Résumé

La pêche représente une source importante d’aliments nutritifs et joue un rôle déterminant dans la sécurité alimentaire à l’échelle mondiale. Dans de nombreux pays, elle procure par ailleurs des moyens de subsistance et joue un rôle majeur dans l’économie locale des collectivités côtières. Dans ce contexte, les pouvoirs publics réglementent et soutiennent le secteur pour garantir sa productivité et sa durabilité, préserver les revenus des pêcheurs en cas de chocs, comme la pandémie de Covid-19 et l’agression à grande échelle menée par la Russie à l’encontre de l’Ukraine, et veiller au bien-être des populations dans les régions où les sources de revenus de substitution sont peu nombreuses.

Ce soutien risque cependant de desservir ces ambitions lorsqu’il favorise la formation d’une capacité de pêche excessive, la surexploitation des stocks et la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Le risque est particulièrement important dès lors que les captures ne sont pas limitées à des niveaux durables. Lorsque le soutien public favorise une pêche non durable, il finit par mettre en péril les moyens de subsistance des pêcheurs en portant atteinte à la productivité et à l’existence même de la ressource dont ils dépendent, tout en risquant de les rendre plus tributaires des aides. En règle générale, le soutien ne permet alors pas d’augmenter le revenu des pêcheurs et peut éroder involontairement la compétitivité de la pêche artisanale.

La santé des stocks est l’un des principaux déterminants de la performance des activités de pêche. Il est donc impératif de gérer durablement les stocks et de soutenir la pêche sans compromettre la santé des ressources pour assurer la performance sociale, économique et environnementale du secteur et sa résilience aux chocs, en particulier à ceux provoqués par le changement climatique.

La présente édition de l’Examen de l’OCDE des pêcheries fait la synthèse des données disponibles sur la santé des stocks halieutiques, la gestion des pêches et le soutien au secteur dans les pays de l’OCDE et les principaux pays hors zone OCDE pratiquant la pêche. Son objectif est d’évaluer la santé du secteur et d’étudier la manière dont l’action publique pourrait l’aider à contribuer davantage à la sécurité alimentaire mondiale et à l’économie maritime pour avancer sur la voie d’une transformation bleue.

Selon les dernières évaluations réalisées dans les 32 pays et économies pris en compte dans les indicateurs de gestion des pêches de l’OCDE, 64 % des stocks sont en bonne santé et 18 % ne satisfont pas aux critères de durabilité, tandis que l’état de santé des 18 % restants ne peut être établi de manière concluante. En outre, un peu moins de la moitié des stocks en bonne santé répondent à des critères de gestion plus stricts permettant d’en optimiser la productivité (en d’autres termes, ces stocks sont suffisamment abondants pour que le volume ou la valeur des captures puissent être portés au maximum).

Une gestion efficace des pêches est vitale pour préserver la santé des stocks halieutiques et optimiser leur productivité. Les données recueillies pour les besoins du présent rapport montrent que la gestion des pêches repose généralement sur une panoplie de mesures destinées à maîtriser les volumes ainsi que les modalités, la période et le lieu des captures. Les pratiques de gestion varient aussi considérablement d’une pêcherie à l’autre. En 2021, environ trois quarts des stocks correspondant aux plus importantes espèces commerciales des pays et économies étudiés étaient soumis au respect d’un total admissible de capture (TAC), lequel permet de plafonner les quantités pouvant être pêchées. Cette jauge est considérée comme l’un des principaux garants de la santé des stocks. En 2020, les débarquements d’espèces intégralement soumises à un TAC ont atteint 9.2 milliards USD, soit 61 % de la valeur des débarquements de l’ensemble des espèces prises en compte dans les données. En volume, ces débarquements représentaient 12.6 millions de tonnes, soit 81 % de l’ensemble précité.

La base de données de l’OCDE sur l’estimation du soutien à la pêche (FSE, de l’anglais Fisheries Support Estimate) porte sur 40 pays et économies, lesquels ont totalisé 90 % des débarquements mondiaux sur la période 2018-20. Sur cette même période, ces pays ont accordé un soutien annuel moyen de 10.4 milliards USD au secteur de la pêche, ce qui correspond à environ 11 % de la valeur moyenne des débarquements qu’ils ont enregistrés, contre environ 14 % en 2012-14.

Ce sont souvent les pays aux secteurs halieutiques les plus importants qui accordent le plus de soutien. En 2018-20, 86 % de la totalité du soutien recensé dans la base de données FSE relevait de six économies : la République populaire de Chine, à hauteur de 38 % (contre un peu moins de 50 % en 2012-14), le Japon (13 %), les États-Unis (10 %), le Canada (8 %), le Brésil (6 %), alors que les États membres de l’UE dans leur ensemble représentaient un peu moins de 9 %. Ces six économies occupaient également l’une des sept premières places mondiales en termes de volume total de captures, de capacité de pêche ou d’emploi. Lorsque le soutien est exprimé en pourcentage de la valeur des débarquements, par tonne brute de capacité de pêche ou par pêcheur, ce sont la Pologne, la Suède, la Slovénie, le Danemark et le Brésil qui arrivent en tête du classement.

La base de données FSE regroupe toutefois un grand nombre de mesures de soutien qui se distinguent par leur nature et leurs possibles effets socio-économiques ou environnementaux. Lorsque l’on procède à des comparaisons, il est donc instructif de distinguer les différentes catégories de mesures à l’étude et de mettre l’ampleur du soutien en regard de mesures appropriées de la taille du secteur.

