5. L’environnement opérationnel favorable aux organisations de la société civile en Tunisie

Les organisations de la société civile (OSC) jouent un rôle de premier plan dans toute réforme de gouvernement ouvert. Elles contribuent à la vie publique de plusieurs manières, notamment en sensibilisant et éduquant le public sur la citoyenneté et les politiques publiques, en fournissant des services de base, en protégeant l’environnement, en défendant les intérêts des groupes vulnérables, en menant des recherches et des analyses dans divers domaines, et en jouant le rôle de « watchdog », afin de veiller à la redevabilité et la transparence du gouvernement. Un environnement favorable est essentiel pour promouvoir leur efficacité et leur capacité à fonctionner de manière libre et autonome. Un cadre juridique, politique et institutionnel favorable protège la liberté d’association et est essentiel pour permettre aux OSC d’atteindre leur plein potentiel et de maximiser leur impact (OCDE, 2020[1]).

Au lendemain de la révolution, la société civile tunisienne a connu une importante augmentation quantitative, mais également une évolution qualitative. De nombreuses associations œuvrant dans le domaine des droits humains, de la gouvernance et de la citoyenneté ont pu voir le jour. La société civile a ainsi joué un rôle majeur dans la transition démocratique et constitue, par son dynamisme et sa diversité, un des principaux acquis de la révolution (Mnasri, 2016[2] ; USAID, ICNL et FHI 360, 2020[3] ; Shahin, 2018[4]). La Tunisie se classe ainsi en tête des pays de la région MENA selon l’indicateur de l’organisation V-Dem qui mesure sur une échelle de 0 à 4 le niveau de répression auquel sont soumises les OSC (0 correspondant à la situation la moins démocratique et 4 à la situation la plus démocratique), avec une notation de 3.6 (voir Graphique ‎5.1).

Cette évolution rapide a tout d’abord été possible grâce au cadre légal progressiste instauré par le décret-loi n° 2011-88 (République tunisienne, 2011[5]) dès septembre 2011, mais également grâce à d’autres éléments, tels qu’une attitude progressivement plus favorable des autorités publiques envers la société civile, un environnement politico-institutionnel globalement propice, l’accès relativement facile et abondant à des financements étrangers, une multitude d’initiatives de renforcement des capacités au bénéfice des associations, ainsi que la prise d’initiatives (souvent bénévole) de la part d’innombrables citoyens souhaitant monter des OSC et s’impliquer dans la vie publique.1

Cependant, des défis importants persistent, tant au niveau de l’application du cadre légal que du fonctionnement et des capacités des OSC elles-mêmes. Cette situation ne permet pas à la société civile tunisienne, pourtant dotée de nombreux atouts, d’atteindre son plein potentiel et la maturité, la solidité et la durabilité nécessaires pour représenter le pilier incontournable de la démocratie qu’elle devrait être. Un certain recul aurait même été observé ces dernières années au niveau de l’environnement dans lequel les associations sont en mesure d’opérer, qui – selon la quasi-totalité des OSC interrogées dans le cadre de ce scan – est moins propice qu’il ne l’était au lendemain de la révolution (Boussen, 2018[7]).2

La Tunisie compte aujourd’hui 23 937 associations enregistrées, contre environ 9 600 recensées en 2010 (voir Tableau ‎5.1).3 Malgré ce nombre très important d’associations enregistrées, le nombre d’OSC effectivement « actives » fait l’objet de débat. Aucune donnée fiable n’étant produite, la plupart des observateurs interrogés dans le cadre de ce scan estiment ce nombre entre quelques centaines et 4 000 au maximum. Cette différence s’explique en partie par le grand nombre d’associations créées à l’occasion d’une campagne ou d’une initiative spécifique, vu la facilité de création d’OSC permise par le régime déclaratif introduit par le cadre légal postrévolutionnaire, mais qui perdent leur raison d’être une fois le projet conclu. D’autres explications possibles sont la nature bénévole de la plupart des OSC tunisiennes, ainsi que leur difficulté à se structurer et se doter d’une pérennité institutionnelle et financière.

Quant à la répartition géographique, les données du Centre d’Information, de formation, d’études et de documentation sur les associations (Ifeda) montrent que près d’un tiers des associations enregistrées sont établies dans le Grand Tunis (7 665 entre les gouvernorats de Tunis, d'Ariana, de Ben Arous et de la Manouba) (Centre Ifeda, 2021[8]). Bien que les autres gouvernorats enregistrant le plus d’associations soient ceux des grandes villes côtières, notamment Sfax (1 820), Nabeul (1 434) et Sousse (1 207), certains gouvernorats moins dynamiques économiquement du sud et de l’intérieur du pays connaissent aussi un nombre important d’OSC (1 047 à Médenine, entre 900 et 1 000 à Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa).

Concernant les secteurs d’activité, près de 40 % des associations opèrent dans le domaine de la culture (4 719 OSC) et dans celui des écoles (4 584), suivis par les secteurs du sport, du social et du développement (entre 2 000 et 3 000 associations chacun), alors que seules 835 associations seraient engagées sur la thématique de la citoyenneté.4 Bien que ces données puissent ne pas donner une image exacte, puisque des associations pourraient opérer sur plusieurs thématiques et qu’elles n’indiquent pas si elles sont réellement actives, elles semblent montrer que les associations opérant dans l’activité traditionnelle de fournisseurs de services seraient nettement plus nombreuses par rapport à celles engagées dans le plaidoyer sur les sujets de gouvernance ou des droits humains. Cependant, le nombre 835 reste élevé ; par ailleurs, 211 OSC sont des associations féminines et 207 des associations étrangères (Centre Ifeda, 2021[8]).

Les OSC tunisiennes jouent donc aujourd’hui une multitude de rôles. Si la plupart d’entre elles sont toujours engagées dans la prestation de services sociaux ou le développement local, bon nombre, souvent bien connues et visibles, jouent un rôle de défense et promotion de l’espace civique, en particulier de plaidoyer et de contrôle. Pour ce qui est du premier volet, l’exemple le plus célèbre de plaidoyer, et plus largement de force de proposition, joué par la société civile tunisienne est sans doute l’action récompensée par le prix Nobel de la paix 2015 au « quartet du dialogue national », composé de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT, le puissant syndicat), de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA, le patronat), du Conseil de l’Ordre national des avocats de Tunisie et de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH). Ce quartet d’OSC a été décoré « pour sa contribution décisive à la construction d’une démocratie pluraliste en Tunisie à la suite de la révolution de Jasmin en 2011 », et en particulier pour son rôle lorsque la transition démocratique était en danger dans le contexte de plusieurs assassinats politiques et de vastes troubles sociaux (Prix Nobel, 2015[9]). En plus de la reconnaissance du rôle revêtu par la société civile tunisienne dans la démocratisation du pays, l’octroi de ce prix met également en lumière sa diversité, compte tenu de la nature des quatre organisations.

Les associations ont joué et continuent à jouer un rôle important de plaidoyer en une multitude d’occasions. S’il est impossible de dresser une liste exhaustive de ces actions, il suffit de rappeler que ce plaidoyer vise le gouvernement central, les autorités locales et le Parlement, couvrant une large panoplie de thématiques, allant de la proposition de nouvelles solutions (par exemple, les actions pour l’adoption d’une loi contre la discrimination) à la réaction contre des réformes jugées non pertinentes (telles que les actions contre la réforme du décret-loi n° 2011-88 sur les associations, voir Section ‎5.3.2). Le plaidoyer se concrétise par des manifestations, des campagnes sur les réseaux sociaux, des communiqués de presse, des rencontres avec les autorités et les députés, des appels publics, des collectes de signatures et d’autres outils similaires, souvent menés par des coalitions d’OSC.

