copy the linklink copied!Chapitre 5. Mettre en œuvre les réformes

En vue d’apporter une assistance plus concrète aux pays, il est important de compléter les principes généraux de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi par des orientations pratiques pour : i) définir des priorités de réforme et élaborer des recommandations propres à chaque pays ; ii) renforcer l’adhésion aux réformes afin qu’elles aboutissent et iii) évaluer l’efficacité des réformes. Ces points sont développés plus en détail dans la partie V du volume.

    

copy the linklink copied!Introduction

Le présent chapitre va au-delà des principes généraux de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi et fournit des orientations concrètes en vue de leur mise en œuvre et de leur évaluation. La section 5.1 s’appuie sur le tableau de bord de la Stratégie pour l’emploi pour identifier, à partir des notes relatives obtenues pour chacun des indicateurs du fonctionnement du marché du travail, les pays confrontés à des enjeux identiques, et énonce les facteurs à prendre en compte lors de l’élaboration de recommandations propres à chaque pays. En vue d’apporter une assistance aux pays lors de la phase de mise en œuvre, la section 5.2 présente certains des éléments clés qui peuvent contribuer à renforcer l’adhésion aux réformes. La section 5.3 aborde brièvement l’importance de procéder à une évaluation des réformes.

copy the linklink copied!5.1. Définir des priorités d’action et des recommandations propres à chaque pays

L’élaboration de recommandations spécifiques pour les différents pays passe par l’identification des priorités d’action à partir du fonctionnement du marché du travail, en tenant compte du contexte économique et social propre à chacun d’entre eux, et de leur situation de départ en termes de cadre d’action et de dispositif institutionnel.

Définir des priorités d’action

Le tableau de bord de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi peut être utilisé non seulement pour évaluer l’efficacité du marché du travail, mais également pour déterminer les enjeux d’action publique de chaque pays, à partir de ses résultats relatifs (c’est-à-dire ses résultats au regard d’un indicateur donné). Comme examiné plus en détail dans le chapitre 17, la définition des priorités en fonction des résultats relatifs permet d’établir des priorités d’action pour tous les pays. Même quand un pays donné enregistre globalement de bons ou de mauvais résultats pour l’ensemble ou la plupart des critères du tableau de bord, il est possible d’observer un ou plusieurs résultats médiocres par rapport aux autres.

À titre d’illustration, les pays sont regroupés dans le Graphique 5.1 en fonction de leurs résultats relatifs au regard de différents indicateurs du comportement du marché du travail (partie A du tableau de bord, nombre d’emplois, qualité du travail et inclusivité) et du cadre général dans lequel celui-ci s’inscrit (partie B, résilience, croissance de la productivité du travail et compétences). Dans un souci de simplicité, un seul enjeu principal est sélectionné dans chacun de ces deux domaines. Il convient de signaler que bien que cette méthode permette de définir des enjeux en fonction des résultats pour l’ensemble des pays, on peut observer de grandes différences en termes de résultats absolus, y compris entre les pays confrontés à des enjeux identiques. Par exemple, les pays dont le principal enjeu est le nombre d’emplois peuvent afficher dans ce domaine des résultats inférieurs à la moyenne, mais aussi supérieurs à la moyenne (lorsque leurs résultats en termes de qualité du travail et d’inclusivité sont encore meilleurs).

En moyenne, les pays dont le principal enjeu est le nombre d’emplois affichent également des résultats inférieurs à la moyenne de l’OCDE en termes de qualité du travail et d’inclusivité (Graphique 5.1). Ceux dont l’inclusivité est le principal enjeu se situent dans la moyenne de l’OCDE en termes de nombre d’emplois et de qualité du travail. Enfin, ceux qui ont pour enjeu principal la qualité du travail obtiennent généralement des résultats supérieurs à la moyenne de l’OCDE dans les deux autres domaines. En ce qui concerne les différents aspects évalués dans la Partie B, les pays qui affichent des résultats relatifs faibles dans un domaine tendent à obtenir des résultats supérieurs à la moyenne de l’OCDE dans d’autres.

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Graphique 5.1. Enjeux généraux de performance
Graphique 5.1. Enjeux généraux de performance

Note : Le triangle bleu représente les résultats moyens des pays de l’OCDE (voir chapitre 3, tableau 3.1 pour plus de détails sur les indicateurs). La ligne noire représente les résultats moyens des pays confrontés aux mêmes enjeux de performance. Tous les indicateurs ont été uniformisés et réajustés de sorte qu’une valeur plus élevée correspond à un meilleur résultat.

