3. Situation des émigrés maliens sur le marché du travail

Parmi les plus de 100 000 émigrés nés au Mali, âgés de 15 à 64 ans, résidant dans les pays de l’OCDE, 75 % d’entre eux participent au marché du travail en 2015/2016, comme le montre le Graphique 3.1. Ce taux d’activité est légèrement inférieur à celui des émigrés des autres pays de l’UEMOA (77 %), mais légèrement supérieur à celui de l’ensemble des immigrés résidant dans les pays de l’OCDE (74 %). Toutefois, comme leurs homologues originaires des autres pays de l’UEMOA, les émigrés maliens sont près de deux fois plus fréquemment au chômage que l’ensemble des émigrés (18 % contre 9 %). De ce fait, le taux d’emploi des émigrés maliens est relativement faible, à 61 %, similaire à celui de l’ensemble des émigrés originaires des pays de l’UEMOA, mais inférieur à celui de l’ensemble des immigrés (67 %) et des natifs des pays de l’OCDE (65 %).

Cette insertion difficile sur le marché du travail diffère sensiblement selon les pays de destination. Parmi les pays où la présence d’émigrés maliens était significative en 2015/2016, leur taux d’emploi était le plus faible en Belgique (35 %) et en Italie (54 %). Leur situation sur le marché du travail était nettement plus favorable en Espagne, où plus de 70 % d’entre eux avaient un emploi, aux États-Unis (68 %) et au Canada (64 %). En France, qui est de loin leur principal pays de destination, le taux d’emploi des émigrés maliens était de 59 % en 2015/2016. Dans tous ces pays, à l’exception de l’Espagne et des États-Unis, le taux d’emploi des émigrés maliens était inférieur à celui des natifs. Effectivement, dans le premier pays, les natifs sont 60 % en emploi, soit 10 points de pourcentage de moins que les émigrés maliens quand le taux d’emploi des natifs américains est similaire à celui observé pour les émigrés maliens.

Les Maliens s’insèrent généralement moins bien dans les principaux pays d’accueil que les émigrés des autres pays de l’UEMOA et plus généralement que l’ensemble des immigrés (voir Graphique 3.2) à l’exception de la France et de l’Espagne. En Italie et aux États-Unis, par exemple, ils sont près de 5 points de pourcentage de moins en emploi que les émigrés des pays de l’UEMOA (-3 points de pourcentage que les immigrés aux États-Unis). En France, le taux d’emploi moyen des émigrés de l’ensemble des pays de l’UEMOA est le même que celui des individus nés au Mali et est supérieur de plus de 3 points de pourcentage à celui de l’ensemble des immigrés en France. Il reste cependant inférieur au taux d’emploi des individus nés et résidant en France de près de 5 points de pourcentage. En Espagne, les Maliens s’insèrent bien plus facilement sur le marché du travail. Le taux d’emploi des émigrés maliens est non seulement supérieur de 16 points de pourcentage à la moyenne des émigrés de l’UEMOA mais dépasse aussi de 13 points de pourcentage le taux d’emploi des immigrés en général.

La participation au marché du travail des immigrés est d’autant plus forte que le temps écoulé depuis leur arrivée est important. Effectivement, comme le montre le Graphique 3.3 avec les données les plus récentes issues de l’enquête emploi en continu (EEC) mené par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour la France sur la période 2017/2020, si les individus arrivés il y a un an ou moins sont essentiellement inactifs en France, le constat se renverse dès que la durée séjour dépasse un an. Entre un et cinq ans passés en France, 49 % des émigrés maliens sont en emploi. Ce taux passe à 51 % au-delà de cinq ans passés en France et atteint 69 % après dix ans de résidence et 72 % au-delà de 20 ans. Si le taux de chômage change relativement peu, le taux d’inactivité diminue significativement avec la durée de résidence en France.

En lien avec le temps passé dans les pays de destination, l’acquisition de la nationalité du pays facilite l’accès à l’emploi. Effectivement, les trois quarts des émigrés maliens de nationalité française (74.5 %) occupent un emploi en 2017/2020 contre 62.2 % pour ceux sans la nationalité française.

