système numérique qui déclenche une alarme lorsque le conducteur somnole revêt des avantages qui dépassent les préoccupations éthiques liées à la vidéosurveillance du conducteur. Les systèmes de classe font face au même compromis éthique.

Un système numérique saisit (entrée), traite et communique (sortie) des informations sous forme numérique. Si tout peut être considéré comme étant un système, pourquoi parler d’une classe comme d’un système (numérique) ? Cela accentue la différence entre le point de vue traditionnel selon lequel la salle de classe est un espace physique dans lequel on introduit des systèmes numériques et le point de vue selon lequel la salle de classe devient un système numérique.

Comme pour tout système, la classe est constituée de plusieurs sous-systèmes et ainsi de suite. Cet ensemble de sous-systèmes est un système si ces sous-systèmes remplissent collectivement une fonction qu’aucun d’entre eux ne peut accomplir seul. Une salle de classe pourrait comprendre plusieurs outils numériques (p. ex., un logiciel de mathématiques, un tableur, des robots éducatifs, une plateforme de travail en équipe, etc.) qui remplissent chacun une fonction bien précise. Les personnes dans la pièce, l’enseignant et les apprenants, ainsi que le matériel produit en classe (p. ex., une affiche présentant le tableau périodique), exécutent d’autres fonctions cognitives. Le « système de la salle de classe » remplit une bien plus haute fonction que ces sous-systèmes et l’une d’entre elles est l’orchestration de la salle de classe.

Dans des systèmes d’enseignement personnalisé, les données d’entrée correspondent au comportement des apprenants, la fonction adapte l’enseignement à chaque apprenant et les données de sortie correspondent à l’action suivante du système, par exemple, la rétroaction donnée ou l’activité suivante qui est proposée. Dans l’approche de la classe comme système, les données d’entrée correspondent aux analyses des données collectées dans la classe, la sortie des données aux informations fournies à l’enseignant ou aux apprenants, par exemple, les tableaux de bord, et la fonction correspond à l’orchestration de la classe. Holstein, McLaren et Aleven (2017[3]) ont observé le comportement des enseignants pendant que leurs élèves travaillaient avec un système de tutorat intelligent et ont constaté que les enseignants passaient en moyenne 47 % de leur temps à ne rien faire ou étaient en dehors de la classe. Ils se sentaient tout simplement « hors du coup ». Dans l’analyse de l’apprentissage, il s’agit de garder au minimum une personne impliquée. Il est question de co-orchestration de la salle de classe par l’enseignant et les composants numériques du système (Santos, 2012[4]).

Si l’on regarde l’évolution des technologies d’apprentissage au cours des 40 dernières années, 4 tendances ont mené à l’émergence du concept de la « salle de classe comme un système ».

La première tendance est l’intégration grandissante des approches pédagogiques qui ont, pendant des années, été considérées comme mutuellement exclusives. De nombreux outils pédagogiques utilisés dans les établissements s’inspirent de l’idée de « l’apprentissage par la maîtrise » (Bloom, 1968[5]) : décomposer des compétences complexes en compétences simples en fournissant un retour rapide et en travaillant progressivement sur des compétences plus complexes. Les « micromondes » sont une autre famille d’outils (Papert, 1987[6]), des sortes de bacs à sable numériques où les apprenants acquièrent des compétences en résolution de problèmes en faisant des essais et des erreurs, et reflètent les théories constructivistes. La même théorie a inspiré les outils d’apprentissage fondés sur l’exploration, en l’occurrence par l’expérimentation réelle ou simulée. Les cours en ligne (MOOCS) et autres environnements où les apprenants suivent principalement des cours ou lisent des textes se sont inspirés de l’enseignement classique. Ces théories d’apprentissage s’intéressent à l’apprentissage individuel et s’appuient sur la capacité d’adapter l’enseignement à différents apprenants. À l’inverse, des études empiriques ont démontré les avantages de l’apprentissage collaboratif, qui a donné naissance à des environnements conçus pour l’apprentissage en équipe (Dillenbourg, Järvelä et Fischer, 2009[7]) et s’appuient sur les théories de la cognition sociale (Vygotsky, 1964[8]). Ces oppositions ont tendance à s’estomper. Le système cognitif humain est un logiciel social qui fonctionne à l’aide d’un matériel individuel, le cerveau. Pour quelle raison un enseignant devrait-il miser sur une approche éducative numérique unique alors qu’il peut mettre en œuvre plusieurs approches au moment opportun et là où elles s’avèrent pertinentes ?

La deuxième tendance est qu’il y a une compatibilité croissante entre les technologies éducatives utilisées aujourd’hui. Pendant des années, on ne pouvait pas, par exemple, techniquement avoir en même temps un logiciel d’exercices de maths et un lecteur vidéo. Les technologies du Web ont facilité l’interopérabilité de presque tous les composants numériques. Cette possibilité d’intégration de différents outils rejoint la première tendance qui s’intéresse à l’intégration des différentes approches pédagogiques. Cette évolution ne mène pas à un meilleur système de gestion de l’apprentissage qui offrirait toutes les fonctions nécessaires aux activités d’apprentissage, mais plutôt au développement d’écosystèmes d’outils numériques, chacun ayant des fonctions bien précises. À l’heure actuelle, l’interopérabilité des environnements d’apprentissage est encore loin d’être suffisante. Des normes de métadonnées (Duval, 2001[9]) ont été développées pour faciliter l’échange de contenus numériques (telles que Sharable Content Object Reference Model [SCORM] ou Instructional Management System Learning Design [IMS LD]) et d’autres, comme Learning Tools Interoperability (LTI), pour renforcer l’interopérabilité, c’est-à-dire pour échanger les données sur les apprenants (Severance, Hanss et Hardin, 2010[10]). Aujourd’hui, les traces numériques que laissent les apprenants lorsqu’ils utilisent un outil sont collectées et agrégées dans des modèles spécifiques à chaque outil utilisé. Mais si les élèves travaillent avec plusieurs outils numériques, aucun de ces outils ne permettrait d’obtenir un modèle exhaustif de l’élève. De récents projets (Mangaroska, Vesin et Giannakos, 2019[11]) regroupent les données des applications afin d’émettre un résumé synthétique des parcours d’apprentissage des apprenants. À cet égard, l’interface xAPI, norme de partage de contenus entre applications (Bakharia et al., 2016[12]), semble remporter un succès grandissant. La production d’analyses multiplateformes décuple évidemment les risques en matière de protection des données.

