9. Biocarburants

La pandémie de COVID-19 a fait chuter la consommation mondiale de carburants de transport de 8.5 % en 2020 par rapport à l’année précédente, du fait des restrictions de circulation des personnes que cette crise a imposées et des perturbations dans la logistique commerciale qu’elle a causées partout dans le monde. La consommation de biocarburants a suivi le même mouvement, reculant de 8.7 % en 2020 par rapport à 2019. Les projections réalisées pour la présente édition des Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO indiquent que les marchés des biocarburants devraient demeurer en grande partie sous l’influence des mesures nationales de soutien et de la demande de carburants fossiles. On estime que la demande mondiale de biocarburants se redressera en 2021 et 2022, parallèlement à la reprise attendue de la demande totale de carburants. À moyen terme, on prévoit que la consommation mondiale de biocarburants augmentera encore, soutenue principalement par des objectifs d’incorporation en hausse dans les pays en développement. Dans les pays développés, la progression des biocarburants sera limitée par la baisse de la demande de carburants fossiles et par la réduction des mesures d’incitation. Au cours de la période de projection, les prix internationaux des biocarburants devraient progresser en valeur nominale, tout en restant presque constants en valeur réelle. Les prix des biocarburants sont généralement liés aux fondamentaux du marché, tels que le prix des matières premières, celui du pétrole brut et les coûts de distribution ; cela étant, les mesures d’action publique influent fortement sur la trajectoire des prix au fil du temps en couvrant une partie des coûts de production et en liant la consommation de biocarburants à celle des carburants fossiles par le jeu des obligations d’incorporation.

La consommation de biocarburants devrait augmenter à l’échelle mondiale durant la période de projection (Graphique 9.1). Dans son rapport World Energy Outlook (Perspectives mondiales de l’énergie), sur lequel reposent les projections de la demande de carburants fossiles présentées dans les présentes Perspectives, l’AIE annonce une diminution de la consommation totale de carburants dans l’Union européenne et aux États-Unis, ce qui laisse prévoir une croissance limitée de l’utilisation de biocarburants. Dans l’Union européenne, la Directive révisée sur les énergies renouvelables (DER) II classe le biodiesel à base d’huile de palme dans la catégorie des matières à risque élevé de changement indirect d’affectation des sols (CIAS). Il faut donc s’attendre à ce que les exigences découlant de la DER II entraînent une baisse de la consommation de biodiesel d’huile de palme, et donc une moindre consommation de biodiesel. Aux États-Unis, la demande de biocarburants devrait être entretenue par la norme sur les carburants renouvelables (Renewable Fuel Standard – RFS). Cependant, on suppose que le plafond d’incorporation d’éthanol fixé à 10 %1 freinera l’augmentation de la consommation intérieure de ce produit au cours de la période de projection.

Les tendances en matière de consommation de carburants et les évolutions dans les mesures prises par les économies émergentes jouent un rôle notable. Au Brésil, la consommation totale de carburants devrait encore progresser durant la période de projection, et ces projections indiquent que les consommations d’éthanol et de biodiesel augmenteront en proportion. La République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») ne devrait pas mettre en place une obligation nationale d’incorporation concernant l’E10, comme cela avait été proposé en 2017, car ce programme dépend du niveau des stocks de maïs, lesquels ont baissé depuis lors. Les présentes Perspectives estiment donc que les autorités chinoises vont maintenir le taux d’incorporation plus faible de 2 % jusqu’en 2030.

Les obligations d’incorporation devraient évoluer au cours de la période de projection dans certaines économies émergentes. En Indonésie, l’utilisation totale de diesel et la consommation de biodiesel devraient toutes deux augmenter au cours de la période de projection. L’Indonésie a introduit le programme B30 (biodiesel présentant un taux d’incorporation de 30 %) en 2020, qui, allié à une demande de carburants fossiles en hausse, stimule la consommation de biodiesel. Les présentes Perspectives font l’hypothèse que le taux d’incorporation demeurera autour de 30 % pour le biodiesel au cours de la période de projection. En Argentine, ce taux est actuellement de 10 % et on suppose qu’il sera maintenu. À l’horizon 2030, le taux d’incorporation d’éthanol devrait s’élever à 8 % environ en Inde, grâce notamment à l’éthanol de canne à sucre. La projection devrait toutefois rester inférieure à l’objectif E20 que les pouvoirs publics tentent d’atteindre d’ici à 2030, en raison de l’offre limitée de matières premières, en particulier la mélasse qui devrait demeurer le principal ingrédient de base.