Les données disponibles nous permettent d’étudier en partie l’insertion économique des émigrés ivoiriens en Afrique de l’Ouest, première région de destination des Maliens, au travers de leur insertion sur le marché du travail de deux pays voisins, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Les données de l’enquête sur le niveau de vie des ménages (ENV) collectées en 2015 renseignent sur le niveau d’activité des émigrés maliens en Côte d’Ivoire, leur premier pays de destination (voir Chapitre 2). Ainsi, près de trois émigrés maliens de 15 ans ou plus sur cinq étaient en emploi en 2015 (59 %), comme présenté dans le Graphique 3.4. Ce taux était supérieur de 2 points de pourcentage à celui observé pour les natifs. Il est cependant inférieur de 3 points de pourcentage au taux d’emploi de l’ensemble des émigrés en Côte d’Ivoire. En revanche, 42 % des femmes nées au Mali sont en emploi ; elles s’en sortent donc relativement moins bien que leurs homologues masculins et surtout que l’ensemble des femmes nées à l’étranger ou des natives dont le taux d’emploi atteint respectivement 46 % et 48 %.

Au Sénégal, 51 % des émigrés maliens étaient en emploi en 2013 (mesuré à partir des données du dernier recensement général de la population). Ce niveau d’emploi est significativement supérieur à celui observé pour l’ensemble des émigrés (46 %) et des natifs (37 %). Les femmes nées au Mali sont similairement intégrées sur le marché du travail que les femmes nées au Sénégal : seules 20 % d’entre elles sont en emploi.

La proportion de travailleurs émigrés maliens à compte propre est supérieure aux taux prévalant pour les travailleurs immigrés et natifs dans les deux pays. Effectivement, ils sont 42 et 70 % à compte propre, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, soit 5 et 2 points de pourcentage de plus que les natifs. Dans l’ensemble, les immigrés sont aussi plus souvent à leur propre compte que les natifs (40 % en Côte d’Ivoire et 66 % au Sénégal).

L’insertion sur le marché du travail des immigrés des pays de l’OCDE s’est relativement améliorée au sortir de la crise économique et financière internationale et européenne de la fin des années 2000 et de la première moitié des années 2010. Comme présenté dans le Graphique 3.5, quel que soit le pays d’origine, le taux d’emploi a augmenté entre 1 et 2.5 points de pourcentage. Il s’inscrit dans le contexte de reprise relative de l’économie des pays de l’OCDE dont témoigne la légère augmentation du taux d’emploi des individus nés dans ces pays. La hausse la plus importante de l’activité s’observe dans les pays de l’UEMOA notamment au Mali où le taux d’emploi a augmenté de près de 3 points de pourcentage entre 2010 et 2015.

Cela se traduit inégalement dans les pays de destination comme présenté dans le Graphique 3.6. En France et en Belgique, les taux d’emploi sont restés très stables aussi bien pour les immigrés que pour les individus nés dans le pays. En Espagne, très touché par la crise de la dette, le taux d’emploi des émigrés du Mali a augmenté de quasiment 30 points de pourcentage entre 2010 et 2015. Cette augmentation significative des actifs occupés s’observe pour l’ensemble des immigrés en Espagne, le taux d’emploi des émigrés des pays de l’UEMOA a augmenté de plus de 20 points de pourcentage entre 2010 (34 %) et 2015 (58 %) et de 10 points de pourcentage pour les immigrés en général (58 % en 2015). La croissance du taux d’emploi est plus faible pour les natifs passant de 57 % à 60 % de la population en âge de travailler Cet écart entre la croissance de l’emploi des immigrés et des natifs s’explique en partie par le fait que l’essentiel de la croissance de la population active en Espagne est due à l’accroissement de la population née à l’étranger résidant en Espagne, intervenant parallèlement au vieillissement de la population native (Defensor del Pueblo, 2020[1]). Cependant, les immigrés en Espagne semblent plus vulnérables que les autochtones car s’ils sont davantage occupés, ils ont aussi significativement plus de risque d’être au chômage que les natifs : le taux de chômage des immigrés oscille entre 25 et 35 % selon leur pays de naissance contre 18 % pour les natifs.

Les données de l’EEC de la France confirment une évolution relativement positive de l’emploi pour les immigrés et plus particulièrement pour les émigrés maliens. Après une baisse des niveaux d’emploi entre 2010 et 2015 passant de 67 % à 60 % pour les émigrés maliens et de 57 à 55 % pour l’ensemble des immigrés, la situation sur le marché du travail s’est améliorée (Graphique 3.7). En 2019/2020 le taux d’emploi des émigrés maliens atteint 63 % soit 3 points de pourcentage de plus qu’’en 2015/2016 mais reste inférieur aux niveaux observés au début des années 2010.

Cette amélioration de l’intégration des émigrés maliens sur le marché du travail semble s’expliquer principalement par le retour à l’activité des individus au chômage. Le taux de chômage a diminué de 2 points de pourcentage sur la période la plus récente (13 % des émigrés maliens actifs). Il est important de noter que le chômage dit partiel institué lors de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 pour protéger et soutenir l’activité économique n’est pas comptabilisé dans le taux de chômage en France. Cela explique que les effets de la pandémie ne se font pas sentir sur les taux de participation au marché du travail en France comme cela peut être le cas dans d’autres pays.

