Résumé

Les autorités des pays européens ont réagi vigoureusement à la crise liée au coronavirus, mais les risques demeurent élevés.

La pandémie de COVID-19 a plongé l’Union européenne dans la pire récession de son histoire (graphique 1), les difficultés économiques venant s’ajouter au triste bilan d'une mortalité élevée. Les mesures strictes adoptées pour juguler la pandémie ont entraîné la fermeture de larges pans de l'activité économique et pesé sur la confiance dans un climat marqué par des incertitudes très fortes. En 2020, le PIB a chuté dans tous les pays de l’UE, à l’exception de l’Irlande, dans des proportions comprises entre -1 et -11 %. Les chutes les plus fortes ont été observées dans les pays où il a fallu prendre les mesures de confinement les plus rigoureuses, ou bien dont la structure économique était le plus sensible à ces mesures.

La puissance de la réaction des pouvoirs publics a contribué à atténuer les effets négatifs de la crise. La BCE a considérablement élargi son soutien à l’économie de la zone euro, ce qui a aussi bénéficié aux autres pays de l’UE, du fait des liens commerciaux qui les unissent et de l’éloignement du risque d’instabilité financière. À la différence des mesures prises lors de la crise financière mondiale, le soutien budgétaire apporté par les pays a été massif, grâce à l’activation de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité et de croissance De plus, l’UE a consolidé ses instruments existants (comme le Mécanisme européen de stabilité, MES) et adopté à titre temporaire deux nouveaux instruments budgétaires communs financés par un emprunt conjoint : le premier destiné à soutenir l’emploi via des prêts aux États membres (instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence, appelé SURE) et le second destiné à financer les plans de relance des pays par des subventions et des prêts (Next Generation EU). Dans les deux cas, l’essentiel du soutien a été déployé en faveur des pays les plus touchés, témoignant de la solidarité européenne et élargissant la marge budgétaire. Le principal défi pour que ces opportunités se muent en succès réside dans la rapidité et l'efficacité avec lesquelles les plans de relance vont être mis en œuvre.

La vaccination a pris du temps pour monter en puissance, mais elle laisse désormais espérer une reprise plus solide. Les mesures de confinement étant progressivement levées, la croissance devrait rebondir fortement durant l’année, en partie du fait du rattrapage de la demande, tout en restant vigoureuse en 2022(tableau 1). Cela étant, l'épargne des ménages, d'un niveau toujours élevé, pèse sur les perspectives de croissance. La faible efficacité de la vaccination face aux variants du virus ou l'insuffisance de la couverture vaccinale de la population constituent des risques d'écart à la baisse par rapport aux prévisions.

Un redressement trop faible pourrait creuser les inégalités, alimentant le mécontentement et nuisant à la confiance dans l’UE.

La crise pourrait laisser des stigmates et rouvrir d’anciennes blessures. L'impact disproportionné de la crise sur les secteurs des services, qui emploient une abondante main-d'œuvre peu qualifiée, pourrait accroître les inégalités et la pauvreté. L’explosion des prêts non performants pourrait menacer la stabilité financière et ralentir la sortie des entreprises inefficientes, nuisant à une bonne allocation des ressources et à la croissance.

L’asymétrie géographique de l’impact de la pandémie pourrait aggraver les différences régionales au sein de l’Union, notamment creuser les écarts entre les grandes villes et les zones rurales. Certaines régions ont été touchées plus que d'autres par la pandémie. Du fait de leur forte dépendance vis-à-vis du tourisme et du nombre élevé de très petites entreprises qui les caractérise, les économies du sud de l’EU sont celles qui ont vu leur PIB chuter le plus fortement en 2020.