Quant au rôle de contrôle et de surveillance (watchdog), plusieurs associations tunisiennes suivent, observent et documentent les activités du gouvernement, du Parlement et des collectivités locales, ce qui permet de rappeler aux autorités leurs engagements, de poser des questions publiques et de leur demander des comptes. Il s’agit ici d’un rôle primordial pour la défense et la promotion de l’espace civique, qui témoigne de la vitalité de la société civile tunisienne, notamment dans le contexte de la région MENA. Parmi les initiatives les plus connues, il est notamment possible de citer celles d’Al Bawsala (voir Encadré ‎5.1), plusieurs initiatives d’I Watch – y compris celles de suivi des promesses de campagne des présidents de la République et des chefs du gouvernement –, ainsi que Cabrane de l’Association tunisienne des contrôleurs publics (ATCP), pour le suivi des projets publics.5 Bien que peu nombreuses, les OSC engagées dans le rôle de contrôle sont souvent parmi les mieux organisées et les mieux connues par l’opinion publique.

Si la liberté d’association en Tunisie est garantie par l’article 35 de la Constitution de 2014 (République tunisienne, 2014[12]), tel que présenté dans le chapitre 3, les OSC sont régies par le décret-loi n° 2011-88 portant organisation des associations, adopté le 24 septembre 2011 (République tunisienne, 2011[5]). Ce texte, élaboré sous l’égide de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, est considéré comme un cadre légal solide et libéral garantissant la liberté d’association, conforme aux normes internationales, et comme l’un des cadres juridiques les plus progressistes de la région en la matière (Voule, 2019[13]).

En particulier, le décret-loi remplace le régime d’autorisation pour la création des associations précédemment en place par un régime de déclaration, qui ôte ainsi aux autorités la possibilité d’interférer dans la création des associations sans justification légale (article 10) (République tunisienne, 2011[5]). Il interdit également toute ingérence des pouvoirs publics dans la définition des objectifs et activités des associations, et établit que seuls les tribunaux sont habilités à décider de la suspension ou de la dissolution d’une association.

Ce sont essentiellement le cadre légal instauré par le décret-loi n° 2011-88, ainsi que le contexte plus large de transition démocratique qui ont permis l’augmentation considérable du nombre d’associations en Tunisie et l’élargissement de leurs champs d’action. Les dispositions principales de ce cadre légal mis en place par le décret-loi, ainsi que leur mise en œuvre, seront présentées et analysées dans la suite du chapitre.

Plusieurs tentatives pour réformer, amender ou remplacer le décret-loi n° 2011-88 ont été lancées depuis 2017, mais aucune n’a abouti, du fait de l’opposition forte des OSC elles-mêmes (Shahin, 2018[4]). En effet, bien que certains détails du décret gagneraient à être améliorés, l’ensemble de la société civile tunisienne le considère comme très progressiste, d’où la crainte que toute réforme finisse par affaiblir – plutôt que renforcer et améliorer – ce cadre légal.6 Face à plusieurs tentatives de réforme, la défense du décret est devenue hautement symbolique, et la société civile tunisienne considère ce texte comme « le rempart des associations contre les velléités de réduction de leur espace d’action et plus généralement contre les menaces à la transition démocratique et à la consolidation de l’État de droit en Tunisie » (Boussen, 2018[7]).

En 2017, le gouvernement a motivé une première tentative de réforme par le besoin de donner une force légale accrue au décret-loi n° 2011-88 (l’article 65 de la Constitution du 27 janvier 2014 dictant en effet que l’organisation des associations fait partie des domaines qui doivent être régis par la loi organique) (République tunisienne, 2014[12]), de rendre plus efficaces les processus bureaucratiques, et de renforcer le suivi financier et judiciaire (Boussen, 2018[7]). Cette tentative de réformer le décret-loi a été abandonnée à la suite de l’opposition ferme de la société civile tunisienne. Cependant, le gouvernement tunisien a poursuivi dans l’idée de réformer le cadre légal relatif aux associations, et a décidé, au lieu d’amender le décret-loi n° 2011-88 lui-même, de le compléter par d’autres textes qui, selon l’exécutif, combleraient les lacunes actuelles (voir Section ‎5.5.4).

Au moment de la rédaction de ce scan, quatre projets de loi sont en cours d’élaboration par les services de la relation avec la société civile auprès de la Présidence du gouvernement.7 Ces projets de loi concernent notamment la mise en place d’une plateforme électronique unique pour l’enregistrement et le suivi des associations, la révision du cadre légal actuel relatif au financement public des associations, les fondations, et enfin les ONG internationales. L’équipe en charge de ce scan n’a pas pu analyser ces différents projets, qui visent à répondre à certains des défis actuels rencontrés par les associations et les structures publiques en charge. Cependant, compte tenu de la conformité du décret-loi n° 2011-88 au regard des normes internationales et de son rôle déterminant dans le développement d’une société civile libre et diverse, toute initiative de réforme du cadre légal et réglementaire relatif aux associations devrait préserver l’esprit et la lettre de ce texte et se limiter à certains aspects spécifiques tels qu’une meilleure définition des procédures administratives qui posent problème dans la pratique (voir Section ‎5.4). Il serait opportun d’instaurer un vrai dialogue préalable avec les OSC avant de lancer tout projet de réforme du cadre légal et réglementaire touchant l’enregistrement, le suivi et le contrôle de leurs activités.

Malgré le cadre légal globalement propice à la société civile, et les institutions de soutien et suivi décrites, la Tunisie ne dispose pas, au moment de la rédaction de ce rapport, d’une stratégie nationale d’appui ou de promotion de la société civile. L’élaboration d’un tel document pourrait être utile pour formaliser les raisons pour lesquelles il est nécessaire d’appuyer la société civile, donner une vue d’ensemble cohérente et stratégique des différents moyens que l’État utilise pour soutenir les associations, et sensibiliser l’ensemble des ministères, institutions nationales et autorités locales. L’équipe de recherche de ce scan a cependant été informée que la Direction générale de la relation avec la société civile travaille actuellement à l’élaboration d’une telle stratégie avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).8

Le processus d’enregistrement des associations, obligatoire, est régi par le décret-loi n° 2011-88 (République tunisienne, 2011[5]) (chapitre II, articles 8-19), qui définit les étapes suivantes :

  • Les fondateurs de l’association transmettent au Secrétariat général du gouvernement, par lettre recommandée, une carte d’identité nationale ou carte de séjour des fondateurs, ainsi que les statuts de l’association signés par les fondateurs en deux exemplaires (qui incluent notamment l’adresse du siège de l’association, son organigramme et une présentation des objectifs et moyens de réalisation).

  • Dans un délai de 7 jours suivant la réception de l’accusé de réception de la part du Secrétariat général du gouvernement, le représentant de l’association est tenu de déposer l’annonce de la constitution de l’association auprès de l’imprimerie officielle de la République tunisienne, qui a l’obligation de la publier au JORT dans un délai de 15 jours. Le décret-loi précise que la non-réception du récépissé sous 30 jours vaut réception.