Cette amélioration est conjoncturelle dans la mesure où le taux d’emploi de l’ensemble des immigrés s’est amélioré entre 2015/2016 et 2019/2020. Les immigrés sont en moyenne 59 % en emploi contre 55 % en 2015/2016. Cela s’observe aussi dans une moindre mesure pour les natifs : 66 % sont en emploi en 2019/2020 (contre 65 % en 2015/2016).

L’amélioration récente du taux d’emploi des émigrés maliens en France cache des écarts substantiels de l’accès à l’emploi entre femmes et hommes et qui se sont relativement maintenus dans le temps. Cette réalité observable dans l’ensemble des pays de l’OCDE est étudiée dans la sous-partie suivante.

Les femmes immigrées doivent faire face à un défi double pour s’insérer sur marché du travail, du fait d’une part des inégalités de genre (OCDE, 2020[2]) et d’autre part de leur origine étrangère. Il existe de fait des différences souvent significatives d’insertion sur le marché du travail entre les hommes et les femmes parmi les immigrés vivant dans les pays de l’OCDE. Celles-ci se sont mêmes creusées entre 2010/2011 et 2015/2016. En moyenne, en 2015/2016, le taux d’emploi des femmes est inférieur d’au moins 12 points de pourcentage à celui des hommes (voir Graphique 3.8). Parmi les émigrés maliens, cet écart est encore plus grand : seule la moitié des émigrées maliennes d’âge actif ont un emploi contre plus de deux tiers (67 %) de leurs homologues masculins. Cet écart de taux d’emploi se décline en un taux d’activité plus faible parmi les femmes (67 %, contre 80 % pour les hommes) mais aussi par un taux de chômage plus élevé (25 %, contre 15 % pour les hommes). Par ailleurs, les émigrées maliennes ont tendance à être davantage inactives (32 % contre 20 % pour les hommes). Elles sont aussi plus souvent au chômage (25 %) que les hommes (15 %) mais aussi que les femmes natives (10 %). Cela ne semble pas s’expliquer par des différences notables entre les caractéristiques individuelles des hommes et des femmes notamment par des différences de niveau d’éducation et ce quel que soit le pays de destination.

Ce résultat s’observe dans l’ensemble des principaux pays de destination de l’OCDE des immigrés comme le montre le Graphique 3.9 et ce quel que soit le pays de naissance. Si les différences d’accès à l’emploi sont plus hétérogènes pour les natifs des pays de l’OCDE que pour les immigrés, les femmes autochtones souffrent aussi d’un accès inégal au marché du travail.

Seule la Belgique, où le taux d’emploi est le plus faible parmi les principaux pays de destination, présente un accès similaire à l’emploi entre les hommes et les femmes nés au Mali. Cela fait des actifs occupés nés au Mali une exception parmi les individus en âge de travailler dans ce pays dans la mesure où il existe un écart significatif d’accès à l’emploi entre hommes et femmes nés à l’étranger (hors UEMOA).

L’écart est le plus marqué en Italie, où seules 21 % des femmes nées au Mali ont un emploi contre 60 % des hommes nés au Mali. Si cet écart s’observe quel que soit le pays d’origine, il est significativement moindre pour les femmes nées ailleurs qu’au Mali. Ainsi, 36 %, 47 % et 49 % des femmes nées respectivement dans un pays de l’UEMOA, à l’étranger et nées en Italie sont en emploi contre respectivement 67 %, 71 % et 65 % des hommes.

En France, premier pays d’accueil des émigrés maliens, une femme sur deux est en emploi en 2015/2016 contre deux hommes sur trois. Si le taux d’emploi des femmes nées au Mali est relativement similaire au taux moyen des femmes immigrées (48 %), il est significativement inférieur à celui des femmes des pays de l’UEMOA (55 %) et surtout à celui des natives (62 %). Elles sont, par ailleurs, plus souvent au chômage (27 %) que les hommes (15 %) et que les natives (13 %), et davantage en situation d’inactivité. Effectivement, près d’un tiers des femmes nées au Mali et résidant en France (31 %) sont inactives alors que moins d’un quart des femmes des pays de l’UEMOA (24 %) le sont.

Les données les plus récentes disponibles pour la France confirment ce constat. Les écarts semblent se creuser entre les taux d’emploi des émigrées malienne sur la période 2017/2020 et ceux observés en 2015/2016. Si le taux d’emploi des femmes nées au Mali reste relativement stable, 47 % d’entre elles sont actives occupées, les hommes, en revanche, semblent mieux s’intégrer sur le marché du travail relativement à la période précédente : trois adultes sur quatre sont désormais des actifs occupés.

