Chapitre 4. Conclusion et prochaines étapes

En premier lieu, il faut souligner que les communes tunisiennes connaissent un contexte opportun pour mettre en œuvre de bonnes pratiques en matière de gouvernement ouvert. De fait, elles peuvent s’appuyer sur un nouveau cadre juridique et un engagement des associations et des communes elles-mêmes. En deuxième lieu, le contexte actuel – le cadre juridique et les disparités régionales – ne leur laisse pas d’autre choix que d’expérimenter de nouvelles approches de gouvernance qui mettent les citoyens au cœur du processus et permettent l’élaboration de politiques publiques au plus près de leurs besoins.

Afin d’installer le gouvernement ouvert au niveau local, le gouvernement national est appelé à mettre en place les conditions appropriées, à savoir un cadre légal et institutionnel fixe et des ressources humaines et financières adaptées. Le gouvernement national pourrait également soutenir le développement de pratiques du gouvernement ouvert au niveau local en s’inspirant de ses expériences dans le domaine et en proposant des guides, des formations, ainsi qu’un soutien technique. Une coordination étroite avec des organisations représentant les communes reste cependant incontournable pour prendre en compte leurs besoins et spécificités et pour alimenter les synergies des efforts aux niveaux national et local.

Les communes, quant à elles, pourraient tirer les leçons de leurs expériences actuelles et, en se basant sur le nouveau cadre juridique, développer des visions et stratégies en matière de gouvernement ouvert comprenant une feuille de route, des activités prioritaires et des indicateurs de performance. Ces stratégies permettront de se mettre d’accord avec les citoyens et la société civile et de définir une vision qui va au-delà des mandats électoraux.

Encadré ‎4.1. Résumé des recommandations
  • La mise en place et la concrétisation de la décentralisation restent les éléments- clés pour le gouvernement ouvert au niveau local. La mise en œuvre du Code des collectivités locales et des lois d’accompagnement permettrait de définir d’une façon plus claire le modèle de décentralisation choisi et les compétences attribuées au niveau infranational. Une légitimité accrue en termes de compétences et de ressources permettrait aux administrations locales de développer des approches à long terme en mesure de regagner la confiance des citoyens. Ceci nécessite une coordination interministérielle entre le ministère des Affaires locales et de l’Environnement, le ministère des Finances et la Présidence du Gouvernement, notamment l’unité responsable du gouvernement ouvert, afin d’assurer une harmonisation entre les politiques publiques du développement local et de la décentralisation, les ressources humaines et les finances. Ces ministères pourraient élaborer des propositions sur l’organisation institutionnelle nécessaire afin de créer un cadre institutionnel adapté au niveau local dans lequel les différentes sections et leurs responsables (accès à l’information, plaintes, bureau des relations avec les citoyens) travaillent en coopération et échangent des informations. Des propositions pour l’organisation du cadre institutionnel concernant les tâches liées au gouvernement ouvert permettraient d’assurer une cohérence. Ces structures devraient néanmoins être adaptées aux communes en fonction de leurs taille et contexte.

  • Dans le but de mieux cibler le programme national tunisien en matière de gouvernement ouvert et d’en faire un moteur du développement pour le pays, il serait envisageable de concevoir des structures d’implication des administrations locales dans les projets nationaux, telles que le Comité de pilotage pour le gouvernement ouvert, les initiatives pour les données ouvertes, etc.

  • Dans la même perspective, afin de renforcer et d’améliorer les programmes nationaux, tel que le PDUGL, qui envisagent d’instaurer le gouvernement ouvert au niveau local, il s’avèrerait très utile d’impliquer davantage les administrations locales et de s’inspirer des processus et mécanismes développés au niveau local. Une meilleure implication des administrations locales, notamment par le biais des institutions représentatives (le futur Conseil supérieur des collectivités locales ainsi que la Fédération nationale des villes tunisiennes), permettrait de mieux cibler les programmes inspirés des besoins et réalités locaux et encouragerait l’adhésion politique des acteurs locaux.

  • Compte tenu de la situation actuelle et du gel des embauches, le gouvernement national, en coopération avec la société civile et des organisations représentatives des communes, pourrait proposer des formations en matière de gouvernance ouverte et d’accès à l’information afin de soutenir les municipalités dans la réalisation de leurs missions. Cette démarche nécessite l’implication de différents acteurs tels que l’École nationale de l’administration ou l’Académie internationale de la bonne gouvernance.