À l’échelle mondiale, les biocarburants continueront d’être produits à partir principalement des matières premières traditionnelles, à savoir la canne à sucre et le maïs pour l’éthanol et diverses huiles végétales pour le biodiesel. Le biodiesel fabriqué à partir d’huiles de cuisson usagées conservera une place importante dans l’Union européenne, au Canada, aux États-Unis et à Singapour. Dans la plupart des pays, les mesures relatives aux biocarburants visent à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à réduire la dépendance à l’égard des carburants fossiles, aussi les marchés sont-ils approvisionnés en grande partie par la production intérieure ; la part du commerce international demeure relativement faible et les projections indiquent qu’elle devrait se réduire encore au cours de la décennie à venir. Les échanges mondiaux de biodiesel devraient diminuer de 25 % par rapport aux niveaux actuels, compte tenu du recul de la demande de biodiesel à base d’huile de palme dans l’Union européenne ; les échanges d’éthanol devraient quant à eux baisser modérément. On s’attend à ce que les volumes exportés par l’Indonésie diminuent sous l’effet d’une forte demande intérieure.

D’après les présentes Perspectives, la plupart des biocarburants seront produits à partir de produits agricoles primaires. Aucune augmentation substantielle des biocarburants avancés, tels que l’éthanol cellulosique et le biodiesel à base d’huile recyclée, n’est attendue d’ici la fin de la période de projection. L’incertitude dans les projections tient aux hypothèses sur les évolutions à venir dans le secteur des transports. Des avancées technologiques imprévues et des changements possibles du cadre réglementaire pourraient entraîner des écarts importants par rapport aux projections pour ce qui concerne les marchés de biocarburants.

Les mesures de confinement et la récession économique résultant de la pandémie de COVID-19 ont entraîné une baisse de la demande mondiale de carburants en 2020. La COVID-19 a fait chuter la consommation mondiale de pétrole dans le transport, mais les usages industriels des combustibles fossiles ont été moins touchés. Concernant l’éthanol, ce sont les États-Unis et le Brésil qui ont enregistré les plus fortes baisses de consommation, lesquelles ont fait reculer la demande mondiale. En Indonésie et en Thaïlande, les taux d’incorporation plus élevés ont entraîné une augmentation de la consommation de biodiesel, tandis que celle du diesel diminuait. Les marges de production des biocarburants ont subi le contrecoup de la hausse des prix du maïs et des huiles végétales, ce qui, s’ajoutant à une baisse des prix des carburants fossiles, a créé de l’instabilité ; le soutien des pouvoirs publics a permis d’alléger partiellement la pression sur les marchés. L’utilisation croissante d’éthanol dans l’industrie, poussée par les qualités désinfectantes du produit en ces temps de COVID-19, a également contribué à soutenir la production de biocarburants. Le biodiesel a aussi joué un rôle plus important dans la production d’électricité. La consommation de biocarburants dans des secteurs autres que le transport a été moins touchée. Compte tenu de la baisse de la demande, et malgré le soutien des pouvoirs publics, le niveau global de production d’éthanol et de biodiesel a diminué à l’échelle mondiale pour la première fois depuis 10 ans, de 13.2 milliards de litres et 1.9 milliard de litres respectivement en 2020 par rapport à 2019.