Cette intégration sur le marché du travail, très inférieure à celle des hommes, se matérialise par un taux d’inactivité des femmes très élevé touchant plus de 2 émigrées maliennes sur 5 (41 %) soit environ 15 000 femmes entre 15 et 64 ans résidant en France contre 13 % des hommes nés au Mali et 30 % des femmes nées en France. Une partie d’entre elles sont encore en études ou en formation. Effectivement, 17 % des femmes inactives nées au Mali étudient encore ou se forment en France. Les 83 % restant ne sont donc ni en emploi, ni en études ni en formation. Par ailleurs, comme présenté dans le Chapitre 1, l’essentiel des premiers titres de séjour octroyés aux femmes nées au Mali le sont pour des raisons familiales (60 % des premiers permis obtenus entre 2012 et 2019 contre 29 % des permis pour les hommes). Par ailleurs, moins d’un premier permis obtenu sur 50 (1.8 %) par les émigrées maliennes le sont pour exercer un travail (contre 28 % des hommes)1.

Comme attendu, pour les émigrés maliens comme pour l’ensemble de la population, l’employabilité des individus s’améliore avec leur niveau d’étude comme le montre le Graphique 3.10. Ainsi, deux tiers des émigrés maliens avec un niveau d’éducation élevé, c’est-à-dire qui ont atteint l’enseignement supérieur, ont un emploi. Ce taux diminue à 63 % pour ceux ayant un niveau intermédiaire (deuxième cycle de l’enseignement secondaire) et à 58 % pour ceux avec un niveau faible (premier cycle de l’enseignement secondaire ou moins). Ces taux sont restés relativement stables entre 2010 et 2015.

Cependant, l’accès à l’emploi des émigrés maliens diffère substantiellement des individus nés dans d’autres pays. Tout d’abord, les émigrés maliens s’étant arrêté au collège ou avant semblent accéder au marché du travail plus facilement que les autres à niveau d’étude égal. En 2015, 58 % d’entre eux sont des actifs occupés. De façon générale, les immigrés étaient 54 % à être en emploi, soit 4 points de pourcentage de moins que les émigrés maliens. Cet écart s’est donc creusé depuis 2010 puisqu’il n’était que de 1 point de pourcentage en 2010. L’écart est d’autant plus important avec les natifs dont seulement 45 % sont en emploi. Cependant, ce dernier résultat ne devrait pas être étonnant, dans la mesure où le niveau d’étude minimum généralement atteint dans les pays de l’OCDE dépasse le secondaire inférieur. Ainsi, la grande majorité des individus sans emploi nés dans le pays et avec un niveau d’éducation faible sont inactifs plutôt qu’à la recherche d’un emploi.

Ce rapport entre émigrés maliens et les immigrés s’inverse dès que les individus ont atteint un niveau d’éducation intermédiaire. Ainsi, les individus nés au Mali avec un niveau d’étude moyen en emploi ne sont que 5 points de pourcentage de plus (63 %) que ceux avec un niveau d’étude faible. Ce niveau d’emploi est inférieur à la moyenne des immigrés dans les pays de l’OCDE : 68 % d’entre eux ont un emploi. 62 % des émigrés des pays de l’UEMOA sont en emploi. Enfin, les émigrés maliens ayant eu accès à un enseignement supérieur rencontrent davantage de difficultés à trouver un emploi relativement aux autres résidents à niveau d’étude équivalent. Effectivement, près de trois quart des individus les plus éduqués nés à l’étranger sont des actifs occupés (72 % pour ceux nés dans l’UEMOA et 77 % pour ceux nés à l’étranger) contre deux tiers des émigrés maliens. Les natifs avec un niveau d’éducation supérieur sont 82 % à être en emploi.

Ainsi, malgré un accès à l’emploi d’autant plus facile que le niveau d’étude est élevé, les émigrés maliens éduqués rencontrent plus de difficulté sur le marché du travail que les autres à niveau d’étude égal. Ils sont ainsi plus souvent au chômage (14 % contre 4 % des natifs) et inactifs (22 % contre 14 % des natifs).

