copy the linklink copied! Chapitre 9. Élaborer une stratégie de transformation numérique

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Élaborer Une Stratégie De Transformation Numérique : Principaux Enjeux De L’action Publique

Établir une démarche de gouvernance favorisant une coordination efficace

  • Instaurer une démarche de gouvernance qui favorise un bon pilotage et une bonne coordination des politiques de transformation numérique, en tenant compte de la culture et des institutions nationales.

  • Indiquer clairement qui est responsable de la coordination stratégique (par ex. : chef de gouvernement ou ministre chef de file) et de la coordination opérationnelle (par ex. : responsables du numérique des organismes chargés de la mise en œuvre) s’agissant de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie de transformation numérique (STN) nationale.

Formuler une vision stratégique et assurer la cohérence

  • Formuler une vision stratégique fournissant des orientations pour la détermination des principales priorités et des principaux objectifs de la STN.

  • Veiller à la cohérence entre la STN et les autres stratégies et/ou objectifs nationaux et internationaux touchant aux mêmes thèmes.

Évaluer les grandes tendances numérique et les politiques et textes correspondants

  • Assurer un suivi des principales tendances en matière de numérique, y compris grâce à des comparaisons internationales, afin de recenser les possibilités et les difficultés en présence ainsi que les priorités à aborder dans le cadre de la STN.

  • Évaluer l’efficacité des stratégies et/ou politiques actuelles, recenser les défaillances et/ou les incohérences et définir les objectifs de la STN.

Développer une stratégie globale et cohérente

  • S’appuyer sur la démarche de gouvernance, la vision stratégique et les éclairages tirés du suivi et de l’évaluation pour élaborer une STN exhaustive et cohérente.

  • Associer l’ensemble des acteurs concernés à l’élaboration de la STN, y compris différents acteurs publics et niveaux d’administration, les acteurs non gouvernementaux et les partenaires internationaux.

Bien mettre en œuvre la stratégie

  • Prévoir et gérer les difficultés de mise en œuvre liées aux institutions et aux cadres d’action en place, aux préférences sociales et aux (limites des) capacités administratives.

  • Produire un plan d’action prévoyant des mesures précises, des responsabilités claires, un budget, un calendrier et des objectifs mesurables afin de favoriser la bonne mise en œuvre de la STN.

Pour mettre en pratique l’approche décloisonnée de la transformation numérique évoquée ci-dessus, les administrations ont besoin d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie de transformation numérique (STN). De nombreux pays sont déjà dotés d’une stratégie en matière d’économie numérique ou d’une politique équivalente, mais celles-ci restent, pour la plupart, de portée relativement étroite ; seuls quelques pays prônent explicitement une démarche de transformation numérique menée à l’échelle de l’ensemble de l’administration (OCDE, 2017[1]). Or, une telle approche constitue une caractéristique clé de toute STN, qui se doit d’aborder de façon exhaustive et cohérente tout l’éventail des questions interconnectées évoquées aux chapitres 2 à 8, pour assurer la coordination de l’action menée dans tous les domaines et secteurs contribuant à forger la transition numérique. Le présent chapitre évoque les principaux aspects liés à la gouvernance, à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une STN.

copy the linklink copied! Établir une démarche de gouvernance favorisant une coordination efficace

Il est nécessaire de coordonner les politiques de transformation numérique à l’échelle de tous les domaines d’action et de tous les acteurs subissant l’influence de la transformation numérique (et l’influençant à leur tour). Or, les pays citent les problèmes de coordination comme l’un des principaux obstacles à la cohérence et à l’efficacité des politiques numériques (OCDE, 2017[1]), alors même que l’importance de la coordination est parfaitement admise pour d’autres politiques transversales (la politique de l’innovation, par exemple) (OCDE, 2016[2]). La coordination doit être assurée entre un large éventail d’acteurs appartenant à des entités et des niveaux d’administration multiples, mais aussi d’acteurs non gouvernementaux et de partenaires internationaux.

Si une gouvernance bien conçue est fondamentale pour une coordination efficace, il n’existe pas de solution universelle en matière de gouvernance d’une STN. Différentes approches peuvent être nécessaires face, par exemple, aux différences nationales en termes d’institutions, d’organisation administrative, de culture administrative ou de capacités publiques. De plus, les dispositifs de gouvernance ont de fortes chances d’évoluer avec le temps, au gré, par exemple, de changements politiques, de progrès technologiques ou d’évolutions de la constellation des acteurs qui portent la transformation numérique.