Ces effets défavorables sur le secteur des biocarburants en 2020 ont été partiellement compensés par les mesures existantes et par de nouvelles mesures, en particulier celles visant à réglementer les prix intérieurs de ces produits au moyen de subventions spécifiques et de taxes préférentielles, en plus des obligations d’incorporation qui lient la demande de biocarburants à celle des carburants fossiles. La demande mondiale de biocarburants devrait reprendre à partir de 2021, dans le cadre du redressement économique attendu, du relèvement des obligations d’incorporation et de la mise en œuvre d’initiatives de décarbonisation. La demande globale sera toutefois inférieure à celle de 2019.

Compte tenu de l’évolution des marchés des huiles végétales, les prix nominaux du biodiesel devraient grimper plus lentement (1.1 % par an) que ceux de l’éthanol (1.8 %). En valeur réelle, on estime que les prix du biodiesel diminueront après 2024 et que ceux de l’éthanol repartiront à la baisse après 2026. La meilleure performance des prix nominaux de l’éthanol par rapport à ceux du biodiesel tient surtout au fait que les premiers n’ont jamais été aussi bas qu’à l’heure actuelle et que la remontée attendue pour les premières années de la période de projection partira de ce niveau très faible. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les mesures reposant sur des avantages fiscaux ou le soutien des prix créent souvent un décalage entre les prix internationaux et domestiques des biocarburants.

À l’échelle mondiale, les présentes Perspectives estiment qu’au cours de la période de projection, la production et la consommation de biocarburants devraient augmenter à un rythme bien inférieur à celui enregistré lors des décennies précédentes, en raison surtout de la réduction des aides accordées à ce secteur aux États-Unis et dans l’UE. La demande de biocarburants devrait croître dans les principaux pays en développement du fait de l’élargissement attendu des parcs de véhicules, de mesures nationales favorisant les mélanges à haute teneur et d’une plus forte demande des consommateurs.

D’après les projections, la production mondiale d’éthanol augmentera pour atteindre 132 milliards de litres en 2030, quand celle de biodiesel s’élèvera à 50 milliards de litres, poussée principalement par la hausse de l’obligation d’incorporation en Indonésie au cours des premières années de la période de projection. Les matières premières utilisées pour la fabrication des biocarburants varient selon les pays. Les matières premières traditionnelles demeureront prédominantes, même si de nombreux pays sont de plus en plus sensibles à la viabilité écologique du secteur (Graphique 9.3).

Le Brésil est le seul pays dans lequel les biocarburants représentent plus de 10 % de la consommation d’énergie du secteur des transports. Cela étant, dans de nombreux pays, et particulièrement dans les économies en développement, l’action des pouvoirs publics en matière de biocarburants vise à réduire la dépendance à l’égard des carburants fossiles.

Les présentes Perspectives font l’hypothèse que les autorités américaines maintiendront toutes les obligations d’incorporation fixées par l’Agence pour la protection de l’environnement (Environmental Protection Agency – EPA) aux niveaux annoncés récemment – en volume –, et ce malgré le recul attendu des carburants de transport. La consommation d’éthanol devrait diminuer de 0.2 % par an (Graphique 9.4). Au cours de la prochaine décennie, le taux maximal d’incorporation d’éthanol, de 10 %, devrait limiter la consommation intérieure, dont on prévoit qu’elle se maintiendra à ce niveau d’ici à 2030. En effet, le débat en cours sur le déploiement des pompes à E15 ne s’est pas tenu dans l’ensemble du pays.

La croissance de la production d’éthanol devrait diminuer de 0.4 % par an. Le maïs demeurera la principale matière première utilisée à cette fin, représentant 99 % de la production en 2030. La capacité de production d’éthanol cellulosique devrait rester constante au cours de la période de projection. Les États-Unis demeureront le premier producteur mondial d’éthanol, mais leur part dans la production mondiale passera de 47 % à 44 %, et leur production de biodiesel diminuera de 0.3 % par an (Graphique 9.5). La part du pays dans la production mondiale devrait diminuer, de 18 % à 17 %.