Dans les pays de l’OCDE, en moyenne 42 % du soutien apporté entre 2018 et 2020 visait à garantir une pêche productive et durable en ciblant des activités de gestion, de suivi, de contrôle et de surveillance (GSCS). Au fil du temps, les investissements dans ces activités sont devenus le principal levier de financement public dans la zone OCDE. Parallèlement, 12 % de l’aide relevait de mesures qui, en l’absence de gestion efficace des pêches, risquent fortement d’encourager des pratiques non durables, au premier rang desquelles on trouvait notamment des mesures de soutien au carburant et aux navires. Par ailleurs, 33 % du soutien était imputable à des mesures susceptibles d’encourager de façon modérée, mais non négligeable, une pêche non durable. Les principaux mécanismes en cause étaient alors le soutien aux infrastructures et aux revenus (à hauteur de 19 % et 12 % du soutien total, respectivement). Enfin, dans les économies émergentes, la majorité des aides accordées en 2018-20 (53 %) relevaient de mesures hautement susceptibles d’encourager des pratiques non durables en l’absence de gestion efficace des pêches, avec pour cible principale les carburants.

Les pays devraient reconstituer les 18 % de stocks halieutiques qui ne répondent pas aux critères de durabilité, afin de garantir leur bonne santé à long terme et d’améliorer leur productivité et les retombées économiques pour le secteur de la pêche. Lorsqu’aucun programme de reconstitution n’a encore été adopté, les gestionnaires devraient envisager de modifier leur mode de gestion afin d’œuvrer à cette reconstitution. En allant plus loin et en veillant à ce que les stocks déjà en bonne santé soient exploités de façon optimale (pour maximiser la valeur ou le volume des captures), il sera également possible d’ouvrir la voie à des gains économiques.

De plus, les pouvoirs publics devraient continuer d’investir dans l’évaluation scientifique des stocks, de manière à connaître l’état et la productivité de ceux qui ne sont actuellement pas évalués ou dont l’état est indéterminé, notamment lorsqu’ils occupent une place importante dans l’activité de pêche commerciale. Cela permettrait probablement d’améliorer la durabilité des pêches et d’accroître la rentabilité économique des stocks dont le statut sous-exploité ou, au contraire, surexploité, n’a pas été détecté. La mise au point de méthodes permettant l’évaluation des stocks même lorsque les données disponibles sont peu nombreuses et les capacités limitées va devenir de plus en plus importante pour renseigner une gestion des stocks adaptative, notamment à mesure que le changement climatique continue d’affecter l’abondance et la localisation des stocks de ressources halieutiques.

De plus, investir dans la mise en corrélation des données sur la gestion des stocks et celles relatives à leur santé permettrait aux pouvoirs publics de mieux déterminer où les mesures de gestion sont efficaces, d’optimiser ces mesures et, au fil du temps, d’améliorer encore la santé et la productivité des ressources halieutiques. Pour faciliter cette analyse, les pouvoirs publics devraient envisager d’adopter une convention internationale de dénomination des stocks qui reprendrait, dans la mesure du possible, les codes assignés aux espèces répertoriées par le Système d’information sur les sciences aquatiques et la pêche (ASFIS). L’harmonisation des dénominations revêt une importance toute particulière dans le cas des stocks partagés, dont le nombre devrait croître du fait du changement climatique.

Il serait également possible de mieux articuler les différentes mesures de soutien à la pêche de façon à minimiser le risque qu’elles portent atteinte à la santé des stocks. Les pays devraient examiner soigneusement les mesures de soutien susceptibles de favoriser une pêche non durable et déterminer si les bénéficiaires de ces aides exercent leurs activités au sein de pêches gérées durablement. Dans la négative, les pays devraient envisager de mieux concevoir et cibler ces mesures, en les assortissant, par exemple, de conditions d’éligibilité, ou de recourir à d’autres formes de soutien. Par précaution, les pays pourraient aussi progressivement arrêter d’avoir recours à des mesures susceptibles de menacer les stocks halieutiques, tant il est difficile et coûteux de vérifier régulièrement que chaque bénéficiaire d’aide évolue au sein de pêcheries gérées durablement. Ils doivent par ailleurs veiller à ce qu’il soit effectivement impossible de bénéficier d’aides publiques en cas de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Le présent rapport expose diverses mesures en ce sens.

Le fait de supprimer les formes de soutien qui risquent fortement d’encourager la surpêche permettrait par ailleurs au secteur d’être plus juste et résilient, ces mesures pouvant être source d’iniquité pour les artisans-pêcheurs et ne permettant généralement pas d’augmenter les revenus. L’argent ainsi économisé pourrait être réaffecté aux activités de gestion durable et de police des pêches, ainsi qu’à la recherche sur la santé des ressources halieutiques et les conséquences du changement climatique. En outre, un soutien direct aux revenus pourrait contribuer à préserver les moyens de subsistance des pêcheurs si nécessaire.

En juin 2022, les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont convenus d’une série de disciplines visant à éliminer quelques-unes des formes de subvention potentiellement les plus préjudiciables : celles qui favorisent la pêche INN, celles qui favorisent la pêche de stocks surexploités, et celles qui favorisent la pêche en haute mer non réglementée. Les pays devraient accepter l’Accord de l’OMC sur les subventions à la pêche pour que ce dernier puisse entrer en vigueur, et poursuivre leurs négociations au sein l’organisation afin de convenir de disciplines visant à éliminer d’autres subventions potentiellement néfastes, comme celles qui encouragent la surcapacité et la surpêche. Les données exposées dans le présent rapport, ainsi que le cadre d’analyse des risques proposé pour auto-évaluer les risques d’atteinte à la santé des stocks que peuvent receler certaines mesures de soutien, peuvent aider les pays à mettre en œuvre ces réformes.

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