Presque tous les pays de l’OCDE sont dotés d’une stratégie numérique nationale, et la plupart d’entre eux ont adopté une solution de gouvernance ; toutefois, la répartition des responsabilités principales s’agissant, par exemple, d’élaborer la stratégie, de la coordonner, de la mettre en œuvre, de la suivre et de l’évaluer diffère nettement d’un pays à l’autre (OCDE, 2017[1]). Des travaux récents de recherche de l’OCDE confirment cette constatation, et distinguent deux grandes démarches de gouvernance en fonction, notamment, de l’acteur chargé de la coordination stratégique. La première démarche consiste à confier cette responsabilité à un niveau élevé (supra-ministériel) ; la deuxième, à la confier à un ou plusieurs ministères. La discussion qui suit ne vise pas à prôner l’une ou l’autre de ces méthodes, mais à décrire les solutions en place à l’heure actuelle.

La première démarche se caractérise par un leadership de haut niveau et par une centralisation des responsabilités en matière de coordination stratégique à l’échelon supra-ministériel, puisqu’elles sont confiées, dans la plupart des cas, au chef du gouvernement (graphique 9.1). Dans le cadre de cette démarche, le chef du gouvernement a aussi tendance à promouvoir activement la stratégie numérique nationale, à l’intérieur du pays et au-delà des frontières. Parmi les pays qui suivent actuellement cette démarche, on peut citer le Mexique et la République slovaque, dont le Premier ministre assume d’importantes responsabilités en matière de numérique, y compris s’agissant de rédiger la stratégie, laquelle est exécutée par le truchement d’un bureau de coordination spécifique. D’autres pays suivent également cette démarche. C’est notamment le cas du Brésil, du Chili, de la Corée, de l’Estonie et du Luxembourg, où certaines fonctions sont assurées par le Premier ministre, notamment la coordination stratégique, mais où les autres ministres jouent néanmoins un rôle important en contribuant aussi bien à l’élaboration de la stratégie qu’à sa mise en œuvre.

Dans tous les pays ayant opté pour une coordination stratégique à haut niveau, les parties prenantes sont associées à l’élaboration de la stratégie, généralement par le truchement d’un bureau de coordination. En général, la coordination opérationnelle qui doit être assurée pour la mise en œuvre de la stratégie est fondée sur un système de référents (par ex. : responsables du numérique) au sein de chaque ministère ou organisme participant à la mise en œuvre. Ces ministères et organismes se chargent généralement aussi de suivre la mise en œuvre et d’en rendre compte au bureau de coordination, lequel assure dans la plupart des cas l’évaluation globale de la stratégie, sous le contrôle général du chef de gouvernement.

Dans les pays qui centralisent la responsabilité de la coordination stratégique au niveau supra-ministériel, le bureau central de coordination peut être le centre de gouvernement (ou y appartenir). Le centre de gouvernement (la Chancellerie allemande, le Bureau du Cabinet britannique ou le Bureau exécutif du Président américain, par exemple) est généralement chargé d’assurer un soutien au plus niveau de l’exécutif (OCDE, 2014[4]). Les centres de gouvernement ont tendance à jouer un rôle moteur en matière de coordination et de priorités stratégiques, ainsi que s’agissant de concevoir des plans d’action en coopération avec les ministères concernés.

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Graphique 9.1. Coordination stratégique à haut niveau des politiques de transformation numérique
Graphique 9.1. Coordination stratégique à haut niveau des politiques de transformation numérique

La deuxième démarche se distingue par la désignation d’un ministère chef de file chargé d’assurer la coordination stratégique (graphique 9.2). Dans plusieurs pays, le ministère chef de file est exclusivement chargé des affaires numériques. Tel est le cas en Belgique, en République populaire de Chine, au Japon, en Pologne, au Portugal et en Slovénie, par exemple. Dans d’autres pays, le ministère est responsable de plusieurs domaines, dont le numérique. Enfin, dans quelques pays, la tâche est partagée entre plusieurs ministères1.