Depuis 2010, le soutien aux biocarburants au sein de l’Union européenne est régi par la Directive de 2009 sur les énergies renouvelables (DER), qui fixe à 10 % la part minimale du renouvelable dans la consommation finale d’énergie des transports à l’horizon 2020. En juin 2018, il a été convenu de porter cet objectif à 14 % ; les plafonds nationaux applicables aux biocarburants issus de cultures vivrières et fourragères sont fixés à un 1 point de pourcentage au-dessus des niveaux de 2020 et ne peuvent excéder 7 %. Le nouveau cadre, adopté en vertu de la Directive 2018/2001 (DER II) du 11 décembre 2018, sera mis en place à l’horizon 20302. En vertu de la DER II, le biodiesel produit à partir d’huile de palme fait partie des produits à risque élevé de changement indirect d’affectation des sols (CIAS), ce qui devrait faire baisser sa consommation.

Le scénario de référence de l’AIE utilisé pour les besoins des présentes Perspectives prévoit une diminution des parts du diesel et de l’essence dans la consommation totale d’énergie du secteur des transports. Les carburants de type diesel reculent fortement ; la consommation d’éthanol devrait quant à elle augmenter (+0.2 milliard de litres), tandis que celle de biodiesel devrait fléchir en valeur absolue (-2.0 milliards de litres). Cette baisse touchera essentiellement le biodiesel à base d’huile de palme, compte tenu des préoccupations de durabilité que la production de cette huile suscite dans l’UE. La production de biodiesel à partir d’autres huiles végétales devrait également reculer, mais dans une moindre mesure, tandis que celle utilisant des huiles de cuisson usagées devrait augmenter. Il y a donc tout lieu de penser qu’en 2030, même si l’Union européenne occupe toujours le premier rang dans le classement mondial des régions productrices de biodiesel, sa part ne sera plus que de 28 % de la production mondiale, contre 32 % actuellement.

D’après les projections, la consommation totale de biocarburants de l’UE va baisser de 1.1 % par an d’ici à 2030, mais la part des biocarburants avancés devrait s’élever à 26 %, contre 17 % à l’heure actuelle (Graphique 9.3).

Le Brésil dispose d’un vaste parc de véhicules polycarburants fonctionnant indifféremment au bioéthanol (mélange d’essence et d’éthanol anhydre) ou à l’E100 (éthanol hydraté). Concernant le bioéthanol, les pouvoirs publics peuvent faire varier le taux d’incorporation entre 18 % et 27 % en fonction du rapport entre les prix intérieurs du sucre et de l’éthanol. Le pourcentage actuel requis pour l’éthanol est fixé par la loi à 27 %. Par ailleurs, le régime fiscal différencié en vigueur est plus favorable à l’éthanol hydraté qu’au bioéthanol dans les principaux états du pays. Concernant le biodiesel, on estime que les autorités maintiendront le taux d’incorporation à 11 % durant la période de projection.

Le Brésil est le pays qui devrait enregistrer la plus forte hausse de la consommation et de la production d’éthanol annoncée dans les présentes Perspectives (Graphique 9.4), en raison principalement de son programme RenovaBio3. Officiellement signé en janvier 2018, ce programme a pour objectif de réduire l’intensité d’émission du secteur des transports, conformément à l’engagement pris par le pays dans le cadre de la COP 21. Pour créer les mécanismes incitatifs nécessaires à cet effet, RenovaBio mettra en place un système d’échange de crédits fondés sur les émissions de carbone évitées. La production brésilienne devrait augmenter de 1.3 % par an. On estime qu’à l’horizon 2030, plus de la moitié de la production nationale d’éthanol servira à faire rouler des véhicules polycarburants utilisant un carburant à forte teneur en éthanol, ce qui implique une augmentation du parc de véhicules de ce type.

Contrairement aux États-Unis et à l’Union européenne, le Brésil devrait voir sa consommation totale de diesel et d’essence augmenter au cours de la prochaine décennie, ce qui devrait soutenir le potentiel de croissance des biocarburants incorporés dans ces produits. C’est pourquoi les présentes Perspectives prévoient une progression en volume du marché de l’éthanol, mais aussi une hausse de la consommation de biodiesel.