Grâce au plan de relance Next Generation EU financé sur le budget de l’UE, la transformation numérique, la transition écologique et la mondialisation pourraient se muer en occasions d'accroître le potentiel de croissance et de s’attaquer aux inégalités régionales. En revanche, si elle ne fait pas l'objet d'une action des pouvoirs publics, la transformation numérique pourrait aggraver les disparités régionales et déboucher sur une concentration spatiale accrue de la croissance et de la création d’emplois. De la même façon, l’objectif de la neutralité carbone défavoriserait de manière disproportionnée les régions fortement dépendantes de l’extraction de charbon et des industries à forte intensité de carbone. Toutefois, la définition de politiques géographiquement ciblées, l'amélioration de la concurrence et le soutien de l’UE pourraient contribuer à une montée en gamme de la spécialisation productive des régions concernées.

L’UE a la capacité d’améliorer la coordination de l’investissement et l’innovation verts et de mieux adapter sa politique de la concurrence aux nouveaux défis.

Il est essentiel d’accroître l’investissement pour accélérer la reprise. Augmenter l’investissement dans les infrastructures publiques, longtemps modeste, permettrait de faire entrer en jeu les investisseurs privés. Les réseaux d’électricité, y compris les interconnexions internationales, constituent un bon exemple à cet égard. La décarbonation du transport exige elle aussi des investissements coordonnés, par exemple pour assurer l’interopérabilité au niveau de l’UE d'un réseau de rechargement des véhicules électriques.

L’accès à un haut débit abordable et de haute qualité est indispensable à l’innovation. Il permet également d'augmenter la résilience face aux urgences de santé publique, et en facilitant le télétravail, il contribue à la diffusion des externalités de productivité inhérentes aux grandes villes. Il faut donc mettre fin aux retards de connectivité dont pâtissent encore les zones rurales et reculées, conformément aux objectifs de la Stratégie numérique de l'UE. Comme dans le secteur de l’énergie, il faudrait simplifier les procédures d'autorisation pour faciliter le déploiement des réseaux.

L’UE devrait agir pour inverser le déclin de l’innovation (graphique 2) et améliorer les synergies entre les efforts nationaux. Pour exploiter le potentiel d'innovation que recèlent les transitions écologique et numérique, il est indispensable de mener des initiatives pour combiner des financements publics et privés au sein de projets collaboratifs de R-D et d’innovation industrielle entre les pays. Favoriser la participation d’entreprises issues de pays ou de régions moins prospères faciliterait la diffusion des retombées positives de tels projets.

L’innovation est aussi une priorité pour permettre la convergence des régions les moins prospères, où l’investissement dans la R-D est généralement très faible. La hausse de l’investissement, qui devrait être accompagnée par des politiques publiques en faveur de la cohésion, favorisera la diffusion de l’innovation auprès des entreprises locales. Dans les régions à la traîne, la productivité bénéficierait également d'une amélioration des économies d’agglomération. Ces dernières peuvent être favorisées par des investissements publics visant à réduire les temps de trajet vers les grandes villes et par une intégration plus étroite entre les métropoles régionales et les territoires environnants.

Il devient urgent d’adapter la politique de la concurrence aux enjeux technologiques et aux défis soulevés par l’évolution de la mondialisation. Il faudrait sans doute mettre à jour les outils pour la concurrence, parallèlement à la réglementation des grandes plateformes numériques, pour pouvoir s’attaquer aux positions dominantes solidement ancrées sur les marchés en ligne qui s’expliquent notamment par de puissants effets de réseaux, par des phénomènes de consommateurs captifs ou par l’absence d'accès aux données. En outre, il est nécessaire d'éviter que des entreprises en place exerçant une position dominante ne rachètent des entreprises nouvelles pour parer à l’avance à toute concurrence future ou pour saper la mise au point de nouveaux produits, et de s’attaquer aux subventions accordées par des États non membres de l’UE, qui ont pour effet de fausser le marché.

Les fonds de l'UE devraient être utilisés de manière plus efficiente au service de la convergence régionale.

Des stratégies efficientes de développement régional supposent que les fonds de l'UE soient utilisés de manière intégrée et que les projets soient sélectionnés avec soin. Plutôt que de suivre l’approche « premier arrivé premier servi » parfois adoptée, les procédures de sélection devraient permettre de comparer les projets faisant l’objet de demandes de financement en fonction de leur contribution aux objectifs de développement régional. Il est également nécessaire de mieux coordonner les politiques de développement rural et les mesures en faveur de la cohésion dans les régions qui peuvent prétendre à bénéficier d'un soutien important à ce double titre.