La troisième tendance porte sur l’évolution du matériel. Pendant des années, on a utilisé des salles spéciales équipées d’ordinateurs, de soi-disant « laboratoires informatiques », encombrées de rangées de boîtes et d’écrans verticaux qui cachaient pratiquement les élèves aux yeux des enseignants. Puis, les portables ont fait leur entrée dans les véritables salles de classe, suivis des tablettes et des Smartphones, apportant les technologies dans des environnements informels, sur le canapé de la maison, par exemple, ou dans la forêt au cours d’une promenade. Aujourd’hui, la diversité des appareils pouvant être exploités dans le monde de l’éducation a explosé avec l’intégration de capteurs et d’actionneurs dans des chaussures, des tasses, des vêtements, etc. – en fait n’importe quel objet (l’ « Internet des objets »). Bien que plus présents, les appareils sont moins visibles ; ils ne disparaissent pas vraiment, mais sont davantage à l’arrière-plan. La frontière entre ce qui est numérique et ce qui ne l’est pas est progressivement devenue floue, comme l’illustrent les exemples dans le Graphique 5.1. Les apprenants, suivis par des capteurs, peuvent manipuler physiquement des objets, le tout combiné à la réalité augmentée. Les technologies physiques-numériques décuplent les compétences que les apprenants peuvent mettre en pratique et qui peuvent être évaluées numériquement, ce qui s’avère particulièrement pertinent dans l’enseignement des comportements professionnels que dispensent les programmes de formation des enseignants.

Toutefois, même si les appareils numériques envahissent les futures salles de classe, ils ne les feront pas ressembler à des salles de contrôle de la NASA, remplies d’écrans et d’appareils. La classe du futur pourrait en fait ressembler davantage à une salle quasiment dépourvue de technologie. Pourquoi pas une salle avec des meubles en bois et une jolie vue sur les jardins ? Plus les outils numériques sont périphériques, moins ils sont gênants pour les interactions sociales (dialogues, contacts visuels, etc.) et l’orchestration de la classe.

La quatrième tendance consiste à accorder davantage d’attention à l’activité d’apprentissage qu’aux technologies d’apprentissage. Prenons l’exemple des robots éducatifs employés pour apprendre le codage. Certains robots peuvent s’avérer plus pertinents que d’autres, mais le degré d’apprentissage des enfants dépend moins des caractéristiques du robot que de l’activité qu’ils accomplissent à l’aide du robot. Il en est de même pour les MOOCS, la réalité augmentée ou les outils virtuels, et pour toutes les technologies. La capacité à orchestrer des activités complexes en classe constitue le principal marqueur de réussite. L’orchestration de la classe correspond à la gestion en temps réel de multiples activités en fonction de multiples contraintes (Dillenbourg, 2013[14]). Par multiplicité des activités, on entend l’intégration d’activités individuelles, d’équipe et de classe dans divers environnements ainsi que sans aucun outil numérique. La multiplicité des contraintes souligne plutôt les nombreux aspects pratiques qui influencent la prise de décision des enseignants : la gestion du temps d’enseignement, la prise en charge des apprenants qui ont raté le cours précédent ou qui sont arrivés en retard, la prise en compte de l’espace physique – par exemple, le passage du travail en équipe au cours magistral, le maintien d’un niveau raisonnable de discipline, la diminution de la charge de travail de l’enseignant, etc. Ces contraintes, quelque peu ignorées dans la recherche scientifique, peuvent, néanmoins et probablement, expliquer certaines difficultés auxquelles se heurte l’implantation des technologies d’apprentissage.

Les traces d’interaction entre l’apprenant et le logiciel ne fournissent qu’un compte rendu partiel (et limité) de ce qui se passe dans une classe, c’est pourquoi il est nécessaire de voir plus loin que la saisie avec un clavier et la souris. Même lorsque les apprenants sont censés interagir exclusivement avec un appareil personnel, ils effectuent souvent des activités « hors logiciel », dont certaines sont liées à l’activité (p. ex., demander de l’aide à l’enseignant), tandis que d’autres sont « hors sujet » (p. ex., discuter en ligne, naviguer sur le Web, rêvasser, etc.). Certains élèves demanderont de l’aide à l’enseignant et, inversement, ce dernier peut intervenir pour donner un coup de pouce à un apprenant inactif.

Nous proposons l’expression « analyse des données de la classe » pour souligner que toute action dans la classe peut être saisie et analysée pour modeler le processus d’apprentissage et pédagogique. Holstein et al. (2017[3]) ont utilisé un outil de restitution de la salle de classe pour tenir compte des interactions « hors logiciels » et de l’analyse des données issue des « interactions avec le logiciel ». On peut, en effet, collecter les données de toute activité en classe, y compris celles qui font appel à des accessoires technologiques. Ainsi, les « clickers » ou les « systèmes de réponse personnels » visent à renforcer la participation durant les cours magistraux ainsi qu’à collecter des données : 1) l’enseignant interrompt son cours et pose une question à choix multiple ; 2) les apprenants sélectionnent individuellement une réponse sur un dispositif personnel ; 3) leurs réponses sont recueillies et visualisées sur les diapositives de l’enseignant (sortie), permettant à celui-ci de faire des retours et de commenter les erreurs fréquentes. Ce scénario ouvre de nombreuses possibilités qui permettent des questions ouvertes, des questions graphiques, des mécanismes de vote, etc. Dans des situations d’enseignement par les pairs, entre les phases de réponse individuelle (2) et les commentaires de l’enseignant (3), on demande aux élèves de comparer leur réponse avec celle de leur voisin et d’expliquer leur choix. Fagen, Crouch et Mazur (2002[15]) ont solidement démontré que ce type de fonctionnement en classe améliore réellement les notes des étudiants aux examens universitaires de physique. L’Encadré 5.1 décrit un autre exemple piloté au Chili.