En 2017, la Chine a annoncé de nouvelles prescriptions nationales concernant l’E10, qui visaient à éliminer ses stocks excédentaires de maïs. En 2018, les autorités ont déclaré vouloir élargir ce programme de 114 à 26 provinces d’ici à 2020. Les stocks de maïs étant en baisse depuis 2017, la principale incitation à consommer davantage d’éthanol disparaît peu à peu. Les présentes Perspectives estiment néanmoins que le taux d’incorporation de 2 % sera maintenu jusqu’en 2030. La consommation chinoise d’éthanol progressera parallèlement à l’augmentation de la consommation totale de carburants, mais à un rythme inférieur à celui observé au cours de la décennie précédente. Cette évolution devrait correspondre à une augmentation de la production de 0.1 % par an durant la période de projection. Les présentes Perspectives font l’hypothèse que les matières premières nécessaires pour satisfaire la majeure partie de la demande d’éthanol seront produites sur le territoire. Le biodiesel chinois continuera d’être fabriqué essentiellement à partir d’huiles de cuisson, dont le potentiel de croissance est limité.

En introduisant le B30, (biodiesel présentant un taux d’incorporation de 30 %), l’Indonésie vise à réduire à la fois sa dépendance à l’égard des carburants fossiles importés et ses émissions de GES. Ces dernières années, la production de biodiesel a gagné du terrain sous l’effet d’un programme national mis en place pour soutenir les producteurs de biodiesel et financé par le fonds pour l’huile de palme brute. Les projections de prix de référence internationaux pour l’huile végétale et les projections d’exportations, auxquelles s’ajoute une taxe de 55 USD/tonne prélevée sur les exportations, devraient être suffisantes pour maintenir le B30 au cours de la période de projection. Le soutien aux producteurs de biodiesel couvre l’écart entre le prix de ce carburant et celui du diesel. Le prix du biodiesel est calculé en ajoutant au prix de l’huile de palme brute les coûts de production, fixés à 80 USD/tonne, ainsi que les coûts de transport. En 2020, la subvention moyenne à la production de biodiesel a augmenté pour atteindre 0.22 USD/litre environ, en raison du prix élevé de l’huile de palme brute et du prix bas du diesel. Elle devrait toutefois diminuer au cours de la période de projection, car les prix du pétrole devraient remonter, entraînant à la hausse les prix des carburants fossiles. Partant de ces hypothèses, on estime que la production indonésienne de biodiesel continuera d’augmenter pour atteindre 9.7 milliards de litres d’ici à 2030. Compte tenu de la réglementation environnementale de l’UE et d’une consommation de diesel en baisse dans les pays développés, les exportations devraient demeurer basses au cours de la période de projection.

En Argentine, la part d’éthanol dans l’essence et la consommation de biodiesel devrait se maintenir à leur niveau actuel, et les exonérations fiscales devraient continuer de stimuler le développement du secteur du biodiesel de ce pays, qui exporte près de la moitié de sa production. Cela étant, les barrières commerciales mises en place par les États-Unis et la taxe sur les exportations argentines brideront ces exportations, qui devraient baisser de 0.6 % par an.

L’offre intérieure de matières premières – mélasse, manioc et huile de palme – limite la production de biocarburants. Sauf à augmenter la production de ces matières premières ou à en ajouter de nouvelles, la production demeurera en deçà des cibles retenues pour 2036, d’autant que les pouvoirs publics vont réduire progressivement la subvention actuelle à l’éthanol d’ici à 2022. Les mélanges à plus forte teneur (E85) devraient toutefois être moins touchés que ceux à faible teneur (E10). En moyenne, on estime que le taux d’incorporation restera autour de 14 % durant la période de projection et que la production augmentera de façon marginale pour atteindre 2.0 milliards de litres en 2030. La demande de biodiesel devrait être soutenue par les taux d’incorporation obligatoires, les subventions favorisant le B20 et le B10 au détriment du B7. La quantité limitée d’huile de palme produite sur le territoire restreindra l’offre intérieure de biodiesel et l’augmentation de la demande demeurera marginale, atteignant 2.1 milliards de litres d’ici à 2030.