En plus de la coordination stratégique, le ministère chef de file tend à être responsable de l’élaboration de la stratégie, ainsi que, dans certains cas, de sa mise en œuvre et de son suivi. Les parties prenantes sont généralement associées à l’élaboration de la stratégie, sous les auspices d’un comité interministériel qui se réunit généralement à l’invitation du ministère chef de file, et qui est parfois présidé par le chef du gouvernement. Comme dans la première démarche, la coordination opérationnelle est habituellement assurée par un groupe spécifique, composé des référents des ministères et organismes chargés de la mise en œuvre. En général, ces ministères et organismes suivent aussi la mise en œuvre de la stratégie et en rendent compte au ministère chef de file et/ou au comité interministériel, lequel assure souvent également l’évaluation globale de la stratégie.

Quelle que soit la démarche de gouvernance choisie par le pays, pour qu’une STN soit bien élaborée et mise en œuvre, les individus et les institutions qui participent à sa formulation et à son exécution doivent impérativement disposer des compétences et des capacités requises. De manière générale, les compétences nécessaires au vu de la place du numérique au travail (voir chapitres 3 et 5) et dans la vie personnelle (voir chapitre 6) sont essentielles. Parmi les compétences et capacités plus spécifiques nécessaires à une fonction publique performante et à l’innovation dans le secteur public, on peut citer, par exemple, les compétences requises pour concevoir l’action publique – l’aptitude à cerner les problèmes, à concevoir des solutions et à peser sur les programmes officiels, par exemple. Il est également important de disposer des compétences nécessaires pour gérer des réseaux, par exemple pour dialoguer avec les citoyens et les parties prenantes, ce qui implique des aptitudes en termes de relations publiques, de gestion des connaissances et des projets, de coordination, de communication et de résolution de conflits (OCDE, 2017[5]).

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Graphique 9.2. Coordination stratégique à l’échelon ministériel des politiques de transformation numérique
Graphique 9.2. Coordination stratégique à l’échelon ministériel des politiques de transformation numérique

copy the linklink copied! Formuler une vision stratégique et assurer la cohérence

Pour élaborer une STN cohérente, il est très utile de pouvoir s’appuyer sur une vision stratégique (ou des orientations stratégiques) portant sur la transformation numérique du pays. Une telle vision aide à définir les principales priorités et les principaux objectifs de la STN, et elle favorise la cohérence face aux différentes questions abordées par la stratégie. Une vision stratégique peut aussi faire apparaître plus clairement en quoi la transformation numérique peut contribuer à la croissance économique et à la prospérité sociale, aider à faire face aux grands défis liés, par exemple, à la santé ou aux changements climatiques et servir des objectifs généraux tels que la croissance inclusive, le bien-être et le développement durable. Certains de ces objectifs de haut niveau peuvent figurer dans d’autres programmes ou d’autres stratégies (graphique 9.3). Pour formuler une vision stratégique, il est important d’appréhender la transformation numérique de façon holistique. Il convient, pour cela, de répertorier les propriétés fondamentales (ou « vecteurs ») de la transformation numérique, et leurs implications pour l’action menée et les textes adoptés dans un large éventail de domaines (voir chapitre 1).

Pour assurer la cohérence, il faut tenir compte, lors de l’élaboration de la STN, des stratégies et des objectifs déjà définis à l’échelon national et/ou international. Ainsi, un pays peut déjà être doté d’un plan national de développement ou d’une stratégie de croissance inclusive. De même, il convient de tenir compte de grands chantiers internationaux tels que les Objectifs de développement durable des Nations Unies ou, pour les pays de l’Union européenne, la stratégie numérique pour l’Europe.

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Graphique 9.3. Assurer la cohérence entre la stratégie de transformation numérique et les autres stratégies
Graphique 9.3. Assurer la cohérence entre la stratégie de transformation numérique et les autres stratégies

La STN doit aussi être cohérente avec les stratégies et/ou objectifs adoptés aux échelons supérieurs et inférieurs en matière de transformation numérique, tels que ceux qui auront déjà été adoptés pour les grandes questions couvertes par la STN – en matière d’emploi, de compétences et d’innovation, par exemple. Il est crucial d’éviter les chevauchements et les problèmes d’incompatibilité, et de trouver les synergies possibles, notamment en examinant par quels moyens la STN peut permettre de coordonner les volets des autres stratégies qui sont étroitement liés à la transformation numérique. De plus, il y a de fortes chances que la STN évoque des aspects qui sont également abordés dans le cadre de stratégies et de politiques plus spécifiques – portant sur le développement du haut débit ou la sécurité numérique, par exemple. Enfin, les stratégies et/ou politiques d’économie numérique ou de transformation numérique adoptées à l’échelon infranational doivent compéter la STN nationale, et renforcer son efficacité.