La meilleure intégration sur le marché du travail des émigrés maliens que le reste de la population en âge de travailler quand ils n’ont suivi qu’un enseignement secondaire de premier cycle ou moins se retrouve dans la plupart des principaux pays de destination (voir Graphique 3.11). Ainsi, en Espagne 70 % d’entre eux sont en emploi contre seulement la moitié pour les 15-64 ans en moyenne. De façon similaire, en France, 58 % des émigrés faiblement éduqués du Mali ont un emploi contre 38 % et 44 % pour les natifs et les immigrés respectivement. L’accès à l’emploi s’améliore même pour les émigrés maliens avec un niveau d’éducation faible puisqu’entre 2017 et 2020 leur taux d’emploi est de 63 %. Ce taux atteint les niveaux d’emploi des émigrés maliens ayant un niveau d’éducation moyen, et dépasse le taux d’emploi moyen des immigrés avec un niveau intermédiaire résidant en France. Trois quart émigrés maliens avec un niveau d’étude supérieur occupent un emploi sur cette même période.

Si les émigrés maliens diplômés du supérieur ont une probabilité plus élevée d’être en emploi que les moins éduqués, plus de la moitié d’entre eux ont un emploi ne nécessitant pas un tel niveau d’éducation, comme le montre le Graphique 3.12. Dans les pays de l’OCDE, en 2015/2016, 56 % des émigrés maliens diplômés du supérieur occupent un emploi en inadéquation avec leurs qualifications, un taux supérieur à celui observé pour l’ensemble des émigrés des pays de l’UEMOA (44 %). Ce taux est également plus de 20 points de pourcentage supérieur à celui prévalant pour l’ensemble des immigrés dans les pays de l’OCDE (35 %), et pour les natifs de ces pays (28 %).

Le déclassement des travailleurs nés au Mali est d’autant plus important dans les pays non francophones. En Espagne, parmi les diplômés du supérieur, le déclassement touche 51 % de l’ensemble des émigrés, 72 % des émigrés de l’UEMOA et plus de 80 % des émigrés maliens. Aux États-Unis, le déclassement touche 66 % des émigrés maliens (58 % des émigrés de l’UEMOA) alors qu’en moyenne seulement 35 % des immigrés et des natifs diplômés du supérieur sont concernés par cette inadéquation entre leur niveau d’étude et le niveau de qualification de leur emploi.

Si le taux de déclassement des émigrés maliens est dans l’ensemble relativement similaire pour les hommes et femmes, il existe des différences plus marquées pour ceux résidant aux États-Unis. Les femmes sont en effet davantage exposées au déclassement : 75 % d’entre elles occupent un poste ne requérant pas des qualifications correspondant à un diplôme du supérieur, contre 63 % des hommes nés au Mali.

Dans les pays francophones, du moins en partie, le déclassement n’est pas pour autant faible ; il touche 43 % des émigrés maliens les plus éduqués au Canada. Dans ce dernier pays, il s’écarte moins des taux de déclassement des autres émigrés les plus éduqués situés entre 34 % et 38 % selon le pays d’origine. En revanche en France, le déclassement concerne plus de la moitié des émigrés maliens (52 %) soit plus de 25 points de pourcentage de plus que ceux nés en France (20 et 15 points de pourcentage de plus par rapport à la moyenne de ceux nés à l’étranger et de ceux nés dans l’UEMOA, respectivement).

Sur la période la plus récente, en France, ces constats se maintiennent. Le taux de déclassement des émigrés maliens ayant suivi des études supérieures reste élevé (47 %)2. Ce taux est largement supérieur quand les émigrés ont vraisemblablement effectué leurs études supérieures à l’étranger, avant leur arrivée en France3. Effectivement, deux tiers des individus arrivés en France après 25 ans (67 %) occupent un emploi en inadéquation avec leurs qualifications contre plus d’un tiers (36 %) pour ceux arrivés à 24 ans ou avant. Les diplômes obtenus en France semblent constituer donc un signal positif pour occuper un poste hautement qualifié. De plus, les émigrés maliens avec une formation générale sont davantage exposés au déclassement (59 %) que ceux avec une formation spécialisée (34 % pour ceux ayant suivi une formation technologique ou une spécialisation plurivalente dans les services). Cependant, l’acquisition de la nationalité française ne semble pas favoriser l’obtention d’un emploi en adéquation avec le niveau d’études.

Cette inadéquation entre l’emploi et les qualifications des émigrés, particulièrement des émigrés du Mali dans les pays de l’OCDE (hors États-Unis), s’explique par une surreprésentation des travailleurs immigrés dans les professions les moins qualifiées. Comme le montre le Graphique 3.13, plus d’un tiers, soit 36 %, des travailleurs nés au Mali occupent une profession élémentaire, demandant peu de qualification alors qu’à peine un travailleur sur dix natif du pays de l’OCDE occupe ce type de poste. Les travailleuses émigrées maliennes occupent pour près de la moitié d’entre elles une profession élémentaire (contre 31 % des hommes). La majeure partie de ces travailleurs sont des aides ménagers (21 % dans l’ensemble et 42 % des femmes actives occupées).

