14. Inde

En Inde, le soutien net aux producteurs est resté négatif au cours des deux dernières décennies, mais avec d’importantes fluctuations. Les producteurs nationaux ont été implicitement taxés, car les paiements budgétaires dont ils bénéficiaient ne compensaient pas l’abaissement des prix lié à l’ensemble complexe de règles de commercialisation et de mesures commerciales nationales. Presque tous les transferts bruts aux producteurs (qu’ils soient positifs ou négatifs) sont mis en œuvre sous les formes qui risquent le plus de fausser la production et les échanges, et ce de façon constante depuis le début des années 2000, période à partir de laquelle les données relatives au soutien agricole sont disponibles.

En 2020-22, le soutien aux producteurs se composait de dépenses budgétaires équivalentes à 11 % des recettes agricoles brutes, d’un soutien des prix du marché (SPM) positif de +1.8 % des recettes agricoles brutes sur les produits de base bénéficiant d’un soutien, et d’un SPM négatif de -27.5 % des recettes agricoles brutes sur les produits taxés. Au total, on constate donc un soutien net négatif de -15 % des recettes agricoles brutes pour la période 2020-22, dans un contexte de hausse des prix à la frontière pour une grande partie des produits exportés concernés, en particulier le blé, le maïs et le lait. Depuis 2022, des restrictions à l’exportation s’appliquent à diverses variétés de riz, de blé, de sucre et de produits dérivés (par exemple, la farine de blé).

Les transferts au titre d’un seul produit (TSP) se composent principalement de SPM, mais varient en fonction des produits. En 2020-22, la plupart des produits ont été implicitement taxés, ce qui a entraîné une baisse effective de 50 % des recettes pour des produits tels que la banane ou la mangue. Les produits présentant un TSP positif, qui peut aller de 8 % à 30 % des recettes par produit sur cette même période, sont notamment le sucre, les pois chiches, d’autres légumes secs et la viande de volaille.

Les importantes subventions à l’utilisation d’intrants variables tels que les engrais, l’électricité et l’eau d’irrigation occupent une place prédominante dans les transferts budgétaires aux producteurs. Toutefois, les dotations budgétaires au programme de transferts directs de revenu, PM-KISAN, augmentent depuis la mise en œuvre de celui-ci en 2018 et représentent désormais 7.2 % des dépenses budgétaires.

Les dépenses publiques destinées à financer des services d’intérêt général pour le secteur (estimation du soutien aux services d’intérêt général, ESSG), principalement en lien avec des investissements dans l’irrigation en dehors des exploitations, représentaient la moitié environ du montant des subventions au titre de l’utilisation d’intrants variables. L’ESSG a augmenté pour s’établir à 4 % de la valeur de la production agricole en 2020-22, contre 3 % en 2000-02.

Les mesures ayant une incidence sur les prix agricoles constituent un soutien implicite aux consommateurs. Les subventions alimentaires découlant du système de distribution publique ciblée, qui ont connu une hausse considérable pendant la pandémie de COVID-19, ont également réduit le coût des produits pour les consommateurs. Au cours de la période 2020-22, l’estimation du soutien aux consommateurs représentait 44 % des dépenses moyennes pour l’ensemble des produits.

Au mois de juin 2022, dans le cadre de la hausse annuelle des prix minimums de soutien, le gouvernement indien a augmenté ces derniers pour plusieurs cultures estivales telles que le riz et le maïs. De même, en octobre 2022, il a augmenté les prix minimums de soutien pour plusieurs cultures hivernales, notamment le colza, le blé et les lentilles.

Aux mois d’avril et de novembre 2022, en réaction à l’augmentation des prix mondiaux des engrais, le Département des engrais du ministère de l’Agriculture et du Bien-être des agriculteurs (MAFW) a augmenté les subventions aux engrais pour les cultures estivales et hivernales. Il s’agissait notamment de soutenir les engrais produits dans le pays à travers la mise en place de subventions au fret permettant de couvrir le coût du transport des États producteurs vers les autres régions du pays.

