Éditorial

Un an après le début de la Décennie de l’action, le Programme 2030 se trouve à la croisée des chemins. Les avancées obtenues au regard des Objectifs de développement durable dans les contextes fragiles avaient ralenti jusqu’en 2019. Or, l'arrivée du coronavirus (COVID-19) a porté un coup d'arrêt à ces avancées, voire a inversé le processus. Alors que les effets de la pandémie commencent seulement à donner leur pleine mesure, États de fragilité 2020 démontre la nécessité de réponses urgentes, collectives et adaptées au contexte si l’on veut venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin et faire en sorte que personne ne soit laissé de côté. Pour s’attaquer à la fragilité dans les 57 contextes classés comme fragiles dans l’édition 2020 du cadre de l'OCDE sur la fragilité, il faut remédier aux problèmes fondamentaux qui affectent l’existence même des populations concernées : la pauvreté, les inégalités, une mauvaise gouvernance, la violence, l'insécurité alimentaire, l’accès aux services de base, et l’aptitude des individus à faire entendre leur voix, individuellement ou collectivement, pour faire prévaloir leurs droits.

La fragilité est un problème planétaire qui affecte de façon disproportionnée ceux qui sont le moins capables d’y faire face. Les chocs systémiques que sont le changement climatique, les pandémies mondiales, les conflits ou les crises économiques se font sentir de la manière la plus aiguë dans les contextes fragiles. En 2020, quelque 23 % de la population mondiale et 76.5 % des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent dans des contextes fragiles. Avant l’apparition du COVID-19, seulement 8 des 48 contextes fragiles pour lesquels des données sont disponibles étaient en bonne voie d'atteindre l’Objectif de développement durable consistant à éliminer la pauvreté. La violence, les conflits armés et les déplacements forcés sont concentrés dans les contextes fragiles. En 2019, 22 des 31 contextes en proie à des conflits actifs impliquant des États étaient fragiles, ce qui représentait 65 % de la population vivant dans des contextes fragiles. D’autres manifestations de la misère sont également concentrées dans les contextes fragiles. Si 24.1 millions sur les 26 millions de réfugiés au total dénombrés en 2019 venaient à l'origine de contextes fragiles, près de la moitié environ vivent aujourd'hui dans des contextes eux-mêmes fragiles, 7 des 10 premiers contextes en développement qui accueillent des réfugiés l’étant également.

Ce rapport montre que la fragilité est une question multidimensionnelle qui transcende les frontières et qui est connectée à tous les niveaux du système mondial, de l'échelon international à l’échelon infranational. Alors que les pays et les communautés prennent des mesures pour faire face aux répercussions de la fragilité, la pandémie de COVID-19 met en lumière l’importance fondamentale d’un investissement à long terme pour bâtir des sociétés résilientes et trouver des réponses durables face aux différents aspects de la fragilité. Au cours des 20 dernières années, les contextes fragiles ont renforcé leurs liens avec l’économie mondiale, porteurs à la fois d’opportunités en matière de développement et de risques qu'il convient de gérer – comme le recul actuel de l'investissement direct étranger, des envois de fonds et des recettes fiscales. Assurer la viabilité des finances publiques est un défi exigeant, mais incontournable, car les contextes fragiles sont souvent lourdement endettés. Et si le financement est important, c’est un élément qui ne doit pas être considéré isolément. La question de savoir où vont les ressources, de quelles modalités elles sont assorties et à qui elles sont destinées – sans oublier la qualité du capital humain et de la gouvernance qui sont indispensables pour tirer le meilleur parti de ces apports – peut avoir des effets significatifs sur l’accès aux chances, les incitations à la stabilité ou aux conflits, et sur la résilience face aux chocs.

Face au choc budgétaire mondial, les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, ont annoncé qu’ils s’efforceraient de protéger les budgets d’aide publique au développpement (APD). La coopération pour le développement peut faire plus, et l’APD peut donner de meilleurs résultats, en termes de prévention des conflits et de consolidation de la paix. Les acteurs et les approches de la fragilité forment un système complexe, fragmentaire et encore mal connu. Il est pourtant vital de remédier à la fragilité pour installer la paix. Si aucune réponse n’y est apportée, les questions de fragilité sont à l'origine de griefs, de désaccords et de violences. Une solide analyse s'impose pour déterminer les causes profondes de la fragilité et de la violence, qui mette à profit le potentiel de tous les acteurs du nexus action humanitaire-développement-recherche de la paix. Cette analyse peut aider à mettre en place des approches complémentaires et cohérentes de la paix et de prévention des conflits dans les contextes fragiles.

Les populations qui vivent dans des contextes fragiles sont de plus en plus marginalisées. La fragilité doit rester un axe prioritaire des réponses cohérentes que les membres du CAD peuvent apporter aux défis du développement et de la paix. L’OCDE fournira des données et des analyses utiles pour l'action publique, afin d'aider les acteurs du nexus action humanitaire-développement-recherche de la paix à renforcer les efforts qu’ils déploient pour prévenir les conflits, soutenir la paix et pérenniser le développement. Il est indéniable que le COVID-19 a aggravé les risques et les causes profondes de la fragilité multidimensionnelle. Alors que le monde se réinstalle peu à peu dans une nouvelle normalité, les femmes, les enfants et les hommes les plus exposés à ces risques dans les contextes fragiles doivent être au centre d'une action inclusive, durable et équitable en vue de reconstruire sur de meilleures bases.

 

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Jorge Moreira da Silva

Directeur,

Direction de la coopération pour le développement

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