Souvent, les marchés publics, qui jouent un rôle central dans les dépenses engagées au titre des politiques en faveur de la cohésion et du plan Next Generation EU, ne sont pas suffisamment concurrentiels. Les marchés à un seul soumissionnaire sont fréquents, et les contrats sont souvent remportés par des fournisseurs du même pays, voire de la même région, que l’acheteur. De telles pratiques peuvent favoriser des fournisseurs locaux inefficients, ce qui nuit au développement régional. Renforcer la centralisation des marchés publics, développer le professionnalisme des responsables des marchés publics et rendre les procédures plus transparentes sont autant de mesures qui permettraient de corriger ces problèmes. Il serait donc judicieux de renforcer, dans le cadre de la politique de cohésion, les exigences de collecte des données relatives aux marchés publics.

Le déploiement des fonds de l’UE, en particulier ceux du plan Next Generation EU et de la politique de cohésion, ne doit pas être entaché par des actes de corruption et de fraude. Rendre plus efficaces les enquêtes des organes de l’UE suppose de renforcer la coopération de la part des États membres, grâce à une transposition rapide des directives concernées, une aide opérationnelle et un suivi judiciaire. Un plus large recours à des outils communs de calcul du risque permettrait d'améliorer la prévention et la détection de la fraude.

Le plan Next Generation EU peut aider l’UE à continuer de jouer un rôle de premier plan sur la voie d'une économie plus verte

Ramener à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre de l’UE d’ici à 2050 nécessite une forte accélération de la réduction des émissions (graphique 3). La neutralité carbone implique de généraliser l’utilisation de l’électricité pour les énergies finales, de produire la plus grosse partie de l’électricité à partir de sources renouvelables, de mettre au point des combustibles bas carbone pour les secteurs difficiles à électrifier ainsi que des techniques de captage et stockage du carbone, et d’améliorer l’efficacité énergétique.

Augmenter les prix du carbone, renforcer les normes réglementaires et pour développer l’innovation sont essentiels atteindre la neutralité climatique.Inclure le transport et les bâtiments dans le Système d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE),comme l'a récemment proposé la Commission Européenne,pourrait stimuler la réduction des émissions, favorisant l’adoption des véhicules électriques et des incitations à la rénovation. Dans ces deux secteurs, le durcissement des normes en matière d'efficacité énergétique est également essentiel. Ces évolutions devront être accompagnées d'un soutien ciblé aux ménages les plus pauvres. Des innovations en matière de batteries et d'hydrogène propre accéléreraient la réduction des émissions.

Orienter les financements vers des investissements bas carbone nécessite d'améliorer l'évaluation et la communication des risques liés au climat. Ces impératifs tiennent à la fois à l’existence de phénomènes météorologiques extrêmes et aux politiques de lutte contre le réchauffement climatique qui nécessitent une passation en charges rapide des actifs à haute teneur en carbone. Bien qu’en voie d'amélioration, la diffusion d'informations par les banques et les grandes entreprises n’en est qu'à ses premiers stades, rendant nécessaire l'adoption de normes plus exigeantes en la matière.

L’extraction et le traitement de matières premières continué de s’accroître (graphique 4), provoquant des émissions de carbone, de la pollution et une perte de biodiversité. Les politiques en faveur de l’économie circulaire encouragent la réutilisation, le recyclage et le partage des matières premières pour en réduire l’utilisation.

Les outils numériques peuvent promouvoir l’économie circulaire en réduisant les coûts d'information et en favorisant l'émergence de modèles économiques innovants, comme par exemple les formules de covoiturage fondées sur les technologies numériques. Un passeport électronique pourrait renfermer des informations sur les propriétés d’un produit, par exemple ses possibilités de réparation et de recyclage. Des informations sur la durabilité des produits sont en effet susceptibles d'influencer fortement le comportement des consommateurs.

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