7. Lait et produits laitiers

La filière lait a fait preuve d’une remarquable résilience pendant la pandémie de COVID-19. Alors que le caractère périssable du lait frais liquide et des produits laitiers frais les rendait particulièrement vulnérables aux perturbations des chaînes d'approvisionnement, la filière n’a pas été touchée aussi fortement que d'autres secteurs au plan mondial. La pandémie a eu des conséquences variables selon les régions, les effets négatifs allant du manque de conteneurs de transport à la mise en décharge d’excédents de production. Certains pays ont pourtant su s’adapter rapidement aux difficultés de production et de main-d’œuvre et leur environnement commercial habituel n'a été que peu perturbé. Les mesures de confinement adoptées par beaucoup d’États ont eu des répercussions sur la consommation hors domicile, qui comporte souvent une part importante de produits laitiers ; la consommation au domicile (ventes au détail) a compensé une partie de ces pertes. Globalement, les ajustements apportés rapidement à la production et au conditionnement ont permis d’éviter des pénuries ou excédents importants au niveau mondial.

La pandémie a eu davantage d’effets sur les prix du beurre que sur ceux des autres produits laitiers en raison de la baisse de la demande en matière grasse laitière dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Le cours mondial du beurre devrait se maintenir aux niveaux d’avant la pandémie mais il sera beaucoup plus élevé que celui du lait écrémé en poudre, comme c’est le cas depuis 2015 du fait de la demande plus forte pour la matière grasse du lait que pour ses autres constituants solides, ainsi que des interventions de l’Union européenne sur le marché du lait écrémé en poudre (dès les premiers achats en 2015 jusqu’à l’élimination finale en 2019). Cette différence de prix entre le beurre et le lait écrémé en poudre devrait persister au cours des dix années à venir mais décroître durant la période de projection. La demande de lait écrémé en poudre, en particulier dans les pays en développement, dépassera la demande en matière grasse du lait sur le marché international, ce qui rapprochera les prix des deux denrées.

La production mondiale de lait (constituée à environ 81 % de lait de vache, à 15 % de lait de bufflonne et à 4 % de laits de chèvre, brebis et chamelle) devrait progresser de 1.7 % par an sur la période de projection (pour atteindre 1 020 Mt en 2030), soit plus vite que la plupart des principaux produits agricoles. L’augmentation anticipée du cheptel laitier (1.1 % par an) est supérieure à la hausse moyenne prévisionnelle des rendements (0.7 %) car les effectifs devraient progresser plus vite dans les pays où les rendements sont plus faibles et où les troupeaux se composent d’animaux moins productifs (à savoir des chèvres et des brebis). L’Inde et le Pakistan, grands producteurs de lait, devraient compter pour plus de la moitié de la croissance de la production mondiale ces dix prochaines années, et pour plus de 30 % de la production mondiale en 2030. La production de l’Union européenne, deuxième producteur mondial de lait, devrait progresser plus lentement que la moyenne mondiale du fait des mesures en faveur d’une production durable, et aussi d’un ralentissement de la croissance de la demande intérieure.

L’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits laitiers frais1, non transformés ou très peu transformés (pasteurisés ou fermentés). La part de ces produits dans la consommation mondiale devrait augmenter au cours de la prochaine décennie en raison d’une forte hausse de la demande en Inde, au Pakistan et en Afrique, portée par la croissance des revenus et de la population. La consommation par habitant (en extrait sec) progresserait ainsi légèrement, pour passer de 23.6 kg en 2018-20 à 25.2 kg en 2030 dans les pays développés, et de 10.7 kg à 12.6 kg dans les pays en développement. Dans les pays développés, les préférences de consommation vont plutôt vers les produits transformés, tandis que, dans les pays en développement, les produits laitiers frais forment plus de 75 % de la consommation moyenne de lait par habitant en extrait sec (Graphique 7.1). Il existe d'importantes disparités régionales dans les pays en développement, où la part des produits laitiers frais dans la consommation par habitant peut aller de 99 % en Éthiopie à 5,8 % aux Philippines.