La politique nationale sur les biocarburants (National Policy on Biofuels) est entrée en vigueur en mai 2018. Son principal objectif est d’atteindre un taux d’incorporation de 20 % pour l’éthanol et de 5 % pour le biodiesel, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux taux actuels, qui sont respectivement de 4 % et 0.1 %. Le principal obstacle à la croissance de la production de biocarburants durant la période de projection est la disponibilité des matières premières actuellement utilisées, principalement la mélasse, dont la production est insuffisante pour répondre à la demande en hausse du secteur des biocarburants. Les évolutions récentes indiquent que la canne à sucre va devenir une matière première intéressante pour la production d’éthanol. Soutenues par des prêts accordés à des conditions de faveur, les sucreries investissent et développent leur capacité de production d’éthanol à partir du jus de la canne à sucre ; en 2021, les rapports indiquent que cette filière pourrait représenter jusqu’à 15 % de la production totale d’éthanol. La montée en puissance de l’éthanol produit à partir du jus de canne pourrait toutefois se trouver freinée par les subventions aux exportations de sucre. Cette situation, conjuguée à l’accélération de la demande d’essence, va brider l’accroissement des taux d’incorporation, aussi la moyenne devrait-elle tourner autour de l’E8 seulement d’ici à 2030. Les projections indiquent que la production d’éthanol sera proche de 7 milliards de litres en 2030, mais cela ne permettra pas de répondre à la demande en hausse et les importations devront augmenter pour combler le déficit.

Au Canada, la consommation de biocarburants est soutenue par la Norme sur les combustibles propres (NCP) et les obligations d’incorporation décrétées à l’échelle provinciale. L’objectif de la norme, actuellement à l’examen, est de réduire les émissions de GES par la mise en place d’un système d’échange de crédits d’émissions de carbone évitées. D’après les projections, le ratio d’éthanol dans l’essence et la consommation de biodiesel devraient se maintenir à leur niveau actuel.

Les projections indiquent que la demande d’éthanol augmentera au cours de la période considérée, suivant en cela la reprise de la demande d’essence. En 2020, la progression marginale du taux d’incorporation au-dessus de celui de l’E10 s’explique par la baisse de la consommation d’essence ; la demande d’éthanol n’a pas varié dans les mêmes proportions. À moyen terme, le taux d’incorporation devrait revenir au niveau de l’E10. Les présentes Perspectives estiment que la canne à sucre demeurera la principale matière première ; de surcroît, la consommation de biocarburants absorbera 22 % environ de la production de canne à sucre en 2030, contre 17 % sur la période de référence, confirmant ainsi l’importance de l’éthanol pour le secteur colombien de la canne à sucre. La demande de biodiesel est restée en retrait ces trois dernières années à cause d’une demande de diesel en baisse, mais le taux d’incorporation est demeuré stable, autour de celui du B10. Les présentes Perspectives font l’hypothèse que ce niveau se maintiendra à moyen terme. La production devrait atteindre 0.6 milliard de litres d’ici à 2030, un niveau à peu près identique au niveau record de 2018.

Les autres producteurs d’éthanol relativement importants sont le Paraguay, les Philippines et le Pérou, où la production pourrait atteindre 0.8, 0.6 et 0.3 milliard de litres respectivement en 2030 ; le taux d’incorporation devrait demeurer stable dans les trois pays, autour de 10 %.

Concernant le biodiesel, les autres grands producteurs sont la Malaisie, les Philippines et le Pérou, où la production pourrait s’établir à 1.6, 0.3 et 0.2 milliard de litres respectivement en 2030. En Malaisie, les projections indiquent que le taux d’incorporation se maintiendra autour de 10 %, tandis qu’au Pérou et aux Philippines, il tournera autour de 6 % et 3 % respectivement. D’autres pays asiatiques, Singapour notamment, devraient continuer à produire 0.9 milliard de litres environ de biodiesel à partir d’huiles de cuisson au cours de la période de projection. Contrairement à la grande majorité des pays, qui utilisent leurs biocarburants sur le territoire national pour faire baisser leurs émissions de GES et réduire leur dépendance à l’égard des huiles importées, Singapour exporte une grande partie de sa production de biodiesel.

