Avant-propos

Cette édition des Perspectives de l’emploi paraît alors que le monde entier est aux prises avec une situation d’urgence sanitaire qui entraîne l’une des pires crises économiques et sociales depuis la Grande Dépression. Selon le modèle épidémiologique mis au point par l’OCDE, les restrictions drastiques imposées à la vie sociale et économique dans la plupart des pays de l’OCDE (et de nombreux autres) pour ralentir la propagation du virus ont permis d’empêcher l’effondrement des systèmes de santé et d’éviter plusieurs centaines de milliers, sinon plusieurs millions, de morts. Il ne fait toutefois aucun doute que ces mesures ont eu de très graves répercussions économiques et sociales. Des pans entiers de l’économie ont en effet cessé toute activité pendant plusieurs semaines. Entre le dernier trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2020, on estime que le PIB de la zone OCDE a chuté de près de 15 %. Au cours des trois premiers mois de la crise du COVID-19, dans les pays de l’OCDE pour lesquels on dispose de données, le nombre d’heures travaillées a reculé dix fois plus qu’au cours des trois premiers mois de la crise financière mondiale de 2008-09.

Face à une telle situation, les pouvoirs publics ont adopté une série de mesures afin de venir en aide aux personnes et aux entreprises, et d’atténuer l’impact de la crise, souvent impressionnant par son ampleur et sa rapidité. Certains pays ont facilité l’accès à l’indemnisation du chômage et ont renforcé son niveau. D’autres ont élargi l’accès aux congés de maladie rémunérés, ou ont augmenté leur générosité. De nombreux pays ont simplifié l’accès des entreprises aux dispositifs de chômage partiel, afin de les rendre plus largement accessibles (en particulier pour les petites et moyennes entreprises) et plus généreux, tout en assouplissant les obligations qui y sont attachées. Nombre de pays ont aussi renforcé les minima sociaux sous conditions de ressources, mis en place de manières ponctuelle de nouvelles prestations en espèces, et fourni une aide directe aux personnes ayant perdu leurs moyens de subsistance.

Malgré ces efforts considérables, les chiffres parlent d’eux-mêmes et nos projections sont peu encourageantes. Même en l’absence d’une deuxième vague d’infections, les estimations présentées dans les Perspectives économiques de l’OCDE de juin 2020 montrent une baisse de 6 % du PIB mondial en 2020 par rapport à 2019. Le taux de chômage dans la zone OCDE devrait atteindre 9.4 % fin 2020, soit un nouveau record historique, et il ne redescendra qu’à 7.7 % fin 2021. La crise va assombrir durablement les perspectives mondiales, et celles des économies de l’OCDE. En 2021, le revenu réel par habitant dans la majorité des pays de l’OCDE sera revenu aux niveaux observés en 2016, et ce même en l’absence d’une deuxième vague. Dans le scénario de deux chocs successifs avec résurgence de la pandémie à l’échelle de l’OCDE avant la fin de l’année, le revenu réel par habitant dans l’économie médiane de l’OCDE tombera, en 2021, au niveau de 2013.

Alors que de nombreux pays lèvent progressivement les mesures de confinement strictes et que la reprise économique s’amorce, il est essentiel de la soutenir en conjuguant politiques macroéconomiques et mesures sectorielles afin de stimuler la croissance et la création d’emplois tout en venant en aide aux nombreuses personnes qui en ont encore besoin.

L’action publique doit soutenir l’investissement public et privé, particulièrement dans les secteurs verts et les autres infrastructures essentielles ; plus généralement, elle doit encourager la création d’emplois. Par ailleurs, les décideurs devront modifier et ajuster la composition et les caractéristiques de leurs dispositifs de soutien, en ciblant les aides là où elles sont les plus indispensables et en encourageant un retour au travail lorsque c’est possible. Si nous prenons les bonnes décisions, nous pourrons dresser le bilan de l’année 2020 comme celui d’une année de crise que l’on aura réussi à surmonter. En revanche, si nous commettons des erreurs, les conséquences seront à la fois massives et durables.

Les Perspectives de l’emploi 2020 présentent, dans les grandes lignes, certaines des décisions essentielles qui devront être prises par les pays. Des décisions sur les modalités, et le calendrier, d’un retour à l’activité économique et sociale, sans mettre en péril la sécurité des travailleurs. Des décisions sur la manière de réduire la voilure des dispositifs de maintien dans l’emploi sans retirer trop tôt les aides lorsqu’elles sont encore nécessaires. Des décisions sur les moyens d’adapter les programmes d’aide d’urgence en faveur des travailleurs indépendants et des entreprises, notamment des plus petites d’entre elles, à mesure que l’activité économique se redressera, étant donné que certaines entreprises viables dans les secteurs les plus durement touchés pourraient rester confrontées à des restrictions et/ou une demande modeste. Des décisions sur les moyens d’assurer une garantie de revenu adaptée en ajustant certains des mécanismes de soutien exceptionnels mis en œuvre pendant la pandémie. Des décisions sur la manière de soutenir efficacement la création d’emplois au moyen de subventions ciblées, et d’aider les chômeurs grâce aux services publics et privés de l’emploi. Enfin, et surtout, des décisions sur la mise en place d’un train de mesures complet en faveur des jeunes dont la scolarité et la première expérience sur le marché du travail ont été bouleversées par la crise du COVID-19. On ne peut permettre que la crise entraîne le sacrifice d’une génération entière de jeunes dont le parcours professionnel sera marqué à jamais par les bouleversements provoqués par le COVID-19 sur le marché du travail.

D’une manière plus générale, il est essentiel que les mesures qui auront été décidées et mises en œuvre ne laissent personne de côté. Les conséquences de la crise du COVID-19 sont particulièrement graves pour les personnes âgées, les personnes aux revenus modestes, les femmes, les immigrés, les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes handicapées et celles qui sont atteintes de maladies chroniques. En inscrivant les mesures relatives au marché du travail et à la protection sociale dans un cadre d’action plus large et coordonné, les pays peuvent favoriser une reprise plus inclusive. Ce cadre d’action doit renforcer l’éducation et mettre à profit le potentiel de la formation à distance, encourager des systèmes de santé plus résilients et davantage centrés sur la personne, promouvoir l’aide au logement et des interventions spécifiques visant à améliorer la sécurité des femmes et des enfants, et soutenir les collectivités et les régions à la traîne.

Avec les Perspectives économiques de juin 2020 et la plateforme numérique de l’OCDE consacrée à la lutte contre le coronavirus, la présente édition des Perspectives de l’emploi fait partie intégrante de la réponse de l’OCDE à la crise, qui vise à fournir aux pays membres et partenaires des données et des conseils sur l’action à mener pour faire face à la pandémie et favoriser une croissance plus résiliente, inclusive et durable.

La pandémie de COVID-19 a mis au jour les points faibles de nos économies et de nos sociétés auxquels il faut s’attaquer sous peine de freiner la reprise. En temps de crise, chacun aspire à un retour à « une situation normale ». Toutefois, cette situation « normale » était préjudiciable pour les nombreuses personnes sans emploi ou occupant des emplois précaires, aux conditions de travail dégradées, sans garantie de revenus ou dans l’impossibilité de donner corps à leurs aspirations. Il faut mettre à profit la dynamique engendrée par les mesures nationales fortes prises dès le début de la crise afin d’élaborer des politiques meilleures pour une vie meilleure dans le monde de l’après-COVID-19.

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Angel Gurría

Secrétaire Général de l’OCDE

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