Chapitre 2. Les mécanismes d’ajustement automatique des régimes de retraite

Les régimes de retraite constituent un élément fondamental de la protection sociale des personnes âgées. Ils sont conçus pour fournir un revenu aux individus dans un avenir lointain, ce qui les expose aux incertitudes qui pèsent sur l’évolution démographique et économique. Comment peut-on garantir des pensions suffisantes si l’on ne sait rien de l’évolution des salaires et des prix sur les prochaines décennies ? Et comment peut-on assurer la viabilité financière des régimes de retraite à long terme face au vieillissement démographique et à l’augmentation du rapport retraités-cotisants ?

Confrontés aux tendances démographiques, économiques ou financières, les responsables de l’action publique peuvent choisir de ne rien faire et d’en accepter les conséquences néfastes possibles pour la viabilité financière ou pour l’adéquation du régime de retraite. Ou bien ajuster les paramètres de calcul des pensions. Ces ajustements peuvent être discrétionnaires, par le biais d’une action législative régulière à mesure que la situation change. Ils peuvent aussi être rendus automatiques, en fixant des règles d’ajustement des paramètres de calcul des pensions. De telles règles ne sauraient éliminer toute l’incertitude, mais cette dernière option a cela de séduisant pour les décideurs que, si l’on ignore par exemple l’ampleur précise des tendances futures du vieillissement, on sait généralement cerner l’impact général d’une évolution démographique donnée sur le régime de retraite. Par ailleurs, les règles automatiques sont un moyen de mieux inclure les générations futures qui n’ont ni droit de vote ni voix au chapitre aujourd’hui.

Les mécanismes d’ajustement automatique sont des règles prédéfinies qui modifient automatiquement les paramètres de calcul des pensions ou les prestations en fonction de l’évolution d’un indicateur démographique, économique ou financier. Ils peuvent mettre les pensions à l’abri des incertitudes : l’indexation des pensions peut les protéger contre les tendances actuelles et futures de l’inflation et, plus généralement, les ajustements automatiques des prestations, des taux de cotisation et de l’âge de la retraite peuvent servir plusieurs objectifs. Ce chapitre donne une vue d’ensemble des raisons de l’existence des MAA, de la forme qu’ils prennent et de ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire.

Environ deux tiers des pays de l’OCDE utilisent une forme ou une autre de MAA dans leurs régimes de retraite obligatoires ou quasi obligatoires. Six d’entre eux sont dotés de régimes notionnels à cotisations définies. Sept pays indexent les conditions d’accès aux pensions sur l’espérance de vie et six ajustent les prestations en fonction de l’évolution de l’espérance de vie, des ratios démographiques ou de la masse salariale. Enfin, sept pays sont dotés d’un mécanisme d’équilibrage financier.

Le vieillissement démographique étant le résultat de plusieurs tendances démographiques, plusieurs MAA peuvent être nécessaires pour assurer la viabilité financière du régime de retraite, chacun lié à un indicateur démographique particulier. L’allongement de l’espérance de vie devrait, au moins en partie, être compensé par le relèvement de l’âge légal de la retraite, une mesure qui protège à la fois le niveau des pensions et leur financement. Une autre correction sera probablement nécessaire pour tenir compte de l’évolution de la taille de la population qui cotise et qui détermine ainsi les recettes du régime. Par ailleurs, les ajustements dont il est ici question pourraient ne pas être suffisants pour atteindre ou maintenir l’équilibre financier dans le temps, et un mécanisme d’équilibrage peut alors être nécessaire.

Le choix entre ajustement des pensions, des cotisations ou de l’âge de la retraite dépend d’une multitude de facteurs et relève fondamentalement du débat démocratique, qu’il s’agisse des changements discrétionnaires ou des ajustements automatiques. Lors de la mise en place d’un MAA, les choix de paramètres à ajuster dépendent entre autres facteurs de leur niveau initial et des préférences collectives. Or, certains MAA introduits en temps de crise pour rétablir la viabilité financière – ce qui signifie que des mesures sont nécessaires, quelle que soit l’évolution de certains indicateurs – pourraient être remis en cause une fois l’économie rétablie. Aussi, les MAA ne sauraient remplacer des mesures discrétionnaires fortes dans un régime de retraite financièrement déséquilibré. De fait, il importe d’opérer une distinction entre les changements qui devraient intervenir quoi qu’il en soit et ceux qui sont tributaires de l’évolution de la situation afin d’accomplir les objectifs convenus.

Les principaux constats de ce chapitre sont les suivants :

  • Les mécanismes d’ajustement automatique mettent les régimes de retraite à l’abri des incertitudes démographiques, économiques et financières qui affectent l’adéquation ou la viabilité financière des pensions.

  • Les MAA ont fait leur apparition pour assurer l’adéquation des pensions par l’indexation sur les salaires ou les prix, mais les dernières décennies ont vu s’opérer un changement de cap vers le maintien de la viabilité financière.