D’après les projections, la part de la production totale d’éthanol échangée à l’international restera faible et devrait même tomber à 8 % en 2030, contre 9 % pour la période de référence. Les États-Unis devraient conserver leur statut d’exportateur net d’éthanol à base de maïs. Cela dit, les exportations d’éthanol par les États-Unis devraient reculer au cours de la période de projection en raison d’une faible production. Les projections indiquent que les exportations brésiliennes d’éthanol n’augmenteront que de 0.1 % par an durant la période considérée car le secteur national de l’éthanol s’attachera surtout à répondre à une demande intérieure soutenue.

Les échanges mondiaux de biodiesel devraient diminuer, passant de 7.1 milliards de litres à 5.3 milliards de litres en 2030. Les exportations indonésiennes de biodiesel notamment devraient baisser considérablement sous l’effet de la forte demande intérieure. L’Argentine devrait demeurer en tête des exportateurs de biodiesel, devant l’Union européenne et les États-Unis, mais on estime que les exportations argentines baisseront de 0.6 % au cours de la période de projection en raison d’une demande internationale atone.

Les principaux risques et incertitudes qui pèsent sur l’avenir du secteur des biocarburants sont liés au cadre de l’action publique et à la variation des prix du pétrole. Les incertitudes liées à l’action gouvernementale concernent la variation des niveaux d’incorporation prescrits, les mécanismes mis en œuvre pour contrôler l’application des règles, l’investissement dans les produits non traditionnellement destinés à la production de biocarburants, les exonérations fiscales et les subventions dont bénéficient les biocarburants et les carburants fossiles, ainsi que la technologie des véhicules électriques et les mesures prises pour leur promotion.

Le cadre de l’action publique va demeurer incertain car il dépend de l’évolution des prix agricoles et pétroliers. Les fluctuations des marchés pétroliers retentissent sur les mesures prises car la compétitivité des biocarburants et les subventions attribuées à ce secteur dépendent en partie des prix des carburants fossiles. L’offre de matières premières aussi crée une incertitude ; les pays cherchent généralement à utiliser des matières produites en excédent, de façon à ne pas réduire les disponibilités alimentaires. Les biocarburants concurrencent la consommation alimentaire et peuvent avoir des effets indésirables sur l’affectation des terres, ce qui incite les pays à réfléchir à deux fois avant d’accélérer leur production. Malgré tout, les obligations d’incorporation devraient évoluer positivement au cours de la période de projection dans certaines économies émergentes.

Des avancées technologiques et des changements possibles du cadre réglementaire dans le secteur des transports pourraient entraîner des écarts importants par rapport aux projections actuelles concernant les marchés de biocarburants. On s’attend à ce que les pays adoptent des mesures favorisant la mise en œuvre de nouvelles technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment au moyen d’obligations d’incorporation, de subventions et d’allègements fiscaux. Toutes ces mesures contribuent à transférer les incertitudes en matière énergétique sur les marchés agricoles. L’un des moteurs de la demande future de biocarburants tient donc à la façon dont le secteur privé va réagir à ces mesures. Le secteur automobile et d’autres secteurs ont commencé à investir dans les véhicules électriques. Selon l’accueil qui sera réservé à cette technologie et selon les mesures que les pouvoirs publics prendront pour soutenir le mouvement, il est possible que cette évolution vienne accentuer une baisse potentielle de la consommation des biocarburants au cours des dix ans à venir et au-delà.

Notes

← 1. Ici, le plafond d’incorporation correspond au taux moyen maximal réalisable à l’échelle nationale, étant entendu que la plupart des pompes du pays ne proposent que de l’E10.

← 2. https://ec.europa.eu/jrc/en/jec/renewable-energy-recast-2030-red-ii.

← 3. http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_ato2015-2018/2017/lei/L13576.htm.

← 4. Ces onze provinces représentaient 46.1 % de la population chinoise totale en 2017.

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