La consommation de produits laitiers transformés varie notablement entre les régions. Le deuxième produit laitier le plus consommé en termes d’extrait sec (après les produits laitiers frais) est le fromage. Il est consommé principalement en Europe et en Amérique du Nord, deux régions où sa consommation est en hausse. En Asie, le produit laitier transformé le plus consommé est le beurre, qui représente près de la moitié du total de la consommation de produits laitiers transformés en termes d’extrait sec du lait. Le beurre est aussi le produit dont la consommation devrait augmenter le plus d’après les prévisions, même si elle part d’assez bas par rapport à l’Europe et à l’Amérique du Nord. En Afrique, le fromage et le lait entier en poudre représentent la majorité de la consommation de produits laitiers transformés en extrait sec du lait. Cependant, la consommation de lait écrémé en poudre devrait progresser le plus dans les dix prochaines années, encore une fois en partant de plus loin.

Les échanges laitiers mondiaux portent principalement sur les produits transformés. La Chine devrait rester en tête des importations de produits laitiers, malgré un léger accroissement de la production laitière nationale par rapport à la dernière décennie. Le Japon, l’Asie du Sud-Est, la Fédération de Russie, le Mexique, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord demeureront eux aussi de grands importateurs nets de produits laitiers. Par rapport au reste du monde, la consommation de produits laitiers par habitant est faible en Asie, en particulier en Asie du Sud-Est. Toutefois, la demande d’importations de produits laitiers devrait progresser dans de nombreux pays asiatiques sous l’effet de la croissance économique et démographique et d’une évolution de la consommation au profit de produits alimentaires de plus grande valeur et de produits d’origine animale. Les accords commerciaux internationaux (PTPGP, AECG et accord préférentiel entre le Japon et l’Union européenne) contiennent des dispositions précises sur les produits laitiers (des contingents tarifaires, par exemple) qui ouvrent de nouveaux débouchés commerciaux.

Les échanges de produits laitiers pourraient être profondément modifiés par l’évolution des politiques commerciales. Par exemple, l'Union européenne et le Royaume-Uni échangent des quantités importantes de fromage et d’autres produits laitiers. Le commerce entre les deux régions pourrait se ressentir de la nouvelle relation : les retards de transport et les nouvelles réglementations commencent déjà à aiguiser les frictions commerciales. L’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) devrait se répercuter sur les échanges de produits laitiers en Amérique du Nord, les États-Unis ayant maintenant davantage accès aux marchés laitiers canadiens et mexicains. Bien qu’ils représentent actuellement une part relativement faible des échanges, certains pays d’Amérique du Sud comme l’Argentine et le Chili pourraient avoir le potentiel nécessaire pour s’imposer comme des acteurs concurrentiels sur le marché mondial du lait entier en poudre et du lait écrémé en poudre, respectivement. À ce jour, les grands pays consommateurs que sont l’Inde et le Pakistan sont largement autosuffisants et ne sont pas présents pour l’instant sur le marché international. S'ils participaient davantage aux échanges, les retombées pourraient être importantes sur les marchés mondiaux.

L’adoption de mesures en faveur d’une production durable ou les craintes manifestées par les consommateurs à cet égard modifieraient les prévisions pour le secteur laitier. Dans certains pays, la production laitière représente une part importante du total des émissions de gaz à effet de serre (GES), d’où des discussions sur les possibilités de réduire ces émissions dans le cadre de la production de lait. De nombreuses solutions techniques sont à l’étude, ayant des répercussions différentes sur les bilans d’approvisionnement. Dans les régions présentant une densité de bétail élevée, le ruissellement de l’azote et du phosphore peut générer des problèmes environnementaux s’il n’est pas géré convenablement. Les réglementations prévues ou déjà appliquées pour remédier à la pollution pourraient avoir un impact important sur l’élevage laitier, notamment aux Pays-Bas, au Danemark et en Allemagne. D’un autre côté, ces pressions pourraient conduire à la mise au point de solutions novatrices, sources de gains de compétitivité à long terme.

L’intérêt des consommateurs pour les régimes végétaliens de même que leurs craintes concernant les effets de la production laitière sur l’environnement devraient continuer de stimuler la consommation de substituts végétaux des produits laitiers liquides. La diversification de l’offre de produits végétaux se poursuit année après année, au-delà des substituts traditionnels que sont les boissons à base de soja, d’amande et de noix de coco. De nouveaux produits ont du succès auprès des consommateurs, notamment les boissons à l’avoine, au riz et au chanvre. Différentes boissons à base de fruits à coque (noix de cajou, noisette, noix de macadamia) sont aussi plébiscitées, même s’il n’est pas avéré qu’elles soient plus vertueuses sur le plan de la durabilité environnementale, en particulier s'agissant de la consommation d’eau. On s'attend à une forte progression de la consommation en Asie de l’Est, en Europe et en Amérique du Nord, partant certes de volumes modestes. L’offre va vraisemblablement continuer de s'étendre, les consommateurs de ces régions recherchant des aliments sans lactose, vegan ou durables pour remplacer les produits laitiers.

