3. Organisation, capacités et processus de pilotage du gouvernement ouvert au Cameroun

Au-delà des cadres politiques et règlementaires, l’environnement favorable au gouvernement ouvert est aussi déterminé par le cadre institutionnel dans lequel il s’insère. Ce cadre regroupe l’intégralité des organisations impliquées dans la mise en œuvre, la promotion, le suivi et la coordination des actions en faveur du gouvernement ouvert. Il définit les capacités déployées par les parties prenantes étatiques pour développer une vision holistique et articulée du gouvernement ouvert, mettre en cohérence des cadres et assurer la coordination du pilotage des réformes, autant d’enjeux centraux de la création d’un environnement favorable au gouvernement ouvert.

L'existence de cadres institutionnels et légaux n’est pas non plus suffisante en elle-même pour garantir la mise en œuvre efficace des réformes du gouvernement ouvert. Le développement d’une culture du gouvernement ouvert passe en effet par des processus de transformation des cultures organisationnelles, propres à chaque organisation, dont les acteurs de la gouvernance doivent tenir compte dans la mise en œuvre de leurs réformes.

L’analyse du cadre institutionnel, des capacités et processus de pilotage du gouvernement ouvert s’inscrit dans le cadre de la disposition 4 de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le Gouvernement Ouvert :

« Coordonner, au moyen des dispositifs institutionnels requis, les stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert – horizontalement et verticalement – à tous les niveaux de gouvernement afin d’assurer leur cohérence avec l’ensemble des objectifs socio-économiques pertinents et afin de veiller à ce qu’elles contribuent à ces objectifs. » (OCDE, 2017[1]).

Le Graphique ‎3.1 explicite l’articulation de trois différentes dimensions de l’environnement favorable au gouvernement ouvert, à savoir les cadres politiques (étudiés dans le chapitre 2 de ce scan), le cadre institutionnel et la coordination. Ces trois dimensions, abordées de manière statique, ne suffisent pas à saisir la totalité des enjeux de la gouvernance du gouvernement ouvert et il convient d’y ajouter une quatrième dimension, les processus favorisant le gouvernement ouvert (OCDE, 2020[2]).

Ce chapitre est structuré en deux parties. La première se penche sur le cadre institutionnel du gouvernement ouvert au Cameroun, tandis que la seconde analyse les processus de pilotage du gouvernement ouvert.

Proposer des réformes efficaces et couvrant tous les principes du gouvernement ouvert implique un cadre institutionnel efficace et adapté qui s’articule autour de trois conditions principales :

  • Déterminer clairement les responsabilités et s’assurer d’une approche coordonnée et cohérente dans l'ensemble du gouvernement ;

  • Définir les responsabilités de mise en œuvre dans les institutions concernées ;

  • Établir un contrôle indépendant (OCDE, 2017[3]).

Les acteurs déterminant ce cadre doivent notamment faciliter la coordination du grand nombre d’initiatives prises horizontalement par la multitude d’institutions et de structures impliquées. La pratique montre le bénéfice de disposer d'une unité ou d’un service responsable de l’ouverture du gouvernement (OCDE, 2017[3]). Ces unités portent la vision et l’agenda de la réforme du gouvernement ouvert et ont pour mission de faire respecter l’application des principes du gouvernement ouvert ainsi que d’assurer la clarification des concepts pour les administrations mettant en œuvre les initiatives du gouvernement ouvert. Souvent établis au Centre du gouvernement (auprès de la présidence, du cabinet du Premier ministre ou de la chancellerie), ils constituent la charnière entre les responsables politiques, les agences techniques et ministères, orchestrant la mise en œuvre concrète des réformes et plans d’actions décidés au niveau politique tout en incorporant une expertise technique de référence sur tout ce qui touche au gouvernement ouvert (OCDE, 2017[3]). D’après l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert de 2020, 36 des 44 pays interrogés disposaient d’un bureau chargé de la coordination du processus Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO). Dans une majorité de ces pays, les bureaux de coordination sont localisés auprès du cabinet du président de la République ou des services du Premier ministre (36%), auprès du ministère de l’administration publique, de la modernisation ou de la planification (22%) ou, dans une proportion similaire, dans un autre ministère ou département (22%) (voir Graphique ‎3.2).

Ce travail de coordination peut représenter un défi important. Compte tenu de la transversalité des réformes, l’organisation d’un unique centre de cette coordination peut se heurter à la résistance de prérogatives historiques, ou encore aboutir à l’organisation d’une structure sous-dimensionnée, tant dans son mandat que dans ses moyens. Et en effet, les principales difficultés rencontrées par les unités de coordination des pays de l’OCDE interrogés sont le manque ou l’insuffisance de mandat pour coordonner les initiatives de gouvernement ouvert, l’insuffisance des ressources financières et humaines, ou encore le manque d’incitations à la coordination parmi les institutions gouvernementales (voir Graphique ‎3.3) (OCDE, 2017[3]).

Au Cameroun, comme dans de nombreux pays, les prérogatives liées au gouvernement ouvert sont actuellement réparties entre différents organes. L’ampleur et la diversité des politiques publiques et des initiatives en lien avec le concept de gouvernement ouvert ainsi que l’existence de responsabilités et de mandats historiques difficiles à modifier amènent de fait de nombreux gouvernements à morceler ces responsabilités, en particulier les gouvernements au sein desquels le principe de gouvernement ouvert n’est pas officiellement institutionnalisé et où aucune approche intégrée n’est clairement établie. Le Cameroun, qui n’a pas de définition officielle du gouvernement ouvert ni de plan d’action, ne fait pas exception, et plusieurs structures disposent de prérogatives dans la mise en œuvre et la coordination des initiatives.

Ainsi, le Programme National de Gouvernance (PNG), rattaché aux services du Premier ministre, constitue le point focal chargé de la mise en œuvre des réformes en faveur du gouvernement ouvert à travers son groupe de travail sur le gouvernement ouvert. Le Conseil national de la planification, créé en 2021 sous l’autorité du Premier ministre et encore non opérationnel au moment de la rédaction de ce scan, semble depuis peu endosser la responsabilité du suivi de la mise en œuvre des principaux cadres de politiques publiques sur la Stratégie nationale de développement (SND30) et la Vision 2035, alors que le Comité national de suivi évaluation de la mise en œuvre de la SND30 est déjà opérationnel. Le ministère des Finances, à travers la réforme des finances publiques et son budget citoyen, a pris une avance considérable et un rôle moteur dans l’ouverture des données. La Commission nationale anti-corruption du Cameroun (CONAC), en charge de la mise en œuvre de la politique gouvernementale de lutte contre la corruption, joue un rôle central dans la lutte contre la corruption, tandis que le Comité ITIE (Initiative pour la transparence des industries extractives) du Cameroun représente un laboratoire important à plusieurs titres : dans la coordination horizontale avec les parties prenantes non étatiques, et dans la promotion de la transparence et l’ouverture des données. Enfin, la Commission des droits de l’homme du Cameroun (CDHC) est un acteur important puisqu’elle a pour mission d’observer et de constater les atteintes aux droits et libertés au Cameroun, avec le pouvoir de saisir le ministère de la Justice.

Le PNG, rattaché aux services du Premier ministre, a été créé en 1998 et approuvé par le président de la République en juin 2000. Le Programme a pour mission de promouvoir la bonne gouvernance et le suivi-évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques, d’améliorer les relations entre l’État et les citoyens par la qualité des services, et d’accélérer la décentralisation ainsi que la participation des citoyens et de la société civile à la gestion des affaires publiques.

Depuis 2019, le PNG a mis en place un groupe de travail sur le gouvernement ouvert, chargé d’animer un plaidoyer pour l’adhésion du Cameroun au PGO et diverses initiatives mondiales d’ouverture des données publiques. Ce groupe multi-acteurs comprend des représentants des différents ministères, de la société civile ainsi que du corps judiciaire et législatif et constitue un embryon d’organe permettant le pilotage stratégique du gouvernement ouvert au sein du gouvernement camerounais, favorisant une prise en compte de toutes les parties prenantes principales dans les réformes du gouvernement ouvert. Il ressort des entretiens menés dans le cadre de ce scan que les acteurs directement impliqués dans la réforme du gouvernement ouvert, au premier rang desquels figure le PNG, ont fait de ces réformes et d’une potentielle adhésion au PGO une priorité de leur action.

Directement rattaché aux services du Premier ministre, le PNG joue un rôle moteur sur la dynamique du gouvernement ouvert et son expertise dans les travaux de coordination le désigne comme l’organisme naturel du gouvernement camerounais pour piloter les réformes du gouvernement ouvert et déployer une coordination intersectorielle horizontale.