copy the linklink copied! Évaluer les grandes tendances numériques et les politiques et textes correspondants

Chaque pays en est à un stade différent de son développement numérique. Pour situer l’état d’avancement du processus, il faut suivre et analyser attentivement un certain nombre de tendances pertinentes, et bien évaluer l’impact de l’action menée. Les activités visant à mesurer, à suivre et à évaluer le chemin parcouru sont d’une importance cruciale pour la conception et la gouvernance de la politique numérique, et elles permettent aux responsables publics et aux analystes : i) d’évaluer la contribution de la transformation numérique à la réalisation des objectifs sociaux et économiques, et de favoriser un débat éclairé (au niveau des parties prenantes, par exemple) ; 2) de comprendre les facteurs propices et défavorables à la transformation numérique, ce qui est crucial pour concevoir des politiques efficaces ; 3) d’évaluer l’efficacité des différentes méthodes d’action, afin de permettre aux pouvoirs publics de prendre des décisions avisées concernant les priorités, les mesures, les instruments d’action et la répartition des financements ; et 4) d’améliorer en permanence la conception et la gestion des programmes, et de renforcer la redevabilité, la légitimité et la crédibilité de l’action publique (OCDE, 2016[2]).

Au sein du cycle global de l’action publique, la phase du suivi et de l’évaluation d’une stratégie et/ou de politiques suit celle de la mise en œuvre. Elle doit permettre de tirer des leçons, de définir des priorités et d’améliorer l’action menée au fil du temps, voire d’inspirer une nouvelle stratégie et/ou la réforme des politiques existantes. La grande majorité des pays de l’OCDE sont en train de mettre en œuvre une stratégie numérique nationale, et nombre d’entre eux vont bientôt devoir évaluer leur démarche actuelle, pour l’actualiser ou la remplacer par une nouvelle STN (OCDE, 2018[6]). Toute nouvelle stratégie devra englober un plan de suivi et d’évaluation, afin d’assurer l’amélioration permanente de la qualité et de l’efficacité de l’action publique et des dépenses publiques (OCDE, 2016[2]).

Où qu’en soit le pays dans la mise en œuvre de sa stratégie et/ou de ses politiques actuelles, le Cadre d’action intégré de l’OCDE sur la transformation numérique offre des conseils pratiques sur les domaines à prendre en compte pour le suivi et l’évaluation (OCDE, à paraître[7]). Cette démarche permet d’assurer une évaluation complète de l’ensemble des tendances et des politiques pertinentes, dont certaines pourront ne pas être couvertes par une stratégie numérique existante. Elle permet aussi aux décideurs publics de préparer de façon systématique une nouvelle STN. Les deux principaux volets de l’évaluation sont les suivants : i) un suivi quantitatif des tendances clés ; et 2) une évaluation (quantitative et/ou qualitative) des incidences et de l’efficacité des politiques déjà menées (graphique 9.4).

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Graphique 9.4. Évaluer la situation de votre pays : suivi et évaluation
Graphique 9.4. Évaluer la situation de votre pays : suivi et évaluation

Le suivi des grandes tendances permet aux pouvoirs publics de connaître les forces et les faiblesses de leur pays sur le plan du numérique, et de définir les domaines à aborder en priorité dans le cadre de la STN. Les indicateurs définis dans le plan de suivi et d’évaluation de la stratégie existante ainsi que, plus généralement, les statistiques nationales et d’autres sources permettant de quantifier et de suivre les principales tendances constituent un point de départ pour l’exercice de suivi.

Les comparaisons internationales s’appuyant, par exemple, sur les indicateurs produits par l’OCDE en lien avec le Cadre d’action intégré (OCDE, à paraître[7]) sont également importantes. Un jeu complet d’indicateurs est présenté dans le rapport Measuring the Digital Transformation: A Roadmap for the Future, qui propose une feuille de route en la matière (OCDE, 2019[8]). Ces indicateurs et les données correspondantes peuvent être consultés et téléchargés à partir de la Boîte à outils sur la transformation numérique2, qui permet aux pays de s’autoévaluer et de comparer les évolutions constatées à l’échelon national à celles qui sont en cours dans d’autres pays.