L’impact de la pandémie de COVID-19 sur la filière lait a été relativement minime, alors que le secteur avait pu sembler au départ particulièrement vulnérable. La pandémie a eu davantage d’effets sur les cours mondiaux du beurre que sur les prix des autres produits laitiers en raison de la baisse de la demande en matière grasse du lait dans l’hôtellerie-restauration. Les prix du beurre ont chuté en 2020, tandis que ceux du lait entier en poudre ont légèrement fléchi et ceux du lait écrémé en poudre et du fromage ont augmenté. Si les exportations et les importations mondiales avaient progressé régulièrement les années précédentes, en 2020 la croissance est restée au point mort. Le ralentissement de l’activité dans le secteur des transports, les perturbations de la chaîne de valeur et la diminution de la demande ont tous contribué à ce changement. Globalement toutefois, la filière lait s’est adaptée rapidement et a su atténuer un grand nombre des effets au départ très violents observés durant les premiers mois de la pandémie.

La production mondiale de lait a augmenté de 1.4 % en 2020, passant ainsi à environ 861 Mt. En Inde, premier producteur mondial, elle a progressé de 2.1 % pour atteindre 195 Mt, avec toutefois des retombées minimes sur le marché laitier mondial car l’Inde ne participe que de façon marginale aux échanges de lait et de produits laitiers. La production indienne a été relativement peu touchée par la pandémie, les éventuels surplus de lait ayant été transformés en lait en poudre.

Les trois principaux pays exportateurs de produits laitiers sont la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne et les États-Unis. En 2020, la production de lait a augmenté dans l’Union européenne et aux États-Unis, tandis qu’elle a légèrement diminué en Nouvelle-Zélande en raison d'une sécheresse en fin de saison. La consommation intérieure de produits laitiers est stable dans ces pays, et les disponibilités en produits laitiers frais et transformés pour l’exportation n’ont pas été sensiblement touchées. En République populaire de Chine (ci-après la « Chine »), premier importateur mondial de produits laitiers, la production de lait a progressé de 6.6 % en 2020 et les importations de produits laitiers sont restées vigoureuses en 2020.

Les prix internationaux des produits laitiers correspondent aux prix des produits transformés des principaux exportateurs d’Océanie et d’Europe. Ils ne comprennent pas le lait non transformé puisque celui-ci ne fait généralement pas l’objet d’échanges commerciaux. Les deux principaux prix de référence pour les produits laitiers sont ceux du beurre et du lait écrémé en poudre, le premier pour la matière grasse du lait, et le second pour les autres constituants solides du lait. La matière grasse et les autres constituants solides représentent environ 13 % du poids du lait, le reste étant constitué d’eau.

La forte volatilité des cours internationaux des produits laitiers s’explique par le faible pourcentage de ces produits échangés sur les marchés mondiaux (environ 7 % de la production mondiale de lait), par la prédominance d’un petit nombre d’exportateurs et d’importateurs, et par des politiques commerciales restrictives. La plupart des marchés intérieurs sont relativement déconnectés de ces prix puisque l'on consomme surtout des produits laitiers frais et que seule une petite partie de la production de lait est transformée, le reste étant fermenté ou pasteurisé.

Depuis 2015, le prix du beurre a augmenté beaucoup plus que celui du lait écrémé en poudre. La hausse de la demande en matière grasse du lait conjuguée aux interventions de l’Union européenne sur le marché du lait écrémé en poudre (depuis les premiers achats en 2015 jusqu’à l’élimination finale en 2019) a créé un écart de prix entre les deux produits. Le prix du beurre continuera d’être soutenu par la demande en matière grasse laitière, plus forte que celle pour les autres constituants solides sur le marché international, mais la demande mondiale de lait écrémé en poudre augmentera plus vite que la demande en matière grasse laitière, ce qui réduira l’écart de prix entre les deux produits au cours de la période de projection (Graphique 7.2).

Après l'écoulement de l’intégralité des stocks d'intervention de l’Union européenne, les cours du lait écrémé en poudre se sont redressés en 2019 et ont été peu touchés par la pandémie en 2020. Ils resteront stables en termes réels durant la période de projection. Les cours annuels du beurre ont atteint un niveau record en 2017 à la suite d’une évolution des préférences alimentaires qui s’est traduite par un renchérissement de la demande, mais ils ont fléchis depuis. Ils devraient continuer à baisser modérément en termes réels après un léger rebond consécutif à la chute enregistrée en 2020. Les prix mondiaux du lait entier en poudre et du fromage devraient se ressentir de l'évolution des cours du beurre et du lait écrémé en poudre, selon leur teneur respective en matière grasse et en autres matières sèches.