Compte tenu de l’importance des chantiers restant à mettre en œuvre pour améliorer la gouvernance dans une perspective de gouvernement ouvert au Cameroun (adoption d’une définition officielle et d’un plan d’action, cartographie des cadres légaux et règlementaires, formation et communication etc.), le gouvernement pourrait envisager de confier la coordination des réformes du gouvernement ouvert à une institution proche du Centre du gouvernement disposant déjà d’une expertise forte sur le concept du gouvernement ouvert tel que le PNG dans le cadre d’une mise à jour et d’un élargissement de son mandat.

Au-delà de la coordination, le PNG pourrait voir son mandat étendu en fonction de son expertise interne, et notamment à la formulation d’un plan d’action national (PAN), le suivi de sa mise en œuvre, l’évaluation de son impact et la communication autour des réformes. Ces missions sont fréquentes dans les unités de gouvernement ouvert d’autres pays de l’OCDE (voir Graphique ‎3.4). L’attribution d’un mandat étendu permettrait une rationalisation, des économies d’échelle et des gains en compétences pour les équipes du PNG. Une telle approche faciliterait la lisibilité des actions du gouvernement en identifiant un interlocuteur de référence unique, capitalisant le savoir approprié sur le gouvernement ouvert et ayant la capacité d’assurer le pilotage du PAN. Ces missions supplémentaires impliquent que le PNG se dote de capacités idoines et donc exigent un renforcement significatif de ses moyens humains, techniques et financiers ainsi que de son autonomie financière.

Dans la perspective de déterminer les contours du renforcement à envisager du PNG comme unité de coordination des initiatives de gouvernement ouvert au Cameroun et comme unité de pilotage du PAN, il convient dans un premier temps d’évaluer les capacités humaines et financières nécessaires pour atteindre ce résultat, en même temps que les acteurs et vecteurs de mobilisation, notamment budgétaires (budgets de l’État, partenaires techniques et financiers…) potentiels. Cette évaluation et le renforcement du PNG pourraient représenter un autre engagement d’un futur plan d’action national du gouvernement ouvert au Cameroun.

L’écosystème lié au gouvernement ouvert au Cameroun est marqué par une forte diversité, au-delà du rôle mandataire du PNG. En effet, les initiatives en faveur du gouvernement ouvert ont émergé de manière ad hoc et aboutissent à une fragmentation des initiatives. Sans qu’actuellement aucune des institutions ci-dessous ne dispose d’un mandat concurrent ou de responsabilités allant à l’encontre du projet de développer une unité de coordination centralisée, il convient de s’assurer que les autres institutions impliquées dans la réforme du gouvernement ouvert (ministères, institutions indépendantes, société civile etc…) sont représentées dans le comité de pilotage du PNG (ou à travers le groupe de travail sur le gouvernement ouvert du PNG, comme cela est déjà le cas) afin d’assurer l’identification de possibles synergies et points d’achoppements dans la mise en œuvre de l’agenda du gouvernent ouvert. Le Tableau ‎3.1 recense les différentes institutions publiques qui jouent un rôle dans la mise en œuvre du gouvernement ouvert au Cameroun, au-delà du PNG.

Le Conseil national de la planification (CNP), créé en 2021 et institué auprès du cabinet du Premier ministre, a pour mandat de suivre et de coordonner la mise en œuvre de la SDN30 et Vision 2035. Ces deux documents de politique générale étant déterminants dans la vision que porte l’État en termes de participation, de transparence, d’ouverture des données et de processus démocratique, l’articulation du travail du CNP avec les activités du PNG semble centrale.

La constitution récente du CNP ne permet pas encore d’évaluer ses activités et son mandat. Néanmoins, le gouvernement camerounais pourrait imaginer la création d’un partenariat solide entre le CNP et le PNG afin d’assurer l’existence d’une charnière forte pour le portage politique des principes du gouvernement ouvert (CNP) et leur déclinaison dans un plan d’action et des initiatives coordonnées (PNG).

Le CNP déploie par ailleurs ses activités selon une approche inclusive puisqu’il implique pour des réunions trimestrielles des représentants des ministères pertinents, la CDHC, des représentants des gouvernements infranationaux, d’organisations de la société civile (OSC), du milieu universitaire, du secteur privé, et des syndicats.

La Direction de la réforme budgétaire du ministère des Finances est un autre acteur de premier plan dans l’écosystème du gouvernement ouvert au Cameroun. Cette direction a la charge de la publication du budget citoyen et de l’agenda budgétaire et coordonne les activités du ministère des Finances liées à la participation citoyenne et la transparence. Les équipes de cette direction sont les chefs de file des activités liées à la transparence budgétaire et ont mis en œuvre d’importants efforts de sensibilisation à la transparence budgétaire au sein des institutions camerounaises. En outre, des représentants du ministère des Finances siègent à la fois au Comité ITIE (ministre des Finances) et au sein du groupe de travail sur le gouvernement ouvert du PNG.

En matière de décentralisation, l’institution pilote et de référence est le ministère de la Décentralisation et du Développement local. En effet, il est « responsable de l’élaboration, du suivi, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique du Gouvernement en matière de décentralisation ainsi que de la promotion du développement local » (Président de la République du Cameroun, 2018[4]). Compte tenu de l’importance de la décentralisation dans les processus de réforme au Cameroun tant en termes de transparence que de participation (mise en œuvre de budgets citoyens au niveau local, obligation de reddition des comptes publics, implication accrue de la population dans la représentation et la gouvernance locale …), il est important de noter son rôle stratégique. Par ailleurs, le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (MINEPAT) à travers le PNDP constitue également un appui au processus de décentralisation en raison de son rôle crucial dans la mise en œuvre des réformes intégrant des dispositions liées au gouvernement ouvert. En outre, le MINEPAT participe à de nombreux groupes de travail tels que le groupe de travail sur le gouvernement ouvert du PNG et celui sur la transparence des finances publiques et l’ouverture des données budgétaires.

Créée par décret en 2006, la CONAC est l’organe public indépendant chargé de contribuer à la lutte contre la corruption (Président de la République du Cameroun, 2006[5]). Elle est un acteur central de la transparence et de la redevabilité au Cameroun et voit son mandat organisé autour de trois axes : (i) prévention et communication, (ii) études et coopération, (iii) investigations. Elle est constituée d’un comité de coordination et d’un secrétariat permanent qui assure son pilotage et la mise en œuvre de ses activités. Outre le président et le vice-président, le comité de coordination de la CONAC est statutairement constitué de neuf membres, choisis parmi des personnalités ayant fait preuve de probité dans l’exercice de leurs fonctions et jouissant d’une bonne moralité, provenant de l’administration publique et de la société civile. La CONAC remplit les missions suivantes :

  • Suivre et évaluer l’application effective du plan gouvernemental de lutte contre la corruption.

  • Recueillir, centraliser et exploiter toutes les dénonciations et informations dont elle est saisie pour des pratiques, faits ou actes de corruption et infractions assimilées.

  • Mener toutes études ou investigations et proposer toute mesure de nature à prévenir ou à juguler la corruption.

  • Procéder le cas échéant au contrôle physique de l’exécution des projets ainsi qu’à l’évaluation des conditions de passation des marchés publics.

  • Diffuser et vulgariser les textes sur la corruption.

  • Identifier les causes de la corruption et proposer aux autorités compétentes des mesures susceptibles de permettre de l’éliminer dans tous les services publics ou parapublics.

  • Accomplir toute autre mission à elle confiée par le Président de la République (Président de la République du Cameroun, 2006[5]).

Le Comité de coordination de la CONAC a mis en place un groupe spécifique dédié à la participation citoyenne.

Créé en 2005 au moment de l’adhésion du Cameroun à la norme ITIE, et institué auprès du ministère des Finances, le Comité ITIE pilote et coordonne la mise en œuvre de la norme ITIE au Cameroun. Le mandat du Comité se définit thématiquement sur les industries extractives, et ce mandat ainsi que les initiatives prises couvrent plusieurs principes du gouvernement ouvert. Ses réunions trimestrielles impliquent huit représentants du secteur privé, huit représentants de la société civile, huit représentants du secteur public et parapublic (y compris le ministère des Finances et le MINEPAT), six représentants du Parlement et des collectivités territoriales décentralisées (CTD) et deux ministres de tutelle (y compris le ministère des Finances). Elles ont ainsi la particularité de respecter un ratio paritaire strict sur la présence de parties prenantes publiques et non publiques.

Du fait de cette diversité d’acteurs et de son dynamisme, le Comité ITIE représente un exemple pertinent en termes de coordination horizontale et la mise en œuvre de la norme ITIE. Au Cameroun, il constitue dans une certaine mesure un laboratoire intéressant, à la fois dans la coordination avec les parties prenantes non étatiques et dans la mise en œuvre d’initiatives. L’exemple de la feuille de route sur les données ouvertes est significatif, et les standards en cours de développement par le Comité ITIE sont scrutés par les membres. La capitalisation sur cet exercice pilote au niveau du gouvernement est un enjeu majeur et rappelle l’importance de l’existence d’une unité de coordination en mesure de centraliser les retours sur les expériences de ce genre d’innovations.