L’évaluation de l’action menée permet aux pouvoirs publics de comprendre l’impact des politiques existantes, y compris grâce à l’analyse d’impact de la réglementation, et d’évaluer s’ils sont en train d’atteindre leurs objectifs stratégiques (OCDE, 2017[9]). Cet exercice permet aussi de répertorier précisément les lacunes des cadres stratégiques et/ou réglementaires existants, ainsi que tout manque de cohérence (OCDE, 2014[10]).

L’évaluation peut se fonder, tout d’abord, sur une analyse à l’échelle nationale s’appuyant, entre autres, sur les avis formulés par les parties prenantes ; toutefois, il faut aussi tenir compte de comparaisons et des pratiques internationales. Pour évaluer l’action publique, faire un meilleur usage des technologies numériques peut être très précieux – pour suivre directement les retombées de l’action menée, par exemple (encadré 9.2).

copy the linklink copied! Développer une stratégie globale et cohérente

Après avoir choisi une démarche de gouvernance favorisant une bonne coordination ; défini une vision stratégique assurant la cohérence ; et tiré les enseignements nécessaires du suivi et de l’évaluation des stratégies et/ou politiques antérieures, la prochaine étape consiste à élaborer une STN exhaustive et cohérente. Le processus d’élaboration de la stratégie peut différer d’un pays à l’autre. Cela étant, il est essentiel d’associer tous les acteurs concernés pour déterminer, par exemple, les principales priorités et les grands objectifs, les mesures à adopter pour atteindre ces objectifs et le plan d’action à suivre pour mettre en œuvre la stratégie (voir section suivante). Il faut veiller à associer des représentants de tous les acteurs publics et niveaux d’administration concernés, des acteurs non gouvernementaux et des partenaires internationaux.

Il peut être difficile d’assurer une coordination à l’échelle d’un large éventail d’acteurs publics nationaux et infranationaux. Ainsi, de forts coûts de transaction, des asymétries de pouvoir et d’information et des solutions de gouvernance différentes selon les niveaux d’administration peuvent compliquer la coordination et la négociation. Il revient à l’acteur chargé de la coordination stratégique (par exemple, le chef du gouvernement ou le ministre chef de file chargé de coordonner et de rédiger la stratégie) d’assurer l’efficacité de cette coordination. De leur côté, toutes les entités participant à l’élaboration et/ou à la mise en œuvre de la stratégie doivent désigner en leur sein un référent qui sera chargé d’assurer la coordination et de suivre en permanence la stratégie.

La transformation numérique ne découle pas seulement de l’action des pouvoirs publics ; elle est aussi mue par les individus, les entreprises et d’autres acteurs non gouvernementaux. Un processus inclusif d’élaboration de la stratégie se doit d’associer les acteurs non gouvernementaux, y compris les associations professionnelles, les organisations de la société civile, les syndicats ainsi que des réseaux techniques et scientifiques (encadré 9.1). Le dialogue avec les parties prenantes peut permettre de repérer des difficultés ; de mutualiser les bonnes pratiques ; et d’ouvrir des possibilités d’autorégulation, de participation active des parties prenantes à l’établissement de normes et de partenariats public-privé. Parmi les formes les plus courantes d’association des parties prenantes, on peut citer les campagnes de consultation du grand public, les groupes consultatifs, les comités préparatoires et les opérations formelles de consultation de groupes spécifiques tels que, par exemple, les partenaires sociaux. Les technologies numériques facilitent de plus en plus l’association des parties prenantes, notamment avec les consultations en ligne (OCDE, 2018[11]).

Les partenaires internationaux d’un pays ne sont, en général, pas directement associés à l’élaboration de sa stratégie. Pourtant, ils peuvent déterminer certaines des retombées de la STN. Les partenaires internationaux, y compris privés, peuvent donc être consultés sur des questions telles que les échanges, les flux transfrontières de données, l’investissement direct étranger et la réglementation, ainsi que sur la gouvernance de l’internet. Si certaines de ces questions peuvent être abordées dans le cadre de la coopération et des accords multilatéraux (dans l’enceinte d’institutions multilatérales, par exemple), d’autres peuvent être traitées dans un cadre bilatéral (coopération, accords formels, traités ou normes communes).