L’analyse multimodale (Ochoa et Worsley, 2016[17]) multiplie les possibilités de collecte des données de comportements dans le cadre de l’analyse de la classe. Dans une classe équipée de capteurs, tout regard, geste, pause corporelle, niveau de stress, etc. peut être saisi comme une entrée informatique. Sachant que le Smartphone de chaque élève est déjà équipé de 15 à 20 capteurs, chaque classe est potentiellement équipée de centaines de capteurs. Ahuja et al. (2019[18]) ont placé des microphones et des caméras dans des salles de classe afin de détecter les élèves qui levaient la main, la posture et le comportement vocal qu’ils adoptaient et ont établi une corrélation entre ces caractéristiques et l’efficacité du cours. Des universitaires comme Yanga et al. (2018[19]) ont mis sur pied des algorithmes pour identifier les émotions à partir d’images faciales. Les données d’entrée ne sont pas uniquement constituées de comportements (p. ex., des réponses posant une question), mais de ce qu’on pourrait appeler des « résidus de comportement », c’est-à-dire des fragments de comportement comme la rotation de la tête (Graphique 5.3), un soupir ou un regard fixe. On peut à peine interpréter ces fragments si on les prend séparément ; mais regroupés dans le temps ou recoupés avec ceux des autres apprenants, ils finissent par devenir significatifs. Par exemple, l’approche adoptée par Raca, Kidzinski et Dillenbourg (2015[20]) ne consistait pas à estimer le niveau individuel d’attention puis à en faire la moyenne pour tous les élèves. Ils ont plutôt mis au point une mesure qui ne pouvait être calculée que pour une classe : les apprenants qui écoutent le cours ont tendance à tourner la tête en même temps, simplement parce qu’ils sont attentifs à un objet en mouvement, l’enseignant.

La modélisation d’une salle de classe entière est plus complexe que la modélisation des interactions au sein d’un environnement numérique dans lequel les bonnes et mauvaises réponses sont souvent définies d’avance. Certaines variantes du traçage bayésien des connaissances intègrent dans le modèle les interventions pédagogiques déclenchées par le système (Lin et Chi, 2016[21]) ; on pourrait également y ajouter les interventions de l’enseignant. Plus un environnement d’apprentissage est complexe et ouvert, moins les prédictions peuvent être précises. Cette moindre précision n’est, toutefois, pas un problème dans une situation de classe puisque la méthode informatique ne vise pas à prendre des décisions autonomes, mais à informer un enseignant qui prendra ensuite les décisions. Ce type de système, qui conjugue à la fois intelligence artificielle et humaine, permet de garder la personne humaine impliquée. L’analyse des données de la classe cherche à faire participer l’enseignant.

Transformer la classe en un dispositif d’entrée de données fait aussitôt s’agiter le drapeau rouge de l’éthique. Dans certains projets, les apprenants ou les enseignants sont équipés de capteurs (électroencéphalographe, capteur de conductivité de la peau, accéléromètres, fréquence cardiaque, oculométrie, etc.). Mettre des caméras dans une salle de classe est moins intrusif, mais ne respecte pas les principes de protection des données. Pour être conforme, le système pourrait ne pas stocker les images, mais les supprimer aussitôt les caractéristiques pertinentes extraites. En dépit de cette possibilité, nous estimons que le risque de mise sous surveillance des établissements demeure élevé et inacceptable dans de nombreuses cultures. Comme dans beaucoup de débats sur la protection des données, le risque doit être comparé aux avantages, à savoir la valeur du résultat. Selon Raca, Kidzinski et Dillenbourg (2015[20]), avertir un enseignant que l’attention d’un élève vient de chuter peut s’avérer utile aux enseignants débutants ou à ceux qui ont du mal à garder l’intérêt des élèves en classe. Toutefois, on n’en voit pas toujours les avantages. De nombreux universitaires comme Yanga et al. (2018[19]) ont mis au point des algorithmes pour déduire les émotions à partir d’images faciales. Quel est le rôle du système en cas de détection de la frustration d’un élève ? Quand les sentiments négatifs d’un élève sont intenses, sa motivation peut baisser, mais lorsque le niveau de confusion est modéré, il peut y puiser la motivation à fournir davantage d’efforts (D’Mello et al., 2014[22]). L’entrée de données de la classe devrait se limiter à ce qui peut réellement apporter une plus-value claire à l’apprentissage et à l’enseignement, et se fonder sur des théories qui ont été suffisamment démontrées empiriquement ou à des théories d’action très plausibles.

Dans les systèmes de personnalisation adaptée, le résultat de l’analyse de l’apprentissage est, en général, une décision d’adapter l’enseignement aux besoins de l’apprenant. Dans l’analyse de la classe, le résultat est une information donnée aux humains impliqués – enseignants et apprenants – qui peuvent alors prendre une décision. Cette information prend souvent la forme d’un tableau de bord, c’est-à-dire une visualisation de l’état des apprenants ou des progrès de la classe, projetée sur les murs de la salle ou présentée sur écran.

La configuration de ces tableaux de bord comporte un défi d’utilisabilité : fournir des informations aux enseignants sans augmenter leur charge cognitive. La plupart des tableaux de bord élaborés jusqu’à maintenant submergent littéralement les enseignants par un surplus de détails. Une façon d’y remédier consisterait à mettre au point des interfaces capables de zoomer, c’est-à-dire qui donnent une vue d’ensemble, avec un minimum d’information par apprenant, mais qui permettent à l’enseignant d’obtenir des informations détaillées sur chaque apprenant. Le tableau de bord ne devrait pas entraîner une baisse de l’attention visuelle que les enseignants accordent à la classe. De nombreuses solutions présentent des avantages et des inconvénients : l’affichage du tableau de bord sur l’écran de la classe permet aux enseignants d’avoir un accès permanent à ces informations (voir le Graphique 5.4), mais les informations – y compris les difficultés personnelles – sont également visibles par toute la classe ; l’affichage du tableau de bord sur le bureau de l’enseignant protège la vie privée, mais l’oblige à retourner à son bureau ; l’affichage du tableau de bord sur une tablette permet un accès permanent et confidentiel, mais peut devenir encombrant ; l’affichage du tableau sur un dispositif de visualisation tête haute (p. ex., des lunettes) (Holstein et al., 2018[23]) fournit les deux informations tout en maintenant le contact visuel avec les apprenants et en gardant les mains libres, mais il n’est pas très naturel. D’autres dimensions conceptuelles concernent la nature des données affichées (p. ex., le contenu des réponses par rapport au score), le niveau social (p. ex., individu, équipes, classe), etc. Un choix de conception qui a particulièrement son importance dans l’orchestration de la classe est la configuration spatiale des informations (la position de Jean sur le tableau correspond-elle à son emplacement physique dans la classe ?).