Compte tenu de la fragmentation des prérogatives de gouvernement ouvert entre ces institutions, il serait opportun pour le PNG de mener une cartographie exhaustive des acteurs impliqués dans cette dynamique et de leurs attributions. Cela permettrait au PNG, dans une approche dynamique, d’identifier les autres organisations aux mandats complémentaires, et animer un réseau permettant une meilleure capitalisation d’expérience.

Dans sa Recommandation du Conseil sur le gouvernement ouvert, l’OCDE définit l’État ouvert comme :

« une situation dans laquelle les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, les institutions publiques indépendantes ainsi que tous les niveaux de gouvernement – tout en reconnaissant leurs rôles et prérogatives respectifs et, plus généralement leur indépendance dans le respect de leurs cadres juridiques et institutionnels existants – collaborent, exploitent leurs synergies et partagent entre eux et avec d’autres parties prenantes leurs bonnes pratiques et les enseignements tirés de leur expérience afin de promouvoir la transparence, l’intégrité, la redevabilité et la participation des parties prenantes, au service de la démocratie et de la croissance inclusive » (OCDE, 2017[1]).

L’État ouvert est donc, au sens de l’OCDE, un système étatique à atteindre pour s’assurer que les trois branches du pouvoir jouent pleinement leur rôle dans la promotion des principes sous-jacents du gouvernement ouvert. Dans l’État ouvert, les pouvoirs collaborent, dans le respect du principe de séparation des pouvoirs publics, mais jouent aussi leur rôle de contrôle respectif, dont l’articulation est au centre de l’État de droit et de la vie démocratique. Une telle collaboration implique donc la mise en œuvre d’une vision commune sur leurs rôles respectifs, souvent cadrée par la Constitution et déclinée en politiques publiques mais aussi en cadres légaux.

Concernant le pouvoir législatif au Cameroun, peu d’informations ont été mises à la disposition de l’OCDE sur de potentielles auditions parlementaires, c’est-à-dire des séances dans lesquelles une commission parlementaire entend des experts ou des représentants d'organismes publics ou privés sur des sujets sur lesquels la commission travaille, qui n’existeraient pas au Cameroun. Néanmoins, l’engagement du pouvoir législatif en faveur du gouvernement ouvert s’exprime à travers la participation de législateurs à différentes instances de coordination liées au gouvernement ouvert, y compris le Comité ITIE et le groupe de travail sur le gouvernement ouvert du PNG, auquel ils contribuent de manière active selon les entretiens menés dans le cadre de ce scan. Il convient enfin de noter que des parlementaires ont participé à la compilation des réponses à l’Enquête de 2020 de l’OCDE sur le gouvernement ouvert, sur laquelle s’appuie en partie ce scan.

Le parlement joue un rôle important dans la promotion du gouvernement ouvert selon la loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance (République du Cameroun, 2018[6]). Le Code institue en son article 13-2 le rôle du pouvoir parlementaire dans le contrôle de la gestion des finances publiques et le parlement dispose d’un droit de communication sans réserve sur tous les aspects relatifs à la gestion des deniers publics, tandis que le rapport annuel du gouvernement sur les priorités budgétaires et orientations économiques du gouvernement fait l’objet d’un débat au parlement (article 14) (République du Cameroun, 2018[6]). Les parlementaires peuvent poser des questions orales et écrites au gouvernement et créer des commissions d'enquêtes parlementaires.

La participation du pouvoir judiciaire à l’État ouvert s’exprime principalement à travers les actions de la Chambre des comptes de la Cour Suprême sur les enjeux de transparence budgétaire et de renforcement de la redevabilité vis-à-vis des citoyens camerounais. La chambre a un pouvoir de contrôle judiciaire auprès du gouvernement qui s’exprime notamment à travers des audits réguliers. Le rapport de la chambre des comptes sur la gestion des fonds alloués à la riposte de la crise de COVID-19, parmi d’autres initiatives de contrôle de ce genre, a été au-devant de l’actualité politique en 2021 en pointant du doigt un certain nombre d’irrégularités. La Chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun a par ailleurs entrepris la rédaction d'une feuille de route pour sensibiliser les acteurs gouvernementaux et législatifs aux exigences de l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI) en matière d'ouverture des données de finances publiques. De ce fait, la Chambre des comptes contribue de manière proactive à l’agenda de réformes en faveur de la transparence et joue un rôle de coordination significatif.

Enfin, les Collectivités territoriales décentralisées (CTD) jouent aussi un rôle important dans l’État ouvert. Ainsi les gouvernements locaux au Cameroun ont adopté le système de gestion des finances publiques locales, « SIMba », pour améliorer la transparence budgétaire et comptable. L'ensemble des CTD du Cameroun se sont engagées à la transparence dans le domaine fiscal. Certaines des instances de pilotage du gouvernement ouvert au Cameroun, telles que le Comité ITIE, intègrent des représentants des CTD comme membres permanents, attestant de l’importance de la gouvernance décentralisée dans le gouvernement ouvert au Cameroun.

L’existence des cadres de politiques publiques, légaux et institutionnels n’est pas suffisante en tant que telle à assurer à un gouvernement les changements favorisant une culture du gouvernement ouvert. Les gouvernements doivent s’appuyer sur les processus qui vont permettre de transformer en profondeur ces cadres. Ces processus, spécifiques à chaque pays, doivent s’adapter aux spécificités culturelles et de gouvernance de chaque pays et administration. Un certain nombre de processus clairement identifiés par l’OCDE sont centraux pour soutenir l’avènement d’une culture de gouvernement ouvert (OCDE, 2017[3]). L’OCDE recense ainsi quatre dimensions clés :

  • La coordination des politiques publiques et pratiques de gouvernement ouvert.

  • Le renforcement des capacités et la promotion de la culture du gouvernement ouvert dans l'administration et parmi les parties prenantes.

  • Le suivi et évaluation des politiques et pratiques de gouvernement ouvert.

  • L’usage stratégique de la communication externe et interne pour les réformes du gouvernement ouvert.

La disposition 4 de la Recommandation du Conseil sur le gouvernement ouvert stipule que les gouvernements devraient :

« Coordonner, au moyen des dispositifs institutionnels requis, les stratégies et initiatives – horizontalement et verticalement – à tous les niveaux de gouvernement afin d’assurer leur cohérence avec l’ensemble des objectifs socioéconomiques pertinents et afin de veiller à ce qu’elles contribuent à ces objectifs » (OCDE, 2017[1]).

Comme présenté dans la section ‎3.2, il est important pour les gouvernements dans cette perspective de désigner un organe en charge de la coordination et du suivi des initiatives en faveur du gouvernement ouvert dans toute leur diversité : par nature, celles-ci sont transversales et les principes de transparence et de participation impliquent la coordination et l’alignement de plusieurs organismes sectoriels visant un même but. Au-delà de cette coordination « verticale » (dans la mesure où un organisme comme le PNG prend l’initiative et assure le suivi de toutes les actions en faveur du gouvernement ouvert auprès des autres institutions impliquées), l’expérience a aussi montré qu’il était important d’établir des canaux de communication et de partage d’expérience entre ces institutions, de manière horizontale. Le Graphique ‎3.5 donne une idée des organisations généralement représentées dans les mécanismes de coordination horizontale « mixtes » (c’est-à-dire multi-acteurs impliquant des représentants de parties prenantes étatiques, mais aussi non étatiques comme la société civile, le secteur privé ou le monde académique). Compte tenu de l’importance de la décentralisation dans le mouvement de réforme du gouvernement ouvert (voir section 2.5.3 du Chapitre 2), l’implication des CTD, parmi les parties prenantes étatiques, est centrale.

Le Cameroun ne dispose pas d’un mécanisme mixte pour les réformes du gouvernement ouvert en tant que tel puisque le PNG, qui a l’initiative sur les réformes de la gouvernance, n’a pas pour membre permanent des parties prenantes non gouvernementales. Néanmoins, le Cameroun s’est doté de plusieurs instances dont l’objectif est de faciliter une coordination horizontale des acteurs étatiques et non étatiques impliqués dans le gouvernement ouvert, et la plupart des organismes de coordination présentés dans la section précédente constituent, en tant que tels, des instances de coordination horizontale intégrant des parties prenantes d’autres organismes publics, de la société civile, des pouvoirs judiciaires et législatifs.

Au-delà du partage d’information entre acteurs spécialisés de l’administration, la coordination horizontale implique également l’ouverture des cadres de concertation à l’ensemble des parties prenantes à la gouvernance, y compris le secteur privé et les représentants de la société civile. Le groupe de travail sur le gouvernement ouvert du PNG et les autres institutions décrites ci-dessous intègrent des représentants de la société civile de manière permanente, attestant de la volonté des institutions camerounaise d’assurer la légitimité de ces enceintes et de refléter la diversité de la société civile camerounaise.