Le décret-loi opère par ailleurs une distinction entre la constitution légale de l’association – effective dès l’envoi du dossier de constitution au Secrétariat général du gouvernement – et l’acquisition de la personnalité morale, nécessaire par exemple pour l’ouverture d’un compte bancaire – effective à partir de la publication de l’annonce officielle au JORT.

Ces dispositions, qui mettent en place un régime purement « déclaratif » pour la création des associations, sans besoin d’approbation de la part des autorités, constituent la pierre angulaire ayant permis l’augmentation spectaculaire du nombre d’OSC tunisiennes.

Cependant, malgré le cadre légal très libéral, des défis demeurent dans la pratique. Bien que le décret-loi fixe des délais impératifs, de nombreuses associations rapportent des retards importants (certaines associations faisant état de délais jusqu’à un an pour la finalisation de leur enregistrement) avant la réception du récépissé de la part du Secrétariat général du gouvernement, et un refus de publication de l’annonce dans le JORT en l’absence du récépissé, ce qui contrevient au principe de déclaration du décret-loi, qui ne prévoit d’ailleurs pas un tel cas de figure (Al-Kawakibi Democracy Transition Center, 2017[14]). Selon plusieurs OSC,9 ces délais semblent tantôt relever d’un manque de ressources humaines et de capacités de la Direction générale des associations, tantôt de pratiques visant à limiter la liberté d’association et à réintégrer un droit d’autorisation de facto des autorités dans le processus de constitution des associations. Certaines associations œuvrant dans des domaines « sensibles », tels que les droits des minorités, indiquent par ailleurs que la procédure d’enregistrement de leurs organisations a impliqué des avis et des considérations sur la « moralité » ou la conformité aux mœurs de leurs activités, ce qui est contraire à l’esprit du régime déclaratif instauré par le décret-loi.10 Dans un cas particulier, un refus de publication au JORT sans justification a été constaté, malgré un processus de constitution en bonne et due forme (voir Encadré ‎5.2). Cet aspect sera abordé plus en détail dans le chapitre 7.

Les associations se sentant victimes de retard ou d’un refus de publication n’ont pas de mécanisme de recours clair à leur disposition. En effet, si le décret-loi n° 2011-88 fixe des délais impératifs, il ne prévoit rien en cas de dépassement de ces délais. Lorsqu’elles rencontrent un problème dans leur processus d’enregistrement, les associations semblent donc favoriser une discussion informelle avec le Secrétariat général du gouvernement, en vue d’une solution à l’amiable. Cette lacune du décret-loi n° 2011-88 gagnerait à être comblée par des dispositions prévoyant le cas où un dossier d’enregistrement est incomplet, le cas de refus d’octroi du récépissé ou d’inscription au JORT, ainsi que des mécanismes de plainte en cas de refus de l’enregistrement ou de manque de réponse. L’introduction de sanctions en cas de non-respect des délais pour l’octroi du récépissé, de refus de publication dans le JORT ou de pratiques administratives non conformes au cadre légal (telles que les considérations autour de la mission de l’association) dans le processus d’enregistrement des associations, pourrait contribuer à limiter les risques d’abus.

La gestion et la transparence financière des associations sont devenues des questions prégnantes, et ont même fait la une de l’actualité dans le cadre des politiques et mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il s’agit d’un sujet global et d’importance pour l’espace civique, comme l’indique la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (Ní Aoláin, 2019[16]). En effet, s’il est légitime que l’État mette en œuvre des mesures efficaces pour prévenir et réprimer des crimes tels que le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, des dispositions trop strictes, voire disproportionnées, risqueraient d’entraver l’environnement opérationnel de la société civile et de rendre plus difficiles la création, la gestion et le fonctionnement des associations.

Ce sujet est d’actualité parce que la Tunisie a été classée en 2017 sur la liste des pays à haut risque par le Groupe d’action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental ayant pour mission l’examen et l’élaboration des mesures de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent (GAFI, 2021[17]). Dans le rapport mutuel du GAFI pour la Tunisie publié en mai 2016, le pays était classé comme « largement conforme » à la recommandation n° 8 du Groupe portant sur les risques inhérents aux organisations à but non lucratif (MENAFAFT/GAFIMOAN, 2016[18]).11 Le rapport confirmait que le dispositif tunisien relatif à la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent couvrait les risques, bien que l’application des dispositions légales fasse défaut, en témoigne le nombre restreint de signalements aux autorités. En 2017, une révision de la recommandation n° 8 a ajouté la nécessité de déterminer le type d’organisations à but non lucratif présentant le plus de risques de financement du terrorisme et de blanchiment d’argent, ainsi que de mettre en place les mécanismes de surveillance nécessaires, des formations à l’adresse des organisations à but non lucratif et des bailleurs concernant les vulnérabilités potentielles que ces organisations présentent, et le développement de bonnes pratiques avec les organisations à but non lucratif. Dans le rapport de suivi du 6 décembre 2017, la note de la Tunisie a ainsi été abaissée et est passée de « largement conforme » à « partiellement conforme » (MENAFATF/GAFIMOAN, 2017[19]).

À la suite de cette révision de la notation, le GAFI a placé la Tunisie sur la liste des pays à haut risque, entraînant la décision de la Commission européenne, le 13 décembre 2017, d’inclure la Tunisie sur la liste noire relative aux pays tiers susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment des capitaux et aux financements du terrorisme, ce qui contraint les banques et les instances soumises aux règles de l’UE à procéder à des contrôles renforcés des opérations financières impliquant la Tunisie (Commission européenne, 2018[20]). Le Parlement européen a ratifié cette décision en février 2018 (Parlement européen, 2018[21]). Contrairement au classement effectué par l’Union européenne, l’entrée de la Tunisie sur la liste du GAFI n’entraîne pas d’action ou obligation directe, le rôle du GAFI étant uniquement d’évaluer la conformité des États avec ses recommandations et d’appuyer les juridictions dans leurs démarches de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent. Cependant, le système de notation et de liste grise ou noire de pays en fonction de leur mise en œuvre des recommandations, suivies par 190 pays dans le monde, a un impact significatif sur l’image véhiculée par les États au sein de la communauté internationale, contribuant à décréter si le pays est perçu comme un lieu d’investissement sûr ou non.

Au regard de ce classement, le gouvernement tunisien a décidé d’adopter certaines mesures pour renforcer son système de contrôle financier, particulièrement concernant les OSC. Face à la nécessité grandissante de prendre en compte le point de vue et les préoccupations des OSC dans ce contexte, qui ont mis en avant les difficultés posées par les nouvelles régulations, et conformément aux nouvelles directives du GAFI qui soulignent l’importance d’une coopération entre le gouvernement et les OSC –, une initiative intéressante de dialogue multipartite a été mise en place (voir Encadré ‎5.3).

Le GAFI a finalement retiré la Tunisie de sa liste noire en octobre 2019,12 en reconnaissance de ses progrès dans la mise en œuvre de mesures contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que dans l’évaluation ciblée du secteur effectuée par les institutions publiques en coopération avec la société civile. L’UE a également retiré le pays de sa liste noire le 7 mai 2020 (Commission européenne, 2020[23]).

Afin de mieux cerner la problématique du suivi des financements des associations en lien avec la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, ainsi que son impact sur l’environnement opérationnel des OSC, il convient d’analyser les dispositions contenues dans les différents textes applicables du cadre légal, ainsi que celles ajoutées récemment.