Les tableaux de bord peuvent être centralisés (sur un écran), répartis (sur divers écrans de la salle) ou « ambiants » (fournissant une information minimale aux enseignants par le biais d’indices répartis ou centralisés). C’est un autre choix de configuration qui revêt son importance. Les tableaux de bord sont en général centralisés, mais les tableaux répartis ont aussi leurs avantages dans l’orchestration de l’enseignement et de l’apprentissage. Le Graphique 5.4 montre une série de dispositifs en forme de lanternes (Lantern) disséminés dans la classe : ils constituent un tableau de bord réparti. Alavi et Dillenbourg (2012[24]) l’ont comparé avec un tableau centralisé également visible à tous, qui affiche exactement la même information, et ils ont constaté que celui qui est centralisé avait tendance à déclencher la compétition entre les élèves de sexe masculin alors que le tableau réparti déclenchait des interactions entre les équipes voisines.

Comme l’attention visuelle de l’enseignant est saturée par les éléments qu’il doit suivre, on pourrait exploiter la vision périphérique et fournir aux enseignants un tableau « ambiant ». Par exemple, Tomitsch, Grechenig et Mayrhofer (2007[25]) affichaient l’information sur le plafond. On n’attend pas, bien sûr, de l’enseignant qu’il regarde au plafond, mais si la couleur du plafond soudainement s’assombrit, il le remarquera. Gellersen, Schmidt et Beigl (1999[26]) ont transmis de l’information en modifiant l’intensité des diverses lampes ou en contrôlant le débit d’une fontaine d’intérieur. La vision périphérique ne transmet pas d’information précise, telle qu’une valeur numérique, mais une impression générale. L’expression « informatique ambiante » désigne les technologies qui ne requièrent pas toute l’attention, mais changent des éléments contextuels ou d’arrière-plan. Aujourd’hui, les intervenants dans le domaine de l’éducation ne connaissent pas l’informatique ambiante, mais celle-ci a le grand potentiel de transformer la classe entière en un écran géant. L’affichage de cette forme d’« informatique modeste » (Dillenbourg et al., 2011[27]) n’est pas configuré pour offrir des informations précises : si le score moyen des apprenants dans la classe est de 75 %, il peut être communiqué en réglant la couleur du mur du fond de la classe (auquel les enseignants font souvent face) avec une nuance de bleu qui n’est pas aussi précise que l’affichage du chiffre 75, mais est visible en permanence par l’enseignant. Avec le dispositif de la lanterne (Graphique 5.4, tableau de gauche), l’enseignant peut voir, par exemple, quelle équipe a attendu plus qu’une autre, sans savoir exactement combien de temps elle a attendu. De même, sur la table-écran (Graphique 5.4, panneau de droite), la couleur de la zone de table devant chaque apprenant permet d’évaluer approximativement la quantité de paroles qu’il prononce, mais n’en donne pas un compte exact. Il se peut qu’un participant prenne la parole un certain temps simplement parce qu’une introduction générale ou une longue explication est nécessaire. Il se peut également que des participants jouent le jeu en parlant délibérément et inutilement trop. Dans les deux cas, les participants sont conscients de la conversation qui a eu lieu, ils savent à quoi correspond l’affichage du tableau. Comme évoqué plus tôt, ce sont ces éléments qui nécessitent la présence humaine : sachant que le contexte permet aux humains d’interpréter les rétroactions (alors que l’informatique pourrait mal les interpréter).

Les exemples précédents reposent sur la perception visuelle, mais Moher et al. (2010[29]), ont également utilisé le son dans le cas d’une simulation sismologique en classe. La classe a simulé 21 tremblements de terre, sur une période de 6 semaines. Un caisson de basse produisait un grondement à basse fréquence et des affichages situés dans différentes parties de la salle reproduisaient des sismographes, en montrant un enregistrement graphique en temps réel des vibrations du sol. Puis, durant les cours sur les tremblements de terre, les élèves analysaient les courbes du sismographe afin de localiser l’épicentre du séisme dans la classe et d’en indiquer l’emplacement en suspendant au plafond une boule en polystyrène dont la couleur indiquait la magnitude du séisme. Alors que d’habitude les simulations scientifiques en classe sont faites sur ordinateurs, cette simulation était intégrée dans l’espace physique, c’est-à-dire que la salle de classe était le résultat informatique.

Un système numérique traite les données entre leur entrée et leur sortie : le regroupement des données dans le temps ou recoupement entre apprenants en est un exemple typique. Ces processus mettent en œuvre les fonctions attendues du système. La fonction primordiale de l’analyse des données de la classe, l’orchestration de la classe, se fait par la mise en œuvre de fonctions bien précises. Sept d’entre elles permettent de comprendre les possibilités actuelles qu’ouvre l’analyse des données de la classe : le suivi et l’intervention, la diffusion des données, la formation d’équipes, les bilans (debriefing), les transitions temporelles, l’autorégulation des enseignants et l’orchestration dans son ensemble.

La principale fonction des tableaux de bord est de suivre la progression des apprenants afin de détecter l’apprenant inactif ou qui a des difficultés, les équipes qui ne coopèrent pas bien, l’élève qui pourrait en aider un autre, etc. Dans quelle mesure cette information est-elle utile à l’enseignant, alors qu’en un seul coup œil il peut voir ce que font les élèves de la classe ? Les réponses à cette question sont multiples : lorsque le nombre d’élèves est élevé ; quand les activités des apprenants ne sont pas facilement visibles par l’enseignant (p. ex., travail sur un ordinateur portable) ; quand l’activité de l’élève ne peut s’évaluer d’un simple coup œil (p. ex., si l’élève écrit un code complexe) ; quand l’observation directe est ingérable (p. ex., suivre 15 équipes de 2 élèves) ; quand ce qui importe n’est pas la situation présente, mais ce que l’apprenant a fait depuis le début du cours, etc. En bref, la fonctionnalité clé d’un système est de rendre visible ce qui est invisible, par exemple, savoir combien de temps un apprenant est resté silencieux, connaître l’ascendant d’un élève sur ses coéquipiers dans un groupe de discussion, etc.