  • Comme les MAAs sont conditionnels à un indicateur qui évolue, ils réduisent le risque de s’ajuster trop fortement ou pas assez relativement aux ajustements discrétionnaires visant la même cible. La volatilité des ajutements peut être réduite par le biais de procédures facilitant les ajustements sur plusieurs années.

  • Comparés aux ajustements discrétionnaires, les MAAs peuvent être conçus de manière à être moins erratiques, plus transparents et plus équitables d’une génération à l’autre.

  • Ils réduisent le coût politique du maintien ou de l’amélioration de la viabilité financière d’un régime de retraite ainsi que le besoin de réformes fréquentes.

  • Les MAAs étant mis en place pour le moyen et long terme, il est essentiel d’assurer leur viabilité politique. Il faut pour cela un soutien politique large et que les mécanismes soient conçus de manière à éviter des ajustements trop durs.

  • À l’instar des ajustements discrétionnaires, les MAAs ont des conséquences redistributives et doivent être soumis au débat démocratique. Une fois les MAAs en place, les responsables de l’action publique continuent de contrôler entièrement les pensions et peuvent intervenir s’ils jugent les ajustements déclenchés indésirables.

  • Les MAAs servent à tenir compte des tendances futures et ne remplacent pas les mesures discrétionnaires fortes dans un régime de retraite financièrement déséquilibré. Les pays confrontés à cette situation devraient, dans l’idéal, se doter d’un plan de réforme plus général constitué de mesures discrétionnaires qui rétablissent l’équilibre financier et d’une série de MAAs capables en particulier de tenir compte des tendances du vieillissement. À défaut de mesures prises pour garantir un régime de retraite stable, les MAAs utilisés pour rétablir l’équilibre financier seront probablement annulés s’ils entraînent des pertes nominales ou réelles de revenus de la retraite ou des relèvements trop rapides de l’âge de la retraite.

  • Les ajustements automatiques des paramètres de calcul des pensions ne sauraient être suffisants pour accomplir les principaux objectifs du régime de retraite. Ils doivent notamment être complétés par un mécanisme d’équilibrage automatique visant à garantir l’équilibre budgétaire du régime de retraite.

  • Environ deux tiers des pays de l’OCDE ont au moins un MAA en place. Il s’agit des mécanismes intégrés dans les régimes notionnels à cotisations définies (6 pays), de l’indexation de l’âge légal de la retraite sur l’espérance de vie (7 pays), de l’ajustement des prestations en fonction de l’évolution de l’espérance de vie, des ratios démographiques ou de la masse salariale (6 pays), et des mécanismes d’équilibrage (7 pays). Les régimes par capitalisation à cotisations définies empêchent les tendances de l’espérance de vie d’influer sur le financement des retraites, mais l’adéquation du revenu de la retraite risque d’être compromise.

  • Les pays suivants ne sont pas dotés de MAA : Autriche, Belgique, Corée, Espagne, France, Hongrie, Irlande, Israël, Nouvelle-Zélande, République slovaque, République tchèque, Slovénie, Suisse et Turquie. Certains d’entre eux possèdent toutefois des plans à moyen terme pour modifier les paramètres des retraites selon un calendrier fixe, c’est-à-dire que les ajustements ne dépendent pas de l’évolution d’un indicateur, même s’ils ont été prévus à partir des prévisions de vieillissement. La République tchèque et la République slovaque continueront de relever l’âge de la retraite jusqu’à 2030, tandis que la France allongera la période de cotisation pour une retraite à taux plein jusqu’aux alentours de 2035.

  • C’est en Suède et en Finlande que l’on observe les MAAs les plus efficaces. La Suède conjugue les pensions notionnelles à cotisations définies et un mécanisme d’équilibrage pour assurer la solvabilité du régime ; elle prévoit d’indexer l’âge de la retraite sur l’espérance de vie. La Finlande ajuste les paramètres sur l’espérance de vie dans un régime à prestations définies, en modifiant l’âge futur de la retraite de deux tiers de l’évolution de l’espérance de vie et en ajustant les nouvelles pensions. Un mécanisme supplémentaire d’équilibrage ajuste les taux de cotisation si nécessaire.

  • L’Estonie et l’Italie tiennent compte de l’évolution de la taille de la population active en ajustant les prestations en fonction des cotisations totales et du PIB respectivement, tandis que l’âge légal de la retraite est indexé sur l’espérance de vie. L’Italie a toutefois contourné temporairement le relèvement de l’âge de la retraite en facilitant la retraite anticipée sans ajustements actuariels (chapitre 1). Le mécanisme d’équilibrage allemand se base sur le ratio retraités-cotisants et ajuste à la fois les pensions et les taux de cotisation.

  • Les mécanismes de « filet de sécurité » (backstop) du Régime de pensions du Canada garantissent l’équilibre financier du régime tout en privilégiant explicitement une solution politique en cas de déficit : le mécanisme d’équilibrage automatique est uniquement déclenché à défaut d’accord des responsables de l’action publique sur d’autres interventions possibles.

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