Il n’existe pas, dans le décret-loi n° 2011-88, de dispositions explicites mettant en place des mécanismes, modalités ou outils de suivi et contrôle des associations de la part du gouvernement.13 Le décret-loi expose cependant un certain nombre de règles que les OSC sont tenues de suivre, faute de quoi elles pourraient encourir des sanctions, telles que celles prévues par l’article 45 du décret-loi (République tunisienne, 2011[5]).

Ces règles concernent essentiellement l’organisation interne des associations, leur administration et leur gestion financière. Les seules règles relatives aux activités de l’association sont le respect des « principes de l’État de droit, de la démocratie, de la pluralité, de la transparence, de l’égalité et des droits de l’Homme » (article 3), ainsi que l’interdiction de « l’incitation à la violence, la haine, l’intolérance et la discrimination fondée sur la religion, le sexe ou la région », « d’exercer des activités commerciales en vue de distribuer des fonds au profit de ses membres » et « de collecter des fonds en vue de soutenir des partis politiques ou des candidats indépendants à des élections nationales » (article 4) (République tunisienne, 2011[5]). Le décret-loi se limite donc à garantir le respect des valeurs fondamentales de la démocratie, la non-discrimination, le but non lucratif et l’indépendance politique des OSC, sans dicter aucune limitation à la liberté d’association, au domaine d’intervention ou à la cause qu’une association se propose de promouvoir. Les autres règles que les associations doivent respecter relèvent du processus de constitution (articles 8, 9, 10 et 27) et de la gestion administrative (articles 16 à 19 sur le statut et l’adhésion, article 33 sur la dissolution).

Il convient d’approfondir les règles concernant la gestion financière des OSC. Une association est autorisée à obtenir des financements à travers les cotisations de ses membres, les aides publiques, les recettes résultant de ses biens, activités et projets, et enfin les dons, donations et legs d’origine nationale ou étrangère (article 34).

L’article 38 stipule que toute transaction financière supérieure à 500 TND doit être effectuée par virement ou par chèque, afin d’en assurer la traçabilité. Les associations ont par ailleurs l’obligation de tenir une comptabilité, ainsi qu’un registre des aides, dons, donations et legs nationaux et étrangers (articles 39 et 40). L’article 41 dispose par ailleurs que les associations ont l’obligation de publier la source, la valeur et l’objet des dons étrangers reçus dans un délai d’un mois à compter de leur réception, et d’en informer le Secrétariat général du gouvernement par lettre recommandée. Enfin, les associations dont les ressources annuelles dépassent 100 000 TND sont tenues de désigner un commissaire aux comptes agréé, chargé de soumettre un rapport annuel au Secrétariat général du gouvernement (article 43).

Des sanctions graduelles sont prévues à l’article 45 en cas de non-respect de ces dispositions sur la constitution, l’organisation interne, l’administration et la gestion financière des associations. Ces sanctions vont d’une mise en demeure par le Secrétaire général du gouvernement avec obligation de régularisation sous 30 jours, la suspension de l’activité de l’association décidée par le tribunal de première instance, par ordonnance et sur requête du Secrétaire général du gouvernement, et enfin à la dissolution par jugement du tribunal de première instance. Le décret n’identifie pas d’organe spécifique en charge d’assurer le respect de ces dispositions ou de suivre les activités des associations : il est donc possible d’en déduire que cette tâche revient d’abord au Secrétariat général du gouvernement, puis à la justice.

En plus des dispositions sur la gestion et la transparence financière contenues dans le décret-loi n° 2011-88, la loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent (République tunisienne, 2015[24]), déjà citée dans le chapitre 3 en relation aux droits et libertés publics, modifiée et complétée par la loi organique n° 2019-9 du 23 janvier 2019 (République tunisienne, 2019[25]), comporte également des dispositions concernant le suivi financier des OSC. Ainsi, au titre de l’article 100 de ladite loi organique, les associations ont l’obligation de tenir des comptes et de transmettre aux services de la Banque centrale un inventaire des recettes, virements et dépôts en espèces en lien avec l’étranger. Les OSC dont les ressources annuelles ne dépassent pas 30 000 TND en sont cependant exemptées, comme le précise l’arrêté du ministre des Finances du 1er mars 2016 (Ministère des Finances, 2016[26]). Le ministre des Finances peut soumettre des personnes morales suspectes à une autorisation préalable pour toute réception de virements provenant de l’étranger (décision qui doit être motivée et notifiée au représentant légal de l’association). Le président du tribunal de première instance peut ordonner de soumettre une association suspectée d’avoir violé les dispositions de la loi organique à un audit externe, sur demande du ministre des Finances.

Par la suite, la loi organique n° 2019-9, complétant la loi organique n° 2015-26, précise bien que les associations et organisations à but non lucratif sont spécifiquement visées par les dispositions concernant le contrôle des financements étrangers (articles 100 et 102). Elle insère un nouvel article (l’article 99) relatif aux règles de gestion prudentielles que les associations doivent adopter : si certaines semblent tout à fait légitimes, telles que l’interdiction de recevoir tous dons ou subventions dont l’origine est inconnue ou une somme en espèces supérieure à 500 TND, l’interdiction de recevoir « tous dons ou autres formes d’aide financière, quel qu’en soit le montant, sauf exception prévue par un texte spécial de la loi » pourrait représenter un obstacle au financement des associations et semble en contradiction avec le décret-loi n° 2011-88, qui autorise les dons (article 13) (République tunisienne, 2019[25] ; République tunisienne, 2011[5]).

La loi organique n° 2015-26 (article 118) crée par ailleurs la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF) auprès de la Banque centrale, qui a notamment pour prérogatives de recueillir et d’analyser les déclarations concernant les opérations et les transactions suspectes, et de notifier la suite qui leur est donnée (République tunisienne, 2015[24]). Pour cela, elle doit s’appuyer sur les informations fournies par les experts-comptables, les établissements de crédit, les avocats et les notaires, qui peuvent faire une déclaration d’opération suspecte et doivent s’assurer de la légalité des opérations financières de leurs clients. Si la CTAF, après analyse des dossiers, confirme les soupçons, elle peut transférer les dossiers au procureur de la République, n’ayant pas elle-même de pouvoir de sanction (République tunisienne, 2015[24]).

D’après son rapport pour l’année 2018/19, la CTAF a reçu 515 déclarations de soupçon en 2018 et 597 en 2019 (CTAF, 2019[27]). La vaste majorité d’entre elles sont effectuées par les banques (89 % en 2019). En 2019, la CTAF a traité 645 dossiers, dont 143 ont été classés et 502 ont été transmis aux autorités compétentes.