Le Graphique 5.5 illustre ce principe. Quatre équipes utilisent les outils tangibles de simulation logistique présentés dans le Graphique 5.1. Les quatre rangées du haut montrent l’historique de l’implantation de l’entrepôt imaginée par chaque équipe, ce qui permet à l’enseignant de suivre leur stratégie. Les expériences menées par Do-Lenh et al. (2012[1]) ont montré que les binômes qui ont modifié l’implantation de l’entrepôt sans trop réfléchir et qui ont fréquemment exécuté la simulation n’ont pas appris grand-chose. C’est pourquoi le tableau de bord affiche une barre de couleur sous l’historique qui enregistre la fréquence des manipulations de l’entrepôt, du jaune au rouge (trop de manipulations). Les étudiants qui manipulent les étagères de plastique sur la table sont visibles, mais les fluctuations de la fréquence de ces manipulations par les quatre équipes ne sont pas visibles.

Pour cette fonction, les traitements de données mis en œuvre sont l’agrégation et l’évaluation. L’agrégation consiste à cumuler les réponses ou les comportements dans le temps et dans les équipes afin de fournir aux enseignants des visuels (lignes de temps, histogrammes, etc.) qui restituent l’effet du « coup œil ». Des processus simples d’évaluation comparent les données agrégées à certains seuils (p. ex., plus de 5 minutes d’inactivité ; moins de 30 % de bonnes réponses) ou utilisent un code couleur allant du moins au plus souhaitable comme dans le Graphique 5.5. La synthèse de code (p. ex., la mise en évidence des lignes incorrectes dans le code écrit par les étudiants) et le traitement de texte (p. ex., la recherche de similitudes entre les textes) sont des exemples de méthodes d’évaluation plus sophistiquées. L’objectif n’est pas d’intervenir à la place de l’enseignant, mais de déclencher une alerte à l’intention de l’enseignant, une invitation à prêter attention à quelqu’un ou quelque chose. Ainsi, dans le Graphique 5.5, dès que la barre de couleur comporte plusieurs sections rouges, l’enseignant peut interrompre la simulation et demander aux équipes de prédire les résultats de la prochaine simulation avant de la reprendre. Cela demande aux étudiants de fournir un effort de réflexion. Comme nous l’avons observé précédemment, les acquis des équipes qui ont lésiné sur les phases de réflexion sont plus faibles.

Une hypothèse plausible est que les tableaux de bord permettraient d’atteindre de meilleurs résultats d’apprentissage, en aidant les enseignants dans le suivi et l’intervention relatifs aux tâches et processus d’apprentissage qu’ils pourraient autrement ne pas voir. Pour l’instant, peu d’éléments permettent de confirmer cette hypothèse. Dans l’exemple précédent, Do-Lenh et al. (2012[1]) ont montré que l’utilisation du tableau de bord a effectivement permis d’atteindre des gains d’apprentissage plus élevés, mais comme il était conjugué à d’autres outils d’orchestration, ces résultats ne sont peut-être pas uniquement dus au seul tableau de bord. La recherche dans ce domaine est encore très récente. Schwendimann et al. (2017[30]) ont analysé 55 publications à ce sujet ; seules 15 d’entre elles comportaient une évaluation dans des environnements réels, la majorité s’appuyant sur des questionnaires à l’intention des enseignants ou des élèves. Seules quatre de ces études ont réellement mesuré les effets sur l’apprentissage. Une expérience auprès de 286 élèves de l’enseignement secondaire a donné des résultats très probants : Holstein, Mc Laren et Aleven (2018[2]) ont démontré que des tableaux de bord intégrés à des dispositifs de visualisation tête haute permettaient, en fait, une meilleure orchestration qui, à son tour, permettait d’obtenir de meilleurs résultats d’apprentissage chez les élèves se servant d’un système de tutorat intelligent en mathématiques. Il est intéressant d’examiner de plus près la relation entre l’existence d’un tableau de bord et l’augmentation des résultats d’apprentissage. Holstein, Mc Laren et Aleven (2019[31]) ont observé (Graphique 5.6) que l’utilisation des tableaux de bord a conduit les enseignants à modifier la répartition de leur temps et à accorder une plus grande attention aux élèves plus faibles, alors qu’ils faisaient l’inverse sans tableau de bord.

Une autre fonction d’orchestration prise en charge par les tableaux de bord et les analyses des données de la classe consiste à construire une activité avec les données issues d’une autre activité. Par exemple :

  1. 1. Au cours de la première activité, les équipes A et B inventent chacune un petit problème de maths. Dans l’activité suivante, A trouve la solution au problème de B et vice-versa. Le traitement des données consiste à faire tourner les énoncés de problèmes entre les équipes.

  2. 2. En premier lieu, les élèves sont invités à saisir le pays de naissance de leurs grands-parents. Dans l’activité suivante, l’enseignant montre une carte qui illustre le flux migratoire sur deux générations. Le traitement des données va agréger et visualiser les données individuelles.

  3. 3. Les apprenants prennent des photos de champignons au cours d’une promenade en forêt. Dans l’activité suivante, ils travaillent en équipe pour classifier l’ensemble des photos prises par la classe. Le traitement des données consiste à regrouper toutes les images, mais il pourrait également inclure l’annotation automatique des photos à l’aide de guides existants sur les champignons.

La liste d’exemples est infinie et n’est limitée que par l’imagination des enseignants. La fonction de « diffusion des données » correspond à une situation d’apprentissage au cours de laquelle une activité produit des objets (ou des données) qui sont traités par un opérateur pour enrichir une activité ultérieure. Pour les objets physiques, l’opérateur est physique : dans la première situation, les équipes A et B pouvaient simplement s’échanger une feuille de papier. Pour les objets numériques, Dillenbourg (2015[32]) a proposé une taxinomie de 26 opérateurs qui relient 2 activités d’apprentissage ou plus. Ce flux de données dans les activités, que l’on appelle le « flux de travail », favorise la mise en place de scénarios pédagogiques fouillés. Il peut également occasionner une forme de rigidité, par exemple dans le cas où une équipe décroche. Il s’agit de développer des flux de travail souples qui permettraient à l’enseignant de régler au fur et à mesure les événements qui émaillent inévitablement la vie de la classe.