Plusieurs programmes axés sur la transformation numérique et les mesures agroenvironnementales ont été lancés en 2022. En avril, l’autorité chargée du développement des exportations de produits agricoles et de produits alimentaires transformés a signé un protocole d’accord avec la société nationale de recherche-développement pour la mise en œuvre de la politique d’exportation agricole (Agri-Export) et le renforcement des chaînes de valeur liées à l’exportation de produits agricoles, à travers le déploiement de technologies susceptibles de promouvoir une agriculture résiliente au changement climatique. En mai, le gouvernement indien a lancé un nouveau dispositif de soutien pour l’utilisation de drones dans le secteur agricole, en particulier à des fins d’évaluation de l’état des récoltes et de pulvérisation d’engrais et de pesticides, ainsi que pour le passage à des registres fonciers numériques.

En 2022, l’Inde a décidé de restreindre pour une durée indéterminée les exportations de plusieurs produits, afin de mettre fin à la fluctuation des prix intérieurs liée à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Parmi les différents produits concernés par des interdictions d’exportation, des droits de douane ou des permis d’exporter, on peut citer le riz, le blé, le sucre et les produits dérivés (par exemple, la farine de blé).

En novembre 2022, le ministère de la Consommation a levé les restrictions jusque-là imposées aux grossistes et aux négociants pour le stockage des huiles et des oléagineux. Cette mesure avait été adoptée en 2021 afin de lutter contre la hausse des prix intérieurs des huiles alimentaires en décourageant la constitution de stocks et en surveillant la consommation.

  • En Inde, les mesures en faveur de la durabilité environnementale et de la résilience de l’agriculture – en particulier dans l’optique de l’adaptation au changement climatique – ont pris de l’importance. On les trouve principalement dans des programmes axés sur la conservation de l’eau, la modification des pratiques de gestion des cultures, l’investissement dans les technologies de production végétale et le développement de nouveaux cultivars. Ces initiatives constituent des réponses louables à l’augmentation des pressions exercées sur l’environnement et à la multiplication des menaces liées au changement climatique.

  • Toutefois, les mesures de soutien à l’agriculture mériteraient d’être davantage en phase avec les initiatives de lutte contre le changement climatique et d’adaptation. La réduction des subventions aux intrants variables (engrais, eau d’irrigation et électricité), en particulier, peut contribuer directement à l’abaissement des émissions de gaz à effet de serre (GES) et donner plus de souplesse pour adapter les systèmes de production à l’évolution du climat. Les fonds ainsi dégagés pourraient être utilisés pour former les agriculteurs à une utilisation plus rationnelle et durable des intrants, moyennant des systèmes de vulgarisation axés sur le changement climatique, la durabilité, les compétences numériques et la résilience.

  • La contribution déterminée au niveau national (CDN) de l’Inde comprend un objectif de réduction de l’intensité d’émission à l’échelle de l’économie, mais aucun objectif sectoriel. Plusieurs programmes sectoriels visent néanmoins à atténuer les émissions de GES en mettant en avant les économies d’énergie, les combustibles de substitution renouvelables, la conservation des ressources en eau, le boisement, la gestion des terres et des déchets, l’amélioration de l’efficacité d’utilisation des engrais, la diversification des cultures, la réduction des émissions de méthane dans la riziculture et la lutte contre le brûlage des résidus de récolte. Ces efforts devraient être amplifiés et le suivi de leurs effets sur les émissions de GES amélioré à l’aide d’objectifs clairement définis.

  • Alors que les services d’intérêt général restent axés sur le développement de l’irrigation, il conviendrait de mieux coordonner les nouveaux investissements consacrés à l’irrigation et les objectifs de gestion des ressources en eau, et de favoriser la réduction de la consommation d’eau dans les régions menacées par la sécheresse ou l’épuisement des nappes phréatiques. Dans l’ensemble, les efforts déployés pour une transition à long terme pourraient se concentrer sur un renforcement de la collaboration en matière de planification et de recherche multidisciplinaire, afin de tenir compte de la diversité régionale de l’Inde.