Le PNG coordonne le chantier du gouvernement ouvert du Cameroun. Si son pilotage institutionnel n’intègre pas de parties prenantes non étatiques, il a mis en place un groupe de travail multi-acteurs pour préparer l'adhésion du Cameroun aux diverses initiatives mondiales d'ouverture des données publiques. Ce groupe, qui se réunit de manière ad hoc, participe à l’élaboration des initiatives en faveur du gouvernement ouvert et conseille le gouvernement sur cette dimension et comprend des représentants de toutes les parties prenantes pertinentes pour le gouvernement ouvert. Le Tableau ‎3.2 recense les organismes siégeant au sein de ce groupe.

Au-delà du PNG et de son groupe de travail sur le gouvernement ouvert, les institutions et ministères disposant de mandats liés aux principes du gouvernement ouvert disposent, eux aussi, de mécanismes de coordination horizontale plus ou moins développés, tels que décrits dans les paragraphes ci-dessous. L’implication régulière des ministères, des organismes publiques ou organisations de la société civile créée au Cameroun, au-delà de l’existence d’un mécanisme unique, une communauté d’acteurs impliqués et qui se rencontrent régulièrement dans ces différentes instances et groupes de travail ouverts et mixtes. Cette approche assure une circulation des connaissances et des expériences en même temps qu’une ouverture pertinente à certaines parties prenantes non étatiques dans les réformes du gouvernement ouvert, mais gagnerait à être consolidée à travers un agenda clair, ainsi qu’une coordination renforcée grâce à une unité de coordination centrale.

Dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de la loi portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques, ainsi que du rapport d'évaluation de l'index des budgets ouverts, le ministère des Finances dirige un groupe de travail inter-institutions pour amplifier le mouvement et concrétiser la participation des parties prenantes sur la mise en œuvre du Code.

Bien qu’un effort certain existe au niveau des différentes institutions citées pour impliquer la société civile, certains défis nuancent la portée de ces processus participatifs. De même, la participation récurrente des mêmes représentants de la société civile dans la plupart de ces instances peut poser question, aux yeux notamment de certaines autres OSC. En effet, les données collectées au cours de la préparation de ce scan mettent en lumière la consultation régulière voir systématique d’un groupe restreint d’experts et de représentants de la société civile, questionnant le processus d’invitation et de désignation des représentants des parties prenantes non étatiques dans ces institutions.1 Il semble logique que les institutions en charge de la conception de ces stratégies s’appuient en priorité sur des parties prenantes non étatiques réputées pour leur expertise, ayant déjà fait preuve d’engagement dans les initiatives gouvernementales, ou représentant des réseaux d’OSC plus petites au niveau national. Par ailleurs, l’organisation de consultations garantissant une représentation exhaustive des parties prenantes représenterait un défi technique et organisationnel insurmontable. Ces organisations peuvent représenter des « champions » au niveau national avec lesquels le gouvernement travaille dans la consolidation des mécanismes de consultation et de cocréation impliquant la société civile. Cependant, le Cameroun peut se prévaloir d’une société civile large, diverse et dynamique, et les processus de consultation successifs présentent l’opportunité d’assurer une forte diversité dans les organisations susceptibles d’être sollicitées, ce qui favoriserait l’adhésion pleine et entière des parties prenantes non-étatiques à ces stratégies. Ces organisations « championnes » pourraient ainsi représenter des relais, assurant la connexion et l’implication d’autres OSC.

Pour aller plus loin dans cet engagement en faveur d’une coordination large et ouverte, le Cameroun pourrait considérer, comme première étape, la formalisation d’un forum multi-acteurs / comité de pilotage mixte du gouvernement ouvert. Le groupe de travail sur le gouvernement ouvert pourrait en constituer l’ossature sous réserve de préciser de manière conjointe avec la société civile les rôles et les responsabilités du comité en général et des parties prenantes en particulier pour la mise en œuvre et le suivi des réformes engagées.

Il conviendrait d’y inclure l’intégralité des administrations impliquées dans la mise en œuvre des différents engagements du PAN tandis que les « champions » de la société civile y trouveraient leur place comme relais vis-à-vis du reste de la société civile camerounaise. Le Cameroun a déjà posé les bases d’un tel forum multi-acteur / comité de pilotage à travers son groupe de travail sur le gouvernement ouvert, qui comprend des représentants des principales administrations et institutions publiques impliquées sur le gouvernement ouvert, de la société civile et des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. Alors que le groupe de travail actuel constitue un premier pas important, sa transformation en comité de pilotage ou forum multi-acteur institutionnaliserait le mécanisme exécutif assurant la pérennité de l’approche de cocréation avec toutes les parties prenantes impliquées dans la réforme du gouvernement ouvert. Quelle que soit l’option retenue par le Cameroun, les règles d’organisation de la participation des parties prenantes non étatiques devraient être cocréées avec toutes les parties prenantes, afin d’assurer l’adhésion de tous au mécanisme choisi.

La constitution d’un tel mécanisme mixte de mise en œuvre est un autre prérequis pour l’adhésion au PGO et contribuerait à renforcer la candidature du Cameroun (voir Encadré ‎3.1) (PGO, 2019[7]).

Compte tenu du nombre nécessairement limité d’OSC représentées dans ce Forum, la question de la désignation des « champions » ou des modes de discussions et de relais entre ces champions et le reste de la société civile se pose. Il conviendrait que les règles d’organisation du Forum soient cocréées avec toutes les parties prenantes dès le départ pour en assurer l’adhésion générale. Les règles d’organisation pourraient par ailleurs proposer des moyens alternatifs de représentation comme un système de rotation des champions de la société civile, ou un système de représentation par région, compte tenu du fort ancrage local de la société civile camerounaise.

Le gouvernement camerounais pourrait aussi envisager de soutenir la création d’un Forum spécifique de la société civile par les représentants des OSC afin d’assurer un large dialogue pour alimenter les réflexions en cours et soutenir la mise en œuvre, la sensibilisation et l’appropriation des réformes engagées. Cette option favoriserait la représentation la plus large possible, des différentes sensibilités qui traversent la société civile camerounaise en organisant des espaces de réflexion, de discussion et de tenue des réunions plénières régulières de la société civile au sein de ce Forum. Dans le cadre de leur adhésion au PGO, le Maroc et le Royaume-Uni ont établi des espaces permettant aux représentants volontaires de la société civile de se coordonner et s’impliquer dans le suivi du gouvernement ouvert. Ces exemples pourraient être pertinents pour le Cameroun (voir Encadré ‎3.2).

Le suivi et l’évaluation sont deux outils centraux dans la mise en œuvre des politiques publiques pour comprendre leur impact et informer le pilotage des réformes. Pour cette raison, les pays engagés dans la réforme du gouvernement ouvert doivent inclure dans leurs stratégies des systèmes solides de suivi et d'évaluation sur la base de données probantes. Ces systèmes permettent aux institutions en charge du pilotage de leur mise en œuvre (i) de s’assurer que les stratégies remplissent leurs objectifs, (ii) d’identifier les obstacles potentiels auxquels font face leur mise en œuvre, et (iii) de communiquer en toute transparence et avec rigueur auprès des autres parties prenantes sur l’avancée de leurs travaux. Ils contribuent aux mécanismes de redevabilité et permettent un apprentissage permanent pour les fonctionnaires en charge du pilotage des réformes. Dans la mesure du possible, un tel système devrait aussi permettre de mesurer les résultats et les impacts des stratégies dont ils assurent le suivi. La cinquième disposition de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le gouvernement ouvert couvre cet aspect :

« Élaborer et mettre en œuvre des dispositifs de suivi, d’évaluation et d’apprentissage en rapport avec les stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert, par les moyens suivants :

  1. (i) en désignant les acteurs institutionnels qui seront chargés de recueillir et de diffuser une information et des données actualisées et fiables en format ouvert ;

  2. (ii) en élaborant des indicateurs comparables visant à mesurer les processus, les résultats, les réalisations et les impacts, en collaboration avec les parties prenantes ; et

  3. (iii) en favorisant une culture de suivi, d’évaluation et d’apprentissage parmi les agents publics grâce à un renforcement de leurs capacités à effectuer régulièrement des exercices à ces fins, en collaboration avec les parties prenantes concernées » (OCDE, 2017[1]).

Au-delà du suivi interne, l’évaluation externe régulière et publique des stratégies et des politiques, conduites par des acteurs indépendants de la mise en œuvre, constitue une dernière étape assurant une transparence accrue de l’avancée de la stratégie, ainsi qu’un niveau élevé d’engagement et d’appropriation de la part des fonctionnaires impliqués. L’Encadré ‎3.3 revient en détail sur la différence entre le suivi et l’évaluation, au sens de l’OCDE.