Les deux sous-sections suivantes présentent deux cas bien précis de diffusion des données qui sont particulièrement pertinents pour l’orchestration en classe : la formation d’équipes et le bilan (debriefing).

Une fonction précise de l’analyse de la classe est de traiter les données produites par les élèves dans une activité afin de former des équipes dynamiques en vue d’une activité ultérieure. Un scénario pédagogique souvent testé qui étaye le conflit cognitif entre pairs illustre très bien cette fonction (Dillenbourg et Jermann, 2007[33]). Il s’inspire des théories socioconstructivistes qui prédisent que les interactions nécessaires pour surmonter un conflit cognitif améliorent l’apprentissage (Doise, Mugny et Perret-Clermont, 1975[34]). Dans la première activité, chaque étudiant répond à un questionnaire à choix multiple en ligne. Les réponses à ces questions ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais reflètent différents points de vue. Pour chaque réponse, les étudiants doivent justifier leur choix en quelques mots. Dans la deuxième activité, le système génère un tableau de bord particulier, une carte d’opinions (Graphique 5.7, panneau de gauche) : chaque réponse de la première activité est associée à une valeur x, y sur la carte. L’enseignant discute de ce tableau de bord avec les étudiants, qui émettent souvent des commentaires sur leurs positions. Le système forme des binômes d’étudiants en fonction de la distance maximum qui les sépare sur la carte ; c’est-à-dire qu’il repère les étudiants dont les réponses révèlent des opinions contraires. Dans la troisième activité, on demande aux binômes de répondre de nouveau au questionnaire en ligne de la première activité. L’environnement leur fournit les réponses et justifications fournies individuellement. Dans la quatrième activité, l’enseignant utilise un autre tableau de bord (Graphique 5.7, panneau de droite) pour l’activité de bilan (debriefing) (Le bilan (debriefing)).

L’opérateur de données en jeu pour cette fonction est l’optimisation des différences au sein même des équipes. C’est également le cas dans l’exemple de Gijlers and De Jong (2005[35]) sur l’apprentissage à partir de simulations : ils ont formé des équipes d’individus qui ont antérieurement exprimé des hypothèses contraires afin de réduire le biais naturel consistant à concevoir des expériences qui confirment leurs propres hypothèses.

Dans un autre scénario pédagogique, on pourrait exploiter un opérateur qui minimise les différences entre les membres d’une équipe, c’est-à-dire composer des équipes d’apprenants qui ont commis la même erreur dans les exercices précédents. La formation de groupe est un exemple de diffusion des données dans lequel les données introduites dans une activité ne sont pas l’objet de l’activité, mais son organisation sociale.

Le tableau de bord présenté dans le Graphique 5.5 comporte un outil (partie du bas) qui permet à l’enseignant de choisir deux implantations d’entrepôt par équipe et de les comparer en termes de capacité et de performance. Grâce à cela, l’enseignant peut faire un bilan des activités d’exploration de ses étudiants. Le bilan consiste à réfléchir sur ce qui a été fait afin d’en sortir les concepts ou les principes à retenir. En comparant les entrepôts, l’enseignant illustrera, par exemple, le compromis qui a été fait entre capacité et performance. Le tableau de bord à droite dans le Graphique 5.7 permet à l’enseignant d’inciter les élèves à expliquer pourquoi ils changent d’opinion entre les phases individuelles et collectives afin de relier plus tard leurs explications au débat scientifique.

Les activités de bilan sont une étape cruciale de l’orchestration dans les scénarios d’apprentissage constructivistes, reposant sur des activités de découverte ou de résolution de problèmes ouverts. Certains ont formulé des critiques à l’égard de ces approches, leur reprochant d’être non-productives en soi. Toutefois, Bransford et Schwartz (1998[36]) ou Kapur (2015[37]) ont montré que, si cette étape d’exploration est suivie d’un enseignement direct, le cours est en réalité plus efficace que l’inverse, c’est-à-dire si l’enseignement direct est suivi d’exercices d’application. La raison en est que, durant l’activité d’exploration, les apprenants s’écrient rarement « Eurêka ». Ils ont plus souvent une certaine intuition, des idées floues, à partir desquelles les concepts sont clarifiés ultérieurement. Ils se posent des questions qui orienteront le cours de l’enseignant. Comme Bransford et Schwartz (1998[36]) l’ont exprimé, il y a un « temps pour dire », mais cette étape d’enseignement doit se construire à partir de ce que les apprenants ont fait au cours de l’étape exploratoire. Il ne peut s’agir d’un cours normal déconnecté de leur expérience. Cette activité est très exigeante pour les enseignants, car elle suppose de l’improvisation. La fonction de « bilan » de l’analyse de la classe a pour but de faciliter cette tâche en collectant les trouvailles des apprenants, en les comparant, en les annotant, entre autres, et en facilitant leur exploitation par l’enseignant.

L’orchestration de l’apprentissage dans la classe est un processus fortement contraint dans le temps. Les enseignants vérifient en permanence le temps de classe restant par rapport aux activités pédagogiques à réaliser. En outre, l’orchestration de scénarios d’apprentissage diversifiés est difficile quand il faut assurer la transition entre des activités impliquant ce que l’on appelle différents « niveaux sociaux » : activités individuelles, activités en équipe ou en classe entière. Le compromis auquel arrive l’enseignant, en général, est le suivant : il envisage de consacrer 15 minutes à un exercice individuel pour pratiquer une compétence, qui sera nécessaire à l’accomplissement de l’activité suivante en équipes. Au bout de 15 minutes, l’enseignant se rend compte que certains élèves n’ont pas terminé leur exercice. S’il décide néanmoins de commencer l’activité suivante, il pénalise les élèves en retard et leurs coéquipiers. S’il accorde cinq minutes de plus aux élèves en retard, il devra diminuer le temps prévu pour l’activité suivante et, de plus, il sera confronté à une majorité d’élèves qui perdront leur temps et auront des interactions hors sujets. On retrouve ces mêmes contraintes quand, comme dans les exemples de la section Formation d’équipes, les réponses individuelles sont nécessaires pour pouvoir passer à la formation automatique d’équipes.

