Pour mettre un terme à la pandémie mondiale, nous avons besoin de solutions mondiales : point de vue

Gayle Smith
President and CEO, ONE Campaign

Si beaucoup l’avaient prédite, peu s’y étaient préparés. La pandémie mondiale qui continue de semer le chaos sur la planète a mis à mal la santé publique et fait plus d’1 million de victimes. Ses répercussions sont tout aussi effrayantes : pertes colossales pour l’économie mondiale, perturbation des échanges mondiaux, accroissement de l’insécurité alimentaire, interruption de l’enseignement, pertes d’emploi massives, et montée en flèche des violences domestiques partout dans le monde.

La pandémie a également exposé au grand jour les inégalités criantes qui, encore en 2020, déterminent qui vit et qui meurt, qui prospère et qui vit en souffrance, quels pays et communautés se relèveront de ces chocs multiples et quels pays s’effondreront sous leur poids. Alors que la Banque mondiale annonce déjà que, pour la seule année 2020, entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires tomberont dans l’extrême pauvreté en raison de la pandémie, il est de plus en plus manifeste que cette dernière a des effets disproportionnés sur les populations les plus vulnérables. À tout le moins, la pandémie a mis en lumière l’interdépendance étroite qui existe entre pauvreté et inégalités et a nourri une soif d’équité fondamentale ainsi qu’une colère grandissante à l’idée que cette équité demeure hors de portée.

Le fait que la pandémie soit apparue dans un contexte de désunion mondiale sans précédent n’a fait qu’accroître le pouvoir de nuisance du virus. Au moment de la rédaction de ce « Point de vue », les dirigeants du monde ne sont pas encore parvenus à conjuguer leurs efforts pour élaborer un plan commun permettant d’éradiquer cette menace transnationale qu’aucun pays ou région ne peut maîtriser seul(e). Dans l’ensemble, les citoyens fournissent leur part d’effort : ils se conforment aux mesures édictées par les experts et les responsables publics, ils portent le masque, ils pratiquent le télétravail, ils respectent la distanciation physique et ils prodiguent les soins de santé urgents dont ont besoin tant de malades. Leur exigence est on ne peut plus raisonnable : voir leurs dirigeants diriger.

La terrible ironie de la situation – et peut-être notre salut –, c’est que nous connaissons les solutions, du moins pour ce qui est de maîtriser et, à terme, d’éradiquer la pandémie, et d’atténuer ses effets destructeurs sur les plans économique et social. Nous sommes face à un virus et devons donc nous appuyer sur la science, les données et les faits. Nous pouvons planifier et mettre en œuvre des mesures sur la base de nos connaissances et non de notre instinct ; nous pouvons évaluer nos réussites et nos échecs, et adapter notre réponse en conséquence ; nous pouvons déjouer le virus en le privant progressivement puis totalement de toute possibilité de se propager.

En premier lieu, nous avons besoin d’une stratégie mondiale dûment financée. Nous devons et pouvons planifier et financer une stratégie mondiale visant à produire et à déployer des vaccins et des traitements partout dans le monde. Toutefois, la pandémie s’éteindra non pas quand nous aurons trouvé ces vaccins et ces traitements, mais quand tout le monde y aura accès.

Cette solution s’impose comme la plus appropriée, mais aussi comme la plus judicieuse si nous voulons mettre un terme à la pandémie le plus rapidement possible. Les données épidémiologiques nous montrent qu’il faut procéder de façon méthodique pour aller au-delà de la simple mise à disposition de vaccins et de traitements auprès des populations qui ont les moyens de se les procurer, et réduire la durée de la pandémie.

Une coalition de volontaires œuvre déjà en ce sens dans le cadre du Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre le COVID-19 (Accélérateur ACT) et du mécanisme COVAX, qui prévoit un système perfectionné de garantie de marché. Pour autant, si nous voulons priver le virus de tout environnement propice à sa prolifération et stopper sa réimportation cyclique dans les pays qui l’ont éradiqué, nous devons mobiliser tous les pays et réunir le financement nécessaire pour garantir que les pays à faible revenu soient eux aussi couverts.