Dans une perspective plus opérationnelle et afin d’assurer aux fonctionnaires en charge du pilotage des réformes un mécanisme d’apprentissage dynamique et efficace, la disposition 5 de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le gouvernement ouvert suggère :

« [d’]Élaborer et mettre en œuvre des dispositifs de suivi, d’évaluation et d’apprentissage en rapport avec les stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert, par les moyens suivants : (i) en désignant les acteurs institutionnels qui seront chargés de recueillir et de diffuser une information et des données actualisées et fiables en format ouvert ; (ii) en élaborant des indicateurs comparables visant à mesurer les processus, les résultats, les réalisations et les impacts, en collaboration avec les parties prenantes ; et (iii) en favorisant une culture de suivi, d’évaluation et d’apprentissage parmi les agents publics grâce à un renforcement de leurs capacités à effectuer régulièrement des exercices à ces fins, en collaboration avec les parties prenantes concernées » (OCDE, 2017[1]).

Au Cameroun, tant la Vision 2035 que la SND30 prévoient des processus de suivi et d’évaluation des résultats. Des éléments d’une analyse critique de la mise en œuvre de la première phase de la Vision 2035 – à savoir le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) – sont mentionnés dans l’introduction de la SND30, attestant de l’existence d’un mécanisme d’évaluation fonctionnel, en même temps que d’un exercice de capitalisation sur cette évaluation (MINEPAT, 2020[11]). Les résultats des évaluations de la Vision 2035 ont quant à eux vocation à être publiés annuellement, tandis que la SND30 doit faire l’objet de deux évaluations publiques par an.

La Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC) prévoit elle aussi des dispositions pour le suivi et l’évaluation, notamment à travers un tableau de bord consolidé des avancées (République du Cameroun, 2010[12] ; CONAC, 2016[13]). Néanmoins, la stratégie comporte peu de détails sur le mécanisme de collecte des données et la méthode de suivi, particulièrement importante dans la mesure où chaque institution en charge d’initiatives de lutte contre la corruption est responsable du suivi et de l’évaluation de ses activités (CONAC, 2016[13]). La SNLCC s’appuie cependant sur un sondage de perception mis en œuvre sur l’ensemble du territoire auprès de la population camerounaise sur la lutte contre la corruption. Cette approche, ancrée dans l’utilisation de données objectives et rigoureuses, s’inscrit pleinement dans les objectifs de modernisation de la gouvernance camerounaise.

Les entretiens conduits auprès des acteurs du gouvernement camerounais dans le cadre de ce scan confirment que certains rapports sont produits dans le cadre de ces systèmes de suivi et d’évaluation, et des études commanditées. À titre d’exemple, le PNG est en cours d’élaboration d’une évaluation de l’état de la gouvernance pour l’année 2021 au Cameroun. Cependant, au-delà de cet exemple, peu de documents sont publiés sur le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques liées au gouvernement ouvert. Par ailleurs, la plupart de ces rapports semblent traiter du suivi de la mise en œuvre des initiatives plutôt que de l’évaluation des impacts de ces politiques publiques.

Au-delà du suivi engagé par les organes de pilotage de la mise en œuvre de ces politiques publiques, le gouvernement camerounais rapporte qu’aucune évaluation n’a été commandée pour aucun des quatre documents clés cités précédemment. Ce manque d’évaluation peut s’expliquer, en partie, par le fait que l’organisme en charge du suivi et de l’évaluation de la SND30 et de la vision 2035 est le Conseil national de la planification (CNP) qui n’est pas encore opérationnel et qui sera placé sous l'autorité du Premier ministre, chef du Gouvernement. Le CNP n'etant pas encore operationnel, c'est pour l’heure le comité national de suivi de la SND30 qui procède à l'evaluation et au suivi de la SND30.

Concernant l’ITIE, le suivi-évaluation de la mise en œuvre de la feuille de route, au même titre que tous les outils développés dans le cadre du Comité ITIE pour le Cameroun, se fait à l’initiative du même Comité. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette feuille de route ainsi que la mise en œuvre des recommandations de l’ITIE au Cameroun en général, sont contrôlées par le Comité international ITIE qui a lieu tous les trois ans.2 Les résultats sont publiés sur le site de l’ITIE.

Les entretiens menés dans le cadre de ce scan confirment que les évaluations prévues par les politiques publiques camerounaises sont bien réalisées par l’administration. Néanmoins, il est également ressorti des entretiens que très peu de ces évaluations sont publiées et les informateurs-clés font part d’un double défi dans les exercices de capitalisation liés au suivi-évaluation : en premier lieu, les études d’impact et évaluation commandées mettent beaucoup de temps à être validées en interne, retardant leur publication interne et réduisant de fait leur utilité dans le pilotage des politiques publiques. En second lieu, un certain nombre d’administrations et d’organismes publics peu sensibilisés aux principes de transparence et de redevabilité perpétuent une culture de travail relativement opaque, prudente et défavorable au partage d’information, même entre différentes administrations (voir la section ‎3.3.4 sur la culture du gouvernement ouvert). Ainsi, et bien que tous les acteurs interrogés affirment que les « rapports sont bel et bien écrits », leur accès demeure lacunaire, leur calendrier de publication flou et leur utilité dans le pilotage de la gouvernance publique s’en trouve limitée.

Afin d’améliorer le pilotage des initiatives en faveur du gouvernement ouvert, le gouvernement camerounais pourrait initier un chantier pour le renforcement du suivi-évaluation, qui pourrait être structuré autour de deux mesures principales :

  • Prévoir dans le PAN des indicateurs d’avancée et de réalisation claire, impliquant une réflexion sur les résultats attendus en termes d’ouverture, intégré dans une théorie du changement du gouvernement ouvert. Le PAN doit clairement prévoir des moyens (identification de points focaux, moyens humains…) et des méthodes de suivi et d’évaluation (indicateurs clairs, temporalité des études, outils d’évaluation…) afin de dépasser les blocages identifiés plus haut et guider l’administration dans la mise en œuvre du suivi-évaluation.

  • Communiquer sur les résultats et publier à la fois les données de suivi et les études d’évaluation, dans une perspective de redevabilité du processus d’ouverture. Dans cette perspective, le Cameroun pourrait mettre en place un tableau de bord de suivi, permettant un suivi standardisé, lisible et intelligible des avancées de la mise en œuvre des cadres politiques.

La mise en œuvre d’un tableau de bord comprend deux avantages principaux par rapport aux rapports classiques : une communication accrue et facilitée par le format numérique et synthétique du tableau, en même temps qu’un mode de publication dynamique qui permet une actualisation plus rapide et des délais de publication des données réduits. L’Encadré ‎3.4 propose des exemples de tableaux de bord mis en œuvre au Maroc, en Espagne et au Mexique et qui pourraient représenter des bases de réflexion pour les initiatives camerounaises.

Enfin, dans la mesure où le Cameroun a pour ambition d’adhérer au PGO, le mécanisme de rapport indépendant (IRM) du PGO pourrait représenter un appui complémentaire pertinent aux systèmes existants de suivi des cadres de politiques publiques (voir l’Encadré ‎3.5), dans la manière dont le Cameroun pourrait aborder la temporalité et la méthodologie d’évaluation de ses politiques publiques.

La disposition 3 de la Recommandation du Conseil de l'OCDE sur le gouvernement ouvert invite les pays à favoriser :

« Une maîtrise des compétences de base liées au gouvernement ouvert au sein des administrations publiques, à tous les niveaux d’administration, ainsi que parmi les parties prenantes » (OCDE, 2017[1]).

Le succès des réformes de gouvernement ouvert ne repose pas uniquement sur des mécanismes de coordination et de suivi-évaluation. Le gouvernement ouvert implique un changement de culture à la fois aux plus hauts échelons de l’État, mais aussi dans les relations quotidiennes qui lient les citoyens aux administrations publiques. Il s’agit donc pour les organismes publics en charge de la réforme d’assurer l’adhésion de l’intégralité des agents publics aux principes de transparence, de participation et de redevabilité grâce à d’importants efforts de pédagogie auprès de la fonction publique sur les avantages du gouvernement ouvert. En outre, la maitrise des compétences de base sur le gouvernement ouvert (degré de sensibilisation, de connaissances et de compétences dont les agents publics et les parties prenantes ont besoin pour participer utilement aux stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert) est indispensable au renforcement de cette culture.