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Encadré 9.1. Le modèle multipartite : la clé d’une action publique réussie à l’ère du numérique

Pour bien concevoir et mettre en œuvre une stratégie ou une politique, il est crucial d’associer les parties prenantes dès les premières étapes de son élaboration. La coopération multipartite comporte des avantages concrets qui permettent d’améliorer les politiques menées et leurs retombées. Les responsables publics chargés d’élaborer une stratégie et de concevoir des politiques ne peuvent jamais avoir, à eux seuls, une vision complète des possibilités, des difficultés et des problématiques à prendre en compte. Pour bien cerner les priorités et les objectifs stratégiques ; choisir et concevoir les meilleures mesures possibles ; et rendre la stratégie et les politiques inclusives et utiles pour tous, les pouvoirs publics ont besoin de s’ouvrir à l’extérieur et de prendre en compte l’avis et les besoins de toutes les parties prenantes.

L’action réglementaire représente un exemple réussi d’association des parties prenantes à l’échelon national. Associer les acteurs touchés par la réglementation afin de veiller à ce que les textes soient axés sur les usagers et conformes à l’intérêt général constitue une pratique établie dans de nombreux pays. Cette démarche permet d’améliorer la qualité des textes grâce aux idées, aux connaissances et aux éléments probants apportés par les parties prenantes. Elle permet aussi à la population de s’approprier les textes, ce qui renforce leur légitimité et celle de l’action menée. Au bout du compte, cette démarche peut améliorer la confiance à l’égard des pouvoirs publics et le respect des textes. Pour suivre l’évolution de cette association des parties prenantes à la politique réglementaire, l’OCDE a créé des Indicateurs relatifs à la politique et à la gouvernance réglementaires (iREG), qui couvrent 38 membres de l’OCDE et candidats à l’adhésion à l’OCDE ainsi que l’Union européenne. Ces indicateurs fournissent de nombreux éléments d’information quant aux pratiques nationales en matière de gestion de la réglementation, et notamment quant à l’association des parties prenantes à l’élaboration des textes législatifs et réglementaires.

La démarche propre à l’OCDE consistant à mener une large consultation auprès des parties prenantes afin d’enrichir le débat, d’éclairer d’un jour nouveau des enjeux complexes et, à terme, d’améliorer les retombées de l’action publique constitue un exemple d’association réussie des parties prenantes à l’échelon international. Dans le cadre d’un positionnement qui la place dans une situation relativement unique par rapport à ses pairs, l’OCDE a, dès ses débuts, établi des relations institutionnelles avec les syndicats et le monde de l’entreprise, par l’intermédiaire de deux organes consultatifs : Business at OECD (BIAC) et la Commission syndicale consultative (TUAC). Ces deux entités sont devenues des acteurs à part entière de l’écosystème de l’OCDE, et elles contribuent activement, dans tous les domaines, aux travaux de l’Organisation. La Recommandation du Conseil de l’OCDE sur les principes pour l’élaboration des politiques de l’Internet (OCDE, 2011[3]) recommande à tous les adhérents d’« encourager des processus multipartites de coopération dans l’élaboration de l’action ».

Les processus de travail de l’OCDE dépassent toutefois largement ces relations institutionnelles, et intègrent d’autres interlocuteurs. Lors de la réunion ministérielle de l’OCDE sur l’économie numérique qui s’est tenue en 2008 à Séoul, le Comité consultatif de la société civile sur la société de l’information et le Comité consultatif technique sur l’internet ont été officiellement reconnus dans le cadre des travaux du Comité de la politique de l’économie numérique. La réunion de Séoul a été la première étape de la création d’un modèle multipartite inclusif et unifié dont l’efficacité ne s’est pas démentie depuis. Cette démarche a servi la qualité des travaux de l’OCDE, et notamment de ses rapports et de ses recommandations, grâce aux éclairages techniques, sociaux et économiques obtenus, et elle a permis de suivre, pour l’élaboration des politiques numériques, une démarche conforme à l’ADN même de l’internet, qui est ouvert, distribué, sans frontières, multipartite et mondial.

Sources : OCDE (2017[9]), Panorama des administrations publiques 2017, https://doi.org/10.1787/gov_glance-2017-fr ; OCDE (2018[11]), Politique de la réglementation : Perspectives de l’OCDE 2018, https://doi.org/10.1787/9789264305458-fr.

copy the linklink copied! Bien mettre en œuvre la stratégie

Une stratégie n’a d’intérêt que si elle est bien mise en œuvre. Même si la STN est bien coordonnée et qu’elle bénéficie d’un large soutien, des difficultés peuvent survenir à l’étape de la mise en œuvre. Elles peuvent être liées à un problème de conception de la stratégie (objectifs irréalistes, par exemple), ou à des structures institutionnelles et organisationnelles rigides, qui entravent l’affectation efficiente des ressources. Des capacités administratives suffisantes, une division claire des tâches et des rapports de complémentarité entre les différentes composantes de l’administration et les différents échelons territoriaux sont d’une importance cruciale. Les cadres d’action existants et les préférences sociales peuvent eux aussi entraver la mise en œuvre de la stratégie (OCDE, 2016[2]).