Recommandations pour les communes

  • Les municipalités pourraient élaborer leur propre stratégie en matière de gouvernement ouvert au niveau local. Les maires et les élus, en concertation avec les citoyens, pourraient aboutir à un consensus sur les grandes priorités en matière de transparence, de participation des parties prenantes, d’intégrité et de reddition des comptes en s’inspirant des nouvelles prérogatives du Code des collectivités locales. Cette stratégie inclurait la vision, les objectifs, les activités à entreprendre ainsi qu’un calendrier et des indicateurs d’évaluation d’impact. Une stratégie en matière de gouvernement ouvert permettrait d’avoir au-delà des élections une approche à long terme, d’assurer une cohérence entre toutes les activités, ainsi que de regrouper toutes les parties prenantes autour d’une même vision. Elle permettrait également de mieux harmoniser les activités avec les ressources humaines et financières disponibles et d’élaborer une feuille de route pour le développement de ces ressources. Les stratégies pourraient être élaborées par chaque commune, et un échange entre elles pourrait leur servir à harmoniser ces stratégies, à apprendre l’une de l’autre et à avoir une approche commune vis-à-vis du gouvernement central.

  • Dans la même perspective, dans un esprit d’écoute et de réponse aux attentes et besoins des citoyens, les municipalités pourraient envisager de s’engager dans un dialogue avec la société civile afin d’établir une charte/vision commune, notamment fondée sur la charte adoptée pour le budget participatif. Elles pourraient établir une feuille de route pour la mise en œuvre des prérogatives sur le gouvernement ouvert incluses dans le Code des collectivités locales. Elles pourraient également envisager d’autres initiatives dans le domaine de la participation citoyenne allant au-delà du budget participatif.

  • Il serait utile de tirer les leçons et les bonnes pratiques des pratiques existantes, afin que ces expériences, ainsi que la confiance établie à travers le budget participatif et le partenariat à Sayada, puissent constituer une base pour l’instauration de mécanismes structurés de consultation publique et de dialogue avec toutes les parties prenantes concernant les grands projets municipaux et les plans d’aménagement urbain. Une participation plus structurée gagnerait encore en importance avec l’adoption du Code des collectivités locales et le transfert de nouvelles compétences aux communes.

  • Les municipalités sont appelées à concevoir des approches de la gouvernance ouverte qui nécessitent peu de ressources humaines et financières. Des partenariats avec la société civile, les universités ou le secteur privé – tel qu’il en existe à Sayada pour la gestion du site web – pourraient être envisagés. Ces partenariats pourraient également servir à mieux cibler les initiatives de gouvernement ouvert, en identifiant conjointement les informations et données les plus importantes et les plus demandées, dans le but de gérer une publication de manière proactive ou dans celui de diffuser une culture de la transparence. Des séminaires, des formations, mais également l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, pourraient faciliter la compréhension des droits et obligations liés à l’accès à l’information.

  • Suite aux élections de mai 2018, la formation et la capacitation des nouveaux élus sont essentiels afin de promouvoir une culture de la démocratie locale ; le renforcement des capacités des fonctionnaires afin qu’ils puissent développer les politiques en la matière est de même important.

  • Les conseils municipaux et leurs commissions ont gagné davantage en légitimité depuis les élections municipales et sont par conséquent des lieux importants de décisions municipales. Les municipalités pourraient alors renforcer leurs efforts d’utilisation des technologies de l’information et de la communication – en particulier des réseaux sociaux numériques – afin d’encourager une participation accrue, surtout dans les réunions des conseils municipaux.

  • Dans le but d’instaurer la confiance des citoyens et de la société civile, il serait également utile d’augmenter la transparence entourant l’action municipale, en particulier en ce qui concerne les délais de mise en œuvre des projets. Cette approche requiert un suivi et une évaluation systématiques de la mise en œuvre des projets.

  • À une période où des radios associatives naissent en Tunisie, y compris des web radios, et où la presse en ligne émerge, les collectivités locales devraient privilégier le dialogue avec ces médias afin de les inciter à devenir des acteurs du dialogue entre société et gouvernement. En créant des contacts presse et en facilitant l’accès direct à l’information – sans passer par le niveau central – les municipalités pourraient encourager un journalisme qui traite davantage des enjeux locaux.

  • La promotion de l’échange d’expériences et la coopération inter municipale en matière de gouvernement ouvert au niveau local, notamment à travers la FNVT, l’organisation de journées annuelles et de grands débats autour du gouvernement ouvert au niveau local, permettraient de mieux élaborer les stratégies et initiatives en la matière.

  • Assurer de manière continue le suivi et l’évaluation des stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert au niveau local permettrait de les adapter et de renforcer leur impact.

Recommandations pour la société civile, les citoyens et les médias

  • Les acteurs de la société civile et les médias pourraient, quant à eux, renforcer la confiance et le dialogue en démontrant davantage de transparence en adoptant les meilleurs pratiques de gouvernance interne, intégrité et transparence dans la gestion de leurs activités

  • Ils pourraient également se portant volontaires pour devenir forces de proposition des politiques publiques, proposer aux autorités locales des mécanismes de consultation et participation et jouer le rôle de watchdog.

  • Ils joueraient également un rôle important dans l’éducation civique sur les nouvelles prérogatives du Code des collectivités locales et sur l’accès à l’information.

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