De la réaction à une reprise résiliente : Point de vue

Vera Songwe
Executive Secretary,
United Nations Economic Commission for Africa

Parfois, une crise fait ressortir ce qu’il y a de meilleur en nous ; c’est le cas de celle du COVID-19. De nombreux pays africains ont pris les devants face à la pandémie, instaurant des confinements et des restrictions dès les premières phases du cycle de transmission. Des mesures précoces ont sauvé des vies et permis aux autorités de gagner du temps pour acheter des équipements de protection individuelle et des respirateurs, et pour préparer les installations médicales. L’ampleur et l’urgence mêmes de la pandémie ont également suscité sur le continent la création de partenariats public-privé innovants. Un exemple en est la Plateforme africaine de fournitures médicales, fruit d’une collaboration entre l’Union africaine, les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies, la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies et plusieurs entreprises privées, dont bioMérieux, Novartis, Royal Philips, et d’autres encore. Cette plateforme atténue les problèmes logistiques et d’approvisionnement en assurant un accès efficace et rapide à une série de médicaments utilisés dans le cadre de la pandémie. Cette place de marché en ligne permet de se procurer le matériel médical essentiel pour lutter contre le COVID-19. Un autre exemple de partenariat public-privé novateur est celui de la Plateforme africaine de communication et d’information pour la santé et l’action économique. Ce service permet de fournir à près de 600 millions d’utilisateurs de téléphones mobiles sur le continent des informations sanitaires et de brèves enquêtes pour guider la mise en place de mesures économiques et sanitaires. Avec l’aval des autorités, Airtel, MTN, Orange et Vodafone fournissent ce service gratuitement aux usagers. Les profondes retombées globales de la pandémie et de la crise économique ne sauraient toutefois être niées.

Les pires effets de la pandémie sont observés dans le secteur informel, qui représente plus de 60 % de la population active et compte certains des membres les plus vulnérables de la société.  
        

Avec plus de 2 millions de cas et plus de 47 000 décès recensés en Afrique au 14 novembre 2020, la pandémie de COVID-19 a eu des conséquences dévastatrices sur ce continent. Les faibles taux de vaccination, la suspension des programmes sanitaires, la perte des moyens de subsistance et l’insécurité alimentaire qui en découlent indirectement vont perdurer des années. Les pires effets de la pandémie sont observés dans le secteur informel, qui représente plus de 60 % de la population active et compte certains des membres les plus vulnérables de la société. À l’heure des confinements, des restrictions sur les biens et services, et de la récession la plus grave depuis un quart de siècle, les personnes qui ne disposent pas d’épargne, ne peuvent pas compter sur les ressources de leur famille étendue ou ne bénéficient pas d’une aide sociale – dont un nombre disproportionné de femmes et d’enfants – sont le plus durement touchées. Les répercussions plus larges de la pandémie frappent les plus vulnérables, et sont de ce fait invisibles et difficiles à évaluer. La réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 est soudainement devenue une gageure, de même que celle de l’Agenda 2063 : l’Afrique que nous voulons.

Des victoires incontestables ont été remportées. Pourtant, l’ampleur de la pandémie, conjuguée à des retombées qui, quoique catastrophiques, ne sont pas flagrantes (hôpitaux débordés, par exemple), se traduit paradoxalement par un attentisme. Trois mesures doivent être prises dès maintenant pour mettre terme à la régression des progrès accomplis sur le front des ODD et de l’Agenda 2063.

Tout d’abord, il faut combler le déficit massif d’infrastructures et favoriser le développement d’un secteur industriel prospère. Avant la pandémie, les besoins de financement annuels étaient estimés à 93 milliards USD. Ce chiffre a sans nul doute augmenté. Pour des domaines fondamentaux comme la santé, l’éducation, l’agriculture et le commerce, la mobilisation des ressources intérieures, associée à des financements extérieurs, s’impose. Toutefois, compte tenu des mesures de distanciation physique en vigueur et des gains d’efficience nécessaires, le recours à des technologies numériques conçues ou adaptées pour l’environnement et l’écosystème locaux acquiert un caractère d’urgence. Les financements régionaux et multilatéraux doivent également tenir compte de la diversité des situations budgétaires des pays. En deuxième lieu, de nombreux partenariats public-privé peuvent œuvrer à des réalisations qui répondent à des besoins réels. Les pays africains doivent appliquer des politiques et des cadres institutionnels solides s’ils veulent optimiser la mobilisation de l’investissement privé dans le développement de l’infrastructure. Un exemple en est la loi type sur le développement des infrastructures transfrontalières en Afrique. Enfin, comme les petites et moyennes entreprises (PME) constituent l’ossature productive de l’Afrique et y représentent jusqu’à 80 % des emplois formels, nous ne devons pas nous arrêter aux mégaprojets isolés, mais fournir un appui financier et écosystémique d’envergure aux microentreprises et aux PME locales. Le protocole définitif sur le commerce électronique de la Zone de libre-échange continentale africaine sera un dispositif essentiel pour atteindre cet objectif. La Décennie d’action pour atteindre les objectifs mondiaux affirme que « le sens humain de l’effort a démontré notre capacité commune à accomplir des œuvres extraordinaires ». Ensemble, nous pouvons reconstruire en mieux.

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