Un large soutien à la stratégie est un facteur de réussite important pour la mise en œuvre. Ce soutien exige d’avoir associé les parties prenantes et, parfois, d’agir sur le fondement d’un mandat électif. Une communication efficace, une négociation constructive et la coopération avec les parties prenantes pendant la mise en œuvre sont cruciales. De plus, il faut bien réfléchir au ciblage et à l’ordre des mesures, par exemple en lançant d’abord celles qui sont nécessaires à la réussite des autres, afin de limiter les arbitrages et de permettre les synergies entre les politiques menées (OCDE, 2018[12]). Parce qu’elles permettent d’améliorer plusieurs aspects de la conception et de la mise en œuvre de la stratégie, les technologies numériques offrent des possibilités d’accroître ses chances de succès (encadré 9.2).

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Encadré 9.2. L’utilisation des technologies numériques pour améliorer l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques

Les technologies numériques permettent aux responsables publics de mieux concevoir, mettre en œuvre et évaluer l’action publique, notamment en étant plus réactifs face à la forte évolutivité des environnements, des risques et des possibilités en présence. Ainsi, un bon usage des technologies numériques peut améliorer les aspects suivants :

  • Le suivi et le ciblage des politiques. Les technologies numériques permettent de suivre de façon plus exhaustive et moins coûteuse les retombées de l’action publique. Cela permet de mieux cibler les politiques, de mieux les mettre en œuvre et de mieux les faire respecter. Dans le domaine agricole, par exemple, les systèmes de télédétection et de recensement numérique des parcelles permettent de mieux cibler les subventions.

  • La conception et l’évaluation de l’action publique. Les technologies numériques élargissent la palette des instruments d’action pouvant être utilisés par les administrations publiques, et elles peuvent faire baisser le coût de l’expérimentation et de l’évaluation. Ainsi, dans les villes, l’existence de caméras numériques capables d’enregistrer automatiquement la plaque d’immatriculation des véhicules a permis la mise en œuvre de zones payantes et la mise en application du dispositif de péage. De même, il est possible d’évaluer plus précisément les effets des politiques menées en matière de transports urbains en utilisant et en reliant entre elles différentes bases de données, et en obtenant ainsi des données toujours plus précises sur la mobilité urbaine.

  • Les interactions entre les administrations et les citoyens et l’association des parties prenantes. Les pays de l’OCDE sont nombreux à élargir l’éventail des données publiques librement accessibles, afin de rendre le secteur public plus comptable de ses actes. Par exemple, mettre à disposition des registres en ligne relatifs aux rejets et aux transferts de polluants peut permettre à la société civile de mieux surveiller l’action des entités encadrées, en rendant plus transparentes les actions de mise en conformité et en levant davantage le voile sur les manquements éventuels.

De plus, les responsables publics pourraient examiner plus systématiquement l’intérêt des technologies numériques tout au long du cycle de l’action publique. À cet égard, un nouvel état d’esprit est nécessaire pour mettre les technologies numériques, y compris les algorithmes et l’intelligence artificielle, et l’automatisation au service d’une réinvention des processus, des services et des politiques du secteur public. Pour mieux placer le numérique au cœur même de l’action publique, les administrations auront besoin d’attirer des collaborateurs dotés des compétences technologiques requises, tels que des spécialistes des TIC et des données, des experts en mégadonnées et des architectes systèmes.

Source : OCDE (2019[13]), « Using digital technologies to improve the design and enforcement of public policies », https://doi.org/10.1787/99b9ba70-en.

Plus concrètement, une mise en œuvre réussie implique de traduire de façon suffisamment détaillée les objectifs stratégiques en actes, c’est-à-dire en mesures et en instruments d’action précis, généralement prévus par un plan d’action. Parmi ces mesures et instruments d’action, on peut citer des activités de communication (par ex. sensibilisation et initiation), des investissements, la mise en place d’incitations et/ou de mesures fiscales, le lancement de services et programmes publics et l’adoption de mesures législatives et/ou réglementaires, entre autres. Il est important de noter que, pour toutes les mesures, le plan d’action doit répartir clairement les responsabilités en matière de mise en œuvre. Ce partage clair des responsabilités doit être effectué s’agissant des responsables publics et des services des divers ministères, organismes et entités qui mettent en œuvre la stratégie, mais aussi des acteurs non gouvernementaux, surtout en cas de partenariat public-privé.