La production mondiale de lait devrait progresser de 1.7 % par an ces dix prochaines années (pour atteindre 1 020 Mt en 2030), soit plus vite que celle de la plupart des principaux produits agricoles. La croissance moyenne mondiale des cheptels (1.1 % par an) est supérieure à la hausse moyenne mondiale des rendements (0.7 % par an), mais les effectifs augmentent plus vite dans les pays où les rendements sont relativement bas et où les troupeaux se composent d’animaux moins productifs. Dans presque toutes les régions du monde, l’augmentation de la production devrait donc venir davantage de la hausse des rendements que de l'expansion des cheptels (Graphique 7.3). L’amélioration des rendements passe notamment par l’optimisation des systèmes de production laitière, une meilleure santé animale, des gains d’efficacité en matière d’alimentation et une meilleure sélection génétique.

L’Inde et le Pakistan devraient compter pour plus de la moitié de la hausse de la production mondiale de lait ces dix prochaines années et représenter plus de 30 % de cette production en 2030, essentiellement avec des petits troupeaux de quelques vaches ou bufflonnes. Les rendements devraient continuer de progresser rapidement et contribuer davantage à la croissance de la production. Toutefois, la taille des cheptels augmentant et l’extension des surfaces pâturées étant limitée, l’utilisation des pâturages sera nécessairement plus intensive. En Inde comme au Pakistan, la grande majorité de la production sera consommée dans le pays car les produits frais et les produits laitiers transformés sont peu exportés.

Dans l’Union européenne, la production devrait progresser plus lentement que la moyenne mondiale. Les prévisions pour la prochaine décennie indiquent un recul des cheptels laitiers (-0.5 % par an) mais une hausse des rendements, de 1,0 % par an. La production européenne est assurée par des animaux nourris à l’herbe ou avec d’autres aliments. Par ailleurs, la part du lait bio dans la production totale devrait augmenter. À l’heure actuelle, en Autriche, en Suède, en Lettonie, en Grèce et au Danemark, plus de 10 % des vaches laitières sont élevées dans des exploitations bio ou autres systèmes de production non conventionnels. Des pays comme l’Allemagne et la France ont aussi enregistré une hausse de leur production laitière bio. Malgré des rendements relativement modestes, généralement inférieurs de 25%, et des coûts de production élevés, les exploitations biologiques constituent plus de 3 % de la production laitière de l’Union européenne, ce qui suggère que le surprix est considérable sur le marché européen du lait. D’une manière générale, la demande intérieure (de fromage, de beurre, de crème et d'autres produits) ne devrait progresser que légèrement, l’essentiel de la production supplémentaire étant destiné à l’exportation.

Les rendements moyens par vache sont parmi les plus élevés en Amérique du Nord, où la production à l'herbe est très minoritaire et où l’alimentation du bétail est axée sur l’obtention de rendements élevés dans des cheptels laitiers spécialisés (Graphique 7.4). Aux États-Unis et au Canada, les cheptels laitiers devraient demeurer relativement stables et la croissance de la production sera donc tirée par de nouvelles hausses des rendements. Compte tenu des prévisions de la demande intérieure qui resterait plus forte pour les matières grasses du lait, les États-Unis exporteront surtout du lait écrémé en poudre, tandis que celles du Canada sont plafonnées dans le cadre de l’ACEUM. Les États-Unis exporteront aussi des quantités non négligeables de fromage, de lactosérum et de lactose.

La Nouvelle-Zélande est le pays où la production de lait est la plus tournée vers l’exportation, mais elle a très peu progressé ces dernières années. Les cheptels laitiers sont nourris principalement à l'herbe et les rendements sont beaucoup plus faibles qu’en Amérique du Nord et en Europe. Une gestion efficace des prairies permet néanmoins à la Nouvelle-Zélande d’être compétitive. Les principaux obstacles à la croissance sont le manque de terres disponibles et les restrictions grandissantes en matière d’environnement. Le modèle d’alimentation animale devrait rester inchangé.