Si cette loi et ce décret-loi instaurent et réglementent l’obligation de transparence financière des OSC quant aux financements étrangers dont elles bénéficient, leur application n’est pas encore pleinement satisfaisante selon les associations interrogées.14 En effet, bien qu’il soit raisonnable de dire que la grande majorité des OSC tunisiennes ne sont pas impliquées dans le blanchiment d’argent ou le terrorisme, la perception que les associations puissent être utilisées pour ces crimes (ou comme couvertures) persiste, ce qui a de fait terni l’image de tout le secteur associatif et provoqué un manque de confiance injustifié.15 Il conviendrait de renforcer les mécanismes, moyens et outils permettant aux structures publiques concernées d’opérer un suivi ponctuel et de faire respecter ces dispositions au vu du nombre important d’associations. La faiblesse des mécanismes de coordination des dons des bailleurs étrangers, et la difficulté ou le manque de volonté de certaines associations de respecter les mesures de transparence sont aussi cités parmi les raisons potentielles.16

En parallèle, la Banque centrale a publié la circulaire n° 2017-08, modifiée par la circulaire n° 2018-09, qui appelle les banques, dans le cadre de la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, à une vigilance renforcée dans leurs relations d’affaires avec les associations « notamment en matière d’identification des personnes agissant en leurs noms et d’analyse des transactions y afférentes ». Cette circulaire, qui n’opère pas de distinction entre les différents types d’associations et n’identifie pas celles présentant un risque accru, a entraîné des difficultés à ouvrir des comptes en banque, ce que plusieurs associations ont indiqué dans le cadre des entretiens menés.

Une étude produite en 2020 par l’organisation Human Security Collective, en coopération avec le KADEM, International Center for Not-for-Profit Law (ICNL), Greenacre Group et European Center for Not-for-Profit Law (ECNL), a ainsi indiqué que près de 44 % des associations interrogées déclarent avoir fait face à des pratiques de « diminution de risque » (derisking) de la part des banques, notamment à travers des demandes de documents et justificatifs additionnels, des difficultés à ouvrir un compte bancaire, des délais indus lors du transfert de fonds, ou une augmentation des frais bancaires (Human Security Collective, KADEM, GreenAcre Group, ECNL, ICNL, 2020[28]).17 Ces pratiques peuvent mettre en péril la mise en œuvre d’activités par des associations.

Dans ce contexte, la Commission tunisienne des analyses financières a entamé un dialogue formel avec les acteurs du secteur bancaire, afin d’aborder cette problématique et d’appeler à ne pas entrer dans ce type de pratique, qui ne constitue pas une solution durable pour la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, et qui participe de l’exclusion financière du secteur à but non lucratif.18 Il conviendrait ainsi de poursuivre cet effort et de mettre en place un dialogue régulier, structuré et inclusif entre les OSC, la Banque centrale, les banques privées et les administrations publiques en charge des associations, ainsi que des incitations destinées au secteur bancaire, pour qu’il travaille avec des associations. En effet, celles-ci, en tant qu’organismes à but non lucratif, ne constituent pas nécessairement des clients intéressants pour les banques, malgré l’importance des missions qu’elles prennent en charge.

Face aux décisions du GAFI et de l’Union européenne, le gouvernement tunisien a fait le choix d’adopter une loi relative au registre national des entreprises, affectant les modalités d’enregistrement et de suivi des associations, la loi n° 2018-52 (République tunisienne, 2018[29]).

Cette loi crée le Registre national des entreprises (RNE), une base de données numérique et publique visant à collecter les données et informations relatives aux entreprises. Il est administré par le Centre national du Registre national des entreprises, rattaché à la Présidence du gouvernement. Au titre de l’article 14 de cette loi, les associations sont intégrées à ce registre et ont l’obligation de s’y inscrire, faute de quoi elles encourent des peines lourdes.

La société civile s’est fortement mobilisée contre l’adoption de cette loi, jugée de nature à restreindre la liberté d’association. Les critiques formulées à son encontre sont de différents ordres (Boussen, 2018[7] ; Shahin, 2018[4]). D’abord, cette loi soumet les OSC à de nouvelles obligations, en plus de celles déjà édictées dans le décret-loi n° 2011-88, et instaure de fait un double régime d’enregistrement (celui prévu par le décret-loi et celui du RNE), avec une lourdeur administrative importante, surtout pour de petites associations aux moyens limités. De plus, parmi les documents à fournir en vue de l’immatriculation, l’article 23 fait mention de l’accusé de réception de la lettre adressée au Secrétariat général du gouvernement, ce qui pourrait sembler réinstaurer de fait un régime d’autorisation masqué pour la finalisation du processus d’établissement légal d’une association, et pourrait exposer les associations n’ayant pas reçu de récépissé, et se trouvant ainsi dans l’incapacité de procéder à une immatriculation au RNE, à une amende allant jusqu’à 10 000 TND et à des peines de prison jusqu’à un an. En outre, cette loi impose des sanctions pénales disproportionnées en cas de manquement à l’enregistrement au registre ou si les informations qui y sont recensées ne sont pas mises à jour, dont des peines de prison allant jusqu’à cinq ans pour des informations erronées.

Plusieurs normes internationales, telles que les lignes directrices sur la liberté d’association du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de la Commission de Venise, indiquent que les associations ne doivent pas être tenues de disposer de la personnalité morale pour fonctionner (OSCE, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme et Commission de Venise, 2015[30]). D’autres normes, comme celles du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, stipulent que les lois nationales ne devraient pas interdire la formation d’une association informelle et que les associations informelles devraient être en mesure d’opérer librement sans enregistrement, sans que cela les expose à des sanctions. En outre, le fait d’inclure des associations à but non lucratif dans le même registre que les entreprises du secteur privé soulève des questions au regard de la nature différente de ces acteurs.19 Il aurait été préférable de consulter au préalable la société civile et que le Parlement prenne davantage de temps avant d’approuver la loi, cette situation n’ayant pas favorisé un débat serein entre les autorités et les OSC.20

Au-delà des critiques sur le fond, la loi sur le RNE ne semble pas encore être pleinement appliquée. D’après le 32e rapport de la Cour des comptes, en date du 9 mai 2020, seules 818 associations étaient enregistrées au RNE, contre plus de 23 000 associations existantes d’après le fichier du Centre Ifeda (Cour des comptes, 2021[31]). Selon le Centre national du RNE, 1 073 associations se sont immatriculées en 2020, et 405 dans les premiers trois mois de 2021, ce qui semble indiquer une acceptation croissante de la part des OSC.21 Le Centre assure aussi que l’inscription au RNE donnera une image fiable et précise du nombre d’associations effectivement « actives », par rapport au nombre d’associations existantes repris dans les statistiques du Centre Ifeda, et permettra également d’améliorer l’image du secteur associatif à travers un gage de transparence.22 Par ailleurs, au moment de la rédaction de ce rapport, le RNE n’est pas encore totalement opérationnel, notamment sur le volet de la numérisation des procédures, et les associations sont pour l’heure tenues de se rendre physiquement au guichet pour déposer tous les documents requis pour leur inscription et le suivi de leurs financements.

Dans son rapport à l’issue de sa visite en Tunisie, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d’association a déclaré que « l’intégration des associations dans cette nouvelle loi est regrettable », « qu’un nouveau registre incluant les associations n’est pas nécessaire » pour combattre les risques de financement du terrorisme et que « les outils en vigueur permettent de trouver des solutions favorables à la diminution des risques en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme » (Voule, 2019[13]). Le Rapporteur spécial a en particulier recommandé « l’application cohérente du décret-loi n° 2011-88, la collaboration étroite avec l’administration et un système de renseignement financier solide pour empêcher tout financement illicite » (Voule, 2019[13]). Cependant, saisie par un recours par un groupe de parlementaires, l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi a affirmé le 6 septembre 2018 que le projet de loi sur le RNE ne touchait pas à la liberté d’association. Toutefois, cette loi, adoptée en dépit d’une importante mobilisation et opposition de la société civile, à travers notamment la mise en place d’un groupe de travail informel pour la protection de l’espace civique, suscite encore aujourd’hui des critiques (Shahin, 2018[4]).

