Santé mentale
Une bonne santé mentale est essentielle à la bonne santé des populations et des économies : lorsque les individus sont en mauvaise santé mentale, ils ont plus de mal à réussir à l’école, à être productifs au travail et à rester en bonne santé physique (OCDE, 2021[1]). La pandémie de COVID-19 a profondément bouleversé les modes de vie, de travail et d’apprentissage des individus, et alimenté une hausse considérable de la détresse psychique. Au début de la pandémie, la part de la population faisant état de symptômes d’anxiété et de dépression a augmenté dans tous les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, et a même doublé dans certains d’entre eux (Graphique 3.19 et Graphique 3.20). Les analyses de l’OCDE ont montré que l’état de santé mentale de la population a fluctué au cours de la pandémie, en s’aggravant généralement durant les périodes où les taux d’infection et de mortalité étaient élevés ou lorsque des mesures de confinement strictes étaient appliquées. Les données disponibles laissent entrevoir une certaine amélioration de la santé mentale de la population à mesure que la situation s’améliorait, mais laissent également penser que les problèmes de santé mentale restent élevés. En Belgique, en Corée, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les données de 2022 montrent généralement une légère diminution de la part de la population déclarant des symptômes de dépression par rapport à 2020. Cependant, la prévalence pour 2022 reste pas moins de 20 % plus élevée qu’avant la pandémie et, dans certains cas, plus de deux à trois fois supérieure au taux de la période antérieure à la pandémie (Graphique 3.19). La persistance de niveaux élevés de souffrance psychique « au-delà » de la pandémie pourrait traduire la confluence de plusieurs crises : coût de la vie, climat et tensions géopolitiques.
Par ailleurs, les chocs tels que les pandémies, les phénomènes météorologiques extrêmes et les crises financières peuvent accroître le risque de comportements suicidaires. Si ceux-ci sont influencés par des facteurs sociaux et culturels complexes, la mauvaise santé mentale augmente le risque de décès par suicide. L’écart actuel des taux de décès par suicide est d’un à six dans la zone OCDE, et les décès sont plus de trois fois plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Les décès par suicide étaient globalement à la baisse avant la pandémie, reculant de 28.4 % en moyenne entre 2000 et 2019 (Graphique 3.21). On craignait que la crise du COVID-19 n’entraîne une hausse du nombre de suicides, et l’on a observé une forte hausse des idées suicidaires dans certains pays, en particulier chez les jeunes (OCDE/Union européenne, 2022[2]). Dans une certaine mesure, ces inquiétudes ne se sont pas matérialisées au cours de la première année de la pandémie : dans les 27 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, les taux de décès par suicide ont diminué de 2.4 % en moyenne entre 2019 et 2020. Cette tendance varie toutefois d’un pays à l’autre. Dans un tiers des pays pour lesquels des données sont disponibles, le nombre de suicides a augmenté entre 2019 et 2020, tandis que dans un autre tiers, il a diminué de 5 % ou plus. Entre 2019 et 2020, le taux de décès par suicide a augmenté respectivement de 13.4 % et de 10.5 % en Islande et au Mexique, et diminué respectivement de 16.8 % et de 15.2 % au Chili et en Grèce.
Face à la pandémie, les pays de l’OCDE ont réagi rapidement en intensifiant l’accompagnement psychologique. En 2022, en réponse à un questionnaire sur les politiques publiques, les 26 pays de l’OCDE interrogés ont tous déclaré avoir mis en place des services d’urgence en matière de santé mentale en réaction à la pandémie, et la quasi-totalité (25 sur 26) ont indiqué avoir durablement augmenté leur capacité à proposer un accompagnement ou des soins (Lafortune et Levy, 2023[3]). Toutefois, le renforcement de la capacité à prodiguer des soins ou de l’accompagnement n’a pas toujours été proportionnel aux besoins. Ce problème n’est pas nouveau, mais il s’est accentué : même avant la pandémie, deux personnes sur trois sollicitant une aide en matière de santé mentale indiquaient avoir des difficultés à l’obtenir (OCDE, 2021[1]).
La qualité et la couverture des données sur la santé mentale ont été variables au cours de la pandémie. La prudence est donc de mise lorsque l’on compare la prévalence de l’anxiété et de la dépression.
Le Graphique 3.19 et le Graphique 3.20 utilisent des sources de données nationales et peuvent ne pas être directement comparables d’un pays à l’autre et, dans certains cas, au sein d’un même pays. Les différences concernent notamment le nombre et le calendrier des enquêtes ainsi que les instruments d’enquête utilisés pour mesurer la dépression et l’anxiété. Dans certains pays, les instruments d’enquête diffèrent d’une année à l’autre (concernant l’anxiété et la dépression en France et en Espagne, l’anxiété en Allemagne). Les données relatives à la dépression en Italie, en Espagne, en Grèce et en France, portant sur la période de la pandémie et celle antérieure à celle-ci, présentent des différences dans les méthodes de notation qui peuvent conduire à une sous-estimation de l’augmentation des symptômes. Certaines enquêtes n’utilisent pas forcément des échantillons représentatifs au niveau national (l’Australie, l’Autriche, l’Espagne, l’Italie, le Japon s’agissant de la dépression et l’anxiété ; la Grèce s’agissant de la dépression ; l’Allemagne, la Corée et le Mexique s’agissant de l’anxiété). Dans la mesure du possible, les enquêtes sélectionnées se fondent sur la version à neuf questions du Questionnaire sur la santé des patients (PHQ-9) pour la dépression et sur l’outil de dépistage du trouble anxieux généralisé (GAD-7) pour l’anxiété. Plusieurs points de données ont été regroupés pour chaque année, dans la mesure du possible, en ce qui concerne les pays qui collectent régulièrement des données annuelles : Allemagne, Belgique, Canada, Corée, États-Unis, France et Royaume-Uni. Les données concernant la période antérieure à la crise du COVID-19 varient en fonction de la disponibilité. Le choix s’est porté sur les plus récentes, jusqu’à l’année 2019. Toutes les populations ne sont pas prêtes à évoquer leur santé mentale de la même façon, ce qui nuit également à la comparabilité entre les pays.
La déclaration d’un suicide est une procédure complexe qui est influencée par divers éléments, notamment le mode de vérification de l’intention de passage à l’acte, les personnes chargées d’établir le certificat de décès, et les aspects culturels, dont les préjugés entourant le suicide. La prudence est donc également de mise lorsque l’on compare les taux entre pays. Les taux de mortalité standardisés par âge sont calculés par le nombre de décès divisé par les effectifs de la population correspondante. Les données utilisées sont issues de la Base de données de l’OMS sur la mortalité ; les suicides correspondent aux codes X60 à X84 et Y87.0 de la CIM-10.
Références
[3] Lafortune, G. et N. Levy (2023), « Supporting health workforce recovery and resilience », dans Ready for the Next Crisis? Investing in Health System Resilience, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5971a279-en.
[1] OCDE (2021), A New Benchmark for Mental Health Systems : Tackling the Social and Economic Costs of Mental Ill-Health, Études de l’OCDE sur les politiques de santé, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/4ed890f6-en.
[2] OCDE/Union européenne (2022), Health at a Glance: Europe 2022, State of Health in the EU Cycle, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/507433b0-en.