En Afrique, la production laitière devrait afficher une forte croissance, due principalement à l’expansion des cheptels. Les rendements sont généralement bas, et les laits de chèvre et de brebis occupent une place très importante. La plupart des vaches, des chèvres et des brebis pâturent et sont aussi élevées pour la production de viande et la traction, ou utilisées comme instruments d’épargne. Les animaux supplémentaires se nourriront sans doute sur les mêmes pacages, entraînant une utilisation plus intensive qui pourrait conduire localement à des surpâturages. Au cours de la période considérée, environ un tiers du cheptel mondial devrait se trouver sur le continent africain et fournir un peu plus de 5 % de la production mondiale de lait.

Moins de 40 % de la production de lait devraient être transformés en beurre, fromage, lait écrémé ou entier en poudre, ou poudre de lactosérum. La demande directe de beurre et surtout de fromage est très vigoureuse. Ces deux produits représentent actuellement une grande partie de la consommation de lait (matière sèche) en Europe et en Amérique du Nord. Les laits en poudre, écrémé et entier, font l’objet d’importants échanges et sont principalement produits pour l’exportation. Les deux sont utilisés dans le secteur agroalimentaire, notamment en pâtisserie-confiserie, pour les laits infantiles et en boulangerie.

La production de beurre devrait augmenter sensiblement au même rythme que la production totale de lait, à 1.9 % par an, grâce à la forte demande de beurre dans les pays développés et en Chine. La croissance de la production devrait être moins rapide pour tous les autres produits laitiers, à savoir 1.2 % par an pour le lait écrémé en poudre et le fromage, et 1.4 % par an pour le lait entier en poudre. Dans le cas de ce dernier, le ralentissement de la croissance s’explique par une hausse moins tonique de la demande en Chine, en Thaïlande et aux Philippines. Pour le fromage, il reflète la mollesse des marchés alimentaires d’Europe et d’Amérique du Nord, sur lesquels le fromage trouve ses principaux débouchés.

L’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais, y compris pasteurisés et fermentés. La part des produits laitiers frais dans la consommation mondiale devrait augmenter ces dix prochaines années, sous l’effet de l’accélération de la demande en Inde et au Pakistan, elle-même portée par la croissance des revenus et de la population. La consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais devrait progresser de 1.2 % par an durant la prochaine décennie, c’est-à-dire un peu plus vite que ces dix dernières années, à la faveur d’une hausse plus rapide du revenu par habitant.

En termes d’extrait sec, la consommation de lait par habitant est très variable dans le monde (Graphique 7.1). Elle dépend en particulier du revenu par habitant du pays ainsi que des préférences régionales. Ainsi, la consommation par habitant devrait être élevée en Inde et au Pakistan, mais faible en Chine. La part des produits laitiers transformés (et surtout du fromage) dans la consommation globale de lait (matière sèche) devrait être étroitement corrélée à l’évolution des revenus, avec des variations dues aux préférences locales, aux contraintes alimentaires et au degré d’urbanisation.

En Europe et en Amérique du Nord, la demande de produits laitiers frais par habitant est stable ou en léger recul mais sa composition évolue, les matières grasses du lait, comme le lait entier et la crème, gagnant du terrain depuis quelques années. Cette tendance pourrait s’expliquer par la publication d’études récentes ayant donné une image plus positive des bienfaits des matières grasses laitières pour la santé, contrairement aux messages véhiculés dans les années 90 et 2000. Elle pourrait aussi refléter une préférence croissante des consommateurs pour des aliments moins transformés ou plus sains, et peut-être un plus grand goût à cuisiner et faire de la pâtisserie chez soi.

Le fromage a ses principaux marchés en Europe et en Amérique du Nord, où la consommation par habitant devrait continuer d’augmenter. La consommation de fromage progressera également dans des pays où il ne s’inscrivait pas dans les traditions alimentaires. Dans les pays du Sud-Est asiatique, l’urbanisation et l’augmentation des revenus se sont traduites par une progression de la restauration hors domicile, notamment dans le secteur de la restauration rapide (hamburgers et pizzas, entre autres). Il convient de noter que la pandémie a non seulement entraîné un recours accru aux courses en ligne et à la restauration à emporter dans ces régions, mais elle a aussi amené les consommateurs à privilégier des produits qu’ils jugent plus sains ou plus complets. Ces évolutions des comportements de consommation ont profité au secteur laitier.