Source : Chapitre 17.

 StatLink https://doi.org/10.1787/888933972546

Élaborer des recommandations propres à chaque pays

Une fois que les pays ont identifié leurs principaux enjeux de performance, il convient, aux fins de la définition de priorités d’action spécifiques, de tenir compte des difficultés qui leur sont propres, de leur capacité institutionnelle et de leurs axes de réforme privilégiés. Cette démarche tient compte du fait que la situation initiale des pays est distincte, mais aussi de ce que l’amélioration du fonctionnement du marché du travail est nécessairement un processus graduel qui peut revêtir différentes formes pour chacun d’eux.

Les recommandations pour l’action publique doivent s’inspirer des bonnes pratiques mondiales et tenir compte de la capacité institutionnelle du pays concerné. Par exemple, dans les pays émergents, où la capacité institutionnelle de l’État tend à être assez faible et où l’emploi informel est très répandu, il est extrêmement difficile d’assurer une protection sociale efficace. Un régime obligatoire d’auto-assurance chômage fondé sur des comptes d’épargne individuels, complété d’une composante collective limitée pour ceux ne disposant pas d’une épargne suffisante, constituerait une première étape pertinente pour améliorer la couverture et l’efficacité de la protection sociale dans ces pays. Plus généralement, dans les pays où le capital social est limité et la capacité administrative insuffisante, les autorités doivent mener une action simple, transparente, dont elles pourront facilement rendre compte. Sa mise en œuvre supposera d’associer de nouveaux investissements dans les compétences des fonctionnaires à la définition d’un code de conduite rigoureusement appliqué et à l’établissement d’organismes de contrôle interne et d’audit indépendants dotés de pouvoir d’exécution.

Les recommandations peuvent aussi différer selon les pays en fonction du degré d’interventionnisme des régimes sociaux. Les pays qui s’en remettent davantage au marché souhaiteront éventuellement privilégier les mesures qui visent à prévenir l’exclusion du marché du travail et la pauvreté en renforçant l’égalité des chances – en améliorant l’égalité d’accès à une éducation de qualité par exemple – plutôt que des mesures destinées à favoriser l’égalité des résultats constatés – en accentuant la fonction redistributive du régime de prélèvements et prestations. Cela permet de tenir compte, dans une certaine mesure, des priorités de réforme sans remettre en question la place de l’inclusivité en tant qu’objectif de l’action publique et sans transiger sur l’efficacité.

Enfin, les défis que doivent relever les pouvoirs publics peuvent varier considérablement selon les pays en fonction d’évolutions démographiques différentes, même lorsque les écarts de performance sont similaires. Les pays qui font face à un vieillissement rapide de leur population pourront être amenés à privilégier des mesures visant à promouvoir le travail des seniors et une augmentation du taux d’activité des femmes, tandis que les pays dont la population est plus jeune devront peut-être mettre l’accent sur la formation initiale et l’insertion professionnelle. De même, dans un certain nombre de pays, des mesures spécifiques peuvent être nécessaires pour faciliter l’intégration des immigrés sur le marché du travail.

5.2. Mettre en œuvre les réformes

Les réformes visant à rehausser le bien-être ne mobilisent pas nécessairement une large adhésion parce que leurs effets positifs mettent souvent du temps à se concrétiser et ne sont pas toujours également répartis. Dans la plupart des cas, les avantages des réformes se concrétisent progressivement, sous forme de création d'entreprises, d’embauches et de croissance de la productivité. En revanche, les effets négatifs en termes de pertes d'emploi et de revenus sont parfois immédiats. Des réformes qui réduisent les coûts de licenciement et encouragent en parallèle le recrutement à des postes viables à long terme pourraient par exemple faciliter la suppression rapide d’emplois improductifs. Certaines catégories de travailleurs sortiront parfois perdants des réformes, même si la majorité de la population en tire profit. Ainsi, la libéralisation des échanges, qui bénéficie aux consommateurs en leur offrant des produits plus nombreux et de meilleure qualité à des prix inférieurs, entraîne souvent la réduction des effectifs dans les secteurs et régions à forte intensité de main-d’œuvre non qualifiée.