L’un des exemples de l’analyse des données de la classe qui traite de cette question est celui du « gain de prolongation de temps », c’est-à-dire le pourcentage d’élèves supplémentaires qui termineront l’activité si sa durée était prolongée d’une seule unité de temps. Sur le diagramme de progression présenté dans le Graphique 5.8, le « gain de prolongation de temps » correspond à la pente de la courbe (Faucon et al., 2020[38]). Lorsque la courbe s’aplatit, il faut passer à l’activité suivante. Ce diagramme a servi en temps réel pour orchestrer une série d’activités dans des cours en amphithéâtres. On attend des futurs tableaux de bord qu’ils fournissent davantage d’exemples d’outils de prédiction du temps similaires, ce qui aidera les enseignants à proposer des activités de courtes durées sans perdre de temps.

N’importe quel événement dans la classe peut fournir des données d’entrée pour l’analyse de la classe, c’est donc également le cas en ce qui concerne le comportement de l’enseignant. Jusqu’à maintenant, les analyses de l’apprentissage n’ont pas souvent intégré l’enseignant dans leur analyse puisqu’elles traitent des comportements dans un environnement d’apprentissage où l’enseignant a peu ou prou d’occasions d’intervenir. Au contraire, la modélisation des processus de la classe nécessite de modéliser le comportement de l’enseignant, car il joue un rôle important dans les processus d’enseignement et d’apprentissage : combien de fois l’enseignant parle-t-il, a-t-il accordé une attention verbale à tous les élèves, comment décide-t-il à qui il va poser une question, s’est-il promené dans la classe, son ton de voix varie-t-il ?

Par exemple, grâce à l’analyse des données de la classe, l’enseignant peut se rendre compte qu’il a parlé plus longtemps que prévu ou qu’il a négligé certains apprenants. Elle permet l’autorégulation en temps réel, ce que Schön (2017[39]) appelle la « réflexion dans l’action », qui est exigeante sur le plan cognitif. Il est également (ou alternativement) possible d’obtenir une analyse des données de la classe plus perfectionnée une fois le cours terminé, et favoriser ainsi la « réflexion sur l’action », qui poussera l’enseignant à réfléchir ultérieurement afin d’améliorer son enseignement au fil de temps – une forme puissante de développement professionnel.

Prieto, Sharma et Dillenbourg (2015[40]) ont conjugué l’oculométrie à des questionnaires personnels pour estimer ce que le fardeau de l’orchestration représente pour les enseignants dans la classe. Ils ont constaté que ce fardeau s’alourdit dans les moments où les enseignants donnent des explications ou posent des questions à l’ensemble de la classe, souvent en regardant les visages des élèves pour tenter d’évaluer leur progrès et leur compréhension, ce qui confirme la pertinence des tableaux de bord qui fournissent une telle information. En revanche, ce fardeau a tendance à s’alléger lors des commentaires individuels ou en petits groupes, au cours desquels l’enseignant se concentre souvent sur les feuilles de travail ou les ordinateurs portables des élèves. En combinant des mesures de suivi oculaire avec des capteurs (électroencéphalogramme, accéléromètre, etc.), Prieto et al. (2016[41]) ont appliqué des méthodes d’apprentissage automatique (les algorithmes des forêts aléatoires et arbres de décision boostés par gradient) qui automatiquement caractérisent les activités en cours. Le cours reposait sur un diagramme d’orchestration composé uniquement de deux plans : activités de classe et en équipe. Dans le Graphique 5.9, la couleur représente l’activité de l’enseignant. L’algorithme a identifié le plan des interactions avec une précision de 90 %, mais a été moins précis, seulement 67 %, pour identifier l’activité de l’enseignant à partir de ces observations numériques.

À présent, tout outil d’observation conçu pour le développement professionnel des enseignants peut rapidement devenir un outil de contrôle ou d’évaluation de l’enseignant. Pour cette question d’éthique délicate, nous recommandons de s’en tenir au minimum (saisir uniquement l’information qui peut améliorer l’enseignement) et de faire confiance à la réglementation et à l’autorégulation des acteurs de l’éducation (montrer les données aux seuls enseignants et non aux chefs d’établissement, aux autres personnes de leur hiérarchie, aux parents et aux élèves).

Comme pour l’analyse de l’apprentissage, l’analyse des données de la classe centrée sur l’enseignement est utile si elle permet aux enseignants de réfléchir sur leur pratique afin de l’améliorer. Dans une autre étude, Prieto et al. (2017[42]) ont montré aux enseignants leurs déplacements dans la classe. Un enseignant, dont les déplacements dans la classe durant le cours sont représentés dans le Graphique 5.10, s’est vraiment montré surpris de découvrir qu’il avait négligé la partie droite de la classe et aidé principalement les tables de gauche et du milieu (quand il n’était pas à son bureau). Ce comportement n’est pas problématique en tant que tel : peut-être que les élèves de ces tables avaient besoin de plus d’aide que ceux de la partie droite de la salle. Toutefois, cela illustre bien comment l’analyse de la classe peut aider les enseignants à identifier certaines caractéristiques ou problématiques possibles dans leur pratique – par exemple, si l’analyse leur démontre qu’ils aident principalement les élèves qui sont plus forts plutôt que ceux qui ont des difficultés, qu’ils ignorent les filles pendant le cours de sciences, ou les élèves issus de minorités ou de milieux défavorisés, etc.

L’analyse des données de la classe vise à faciliter l’orchestration des activités d’apprentissage, ce qui n’est pas une simple fonction, mais un concept d’ensemble qui se décline de multiples manières. Parmi ces fonctions, on en a décrit six dans les sous-sections précédentes. Fondamentalement, les analyses des données de la classe sont conçues pour donner aux enseignants les moyens de proposer des scénarios variés, comportant des activités individuelles, en classe et à l’échelle de la classe, avec ou sans outil numérique, et tenant compte de toutes les contraintes pratiques de la vie quotidienne en classe. À l’heure où de nombreux universitaires définissent le rôle de l’enseignant comme étant celui d’un facilitateur ou d’un guide accompagnateur, cette idée de donner aux enseignants les moyens de mieux orchestrer l’apprentissage dans leur salle de classe peut être perçue comme une provocation. Cependant, il ne s’agit pas d’augmenter le temps de cours ; il s’agit de les épauler dans le pilotage de leurs scénarios d’apprentissage enrichis, quelles qu’en soient leurs composantes réelles. La mise en place de scénarios d’apprentissage constructivistes avec 30 élèves demande à l’enseignant de se sentir à l’aise pour mettre en œuvre ces diverses activités pédagogiques qui les composent.