Si certains pays sont autosuffisants, comme l’Inde et le Pakistan, dans d’autres régions du monde telles que l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, la consommation de produits laitiers devrait augmenter plus vite que la production et se traduire par une hausse des importations. Le lait liquide étant plus coûteux à importer et exporter, ce sont les laits en poudre, auxquels on ajoute de l'eau pour la consommation finale ou la transformation, qui absorberont la demande supplémentaire.

En ce qui concerne les laits en poudre, écrémé et entier, ils resteront principalement utilisés par l’industrie agroalimentaire, notamment pour la pâtisserie-confiserie, les laits infantiles et la boulangerie. Une petite partie des produits laitiers est utilisée pour l’alimentation animale, en particulier le lait écrémé en poudre et la poudre de lactosérum. La Chine importe ces deux produits pour cet usage, en moins grande quantité néanmoins depuis le début de l’épidémie de peste porcine africaine. La reprise attendue (voir le Chapitre 6 sur la viande) devrait s'accompagner d’une hausse de la demande de lait écrémé en poudre et de poudre de lactosérum pour l’alimentation animale ces dix prochaines années.

Environ 7 % de la production mondiale de lait font l’objet d’échanges internationaux. Ce faible pourcentage s’explique avant tout par la nature périssable du lait et par sa teneur élevée en eau (plus de 85 %). Les exceptions notables sont les petits volumes de produits laitiers fermentés échangés entre pays producteurs laitiers voisins (à savoir le Canada et les États-Unis, l’Union européenne et la Suisse) et les importations de lait liquide en Chine. Celles-ci proviennent en grande majorité de l’Union européenne et de la Nouvelle-Zélande et ont considérablement augmenté ces dernières années. Les échanges de lait liquide sont rendus possibles essentiellement par la capacité des produits laitiers et crémiers à ultra-haute température à être transportés sur de longues distances, mais aussi, dans certains cas, par des tarifs du fret chinois favorables. Les importations chinoises nettes de produits laitiers frais s’élevaient à 0.9 Mt environ sur la période de référence, et elles devraient augmenter de 1.5 % par an au cours de la prochaine décennie. Une part importante (plus de 50 %) de la production mondiale de lait entier en poudre et de lait écrémé en poudre est échangée sur les marchés, car ces poudres sont souvent produites dans le seul but de pouvoir stocker et vendre le lait plus longtemps ou le transporter sur une plus longue distance.

Les trois principaux pays exportateurs de produits laitiers de la période de référence sont l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Ensemble, ils devraient réaliser environ 62 % des exportations de fromage, 70 % de celles de lait entier en poudre, 76 % de celles de beurre et 83 % de celles de lait écrémé en poudre en 2030 (Graphique 7.5). L’Australie, autre pays exportateur, a perdu des parts de marché mais reste en bonne place dans les secteurs du fromage et du lait écrémé en poudre. Concernant le lait entier en poudre, l’Argentine est aussi un acteur important qui devrait compter pour 5 % des exportations mondiales en 2030. Ces dernières années, le Bélarus a également acquis une certaine stature en tant qu’exportateur, principalement tourné vers le marché russe en raison de l’embargo décrété par la Russie qui touche plusieurs grands exportateurs de produits laitiers.

L’Union européenne restera le principal exportateur mondial de fromage, suivie des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Elle devrait représenter autour de 46 % des exportations mondiales de fromage en 2030, notamment grâce à une hausse de ses exportations vers le Canada dans le cadre de l’accord AECG et vers le Japon suite à la ratification de l’accord commercial bilatéral en 2019. Le Royaume-Uni, la Fédération de Russie, le Japon, l’Union européenne et l’Arabie saoudite devraient être les cinq premiers importateurs de fromage en 2030. Ces pays étant souvent aussi exportateurs de fromage, leur participation aux échanges commerciaux se traduira par un choix plus vaste pour le consommateur.

La Nouvelle-Zélande reste la principale source de beurre et de lait entier en poudre sur le marché international, et ses parts de marché devraient se situer d’ici 2030 autour de 40 % et 53 % respectivement. La Chine est le premier importateur de lait entier en poudre en provenance de Nouvelle-Zélande, mais les échanges entre les deux pays devraient être nettement moins dynamiques au cours de la période de projection. Il est prévu une hausse de la production laitière intérieure en Chine, ce qui devrait limiter la croissance de ses importations de lait entier en poudre. D'après les prévisions, la Nouvelle-Zélande diversifiera et augmentera légèrement sa production de fromage sur la période considérée.