Le gouvernement camerounais est actuellement engagé dans un processus ambitieux de reddition de documents clés comme ses documents de politique publique et ses textes de loi. Cet effort est institutionnalisé dans la SND30, qui fait de l’accès à l’information publique une priorité (p. 98) (MINEPAT, 2020[11]). La création d’une base de données électronique des textes juridiques régissant la vie publique au Cameroun, l’utilisation des outils numériques et la mise à disposition des informations de suivi de la mise en œuvre des politiques publiques (p.98) fait partie des mesures clés de la SND30. À ce titre, un certain nombre d’avancées sont à souligner : le site des services du Premier ministre, notamment, offre au téléchargement ouvert un grand nombre de textes de loi et d’arrêtés pertinents, tandis que les documents d’orientation stratégiques (SND30 et Vision 2035) et les lois les plus récentes instituent les principes d’une meilleure mise en œuvre et partage interne et externe des documents de gouvernance (voir section ‎3.3.5 sur la communication).

Cette réalité doit cependant être nuancée au regard de deux défis majeurs : (i) l’inertie de la culture interne de certaines administrations et (ii) la question de la qualité des données comme frein à leur publication.

D’une part, les informations et documents et mis à disposition sont lacunaires et éparpillés. Certains documents à portée publique, tels que la SNLCC, sont absents des principales bases de données en ligne et sont accessibles à travers des prises de contact directes avec les équipes de la CONAC. Les rapports des évaluations de politiques publiques, ainsi que certains textes de loi absents des sites gouvernementaux ont aussi été mentionnés par des interlocuteurs entendus dans le cadre de ce scan. Les entretiens rapportent que le partage d’information entre directions et administrations s’organise encore à travers la mobilisation des réseaux personnels, la mise en contact et référencement ad hoc entre connaissances afin de joindre les équipes impliquées dans la production de ces documents ou spécialisées sur le suivi des thématiques d’intérêt. Au-delà du partage de données avec les citoyens et les parties prenantes non étatiques, donc, cette réalité appelle à la mise en œuvre de formations et d’outils pour une meilleure capitalisation interne. Les entretiens conduits dans le cadre de ce scan ont permis de constater que ces difficultés s’insèrent dans des blocages structurels dans le partage de certaines informations, ponctuels et liés à des pratiques héritées ou des procédures qui ne sont pas à jour. La SNLCC est disponible sur le site de la CONAC et cette dernière publie régulièrement et proactivement chaque année un rapport d’activité riche et exhaustif (CONAC, s.d.[17]).

D’autre part, les entretiens ont systématiquement mis en avant la question de la qualité des données et des rapports comme un frein majeur à leur publication et à la reddition des comptes interne comme externe. Dans une administration peu habituée à produire et partager de manière systématique des données de suivi de la gouvernance, et où les principes de transparence sont encore en cours de consolidation, la peur de produire des données « imparfaites » ou ne correspondant pas aux standards tend à bloquer les processus de publication. Selon les personnes interrogées, ce blocage s’articule autour de l’idée selon laquelle il est préférable de ne pas s’exposer à la critique (de sa hiérarchie ou du grand public) plutôt que de partager des données imparfaites. Les changements de pratiques et de culture de travail, en l’absence de formations et d’outils appropriés, peuvent créer des situations de flou procédural pour les agents publics. Ce mécanisme illustre trois opportunités existantes :

  • D’une part, une plus grande sensibilisation et formation aux intérêts du gouvernement ouvert.

  • D’autre part une meilleure formation aux standards de données du gouvernement et aux méthodes de suivi-évaluation.

  • Enfin, une plus grande appropriation des principes du gouvernement ouvert par les responsables d’administrations afin de soutenir par l’exemple le changement des pratiques des agents publics.

La formation de l’administration camerounaise est un travail en cours, et l’on constate des initiatives fortes en faveur de la transparence et de l’ouverture des données chez certains, en même temps que certaines réticences résiduelles chez d’autres. Ce constat plaide pour une formation accrue des agents publics et le développement de guides et outils à cet usage. Parmi les sujets possibles, la formation aux avantages du gouvernement ouvert, aux techniques de suivi-évaluation, et aux standards et normes statistiques camerounaises semblent prioritaires. La formation des cadres techniques et politiques de l’administration semble cruciale pour insuffler une dynamique par l’exemple et rassurer les agents quant à l’évolution de leurs attitudes et pratiques. Cette recommandation pourrait d’ailleurs représenter un des engagements d’un futur plan d’action national du gouvernement ouvert.

Par ailleurs, des efforts renouvelés pour rendre accessible et centraliser les documents importants de la gouvernance camerounaise en promouvant une culture de la transparence semblent nécessaires. Ces documents incluent les stratégies et politiques nationales, les plans d’actions, l’intégralité des textes de lois régissant la vie juridique du Cameroun ainsi que les rapports de suivi et évaluation dont la diffusion publique est prévue dans leur méthodologie. Le gouvernement camerounais a déjà fait un pas dans cette direction en mettant à disposition du grand public un grand nombre de textes de loi sur le site de la présidence de la République. Cet effort représente un point de départ pour viser l’exhaustivité et s’assurer que l’intégralité des documents pertinents soient accessibles en ligne.

Afin d’appuyer ses efforts de promotion d’une culture de la transparence, le gouvernement camerounais pourrait aussi développer un portail numérique de la transparence à l’usage des fonctionnaires et de la population en général. Ce portail pourrait mettre à la disposition de tous, des modules de sensibilisation et de formations sur la transparence, et représenter un guichet pour l’accès à tous les textes normatifs et stratégies publiques liées à la transparence publique. Le Cameroun pourrait s’inspirer de l’exemple de l’Espagne présenté dans l’Encadré ‎3.6.

Le Cameroun ne dispose pas de boîtes à outils sur le gouvernement ouvert en tant que telles mais organise un certain nombre de formations sur des sujets liés à cette thématique, et notamment sur certains principes du gouvernement ouvert et thèmes connexes tels que l’accès à l’information, les données gouvernementales ouvertes, la participation citoyenne et des parties prenantes, l'utilisation des technologies numériques pour favoriser les principes de gouvernement ouvert, le cadre juridique, les politiques publiques et stratégies concernant les libertés publiques et les cadres juridiques, de politiques publiques et stratégies relatifs à la société civile. Peu d’informations sur le suivi et le détail de ces formations sont cependant disponibles. D’après les entretiens menés dans le cadre de ce scan, le ministère des Finances a conduit des formations internes sur la transparence et le partage des données, notamment dans la Division de la réforme budgétaire (DREF), et des formations sur la transparence dans les marchés publics auprès des principales administrations. Le PNG conduit avec l’appui technique de l’Association des amoureux du livre (ASSOAL), un programme de formations des facilitateurs sur le budget participatif auprès des agents des CTD sur toute l’étendue du territoire national.

La CONAC a elle aussi, depuis sa création, développé des activités de formation en interne importantes sur la transparence et la lutte contre la corruption. Le rapport d’activité de la CONAC mentionne les activités de formation interne de ses équipes, mais ne fait pas état du rôle de formation et de sensibilisation de la CONAC envers les agents publics camerounais. La coordination avec les cellules de lutte contre la corruption des administrations publiques et parapubliques montre néanmoins la mise en œuvre d’activités de sensibilisation et de formation interne pour les personnels de ces administrations. (CONAC, 2020[19]).

Les données collectées dans le cadre de la réalisation de ce scan n’ont pas permis d’établir s’il y avait eu des évaluations d’impact de ces formations sur les principes du gouvernement ouvert dans l’administration camerounaise. Au-delà des exemples cités plus haut, plusieurs points sont ressortis des entretiens menés :

  • Des formations sur les principes du gouvernement ouvert mises en œuvre par certaines administrations spécialisées existent bien, notamment sur les principes de transparence, de redevabilité et d’ouverture des données. Elles restent cependant limitées et ad hoc. Le contour de ces formations reste à clarifier et les informateurs-clés constatent de manière générale une appréhension relativement perfectible de ces principes par la plupart des parties prenantes.

  • Il ne semble pas y avoir actuellement de formation ou d’activité de sensibilisation sur le concept de gouvernement ouvert en tant que tel. Ce concept est quasi inexistant dans la manière dont se déploie l’action publique au Cameroun en dehors de certaines institutions très spécialisées comme le PNG. Certains principes du gouvernement ouvert font l’objet de formations internes dans certains ministères, cependant leur mise en perspective semble se faire principalement au regard des exigences de lutte contre la corruption plutôt que dans une perspective plus holistique de gouvernement ouvert.

Pour une meilleure maitrise des concepts et surtout une meilleure connaissance et compréhension parmi les fonctionnaires camerounais des avantages du gouvernement ouvert dans leur rapport à l’administration publique et aux citoyens, les autorités camerounaises pourraient envisager trois mesures :

  • Élaborer une cartographie des formations existantes et communiquer autour de cette cartographie au sein de l’administration. Une telle cartographie permettra d’identifier les besoins en termes de développement de formations appropriées sur les principes du gouvernement ouvert. Elle facilitera le suivi des efforts de formation par le PNG, permettra la centralisation de l’information sur les formations existantes et pourrait constituer à terme un annuaire pour les fonctionnaires sur les formations pertinentes sur cette thématique.