Suivent ensuite les professions de service direct aux particuliers (15 % des émigrés du Mali), dont les commerçants et vendeurs, pour lesquelles les femmes sont encore davantage représentées que les hommes, puis les métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat et les conducteurs d’installation et de machine (respectivement 13 % et 10 % des actifs occupés nés au Mali). Les hommes sont relativement mieux représentés dans ces deux derniers types de professions que les femmes.

Viennent ensuite les professions intermédiaires et les professions intellectuelles et scientifiques pour lesquelles les émigrés maliens sont largement sous-représentés par rapport à la population native de ces pays. Ils sont 8 % et 7 % respectivement dans ces métiers contre 16 % et 17 % pour les natifs. Ils sont à peine 3 % à occuper un poste de direction ou de cadres contre 6 % des natifs. La proportion de femmes et d’hommes occupant des postes hautement qualifiés est relativement similaire chez les émigrés maliens.

Cette distribution est davantage contrastée selon les pays de destination, comme présenté dans le Graphique 3.14. C’est en Espagne que les émigrés maliens occupent le plus des professions élémentaires (55 %). Ils sont 20 % à travailler dans des métiers qualifiés de l’industrie. Ils occupent de façon non négligeable des postes d’agriculteurs et ouvriers qualifiés (12 % des émigrés maliens actifs occupés). Cependant, moins de 2 % d’entre eux occupent un poste hautement qualifié (postes de direction, professions intellectuelles et professions intermédiaire).

En France et en Italie, 35 % des travailleurs émigrés maliens ont une profession élémentaire mais la distribution du reste des travailleurs émigrés du Mali diffère entre les deux pays. En Italie, l’essentiel des travailleurs nés au Mali (42 %) ont un métier qualifié de l’industrie ou de l’artisanat et moins de 3 % occupent un poste hautement qualifié. En France, la distribution est davantage dispersée entre les différentes professions avec trois types de professions qui rassemblent chacun au moins 10 % des travailleurs nés au Mali, à savoir les personnels des services directs aux particuliers (16 %), les conducteurs d’installations et de machines (12 %) et les personnels qualifiés de l’industrie et de l’artisanat (11 %). Par ailleurs, près d’un actif occupé né au Mali et résidant en France sur cinq (19 %) occupe un poste hautement qualifié parmi lesquels un tiers occupe une profession intellectuelle et scientifique.

Au Canada la situation dans l’emploi des émigrés maliens est radicalement différente. Effectivement, la moitié des actifs occupés qui sont nés au Mali y occupent un emploi hautement qualifié et seuls 8 % ont une profession élémentaire. Ces derniers résultats s’expliquent en partie par les besoins de main d’œuvre et donc des politiques mises en place pour la migration de travail. Effectivement, le Canada est le pays de l’OCDE qui accueille le plus grand nombre d’immigrés qualifiés disposant d’un système d’immigration le plus élaboré pour ce faire (OCDE, 2019[3]).

Le constat reste similaire voire s’accentue davantage en France dans les années les plus récentes comme le montre le Graphique 3.15. Entre 2017 et 2020, les professions élémentaires représentent toujours le premier type de métiers occupés par les immigrés en France (19 % contre 9 % des natifs) parmi lesquels les individus nés dans les pays de l’UEMOA, et au Mali plus particulièrement, sont significativement surreprésentés. Effectivement, 29 % des émigrés de l’UEMOA et 51 % des émigrés maliens occupent une profession élémentaire alors qu’à peine 11 % des émigrés maliens occupent un poste hautement qualifié.

Ces résultats en moyenne cachent des différences notables entre les professions des hommes et des femmes. Si les émigrées maliennes sont davantage concentrées dans les professions élémentaires (57 %) que les émigrés maliens (49 %), elles sont aussi mieux représentées dans les postes hautement qualifiés. 17 % des femmes nées au Mali occupent des postes de cadres, de scientifiques ou intermédiaires contre 8 % des hommes. Une femme sur cinq née au Mali en emploi en France (20 %) travaille comme personnel de services directs aux particuliers, commerçante ou vendeuse contre 13 % des hommes. Ces derniers occupent davantage des métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat ou travaillent comme conducteurs d’installations et de machines (respectivement 15 et 9 %). De plus, si 67 % des émigrés maliens avec un niveau d’étude faible occupent une profession élémentaire, on y retrouve moins d’un adulte sur cinq avec un niveau d’étude supérieur (17 %). Ces derniers sont plus majoritairement (53 %) dans les postes hautement qualifiés, 35 % d’entre eux occupent une profession intermédiaire, 7 % une profession intellectuelle ou scientifique et 11 % sont directeurs, cadres ou gérants. L’acquisition de la nationalité française peut aussi faciliter l’accès à des emplois plus qualifiés : les émigrés maliens naturalisés sont 20 % à occuper de tels postes (30 % dans des professions élémentaires) contre 9 % des autres émigrés maliens (58 % dans des professions élémentaires).