Les technologies peuvent y contribuer de nombreuses façons. Ou pas. Par exemple, une erreur typique est de, tout à coup, distribuer une tablette à chaque élève de la classe, au risque de détruire les habitudes d’orchestration établies par les enseignants. Que doivent faire les apprenants ? Comment l’enseignant peut-il obtenir leur attention ? La plupart des tentatives pour implanter massivement les technologies en éducation se sont soldées par un échec parce que la disponibilité du matériel ne suivait pas. Fournir aux enseignants des scénarios décrivant les activités d’apprentissages qui peuvent être accomplies à l’aide des technologies est essentiel. Il ne s’agit pas de proposer aux élèves une ou deux activités précises, mais des scénarios qui comportent plusieurs activités, avec ou sans technologie, et qui englobent toute la vie de la classe. Telle est la proposition éducative de l’analyse des données de la classe – une nouvelle façon de donner les moyens aux enseignants d’agir dans leur classe.

Ce chapitre présente une autre vision selon laquelle on peut considérer la future salle de classe comme un système numérique. C’est pourquoi le mot « numériclasse » décrit bien un tel système numérique qui saisit et soutient les processus de classe. C’est un concept pour les années à venir. Les salles de classe ne sont pas encore des systèmes numériques, et très peu de systèmes d’analyses de la classe pourraient être qualifiés de « numériclasse ». Le chapitre a développé un langage graphique pour modéliser les scénarios pédagogiques intégrés, des « graphiques d’orchestration » (Dillenbourg, 2015[32]), première étape vers la modélisation des flux de données nécessaires à l’orchestration de la classe.

Reprenons l’exemple de la voiture – ou peut-être l’idée de la « maison connectée », les salles de classe des établissements scolaires pourraient ressembler beaucoup à ce qu’elles sont aujourd’hui, mais elles pourraient être équipées de capteurs produisant des données pour l’analyse de l’apprentissage et des outils numériques qui non seulement permettraient aux enseignants d’orchestrer de fructueux scénarios pédagogiques en classe, mais leur fourniraient également des retours d’information sur leur enseignement en temps réel ainsi que des éléments de réflexion pour l’améliorer, et, par conséquent, faire progresser les résultats d’apprentissage des élèves. Pour que ce nouveau modèle scolaire émerge, il faut poursuivre la recherche et le développement sur l’analyse de la classe et avoir une meilleure compréhension des types de tableaux de bord qui pourraient rendre l’affichage d’information encore plus utile aux enseignants. Il faudra également s’occuper des questions d’éthique et de confidentialité que ces avancées pourraient soulever.

Cette vision a, toutefois, plusieurs implications immédiates.

En premier lieu, elle se veut un outil de réflexion pour les décideurs politiques lors de la conception ou de l’évaluation des projets éducatifs. Ceux-ci devraient privilégier des projets qui ne misent pas sur une seule approche pédagogique ou une seule technologie. Plutôt que de favoriser des projets centrés, par exemple, sur le travail d’équipe et qui négligent la pratique individuelle, ils devraient soutenir des projets qui englobent des activités individuelles, des activités d’équipe et en classe entière dans des scénarios pédagogiques cohérents. Ce n’est pas la seule technologie qui définit les bons projets de développement, comme « la réalité virtuelle pour X » ou les « imprimantes 3D pour Y ». Croire que les technologies ont des effets intrinsèques s’est révélé faux à plusieurs reprises. Un établissement scolaire ou un projet de recherche prometteur en éducation doit être défini par des objectifs pédagogiques qui articulent la séquence nécessaire des activités en classe, quelle que soit la technologie qui soutient ces activités et leur orchestration à ce stade. Les technologies peuvent contribuer à l’apprentissage individuel, mais elles peuvent également aider et habiliter les enseignants à concevoir des scénarios pédagogiques mixtes, avec des activités sans aucune technologie, des activités réalisées avec ou sans technologie, ou des activités entièrement numériques. Tous ces scénarios sont possibles, et aucun n’est intrinsèquement meilleur que les autres.

En deuxième lieu, cette proposition suppose que la configuration des technologies pédagogiques incorpore ces fonctions d’orchestration de la classe. Les établissements n’exploiteront pleinement le potentiel des technologies numériques que si les enseignants se sentent habilités à les utiliser et à l’aise pour le faire. Ce n’est pas près d’arriver, mais les technologies pourraient y aider. À l’heure actuelle, la concurrence entre différents outils caractérise le marché des technologies éducatives (EdTech), alors que pour bâtir des écosystèmes numériques – et un marché EdTech durable – il faudrait plutôt intégrer ces outils numériques.

En troisième lieu, tous les programmes de formation des enseignants devraient offrir des cours sur les technologies d’apprentissage numériques. Aujourd’hui, ils n’offrent souvent qu’un ou deux cours à ce sujet, alors que les technologies numériques peuvent et doivent soutenir tout type d’enseignement.

Finalement, les décideurs politiques et autres acteurs de l’éducation doivent s’occuper des questions de réglementation et d’éthique en matière d’analyse des données de la classe. Tout ce qui peut être fait dans un cadre réglementaire n’est pas forcément souhaitable. Il faudrait davantage de collaboration entre chercheurs dans le domaine de l’apprentissage et celui de la protection des données pour encadrer la réglementation et les pratiques éthiques.

Il faudra du temps pour que les technologies pédagogiques et l’analyse des données de la classe arrivent à maturité. Mais nous pourrions voir la lumière au bout du tunnel beaucoup plus tôt qu’on ne le pense.

Les technologies présentées dans ce chapitre ont été développées par des membres, anciens ou actuels, du labo : Jennifer Olsen, Patrick Jermann, Stian Haklev, Louis Faucon, Luis Prieto Santos, Son Do-Lenh, Sébastien Cuendet, Guillaume Zufferey, Hamed Alavi, Khaled Bachour et Fredéric Kaplan. L’essor d’une communauté de recherche sur l’orchestration a bénéficié des interactions avec Frank Fischer, Miguel Nussbaum, Yannis Dimitriadis, Manu Kapur, Nikol Rummel, Vincent Aleven et Chee Kit Looi. L’auteur désire également remercier les collègues qui ont revu ce chapitre (Ryan Baker et Stéphan Vincent-Lancrin).

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