Il ressort de cette analyse du suivi et du contrôle des associations que la Tunisie pourrait entamer une réflexion ayant pour but de revenir sur la décision d’obliger les OSC à s’inscrire au RNE, en ligne avec les recommandations du Rapporteur spécial des Nations Unies (Voule, 2019[13]). Il serait également opportun d’encourager la Direction générale des associations à appliquer de manière régulière les sanctions administratives et financières prévues par le décret-loi n° 2011-88 en cas de non-respect de ses dispositions, en la dotant de moyens additionnels si besoin, et la justice à poursuivre toute association qui violerait les lois en vigueur. Cela permettrait de mettre en œuvre les dispositions du cadre légal actuel relatives à la transparence des financements des associations, sans pour autant pénaliser l’ensemble des associations par l’ajout de nouvelles obligations légales.

Une fois analysé le cadre légal de la société civile, il est pertinent de se tourner vers le cadre institutionnel que la Tunisie a mis en place pour soutenir et suivre les activités des associations. En effet, la mise en place d’un cadre institutionnel solide représente un levier supplémentaire de soutien à l’environnement opérationnel des OSC. En Tunisie, plusieurs organismes publics sont impliqués dans l’enregistrement, le suivi, la formation et la gestion des relations avec la société civile.

La Direction générale des associations et des partis politiques est la structure publique en charge de l’enregistrement et du suivi des associations. Elle a été formellement créée par le décret n° 2012-641 du 25 juin 2012, modifié par le décret n° 2013-4573 du 8 novembre 2013 (République tunisienne, 2012[32] ; République tunisienne, 2013[33]). Au titre de ces deux décrets, la Direction générale des associations et des partis politiques comprend une direction du suivi des associations, qui assure les missions suivantes :

  • le suivi des procédures de déclaration de création des associations nationales et étrangères et des réseaux d’associations, et des procédures de refus de la création des associations étrangères le cas échéant

  • la réception des notifications adressées par les associations relatives à la modification de leurs statuts ou à l’acceptation d’aides, de dons et de legs étrangers, ou à leurs rapports comptables ou à leur dissolution, la mise en œuvre des procédures de préavis en cas d’infraction, ainsi que le suivi des procédures de la demande de suspension d’activité et de dissolution en vertu de la législation relative aux associations

  • le suivi des litiges survenus en raison du refus d’accepter la déclaration de création d’une association étrangère

  • la présentation des suggestions et conceptions concernant l’amélioration de la législation relative aux associations.

La plupart des OSC consultées dans le cadre de cette étude, mais également certains représentants gouvernementaux et des institutions publiques, ont évoqué la question du renforcement des capacités et des ressources humaines de la Direction générale des associations.23 En effet, la Direction générale, rattachée à la Présidence du gouvernement, doit s’occuper des demandes d’enregistrement et du suivi de toutes les associations sur l’ensemble du territoire. Elle s’assure que celles-ci respectent les dispositions du décret-loi n° 2011-88, notamment en ce qui concerne la gestion administrative et la réception des dons, ce qui constitue une charge de travail lourde compte tenu du nombre d’associations et de bailleurs présents en Tunisie. En 2018, la Direction générale des associations comptait une vingtaine de fonctionnaires : renforcer ses capacités en ressources humaines et moyens techniques contribuerait à répondre aux défis identifiés plus haut quant à l’enregistrement et au suivi des OSC. En outre, la Direction générale étant établie à Tunis, une déconcentration et des bureaux ou antennes de terrain, ou encore la numérisation au moins partielle des procédures, pourraient également représenter une solution à la fois aux problématiques rencontrées par les associations établies en région pour le suivi de leur demande d’enregistrement, et aux difficultés de suivi de la gestion des OSC.

En 2016 a été créé un ministère de la Relation avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l’homme (République tunisienne, 2016[34]). Ce ministère a été supprimé, et ses différentes directions ont été directement rattachées à la Présidence du gouvernement en vertu du décret gouvernemental n° 2018-741 du 16 août 2018 (Présidence du gouvernement, 2018[35]).

Il découle du décret gouvernemental portant création du ministère que la Direction générale en charge de la relation avec la société civile dispose des attributions et missions suivantes :

  • Préparer et proposer les projets de loi et les textes réglementaires relatifs à la société civile.

  • Garantir le respect de la liberté d’association, de l’adhésion aux associations et de la participation à leurs activités, promouvoir le rôle des associations et préserver leur indépendance.

  • Soutenir le rôle des associations dans le domaine du développement.

  • Œuvrer à mettre en place les mécanismes à même de consacrer un dialogue continu entre le gouvernement et la société civile.

  • Œuvrer à renforcer la relation entre le gouvernement et la société civile, et faire participer cette dernière à la fixation des choix et des programmes gouvernementaux.

  • Proposer les politiques générales du financement public des associations.

  • Œuvrer à améliorer la législation relative aux partis politiques (République tunisienne, 2016[34]).

Dans la pratique, les missions de la Direction générale de la relation avec la société civile et ses modalités de communication avec les OSC peuvent être réparties selon trois axes. D’abord, la Direction générale opère un travail quotidien d’information et de renseignement des associations. Il peut concerner des problématiques liées à des difficultés avec le secteur bancaire ou à des litiges avec une institution publique pour lesquels la Direction générale peut jouer le rôle de médiateur, ou des demandes de renseignements.24 Les associations faisant appel à la Direction dans ce cadre sont surtout de taille réduite. Ces missions sont partagées avec la Direction générale des associations.

La Direction générale de la relation avec la société civile joue également un rôle ponctuel en cas de crise et peut proposer des programmes d’engagements avec les OSC. Ce fut le cas à la suite de manifestations ayant eu lieu dans la région de Kasserine, à l’ouest du pays, en décembre 2018, qui ont fait suite à l’immolation d’un journaliste en signe de protestation contre le chômage et la dégradation de la situation économique.25 Durant deux mois, la Direction générale de la relation avec la société civile a ainsi organisé des réunions avec des associations en région, afin d’identifier les demandes et revendications des citoyens et des associations.

La Direction générale organise également périodiquement des séminaires de formation à l’adresse des OSC, conjointement avec le Centre Ifeda, ainsi que des séminaires d’information sur des sujets d’actualité sur lesquels les OSC pourraient avoir un rôle à jouer. Ces séminaires sont organisés dans les différentes régions du pays.

Le Centre Ifeda a été créé en 2000, en vertu du décret n° 2000-688 (République tunisienne, 2000[36]). Il est un observatoire de la vie associative en Tunisie et dispose du statut d’établissement public à caractère non administratif. Le centre Ifeda tient un registre des associations, selon le critère de la publication de l’annonce de constitution au JORT, qui représente actuellement l’unique source statistique publique exhaustive sur le secteur associatif tunisien. Il a pour principale mission l’appui au développement du tissu associatif, et organise dans ce cadre des formations gratuites à destination des associations sur l’ensemble du territoire sur des sujets tels que la gestion administrative et financière, le cadre juridique régissant la vie associative, la communication et l’approche participative l’élaboration de projets, l’économie sociale et solidaire ou encore la coopération internationale et le financement extérieur. En plus de la gratuité, le centre Ifeda propose une prise en charge des participants aux formations, ce qui tend à renforcer le caractère inclusif de ces efforts et peut faciliter la participation d’associations de petite taille, souvent davantage en besoin de formation et de renforcement de capacités. De 2011 à 2020, il a organisé 338 formations ayant touché 7 874 participants, ainsi que 68 séminaires et journées d’études.26

Le Centre Ifeda a également pour mission la réalisation de recherches et d’études sur le milieu associatif qui devraient permettre une mise en perspective de son développement, un volet qui pourrait être renforcé puisque très peu d’études ont été publiées depuis la création du centre.