  • Sur la base de la cartographie, créer des synergies entre les différentes formations existantes, et développer un narratif commun sur l’utilité de ces formations et de ces principes pour la contribution à l’ouverture du pays (narratif permettant notamment une vaste communication auprès des fonctionnaires).

  • Dans le cadre du PAN et sur la base de la cartographie, développer un plan de formation cohérent sur le gouvernement ouvert et ses principes ainsi qu’une boite à outils adaptée à la formation des fonctionnaires. Parmi les sujets possibles, la formation aux avantages du gouvernement ouvert, aux techniques de suivi-évaluation, à la publication proactive de l’information, aux modalités d’engagement des parties prenantes et aux standards et normes statistiques camerounaises semblent prioritaires.

L’Encadré ‎3.7 et l’Encadré ‎3.8 présentent des bonnes pratiques de pays membres et partenaires de l’OCDE sur l’organisation de formations et la création de boîtes à outils autour du gouvernement ouvert.

La communication joue un rôle central dans les réformes du gouvernement ouvert. Elle assure un haut niveau d’appropriation des initiatives de gouvernement ouvert par l’intégralité des parties prenantes, et favorise en interne le développement d’une culture du gouvernement ouvert au sein de l’administration publique, mais également en externe auprès des parties prenantes non étatiques. L’adhésion de la société civile, du secteur privé et des autres parties prenantes dépend de cette communication, tandis que l’action même d’élargir la communication autour du gouvernement ouvert constitue en soi un effort supplémentaire de transparence pour une démocratie plus inclusive.

L’importance de la communication est consacrée par un certain nombre de dispositions de la Recommandation du Conseil de l'OCDE sur le gouvernement ouvert, qui recommande de :

« Communiquer activement sur les stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert ainsi que sur les résultats, réalisations et impacts correspondants afin de veiller à ce qu’elles soient connues, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la sphère publique, l’objectif étant de favoriser leur mise en pratique et de susciter l’adhésion des parties prenantes » (OCDE, 2017[1]).

La communication est par ailleurs une activité hautement transversale qui contribue implicitement à la mise en œuvre d’autres processus importants au gouvernement ouvert : l’accès à l’information par citoyens (disposition 7), la participation des parties prenantes à la vie publique (disposition 8) et la transition vers un État ouvert (disposition 10) (OCDE, 2017[1] ; 2017[3]).

La communication autour du gouvernement ouvert est généralement dévolue aux bureaux de coordination du gouvernement ouvert, qui disposent de la vision d’ensemble de la réforme, et peuvent à communiquer à bon escient sur son avancement. Cette communication doit se structurer à travers des canaux adaptés et avec comme objectif de sensibiliser l’ensemble des parties prenantes et les citoyens aux progrès du gouvernement ouvert dans le pays, au-delà de l’administration.

Dans la perspective d’une gouvernance inclusive, la communication du gouvernement sur ses réformes et son agenda en faveur du gouvernement ouvert joue un rôle central pour susciter l’adhésion des citoyens aux principes du gouvernement ouvert et aux réformes en cours et favoriser leur activisme auprès de la société civile dans les mécanismes de cocréation des politiques publiques (OCDE, 2017[1]).

Le gouvernement camerounais s’est engagé dans une politique plus volontaire dans cette perspective. La vision 2035 comme la SND30 font de la communication en direction des parties prenantes non étatiques des axes majeurs d’une meilleure gouvernance au Cameroun. Le ministère de la Communication, à travers le porte-parole du Gouvernement, a ainsi pris l’habitude de diffuser des communiqués à l’adresse des citoyens dans des situations de crises ponctuelles nécessitant une information rapide pour répondre à des besoins urgents. Par ailleurs, la SNLCC, en consacrant la communication et la sensibilisation comme un des trois piliers de la lutte contre la corruption, participe de ce mouvement et institue la communication comme un élément important de la transparence, de la redevabilité et de la participation dans le pays.

Au Cameroun, afin d’approfondir ce mouvement, le gouvernement pourrait prévoir l’inclusion de composantes liées à la communication dans son plan d’action national du gouvernement ouvert. En effet, l’absence d’une approche cohérente dans la communication et la sensibilisation aux principes du gouvernement ouvert laisse chaque organisme en charge de la communication sur son domaine sectoriel, limitant les capacités de communication et l’impact de ces initiatives séparées. L’Encadré ‎3.9 présente les bonnes pratiques promues par l’OCDE et le PGO, (pertinentes dans la perspective d’une adhésion du Cameroun au PGO). L’Encadré ‎3.10 met en perspective les exemples de la Tunisie et du Royaume-Uni.

Au Cameroun, l’absence de reconnaissance du gouvernement ouvert comme concept unique et coordonné fait obstacle à l’attribution d’une responsabilité institutionnelle en termes de communication autour du gouvernement ouvert. La communication se fait de manière décentralisée par les différentes institutions impliquées dans des mouvements de réforme de thématiques liées au gouvernement ouvert et en fonction des capacités de celles-ci.

La CONAC est particulièrement active dans ses activités de sensibilisation à la lutte contre la corruption et contribue fortement à la communication de l’agenda du gouvernement en termes de redevabilité et de transparence. Documentées de manière détaillée dans son rapport d’activité, les activités de sensibilisation et de formation de la CONAC à la lutte contre la corruption se déploient dans de nombreuses sphères de la société civile (campagnes de sensibilisation dans l’éducation, auprès des travailleurs de secteurs économiques spécifiques comme la filière du cacao, dans la gouvernance électorale) et à travers des modalités variées (campagnes à la radio, intervention et distribution de documents, mise en place d’un numéro vert de dénonciation, production et diffusion de supports de communication, guides et codes à l’usage des fonctionnaires…) (CONAC, 2020[19]). En outre, le PNG, à son niveau, rapporte l’organisation de sessions de communication sur le Code de transparence et de bonne gouvernance, qui préconise l’ouverture des données de finances publiques, et sur les scores du Cameroun en matière d'ouverture des données budgétaires pour l’année 2020 (OCDE, 2020[25]).

Dans la perspective d’une numérisation de la gouvernance, le gouvernement a par ailleurs lancé un mouvement important de communication numérique, et renforcé ses capacités à communiquer sur les réseaux sociaux au premier rang desquels figure Facebook. Les institutions suivantes disposent en 2021 d’une page Facebook active visant à renseigner le public sur leur actualité (OCDE, 2020[25]).

  • Présidence de la République.

  • Ministère de l'Administration territoriale.

  • Ministère des Relations extérieures.

  • Ministère de la Santé publique.

  • Ministère des Travaux publics.

  • Comité ITIE Cameroun.

  • Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire.

  • Ministère des Finances.

  • Ministère des Petites et moyennes entreprises, de l'économie sociale et de l’artisanat.

La réalité de l’activité de ces pages et du public touché varie largement. En février 2022, on compte seulement 126 abonnés pour le MINEPAT contre 12 000 pour le ministère des Petites et moyennes entreprises, de l'Économie sociale et de l’artisanat, par exemple. La page du Comité ITIE au Cameroun est particulièrement à jour et propose des publications régulières sur ses travaux.

Par ailleurs, les sites internet constituent des outils importants pour les différentes administrations impliquées sur le gouvernement ouvert, et la plupart des sites de ces institutions (notamment la CONAC, le Comité ITIE, le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, le MINEPAT, le ministère des Finances) comportent des sections présentant l’actualité des réformes, et proposent au téléchargement des textes clés du travail de ces institutions (rapports d’activités, lois et règlements pertinents…). La majorité d’entre eux présentent cependant des sections vides ou incomplètes, confirmant les difficultés importantes pour accéder à certaines informations publiques (voir section ‎3.3.4). Certains sites n’étaient pas accessibles au moment de l’élaboration de ce scan ou proposent des connexions non sécurisées. Par exemple, le site de la CONAC comprend une section de téléchargement qui contient les derniers rapports d’activité, mais ne dispose pas d’information dans ses sous-sections. Deux bonnes pratiques sont cependant à mettre en avant :

  • Le site de la Direction générale du budget du ministère des Finances est particulièrement abouti et complet, proposant des informations à jour, une base de téléchargement des textes règlementaires fonctionnelles et conséquentes, et du budget citoyen.

  • Le site de la présidence de la République dispose d’un fonds documentaire sur les textes juridiques du Cameroun particulièrement approfondi, bien que non exhaustif.

Les avancées en termes de communication sont donc très variables en fonction des institutions, certaines très engagées sur les réseaux sociaux, d’autres impliquées dans des activités de sensibilisation proches du terrain et d’autres maintenant des sites internet institutionnels à jour et riches en contenu. Cette réalité confirme la capacité des acteurs institutionnels à communiquer à travers plusieurs canaux différents selon leurs capacités. En outre, elle institue le mouvement des institutions camerounaises en faveur d’une plus grande numérisation de la gouvernance et un mouvement en faveur de l’investissement du numérique comme espace sociale.

