Résumé

La lutte contre la corruption dans les marchés publics, secteur particulièrement exposé, nécessite un cadre et des acteurs capables de répondre à une multitude de risques affectant l’ensemble du cycle de la commande publique. Le Québec a entrepris une démarche ambitieuse en réponse aux recommandations de la Commission Charbonneau. Une application optimale de ces mesures pourrait avoir un impact déterminant sur la confiance du public dans ses institutions gouvernementales et dans leur gestion des fonds publics. Afin de compléter les récentes réformes et renforcer les efforts entrepris, Québec pourrait définir une approche exhaustive et stratégique lui permettant d’anticiper le risque de corruption affectant la conduite des marchés publics.

Québec a investi des efforts indéniables pour prévenir la corruption dans les marchés publics, et ces efforts auraient avantage à être mis en œuvre au moyen d’une approche intégrée dans un contexte décentralisé. Plusieurs organismes sont habilités à exercer des pouvoirs de surveillance étendus sur l’ensemble des marchés publics du Québec, mais une stratégie de coordination proactive pourrait accroître l’efficience de ces mesures. Québec a déjà jeté les bases de cette stratégie en développant une méthodologie de gestion du risque pour la conduite des marchés publics alignée avec les bonnes pratiques internationales.

Les travaux du Comité d’experts indépendants (CEI) pour accroître la transparence du processus de programmation du ministère des Transports (MTQ) ont été salués par tous, mais son mandat pourrait être formalisé. Les processus de programmation décentralisés des organismes publics et municipaux pourraient être mieux encadrés et coordonnés afin d’être intégrés dans une approche stratégique.

L’intégrité des marchés publics nécessite des modes de passation des marchés et un degré de transparence adéquats. Québec a entrepris de nombreux efforts en ce sens, mais pourrait renforcer la cohérence et la constance dans l’utilisation des exceptions aux appels d’offres publics (AOP). De plus, malgré la possibilité d’utiliser plusieurs critères d’attribution, le prix le plus bas reste le plus utilisé. La transparence, particulièrement pour la phase en amont et l’exécution des marchés, pourrait être améliorée en ajoutant des fonctionnalités au système électronique d'appel d'offres (SEAO).

L’augmentation de la concurrence est un vecteur important de lutte contre la corruption. Ainsi, les mesures encadrant les relations entre donneurs d’ordre et le secteur privé ou imposant des exigences réglementaires et des contrôles sur les soumissionnaires ne doivent pas se faire au détriment de la concurrence. De plus, Québec pourrait davantage adapter les délais de soumission à la complexité des marchés, car environ un tiers des AOP font l’objet d’addendas repoussant la clôture des soumissions.

La phase d’exécution contractuelle dans les marchés est particulièrement vulnérable aux risques affectant l’intégrité des marchés publics. Cette étape du cycle de la commande publique concentre la majorité des conséquences économiques de la corruption. Ainsi, le gouvernement du Québec a développé un arsenal législatif et institutionnel poussé permettant de soumettre l’exécution contractuelle à une vigilance accrue. Des pouvoirs confiés à l’Autorité des marchés publics (AMP) aux mesures de contrôle préalables à l’octroi des marchés publics, toutes ces initiatives ont pour objectif d’isoler les marchés publics des actes de corruption lors de l’exécution des contrats publics.

Tout en conservant une décentralisation des responsabilités d’application, Québec peut renforcer la coordination de ses actions en matière d’intégrité en établissant des références plus contraignantes pour l’ensemble des organismes publics, ainsi que des mesures accrues de support et d’évaluation pour le monde municipal. Les organismes de surveillance ayant des mandats susceptibles de se chevaucher pourraient coordonner leurs activités de surveillance selon une analyse du risque et prendre en compte les avantages comparatifs de chaque institution. En considérant leur expertise et perspective uniques, les institutions de surveillance pourraient contribuer significativement à la définition de l’approche stratégique, l’accompagnement et le partage de connaissances en matière d’intégrité dans les marchés publics, et ainsi jouer un rôle préventif non-négligeable.

Québec pourrait tabler sur les récents succès du CEI en le formalisant dans une loi ou une directive, et en considérant l’extension de ses activités à tous les projets majeurs d’infrastructure. Les processus de programmation des besoins pourraient également être solidifiés et harmonisés dans les organismes publics et municipaux.

Le gouvernement du Québec pourrait promouvoir davantage le recours aux procédures concurrentielles, et revoir le système relatif aux exceptions aux AOP tout en renforçant leur contrôle. L’utilisation de critères d’attribution multiples et le « coût total du cycle de vie » pourraient être davantage utilisés afin d’améliorer la concurrence. Le gouvernent gagnerait à accroître la transparence dans la phase amont (plans d’achat) et la phase d’exécution du contrat.  Étant donné le rôle clé du SEAO dans le renforcement de l’intégrité, le gouvernement pourrait poursuivre ses efforts de digitalisation en intégrant des fonctionnalités additionnelles et en prévoyant des échéances claires pour rendre obligatoire la soumission électronique des offres.

L’opérationnalisation du régime d’autorisation de contracter pourrait être améliorée en définissant préalablement des objectifs mesurables afin d’évaluer sa performance et son impact sur la conduite des marchés publics, et en adaptant son champ d’application selon les risques inhérents à chaque marché. Le gouvernement du Québec gagnerait à davantage prendre en compte l’impact des exigences règlementaires sur la concurrence et sur l’accès des fournisseurs canadiens hors-Québec dans ses marchés publics.

Compte tenu de l’importance en nombre et en valeur des marchés publics au Québec, une stratégie effective pour combattre la corruption à l’étape de l’exécution contractuelle nécessite la mobilisation de tous les acteurs pour atteindre cet objectif. Ainsi, les institutions de vérification pourraient prioriser leurs contrôles sur la base d’indicateurs de risques objectifs pour concentrer leurs efforts sur les marchés les plus exposés. En complément, le gouvernement du Québec pourrait renforcer et harmoniser les rôles des acteurs directement impliqués dans l’exécution des marchés publics. En effet, ceux-ci, qu’ils soient publics comme le responsable de l’application des règles contractuelles (RARC) ou privés comme les vérificateurs de chantier, ont des attributions et un degré de responsabilisation variables selon les marchés et les donneurs d’ordre. Un renforcement et une plus grande harmonisation de leurs responsabilités permettraient de développer un cadre de gestion contractuelle résilient aux risques de corruption.

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