Les importations de produits laitiers sont plus largement réparties entre les pays, mais les principales destinations pour tous les produits sont le Proche-Orient et l'Afrique du Nord (NENA), les pays développés, l'Asie du Sud-Est, et la Chine (Graphique 7.6). La Chine devrait rester le premier importateur de produits laitiers, en particulier de lait entier en poudre. La consommation de produits laitiers par habitant dans ce pays est relativement modeste mais la demande a notablement augmenté au cours de la décennie passée, et la croissance de la demande devrait se poursuivre. La Chine se procure ses produits laitiers essentiellement auprès des pays d’Océanie, mais elle a néanmoins développé ses achats de beurre et de lait écrémé en poudre auprès de l’Union européenne ces dernières années. Le Proche-Orient et l’Afrique du Nord s’approvisionneront principalement auprès de l’Union européenne, tandis que les États-Unis et l’Océanie devraient être les principaux fournisseurs de lait en poudre de l’Asie du Sud-Est. Les pays développés importent de grandes quantités de fromage et de beurre : environ 55 % et 42 %, respectivement, des importations mondiales en 2018-20. Ces pourcentages devraient légèrement baisser d’ici 2030.

Même si les effets de la pandémie vont s’estomper, elle aura un impact prolongé sur le PIB d’un grand nombre de pays non membres, la croissance du revenu par habitant étant inférieure à celle prévue avant la pandémie. Le choc produit sur les revenus touchera vraisemblablement de manière disproportionnée les ménages plus pauvres et diminuera leur consommation, en particulier en Asie centrale, en Indonésie et dans les pays d’Afrique les moins développés. La demande de produits laitiers, et plus spécialement de produits laitiers transformés comme le beurre et le fromage, étant étroitement liée à la hausse des revenus, on anticipe une moindre demande d’importations de beurre de la part de ces pays.

La pandémie de COVID-19 a des répercussions sur la vie quotidienne dans le monde entier. Bien que la filière soit restée relativement stable dans le contexte de la pandémie, certaines modifications structurelles pourraient avoir des effets à long terme. Les taux de vaccination, qui conditionnent la réduction des restrictions et la reprise économique, varient sensiblement d’une région à l'autre. La situation se ressentira sur des produits laitiers comme le fromage, qui sont souvent consommés en restauration hors domicile (par exemple dans des hamburgers et des pizzas). En même temps, il est possible qu’une évolution se dessine dans le sens d’une plus grande tendance des consommateurs à cuisiner et faire de la pâtisserie chez eux et à privilégier des aliments jugés complets ou bons pour la santé. La pandémie a également fait revoir à la baisse les prévisions de PIB de nombreux pays. Cela a une incidence sur la filière lait dans la mesure où l’augmentation de la consommation de produits laitiers est liée à la croissance du revenu par habitant dans beaucoup de régions. Il est difficile également de prédire les effets d’une reprise mondiale décalée dans l’espace : les conséquences pourraient durer plus longtemps pour les chaînes d’approvisionnement étalées sur plusieurs régions.

La modification ou la mise en place d’accords commerciaux aurait des conséquences sur la demande et les échanges de produits laitiers. L’ACEUM devrait se répercuter sur les échanges de produits laitiers en Amérique du Nord, les membres de cet accord ayant maintenant davantage accès aux marchés laitiers nationaux. La nouvelle relation commerciale entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’en est aussi qu’à ses prémices. Des volumes importants de fromage et d’autres produits laitiers ont toujours été échangés entre les deux régions, mais les frictions commerciales se sont accrues alors qu’importateurs et exportateurs doivent gérer le nouvel environnement commercial en évolution. L’embargo décrété par la Fédération de Russie sur plusieurs produits laitiers en provenance de grands pays exportateurs a été partiellement levé en 2020 pour soutenir l’offre intérieure de produits laitiers pendant la pandémie. Il a été levé à titre temporaire spécifiquement pour le lactosérum en poudre utilisé dans les laits infantiles et certains produits laitiers spécialisés.

Les échanges de produits laitiers pourraient être profondément modifiés par les évolutions de l’environnement commercial. L’Inde et le Pakistan, grands consommateurs de produits laitiers, ne sont pas présents pour l’instant sur le marché international ; la demande intérieure en plein essor devrait être satisfaite par une hausse rapide de la production nationale. De futurs investissements dans des infrastructures de chaîne du froid dans ces régions augmenteront leur autosuffisance dans ce secteur. Des pays comme la Pologne, l’Ukraine et surtout le Bélarus pourraient aussi s’imposer sur le marché mondial grâce à leurs intrants agricoles favorables (territoire plat, climat idéal, coûts compétitifs de la main-d’œuvre et des aliments pour animaux) et à leur proximité de débouchés traditionnels pour les produits laitiers.