En deuxième lieu, nous devons privilégier une vision globale. Nous devons aussi, et parallèlement, gérer les répercussions de la pandémie. Pour la première fois depuis 20 ans, l’extrême pauvreté a progressé. Nous savons que lorsque des communautés ou des pays subissent des chocs externes (sécheresse, ouragan, baisse des cours des matières premières, guerre ou pandémie), ce sont les populations ou les pays pauvres qui sont le plus durement touchés, tout simplement parce qu’ils disposent de moins de mécanismes d’adaptation sur lesquels s’appuyer.

Mais dans l’immédiat, nous sommes face à une pandémie et à deux réalités concernant la stabilisation des économies. Les pays les plus riches ont adopté des mesures extrêmes et, afin de contenir l’hémorragie provoquée par le virus, ils ont à juste titre imposé des confinements et cessé certaines activités économiques. Les pays à faible revenu et de nombreux pays à revenu intermédiaire ne peuvent se permettre d’appliquer de telles solutions, et faute de mesures immédiates et tout aussi drastiques, nous assisterons bientôt à de multiples défauts de paiement, à des situations d’insolvabilité et au lot de douleurs et de souffrances humaines que tout effondrement économique entraîne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Parmi les pays du Groupe des vingt (G20), les mesures de relance représentent en moyenne quelque 22 % du produit intérieur brut (PIB). Dans les pays d’Afrique subsaharienne, cette moyenne s’établit à 3 % seulement. Un tel monde à deux vitesses est inacceptable.

Une fois encore, une solution est à notre portée, et elle sera moins onéreuse qu’un éventuel échec de notre part à empêcher un effondrement économique. Les créanciers doivent prendre des mesures plus soutenues et plus rapides afin d’alléger la pression supportée par les pays les plus pauvres de la planète. En conjuguant prorogation du moratoire sur la dette, allocation de droits de tirage spéciaux par le Fonds monétaire international et restructuration de la dette, il est possible d’éviter les défauts de paiement, de générer des liquidités plus que nécessaires et de préserver les avancées réalisées en matière de développement depuis 25 ans.

En troisième lieu, nous devons être parés pour la prochaine menace. Nous devons dès aujourd’hui saisir l’occasion de réduire le risque d’impréparation du monde à la prochaine menace virale – qui, nous le savons, ne sera pas la dernière.

Le monde a la fâcheuse habitude de tourner la page dès la fin d’une crise, sans en intégrer les leçons ni les mesures qui pourraient empêcher la prochaine. Il est temps de rompre avec cette habitude et d’investir dès aujourd’hui afin de renforcer nos défenses communes en vue de la prochaine bataille.

Les mesures évoquées plus haut suscitent une résistance qui s’explique par la conviction qu’il est aujourd’hui prioritaire de se recentrer sur nous-mêmes, sur nos communautés et sur notre pays. Certes, il le faut. Mais une stratégie centrée sur soi est impuissante face à un virus hors de contrôle. Or, c’est exactement ce que certains pays semblent avoir choisi comme voie : tenter de s’abriter derrière des frontières dont le virus fait fi, commander autant de doses que possible d’un vaccin potentiel pour les besoins de tout le pays et ignorer les appels en faveur d’une coopération internationale plus étroite.

L’intérêt d’apporter une réponse mondiale à une pandémie mondiale réside dans son coût bien plus économique, puisqu’elle peut permettre de faire disparaître la pandémie plus rapidement – ce qui est dans l’intérêt national de chaque pays. Apporter une réponse mondiale s’impose également comme la solution la plus appropriée et, alors que la confiance des populations envers les pouvoirs publics s’effrite, nous avons tout à gagner à montrer qu’en réalité, l’équité tant recherchée n’est peut-être pas si hors de portée qu’elle le semble.

Le monde a la fâcheuse habitude de tourner la page dès la fin d’une crise, sans en intégrer les leçons ni les mesures qui pourraient empêcher la prochaine. Il est temps de rompre avec cette habitude et d’investir dès aujourd’hui afin de renforcer nos défenses communes en vue de la prochaine bataille  
        
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