Toutefois, il faut tout de même noter que les institutions camerounaises rencontrant un certain succès sont aussi celles qui ont pu aligner leurs capacités budgétaires et humaines avec cette ambition, grâce notamment à des mandats prenant en compte la communication. La communication et la sensibilisation font ainsi partie intégrante du mandat de la CONAC qui dispose de budgets dédiés, tandis que le site de la Direction générale du budget du ministère des Finances a été amélioré par une division interne au Ministère tout en bénéficiant d’un appui financier de bailleurs internationaux dans sa conception.

Dans cette perspective, le gouvernement camerounais pourrait renforcer sa communication sur le gouvernement ouvert grâce à trois mesures complémentaires. Premièrement, la mise en œuvre d’un plan de communication piloté par le PNG et intégré au PAN semble centrale pour renforcer la communication du Cameroun sur le gouvernement ouvert. Ce plan pourrait assigner des responsabilités claires et des budgets dédiés aux activités de communication afin d’assurer une adhésion large et un partage des responsabilités. Dans cette perspective, le gouvernement pourrait commencer par engager une réflexion sur les contours et la pertinence d’un tel plan de communication pour le pays, les potentiels outils à élaborer et les publics cibles à toucher. Dans cette perspective, le Cameroun devrait conduire une analyse prospective des différentes audiences existantes dans le pays et des vecteurs de communication les plus pertinents afin d’adapter cette approche numérique aux réalités du pays et de proposer une approche multicanale. Dans le contexte du Cameroun, pays où l’utilisation des réseaux sociaux est centrale dans l’engagement citoyen, l’utilisation d’outils d’engagement en ligne pourrait faciliter la constitution d’une communauté virtuelle en faveur du gouvernement ouvert. Par ailleurs, les fortes disparités de pénétration des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur le territoire et auprès des différentes communautés pourraient plaider pour le développement de vecteurs de communication alternatifs tels que des caravanes itinérantes.

Le gouvernement camerounais pourrait ensuite désigner des points focaux dans les institutions impliquées dans le plan de communication pour assurer son opérationnalisation. Ce maillage administratif permettrait une mise en œuvre cohérente et coordonnée en même temps que la sensibilisation de l’administration aux enjeux de la communication sur le gouvernement ouvert. Dans la mesure où la CONAC dispose d’une expérience considérable dans la communication multicanale, il conviendrait d’impliquer ses représentants dans l’élaboration d’un tel plan de communication pour le gouvernement ouvert. Dans cette perspective, le Cameroun pourrait s’inspirer des expériences menées dans des pays membres et partenaires de l’OCDE (voir Encadré ‎3.11).

Enfin, le Cameroun pourrait concevoir un portail numérique centralisé sur le gouvernement ouvert, présentant l’intégralité des informations et avancées liées aux initiatives en faveur du gouvernement ouvert. L’utilisation de différentes stratégies de communication sur les réseaux sociaux permettrait de faire connaître le portail et faciliterait la constitution d’une communauté virtuelle autour de cette plateforme.

Références

[28] Cap’Com (2021), https://www.cap-com.org/qui-sommes-nous.

[19] CONAC (2020), Rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun 2020, https://conac.cm/fr/wp-content/uploads/sites/3/2021/09/RAPPORT-CONAC-2020.pdf.

[13] CONAC (2016), Stratégie nationale de lutte contre la corruption 2016-2020, https://conac.cm/fr/wp-content/uploads/sites/3/2022/04/SNLCC-2016-2020-DOCUMENT-ADOPTE-et-FINAL-le-25-juillet-2018.pdf.

[17] CONAC (s.d.), Rapports annuels, https://conac.cm/fr/telechargements/rapports-annuels/ (consulté le 14 mars 2022).

[22] Conseil de l’Europe (s.d.), bE-Open: Open Local Government, a tool for action, https://www.beopen-congress.eu/en/.

[21] Gouvernement du Canada (2019), Trousse d’outils maison de données ouvertes, https://ouvert.canada.ca/fr/toolkit/diy.

[15] Gouvernement du Maroc (2022), « Plan d’action national 2021-2023 – Taux de réalisation des engagements », Gouvernement-ouvert.ma, https://www.gouvernement-ouvert.ma/pan-2.php?lang=fr (consulté le 12 février 2022).

[8] Gouvernement du Maroc (2020), https://www.gouvernement-ouvert.ma/espace-ong.php?lang=fr.

[16] Gouvernement espagnol (2019), Portail de la Transparence : suivi du Plan d’action III pour un gouvernement ouvert, https://transparencia.gob.es/transparencia/transparencia_Home/index/Gobierno-abierto/planes-accion/planes-accion-anteriores/iiiPlanAccion/CompromisosIIIPGA.html (consulté le 12 février 2022).

[18] Gouvernement espagnol (s.d.), Portal de la transparencia, https://transparencia.gob.es/transparencia/es/transparencia_Home/index/ParticipacionCiudadana/ParticipacionProyectosNormativos.html (consulté le 8 juin 2021).

[11] MINEPAT (2020), Stratégie nationale de développement 2020-2030, https://minepat.gov.cm/fr/snd30/.

[23] OCDE (2022), Open Government Review of Brazil  : Towards an Integrated Open Government Agenda, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/3f9009d4-en.

[27] OCDE (2021), OECD Report on Public Communication : The Global Context and the Way Forward, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/22f8031c-en.

[2] OCDE (2020), A Roadmap for Assessing the Impact of Open Government Reform, GOV/PGC/OG(2020)5/REV1, Paris, OCDE.

[25] OCDE (2020), Enquête sur le gouvernement ouvert au Cameroun.

[10] OCDE (2019), Open Government in Argentina, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/1988ccef-en.

[26] OCDE (2019), Voix citoyenne au Maroc : Le rôle de la communication et des médias pour un gouvernement plus ouvert, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264306608-fr.

[3] OCDE (2017), Gouvernement ouvert : Contexte mondial et perspectives, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264280984-fr.

[1] OCDE (2017), Recommandation du Conseil sur le gouvernement ouvert, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0438.

[14] OCDE (2016), Open Government Data Review of Mexico: Data Reuse for Public Sector Impact and Innovation, Revues du gouvernement numérique de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264259270-en.

[24] OCDE et PGO (2018), Communiquer autour du gouvernement ouvert, https://www.oecd.org/gov/open-government/communiquer%20autour%20du%20gouvernement%20ouvert.pdf.

[7] PGO (2019), OGP Handbook – Rules and Guidance for Participants, https://www.opengovpartnership.org/documents/ogp-national-handbook-rules-and-guidance-for-participants-2022/.

[4] Président de la République du Cameroun (2018), Décret présidentiel n° 2018/449 du 1er août 2018 portant organisation du ministère de la Décentralisation et du Développement local, https://www.prc.cm/files/ca/bf/45/10d1cb5c108faaceaa9544d45ff6e14d.pdf.

[5] Président de la République du Cameroun (2006), Décret n° 2006/088 du 11 mars 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale anti-corruption, https://www.spm.gov.cm/site/?q=fr/content/d%C3%A9cret-n%C2%B0-2006088-du-11-mars-2006-portant-cr%C3%A9ation-organisation-et-fonctionnement-de-la.

[20] Reboot Design (2015), Implementing Innovation: A User’s Manual for Open Government Programs, https://implementinginnovation.org/assets/reboot_implementinginnovation_web.pdf.

[6] République du Cameroun (2018), Loi n° 2018/011 du 11 juillet 2018 portant Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun, https://www.prc.cm/fr/actualites/actes/lois/2970-loi-n-2018-011-du-11-juillet-2018-portant-code-de-transparence-et-de-bonne-gouvernance-dans-la-gestion-des-finances-publiques-au-cameroun.

[12] République du Cameroun (2010), Stratégie nationale de lutte contre la corruption 2010-2015, https://conac.cm/fr/wp-content/uploads/sites/3/2022/04/DOCUMENT-DE-SNLCC-2010-2015.pdf.

[9] septembre (dir. pub.) (2015), Terms of Reference of the UK Open Government Network, https://www.opengovernment.org.uk/resource/terms-of-reference-of-the-uk-open-government-network/#membership (consulté le 14 janvier 2022).

[29] WBCOM’ (2021), Nos membres et partenaires, https://wbcom.be/nos-membres-et-partenaires/ (consulté le 17 janvier 2022).

Notes

← 1. Entretiens avec des représentants de la société civile au Cameroun, juillet-octobre 2021.

← 2. Le dernier exercice de validation a eu lieu en 2020, le prochain étant planifié pour 2023.

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