L’évolution des politiques nationales reste un motif d’incertitude. Dans le cadre de l’ACEUM, le Canada a plafonné les exportations de lait écrémé en poudre, autorisé une plus grande ouverture des marchés et supprimé sa classe 7 de produits, créée initialement pour mettre en œuvre la décision de Nairobi de l’OMC relative à l’élimination des subventions à l'exportation. Dans l’Union européenne, les achats d’intervention de lait écrémé en poudre et de beurre à des prix déterminés, qui ont eu des répercussions majeures sur les marchés ces dernières années, restent une éventualité sous certaines conditions.

Les substituts végétaux de produits laitiers liquides (boissons à base de soja, d’amande, de riz ou d’avoine, par exemple) ont gagné en importance dans de nombreuses régions du monde, notamment en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est. L’offre de substituts s’est élargie à divers fruits à coque, légumineuses et autres cultures. Cet engouement s’explique par l’intolérance au lactose, par des préoccupations de santé et par des inquiétudes des consommateurs quant aux conséquences de la production de lait sur l’environnement. Si les substituts végétaux de produits laitiers affichent des taux de croissance solides, en partant certes de très bas, leur impact sur l’environnement et leurs bienfaits pour la santé font débat. La durabilité environnementale de substituts très prisés comme les boissons à l’avoine ou au soja suscite des interrogations, les consommateurs étant plus nombreux à prendre en compte, outre les émissions de GES, des problèmes écologiques tels que la consommation d’eau et la déforestation. Les régimes flexitarien, végétarien et végétalien ont le vent en poupe, mais les effets sur la consommation de produits laitiers ne sont pas clairs étant donné les préférences diverses de ces consommateurs. De même, l’intolérance au lactose est un problème pour certains consommateurs, mais il existe de plus en plus de produits laitiers sans lactose pour ceux qui ne préfèrent pas les substituts végétaux. Globalement, l’incertitude prévaut quant à l'incidence à long terme des substituts végétaux sur la demande laitière.

La législation environnementale pourrait avoir un impact majeur sur l’évolution de la production laitière. Les émissions de GES dues au secteur laitier représentent une part importante des émissions totales dans certains pays (en Nouvelle-Zélande et en Irlande, par exemple), et toute modification des politiques publiques en la matière pourrait se répercuter sur la production de lait. D’autres domaines où des changements de politique pourraient jouer sont, par exemple, l’accès à l’eau et la gestion des effluents d’élevage, qui s’orientent de plus en plus vers des pratiques durables. Cependant, une législation environnementale plus stricte pourrait conduire à la mise au point de solutions novatrices améliorant la compétitivité de la filière à long terme.

La production mondiale de lait n’est pas à l’abri d’aléas météorologiques pouvant toucher en particulier les élevages laitiers pâturant, qui prédominent dans le monde. En effet, le changement climatique accroît le risque de sécheresses, d’inondations et de maladies, situations qui peuvent toutes avoir des répercussions sur la filière lait d’une façon ou d’une autre (instabilité des prix, rendement laitiers, effectifs des cheptels bovins, etc.).

Les maladies animales et leur propagation représentent un risque pour la production de lait. La mammite est l’infection la plus courante chez les bovins laitiers dans les exploitations du monde entier, quelle que soit leur taille. C’est aussi celle qui génère le plus de préjudices économiques en raison de son incidence importante sur les rendements et la qualité du lait. Des progrès en matière d’information, de dépistage et de traitement de cette pathologie pourraient permettre d’augmenter sensiblement la production laitière en diminuant les pertes. La lutte contre de nombreuses maladies, dont la mammite, passe très souvent par des traitements antimicrobiens. Or, ces derniers suscitent des inquiétudes concernant leur utilisation excessive et le développement de résistances microbiennes, lesquelles réduiraient l’efficacité des traitements existants et nécessiteraient la mise au point de nouveaux médicaments. L'évolution de cette situation demeure une source d’incertitude pour les dix ans à venir.

Note

← 1. Les produits laitiers frais comprennent tous les produits laitiers et le lait qui ne sont pas inclus dans les produits transformés (beurre, fromage, lait écrémé en poudre, lait entier en poudre, poudre de lactosérum et, dans quelques cas, caséine). Les quantités sont exprimées en équivalent lait de vache.

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