De manière générale, les associations consultées ont exprimé une certaine adhésion au cadre institutionnel en place, soulignant la bonne volonté et l’approche constructive et coopérative, en particulier de la Direction générale de la relation avec la société civile et du Centre Ifeda. Dans le même temps, la plupart des OSC considèrent que ces structures pourraient bénéficier de davantage de capacités, et qu’elles auraient ainsi plus d’impact sur l’environnement opérationnel des associations.27 En particulier, la Direction générale des associations et des partis politiques gagnerait à être dotée de moyens humains et informatiques plus importants, lui permettant à la fois d’assurer un suivi plus ponctuel des OSC et de faciliter l’enregistrement des associations établies loin de la capitale. En outre, les associations semblent percevoir cette structure comme distante et peu transparente. Elle pourrait ainsi renforcer ses actions d’ouverture et de communication pour aller à la rencontre des OSC. Quant au Centre Ifeda, il lui est recommandé d’accroître sa capacité à offrir des formations et autres initiatives de soutien aux petites associations localisées dans les zones rurales éloignées de Tunis, qui en ont le plus besoin.

Une autre considération s’impose pour ce qui concerne le cadre institutionnel de soutien et de suivi des associations. En 2018, la Direction générale de la relation avec la société civile a été rattachée à la Présidence du gouvernement, au même titre que la Direction générale des associations, qui y était déjà rattachée. Si la première est officiellement en charge du soutien et des relations avec les OSC, la seconde s’occupe quant à elle de l’enregistrement et du suivi. La répartition des rôles n’est cependant pas toujours claire, ce qui peut entraîner une certaine confusion et un risque de duplication. De même, la fonction principale du Centre Ifeda, c’est-à-dire le renforcement des capacités des associations, pourrait s’inscrire dans le rôle de soutien de la Direction générale des relations avec la société civile.

Bien que ces trois entités coopèrent déjà, il pourrait sembler plus cohérent de les fusionner au sein d’une même structure. En ce sens, certains interlocuteurs de la Présidence du gouvernement ont indiqué que le gouvernement est en train d’étudier la possibilité d’une réorganisation, qui placerait les deux directions générales au sein d’une même direction plus large, tout en conservant les deux missions distinctes que sont l’enregistrement et le suivi administratif d’une part, et la gestion des relations entre le gouvernement et la société civile d’autre part.28 Une fusion des deux directions générales, incluant aussi le Centre Ifeda, pourrait augmenter la cohérence du soutien à la société civile, rationaliser et optimiser les ressources humaines existantes, et pallier, au moins en partie, les problèmes de capacités de suivi évoqués par l’ensemble des associations consultées pour ce scan. Il serait important d’instaurer un dialogue avec les associations elles-mêmes, pour qu’une éventuelle réforme de l’architecture institutionnelle existante prenne en compte leurs préoccupations et besoins.

Bien que la Cour des comptes ne s’inscrive pas dans le cadre institutionnel de soutien ou suivi de la société civile, il est intéressant de citer son rôle dans ce domaine et d’en discuter brièvement le potentiel.

Dans son 32e rapport publié en février 2021, la Cour des comptes s’est penchée pour la première fois sur la question du suivi des financements étrangers des associations, à travers le prisme de la coopération internationale (Cour des comptes, 2021[31]). En effet, au titre des articles 13 et 153 de la loi n° 2019-41 portant sur la Cour des comptes, la Cour a un rôle de surveillance et d’évaluation des résultats des aides économiques et financières, quelle qu’en soit la forme, accordées aux associations, partis politiques, coopératives, institutions et organismes privés (République tunisienne, 2019[37]). Cependant, elle ne dispose pas d’un droit de regard global sur le financement des associations, en dehors des associations bénéficiant de fonds publics.

Dans son 32e rapport annuel, la Cour des comptes a déclaré que 566 associations n’avaient pas informé le Secrétariat général du gouvernement des financements étrangers reçus et n’avaient pas publié les détails de ces financements, publication exigée en vertu du décret-loi n° 2011-88 (Cour des comptes, 2021[31]). Face à l’absence de concordance entre les données et chiffres reçus de la part de la Direction générale des associations et des partis politiques et celles fournies par la Banque centrale, la Cour des comptes a déclaré qu’il n’était pas possible d’estimer le montant des financements étrangers dont ont bénéficié les OSC à travers la coopération internationale. À ce titre, la Cour incite à un suivi plus poussé des programmes de coopération internationale par le ministère des Affaires étrangères et le ministère en charge de la Coopération internationale, et à la mise en place de mécanismes à disposition du Secrétariat général du gouvernement pour s’assurer que les associations remplissent leurs obligations de transparence (Cour des comptes, 2021[31]).

À travers ce rapport, qui – comme tous les rapports de la Cour des comptes – a reçu beaucoup d’attention publique et médiatique, la Cour démontre qu’elle peut aussi jouer un rôle de contrôle de la gestion financière des OSC, qui pourrait être bien accepté par les associations compte tenu de la nature de la Cour, qui est indépendante du pouvoir exécutif. Son champ d’action vis-à-vis des associations reste cependant limité à celles recevant des financements publics. Il serait donc recommandable d’instaurer une collaboration et un dialogue de la Cour des comptes avec à la fois les directions générales de la Présidence du gouvernement et les OSC elles-mêmes.

Le financement, et plus largement les ressources sur lesquelles les associations peuvent s’appuyer pour exister, fonctionner et mettre en œuvre leurs activités, est un autre élément clé pour évaluer l’environnement opérationnel des OSC. Les financements sont en effet déterminants pour le développement et la pérennisation du secteur associatif, et plus encore dans un pays souffrant d’une stagnation économique prolongée comme la Tunisie.

Tel que déjà évoqué plus haut, au titre du décret-loi n° 2011-88, les ressources financières d’une association peuvent provenir de cotisations des membres, d’aides publiques, de dons, donations et legs d’origine nationale ou étrangère, et de recettes résultant de ses biens, activités et projets (article 34) (République tunisienne, 2011[5]). L’État a par ailleurs l’obligation d’affecter des fonds au soutien et à l’appui des associations (article 36).

Le financement public des associations est régi par le décret n° 2013-5183 du 18 novembre 2013, modifié par le décret n° 2014-3607, le décret n° 2015-278 et le décret n° 2016-568, fixant les critères, les procédures et les conditions d’octroi du financement public pour les associations (République Tunisienne, 2013[38] ; Présidence du gouvernement, 2015[39] ; Présidence du gouvernement, 2016[40]). Il existe deux modalités principales d’octroi (article 3) : les associations peuvent bénéficier d’un financement public 1) à la suite d’une demande directe « pour promouvoir leurs activités et développer leurs moyens de travail » (République Tunisienne, 2013[38]) ou 2) lorsqu’elles visent à réaliser des projets d’utilité publique s’inscrivant dans le cadre de l’activité de l’organisme public, à la suite d’un appel à candidatures lancé par l’organisme public concerné ou d’un accord de partenariat à l’initiative de l’association. La première modalité est donc censée fournir un financement sans restriction à l’association, alors que la seconde vise plutôt à financer un projet spécifique et déterminé par une entité publique.