L’emploi des émigrés maliens en France se fait essentiellement sous la forme de contrat à durée indéterminée (CDI, la forme de contrat de travail la plus répandue en France). Cependant, près d’un émigré malien en France sur dix est intérimaire (9 %) alors que seuls 2 % des actifs occupés nés en France sont inscrits comme tels. D’un autre côté, très peu d’émigrés maliens occupent un emploi en tant qu’indépendants (1 % contre 11 % des autochtones).

Aux États-Unis, où la classification des professions est différente, les émigrés maliens sont surreprésentés aux postes dédiés aux transports et déplacements de matériels (23 % des actifs occupés nés au Mali contre 6 % des natifs) et de commerçants et vendeurs (16 % contre 11 %).

En France, les émigrés maliens en emploi ne représentent qu’une très faible proportion des travailleurs dans les secteurs primaires et secondaires, comme présenté dans le Graphique 3.16. Plus précisément, d’après les enquêtes emploi menées entre 2017 et 2020, aucun ne travaille dans le secteur agricole contre près de 2.5 % des natifs et 1.4 % des immigrés. Un actif occupé né au Mali sur huit (12 %) travaille dans le secteur industriel. Près de neuf émigrés maliens en emploi sur dix occupent un emploi dans le secteur des services. Plus précisément, trois quart des actifs occupés en France nés au Mali se partagent entre l’administration publique, l’enseignement et la santé (13 %), le commerce, et le tourisme (30 %) et les activités spécialisées et de services administratifs. (33 %). Dans ces deux dernières activités, les travailleurs nés au Mali sont surreprésentés par rapport aux natifs qui sont seulement 12 % et 21 %. Les immigrés, s’ils sont plus présents restent relativement moins concentrés dans ces branches d’activité (41 % en tout et 48 % pour les immigrés de l’UEMOA). Ils occupent davantage des postes dans l’administration publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale : on y retrouve plus d’un quart des travailleurs nés dans un pays de l’UEMOA et un cinquième de ceux nés à l’étranger en général.

Si l’essentiel des travailleurs émigrés maliens se trouve ainsi dans le secteur privé, les hommes et les femmes nés au Mali travaillent dans des secteurs très différents de l’économie française (voir Tableau 3.1). 32 % des femmes occupent notamment un emploi dans l’administration publique, l’enseignement, la santé ou l’action sociale contre seulement 6 % des hommes. Ils sont aussi 10 points de pourcentage de moins à être en emploi dans les activités spécialisées que les femmes. En revanche, plus d’un tiers des hommes travaillent dans le commerce, les transports, l’hébergement et la restauration contre un sixième des femmes nées au Mali résidant en France. Enfin, les émigrées maliennes en emploi sont presque absentes du secteur industriel : moins de 2 % d’entre elles travaillent ainsi dans le secteur de la construction ou dans l’industrie alors que près d’un émigré malien sur six (17 %) travaille dans le secteur secondaire en France.

Les émigrés maliens avec un niveau d’éducation faible ou supérieur sont représentés dans des proportions similaires dans les activités spécialisées, scientifiques et techniques ou dans l’administration publique. Cependant, les émigrés maliens avec un niveau d’étude supérieur sont davantage présents dans les autres activités de service notamment dans le secteur de l’information et des communications (où ils représentent l’ensemble des travailleurs nés au Mali).

Les individus nés en France d’au moins un parent émigré malien sont encore relativement jeunes ; il est donc difficile de comparer leur intégration économique à celle de leurs parents ou des descendants de natifs. De fait, en 2017/2020, parmi l’ensemble des personnes d’âge actif ayant au moins un parent né au Mali, 45 % ont entre 15 et 24 ans. Ainsi, seuls 40 % des 15-64 ans sont en emploi, tandis que 45 % étaient inactifs, avec peu de différences entre hommes et femmes. Parmi ceux entre 25 et 64 ans, 57 % sont en emploi. Ce taux est significativement inférieur à celui observé pour les individus nés d’au moins un parent immigré en France ou de parents natifs qui atteint respectivement 71 et 76 %. Ce taux s’améliore avec le niveau d’étude mais reste inférieur à celui observé pour les émigrés eux-mêmes. 63 % des descendants d’émigrés maliens ayant un niveau d’éducation élevé entre 25 et 64 ans sont en emploi à cette période (contre 45 % pour ceux avec un niveau d’étude faible). Cependant, ces derniers occupent moins fréquemment des postes en inadéquation avec leurs qualifications : seul un quart d’entre eux (26 %) ont des professions qui demandent moins de qualifications qu’ils n’en ont. Ce taux reste supérieur à celui des enfants d’immigrés en général ou des natifs (22 et 19 % respectivement).