  • Une plus grande attention portée aux services d’intérêt général peut susciter les investissements qui s’imposent dans la recherche-développement et l’innovation agricoles. Une hausse des investissements dans le système de connaissances agricoles et le transfert de ces connaissances, par l’intermédiaire des organisations de producteurs, pourrait notamment assurer une croissance soutenue et soutenable de la productivité. La mise en avant de nouvelles technologies et pratiques de production est par ailleurs essentielle pour faire reculer les émissions de GES du secteur de l’élevage, premier émetteur de GES en Inde.

  • Sur la majeure partie de la période étudiée, les restrictions relatives à la commercialisation intérieure et les mesures aux frontières ont entraîné une baisse des prix jusqu’à un niveau inférieur à celui des marchés internationaux. Le développement du portail électronique sur le marché national agricole (e-NAM), lancé en 2016, devrait rester une priorité pour renforcer l’efficacité des marchés et la compétitivité des chaînes d’approvisionnement agroalimentaire dans les États. En outre, des programmes cohérents devraient être mis en place afin de poursuivre la mise en œuvre de la loi de 2017 sur la commercialisation des produits agricoles et du bétail (promotion et facilitation) de façon plus harmonisée et cohérente entre les États, et mieux synchronisée avec les réformes du système de prix minimum de soutien. Pour qu’ils profitent aux agriculteurs en termes de productivité et de revenu, ces programmes devraient être assortis d’investissements dans les infrastructures de transport, la commercialisation, la formation et d’autres services d’intérêt général relatifs à l’agriculture. À cet égard, les crédits alloués aux infrastructures rurales et à la transformation numérique de l’agriculture dans les budgets de l’Union pour 2021 et 2022 vont dans le bon sens.

  • La part importante du secteur agricole dans l’emploi comparée à sa contribution au PIB témoigne d’un déficit persistant de productivité du travail par rapport aux autres secteurs et se traduit par des revenus agricoles faibles. À court et moyen termes, des transferts monétaires directs (par l’intermédiaire du PM-KISAN, par exemple) peuvent renforcer les moyens de subsistance des agriculteurs les plus pauvres et accompagner leur adaptation à l’évolution des conditions du marché. À long terme, des mesures axées sur l’éducation et les services financiers devront être prises pour favoriser d’importants ajustements structurels, tels que le report d’une partie de la main-d’œuvre agricole sur d’autres activités et une consolidation des exploitations permettant à celles-ci d’atteindre une taille suffisante pour réaliser des économies d’échelle.

  • L’Inde est un important exportateur de produits agroalimentaires. Le cadre d’action en matière d’exportations agricoles (AEP), adopté en 2018, a contribué à réduire l’incertitude et les coûts de transaction tout au long des chaînes d’approvisionnement, en assouplissant les restrictions à l’exportation de produits issus de l’agriculture biologique et de produits agricoles transformés. Cela étant, les restrictions à l’exportation récemment décidées pour des produits tels que le riz, le blé, le sucre, les oignons et les produits dérivés ont une incidence directe sur la fiabilité de l’Inde en tant que fournisseur et aggravent la problématique persistante de la faiblesse des revenus agricoles. Une extension de l’AEP à tous les produits agroalimentaires devrait être envisagée, de façon à créer un environnement de marché stable et prévisible.

  • Bien que temporaires, la baisse récente des droits de douane et l’assouplissement des restrictions quantitatives sur certaines légumineuses vont également dans le sens de l’amélioration de la sécurité alimentaire et de la diversification des apports alimentaires. Parallèlement aux réformes de la commercialisation menées dans le pays, l’assouplissement des restrictions à l’exportation et à l’importation pourrait offrir davantage de visibilité sur le marché et inciter les producteurs et les négociants à investir dans les chaînes d’approvisionnement.

  • Au cours de la période qui a précédé la pandémie de COVID-19, l’Inde a accompli d’importants progrès dans l’élimination des facteurs d’inefficacité qui influaient sur son système de distribution des aliments, et elle devrait poursuivre ses efforts en ce sens. Le remplacement, à titre expérimental, de la distribution physique de céréales par des transferts monétaires directs pourrait être étendu, notamment en s’inspirant des recommandations formulées par la Commission de haut niveau sur la restructuration de la Food Corporation of India, qui proposait de se concentrer en premier lieu sur les villes de plus de 1 million d’habitants, puis sur les États disposant d’un excédent de céréales.

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