On peut élargir l’adhésion aux réformes et renforcer leur efficacité en les réunissant en un programme cohérent. Des programmes cohérents permettent de renforcer les effets bénéfiques des réformes à longue échéance en exploitant les synergies, en réduisant les coûts à court terme, et en favorisant une répartition plus équitable des effets favorables à long terme et de la charge immédiate entre plusieurs parties prenantes. Cela implique que les réformes susceptibles d’avoir des retombées négatives à brève échéance ou en termes de répartition pourraient être complétées par des mesures macroéconomiques et d’autres politiques structurelles. Si les pertes d’emplois sont concentrées dans certaines régions, les mesures appliquées au niveau national doivent, pour être efficaces, être coordonnées avec celles mises en œuvre à l’échelon régional. Cela passe par une coordination entre les différents niveaux de l’administration publique et un système budgétaire capable de compenser le déficit de recettes auquel les autorités régionales sont exposées en période de crise.

La politique macroéconomique peut compenser les effets négatifs à court terme des réformes structurelles. La politique monétaire serait normalement activée en cas de baisse de la demande globale et des anticipations d'inflation, afin de stabiliser l'économie. Toutefois, les possibilités d'intervention sont limitées lorsque les taux d’intérêt sont déjà très bas. Le recours à une politique monétaire non conventionnelle pendant une période prolongée soulève des problèmes d’efficacité et de stabilité financière et peut se traduire par une affectation inefficace des crédits. Dans de tels cas, un programme budgétaire visant à intensifier la croissance peut compenser les coûts à court terme de la réforme structurelle si la marge de manœuvre budgétaire est suffisante. Selon les particularités des pays, il pourrait revêtir la forme d'une augmentation de l’investissement public productif ou d'une réduction des impôts les plus préjudiciables à la croissance économique.

D'autres politiques structurelles peuvent contribuer à réduire les effets défavorables à court terme. Il ressort de l’expérience récente de certains pays qu’il est possible d’atténuer les effets négatifs immédiats des réformes structurelles coûteuses si celles-ci s’accompagnent de modifications des systèmes de négociation collective, de mesures visant à accroître la flexibilité au niveau des entreprises ou, dans certains cas, de clauses de maintien des droits acquis des travailleurs. Il ressort ainsi de réformes récentes que dans les pays où la négociation collective intervient à l’échelon national, régional ou au niveau des branches, on peut limiter les pertes d’emploi à court terme résultant de l’assouplissement des règles de licenciement si on laisse les entreprises adapter les salaires et les conditions de travail à leur situation propre. Une plus grande flexibilité des conditions de travail et du mode de fixation des salaires permet aux entreprises d’agir sur d’autres variables que l’emploi pour s’adapter à la restructuration nécessaire. Une autre solution consiste à mettre en place une législation plus souple en matière de licenciement et à l’appliquer seulement aux nouvelles embauches. Il a été démontré que les clauses de maintien des droits acquis neutralisent les retombées négatives sur l’emploi induites par des réformes de cette législation à court terme.

Un échelonnement efficace des réformes – en exécutant d’abord celles qui sont indispensables à la réussite des autres – peut être déterminant pour leur réussite. À titre d’exemple, les effets négatifs à court terme de certaines réformes structurelles sont généralement plus faibles dans les pays qui ont mis en place une stratégie d'activation efficace pour aider les demandeurs d'emploi. Dans le cas contraire, toutefois, l’amplification des politiques actives du marché du travail lorsque le chômage augmente ne pourra être rapide, car il faut généralement plusieurs années pour mettre ces institutions parfaitement au point. L'établissement d'une véritable stratégie d'activation doit donc précéder les réformes susceptibles d’avoir des retombées à court terme sur le marché du travail. De même, les réformes du marché de produits et de la protection de l’emploi ont moins d’effets négatifs à court terme quand les premières précèdent les secondes. En effet, lorsque l’on diminue les obstacles à l’entrée dans les secteurs dominés par les entreprises en place, ces dernières réagissent aux réformes en se réorganisant et en réduisant la voilure pour décourager l’entrée de concurrents potentiels, mais cette réaction a moins de chances de se produire quand le coût des licenciements est plus élevé. À l’inverse, l’intensification de la concurrence et du nombre d’entrées accélère l’effet positif des réformes qui diminuent les coûts de licenciement sur les embauches, et améliorent les retombées nettes à court terme de ces réformes. Dernier point, mais non le moindre, la mise en œuvre de réformes lorsque la situation budgétaire est solide permet de les accompagner plus facilement d’une politique macroéconomique expansionniste.