Cela se reflète notamment dans le type de professions des descendants d’émigrés maliens en emploi, comme le montre le Graphique 3.17. Ils restent exposés aux emplois peu qualifiés et cela dans des proportions plus élevées que les descendants d’au moins un parent né à l’étranger ou de parents nés en France. Effectivement, 15 % d’entre eux ont une profession élémentaire entre 2017 et 2020. Si cela est substantiellement inférieur que leurs ainés (51 % à la même période), ils occupent près de deux fois plus fréquemment ce type de postes que les descendants d’immigrés et de natifs en France (8 %). Ils travaillent davantage comme personnels de services directs aux particuliers où ils sont 20 % quand leurs homologues nés de parents étrangers sont 16 % et de parents nés en France sont 14 %. Ils sont près de 30 % à travailler dans le secteur public contre 13 % des immigrés nés au Mali. 35 % des enfants d’émigrés maliens occupent des postes hautement qualifiés : 17 % des individus en emploi avec au moins un parent né au Mali ont une profession intermédiaire, et surtout 14 % ont une profession intellectuelle et scientifique. Ce taux cache une meilleure insertion des femmes sur les postes à haute responsabilité. Une femme sur deux occupe un poste hautement qualifié (45 %) et près d’une sur cinq a une profession intellectuelle et scientifique. Les hommes sont plus présents dans des postes faiblement qualifiés, 20 % d’entre eux ayant une profession élémentaire.

Toujours est-il qu’ils sont relativement nombreux avec un statut vulnérable dans l’emploi. Effectivement, ils sont 14 % en contrat à durée déterminée (CDD) et 9 % à être inscrits comme indépendants. Moins de deux tiers d’entre eux (64 %) sont en CDI. Cela s’explique au moins pour partie par le plus jeune âge des descendants d’émigrés maliens qui sont donc relativement plus précaires que leurs parents sur le marché du travail.

L’intégration sur le marché du travail de la diaspora malienne est délicate dans les pays de l’OCDE. Les taux d’activité relativement élevés des émigrés maliens dans ces pays cachent en réalité un taux de chômage plus élevé que celui observé pour l’ensemble des immigrés. Le niveau d’éducation, le lieu des études supérieures, la durée de séjour sont autant de facteurs déterminant de l’accès à l’emploi dans ces pays. Cette insertion est d’autant plus difficile pour les femmes nées au Mali qui doivent ainsi faire face à un double défi, celui d’être une femme sur le marché du travail, d’une part, et celui d’être née à l’étranger, d’autre part. L’essentiel des travailleurs émigrés maliens occupent des postes faiblement qualifiés déclassant une partie non négligeable de la main d’œuvre avec un niveau d’étude élevé. Ils se concentrent essentiellement dans le secteur des services. Si la situation des descendants d’émigrés maliens sur le marché du travail est plus favorable, ils rencontrent davantage de difficultés et sont plus vulnérables que l’ensemble des descendants d’immigrés ou de natifs en France.

Références

[1] Defensor del Pueblo (2020), Informe anual 2019. Volumen II. La La contribución de la inmigración a la economia española.

[2] OCDE (2020), Perspectives des migrations internationales 2020, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6b4c9dfc-fr.

[3] OCDE (2019), Recruiting Immigrant Workers: Canada 2019, Recruiting Immigrant Workers, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/4abab00d-en.

Notes

← 1. Ces résultats statistiques issus des données compilées par Eurostat ne tiennent pas en compte de l’âge des demandeurs de permis de séjour.

← 2. S’il est possible que le taux de déclassement ait diminué entre 2015/2016 et 2017/2020, il est probable que les faibles échantillons rendent les intervalles de confiance plus grands sur la période la plus récente. La diminution entre les deux périodes et sources de données doit être interprétée avec précaution.

← 3. En se basant sur l’âge d’arrivée des immigrés en France, il est possible d’en déduire si les études ont été effectués en France ou non. Les individus arrivés avant leur 18 ans ont certainement effectué leurs études en France, alors que cela est relativement improbable pour les individus arrivés après leur 25 ans.

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