Toutes les mesures du plan d’action qui impliquent une dépense publique ou un investissement public devront en préciser le montant et la ou les source(s) de financement. La plupart des pays de l’OCDE consacrent un budget à leur stratégie numérique actuelle, mais les démarches suivies en matière de budgétisation varient considérablement d’un pays à l’autre (OCDE, 2018[6]). Par exemple, certains pays sont dotés d’un budget spécifiquement consacré à leur stratégie numérique, tandis que d’autres financent les mesures de mise en œuvre à partir de différentes lignes budgétaires des ministères et organismes impliqués. Dans de rares cas, l’entité chargée de la coordination d’ensemble dispose d’un budget pour contribuer au financement de mesures au moins partiellement financées par les ministères et organismes chargés de la mise en œuvre. Cela peut lui permettre d’influer davantage sur la mise en œuvre et d’inciter les différents acteurs à coopérer au service du même objectif (OCDE, 2018[14]).

Enfin, une bonne mise en œuvre exige deux éléments cruciaux : un calendrier clair pour la mise en œuvre de chaque mesure ; et des objectifs quantifiables, associés à des indicateurs permettant de suivre le chemin parcouru. L’état d’avancement de la mise en œuvre doit être suivi au moyen des objectifs spécifiquement répertoriés dans le plan d’action, lesquels sont en lien avec les objectifs généraux énoncés dans la stratégie ainsi qu’avec les autres grands objectifs connexes fixés à l’échelon national et international. De plus, certains pays associent de près le calendrier de mise en œuvre à leur budget annuel, et réévaluent périodiquement leurs hypothèses budgétaires initiales, en les révisant au besoin. À la fin du cycle de mise en œuvre de la stratégie, un suivi et une évaluation systématiques sont nécessaires afin de produire une évaluation globale de la stratégie, en vue de l’actualiser ou de la remplacer.

Références

[8] OCDE (2019), Measuring the Digital Transformation: A Roadmap for the Future, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264311992-en.

[13] OCDE (2019), « Using digital technologies to improve the design and enforcement of public policies », Documents de travail de l’OCDE sur l’économie numérique, n° 274, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/99b9ba70-en.

[12] OCDE (2018), Des emplois de qualité pour tous dans un monde du travail en mutation : La stratégie de l’OCDE pour l’emploi, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/fr/rcm/documents/C-MIN-2018-7-FR.pdf.

[14] OCDE (2018), OECD Reviews of Digital Transformation: Going Digital in Sweden, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264302259-en.

[6] OCDE (2018), Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2017, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264282483-fr.

[11] OCDE (2018),Politique de la réglementation : Perspectives de l’OCDE 2018, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264305458-fr.

[9] OCDE (2017), Panorama des administrations publiques 2017, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/gov_glance-2017-fr.

[1] OCDE (2017), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2017, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/empl_outlook-2017-fr.

[5] OCDE (2017), Skills for a High Performing Civil Service, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264280724-en.

[2] OCDE (2016), L’impératif d’innovation :Contribuer à la productivité, à la croissance et au bien-être, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264251540-fr.

[4] OCDE (2014), Centre Stage: Driving Better Policies from the Centre of Government, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/gov/Centre-Stage-Report.pdf.

[10] OCDE (2014), OECD Framework for Regulatory Policy Evaluation, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264214453-en.

[3] OCDE (2011), Recommandation du Conseil sur les principes pour l’élaboration des politiques de l’Internet, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0387.

[7] OCDE (à paraître), « Going Digital: An integrated policy framework for making the transformation work for growth and well-being », Documents de travail de l’OCDE sur l’économie numérique, Éditions OCDE, Paris.

Notes

← 1. Certains pays (qui n’appartiennent à aucun des deux groupes précités) attribuent la responsabilité de la coordination à plusieurs acteurs intervenant dans la stratégie, voire à tous ces acteurs.

← 2. www.oecd.org/going-digital-toolkit.

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Chapitre 9. Élaborer une stratégie de transformation numérique