Les réformes sont plus souvent couronnées de succès lorsque les autorités sont en mesure de mobiliser un appui en leur faveur, ce qui suppose généralement : i) une victoire électorale sur un projet de réforme ; ii) une communication efficace et fondée sur des preuves rigoureuses concernant le bien-fondé de la réforme et les conséquences de l’inaction ; iii) des discussions tripartites approfondies mobilisant les partenaires sociaux et l’État, à condition que celui-ci ait de nombreuses cartes en main et que les négociations se déroulent dans un esprit de confiance et de coopération. C’est en général ce qui se produit lorsqu’il existe une forte cohésion gouvernementale et une disposition à échanger l’adhésion aux réformes contre des mesures visant à réduire dans toute la mesure du possible les coûts redistributifs et à court terme, notamment en stimulant la demande globale (moyennant l’augmentation de l’investissement public productif par exemple), ou en dédommageant les perdants.

5.3. Évaluer les réformes

Si les bonnes pratiques existantes fournissent des orientations fondées sur des éléments factuels pour l’action à mener, les spécificités nationales confèrent à chaque réforme un caractère particulier. C’est pourquoi il faut évaluer régulièrement et rigoureusement les nouvelles politiques et les nouveaux programmes, et modifier ou mettre rapidement terme à ceux qui sont inefficaces. Cela appelle un investissement dans la collecte de données pour le suivi de la participation aux programmes et des résultats des entreprises et des travailleurs dans le temps, notamment par la mobilisation de données administratives sans compromettre la confidentialité. L’élaboration des réformes doit aussi impérativement prévoir des mécanismes d’évaluation. En particulier, l’expérimentation à petite échelle de nouvelles mesures – fondée dans la mesure du possible sur une conception par sélection aléatoire – avant leur mise en œuvre à grande échelle serait un moyen efficace d’éviter des erreurs et/ou de construire la base factuelle nécessaire pour mobiliser un consensus.

Conclusions

Le présent chapitre contient quelques lignes directrices générales pour la mise en œuvre de la nouvelle Stratégie de l’OCDE pour l’emploi et l’évaluation des réformes, qui seront développées plus en détail dans la partie V du volume. Il indique en particulier la marche à suivre pour définir les enjeux d’action publique à partir du nouveau tableau de bord de la Stratégie pour l’emploi en fonction des résultats relatifs de chaque pays. Il précise néanmoins que l’élaboration de recommandations pour l’action publique nécessite de prendre en compte les enjeux auxquels sont confrontés les différents pays, les moyens à leur disposition et leurs axes de réforme privilégiés. Les mesures peuvent également varier en fonction du degré d’interventionnisme des régimes sociaux et des évolutions démographiques.

Ce chapitre montre également que les réformes sont plus souvent couronnées de succès lorsqu’elles bénéficient d’une large adhésion, et indique quels sont les facteurs qui peuvent contribuer à mobiliser un tel soutien. Il est notamment utile de rassembler les réformes en un programme cohérent, en exploitant les synergies, en réduisant les coûts à court terme, et en favorisant une répartition plus équitable des effets favorables à long terme et de la charge immédiate entre plusieurs parties prenantes. Un échelonnement efficace des réformes, une victoire électorale nette sur un projet de réforme, une communication efficace sur la raison d’être des réformes et les conséquences de l’absence d’action, ainsi que des négociations constructives avec les parties prenantes sont aussi des éléments déterminants pour assurer la réussite des réformes.

Il convient d’évaluer rigoureusement les réformes, de sorte à pouvoir modifier ou abandonner rapidement celles qui sont inefficaces. À cette fin, il est essentiel d’investir dans la collecte de données et d’intégrer des mécanismes d’évaluation dans des programmes d’action. Enfin, il peut être utile de tester les nouvelles mesures sur une petite échelle avant d’en étendre la mise en œuvre.

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https://doi.org/10.1787/4e6a92fa-fr

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Chapitre 5. Mettre en œuvre les réformes