Chaque organisme public souhaitant octroyer des financements à des associations doit mettre en place une commission technique, composée du chef de l’organisme public ou de son représentant en tant que président, des représentants des administrations concernées de l’organisme public, d’un représentant de l’autorité de tutelle et du contrôleur des dépenses publiques (article 10). Aucun représentant de la société civile ne siège au sein de la commission technique. De plus, les associations souhaitant accéder aux financements publics sont tenues de fournir un nombre important de documents administratifs relatifs aux objectifs et moyens de réalisation du projet, et doivent également prouver la régularité de leur situation fiscale.

Afin de renforcer le cadre légal relatif à l’octroi par l’État de financements publics aux associations, la Direction générale de la relation avec la société civile a élaboré un projet de loi, dans le but déclaré d’assurer des chances égales d’obtention de financements publics aux associations et d’instaurer davantage de transparence dans les critères d’octroi. Selon la Direction générale, les dossiers de financement pourront également être déposés sur la plateforme électronique en préparation, et les associations seront ainsi en mesure d’adresser des demandes de financement à plusieurs organismes publics grâce à un dossier unique. Cela permettra également à l’État d’avoir une vue d’ensemble sur les financements octroyés aux associations.

Dans la pratique, un nombre très limité d’associations bénéficie d’un financement public, et le nombre exact n’est par ailleurs pas rendu public, puisque le rapport du ministère des Finances énumère explicitement 65 associations et contient pour chaque ministère une ligne se référant aux « autres amicales et associations », sans préciser leur nombre, leur nom ou leur nature (Ministère des Finances, 2018[41]). Ce nombre serait probablement plus élevé si les montants disponibles étaient plus importants, si les dossiers de candidature étaient plus faciles à monter, mais également si les modalités d’octroi de ces fonds étaient plus transparentes, selon plusieurs associations. Les associations disposant d’un réseau de connaissances au sein de l’administration semblent être avantagées pour l’obtention des financements : il s’agit notamment pour une grande partie d’associations directement liées au personnel des dits organismes, telles que les associations ou amicales des fonctionnaires des différents ministères (Ministère des Finances, 2018[41]). D’après le ministère des Finances, les différents ministères ont octroyé en tout 36 411 981 TND au cours de l’année 2017, ce qui représentait environ 0.1 % du budget de l’État pour cette année-là (République Tunisienne, 2017[42] ; Ministère des Finances, 2018[41]). Par ailleurs, aucune donnée plus récente sur le financement public des OSC et aucune vue d’ensemble sur les financements octroyés par la totalité des structures publiques ne sont disponibles.

Compte tenu de ces faiblesses et des montants peu élevés accordés, le financement public tel qu’il est mis en place dans la pratique ne peut que difficilement soutenir la société civile et ne contribue pas à un environnement propice aux OSC. Comme indiqué plus haut, le gouvernement est à présent en train d’élaborer un nouveau texte légal sur le financement des associations : s’il n’a pas été possible d’examiner la proposition actuelle du texte, il serait pertinent que ce nouveau cadre réforme les modalités d’octroi des financements publics pour les rendre plus transparentes, pour simplifier les procédures de candidature, impliquer des représentants de la société civile dans les commissions techniques et augmenter les montants à disposition. Il serait également opportun de renforcer l’accès à l’information à travers la publication proactive des informations relatives aux financements publics des associations, en encourageant par exemple l’ensemble des organismes publics à publier sur leur site Internet la liste des associations bénéficiaires, ainsi que les montants octroyés. À terme, les institutions publiques en charge du secteur associatif pourraient également envisager de lancer la publication d’un rapport annuel sur les financements publics des associations, afin de renforcer la transparence et la redevabilité de l’État dans ce domaine.

Face à la faiblesse des financements publics et à l’insuffisance des ressources recueillies à travers les cotisations des membres, beaucoup d’associations sont dépendantes des financements étrangers (USAID, ICNL et FHI 360, 2020[43]). Avant la révolution, la possibilité de recevoir des fonds étrangers n’était pas inscrite dans la loi n° 59-154 de 1959 relative aux associations. Par la suite, le décret-loi n° 2011-88 (dont l’article 34 prévoit, parmi les possibles ressources d’une association, les « dons, donations et legs d’origine nationale ou étrangère »), ainsi que la volonté de plusieurs bailleurs d’appuyer la transition démocratique tunisienne ont permis un afflux important de fonds étrangers en faveur des OSC tunisiennes depuis 2011.

À titre d’exemple, l’association Jamaity, qui gère une plateforme de référence de la société civile tunisienne, a recensé plus de 8 000 opportunités pour les associations en 2019 (entre appels à projets, offres d’emploi, offres de formation, offres de stage, appels à candidatures, etc.), et 216 bailleurs et partenaires techniques et financiers (y compris les ambassades, organisations internationales, ONG et fondations) dans sa base de données (Jamaity, à paraître[44]). Bien qu’il ait été impossible de trouver des données complètes et précises sur l’ensemble des aides étrangères octroyées aux OSC tunisiennes, on trouve parmi les principaux bailleurs de fonds l’UE et les États-Unis. À titre d’exemple, l’UE a financé un Programme d’appui à la société civile (PASC) à hauteur de 7 millions EUR sur trois ans (2014-16). À partir d’une analyse de 58 appels à projets et 32 appuis techniques publiés par des partenaires étrangers sur la plateforme de Jamaity en 2019, il est possible de voir que ces appuis couvrent divers thèmes, y compris les droits humains (25.2 %), le développement économique et social (12.6 %), l’environnement (9.9 %), la culture (9 %), la gouvernance (8.1 %), l’emploi et l’entrepreneuriat (6.3 %), la lutte contre l’extrémisme et la sécurité (4.5 %), la science et la technologie (2.7 %), la décentralisation (2.7 %) et l’éducation (1.8 %) (USAID, ICNL et FHI 360, 2020[3] ; Jamaity, à paraître[44]).

La place importante occupée par les financements étrangers dans l’écosystème des associations tunisiennes a eu des conséquences positives, permettant à la société civile de grandir, de produire un grand volume d’activités – y compris dans le domaine de l’espace civique –, et de bénéficier de formations et de possibilités de réseautage international. Certaines des initiatives les plus connues de watchdog de la part des OSC sont financées dans leur totalité ou en grande partie par des bailleurs étrangers, et bon nombre d’associations de gouvernance et droits humains connues et influentes reçoivent des financements d’autres pays ou d’organismes internationaux.

Cependant, l’afflux de financements étrangers pose aussi un certain nombre de défis. Le plus important est celui de la pérennisation du financement des activités des associations, difficile à assurer par l’aide au développement au regard de l’approche essentiellement par projet des financements et de la nature changeante des priorités des bailleurs.

Ensuite, afin de pouvoir bénéficier des financements étrangers, les OSC sont souvent amenées à adapter leurs objectifs et activités aux priorités des bailleurs, ce qui ne favorise ni la spécialisation des associations ni le développement d’une expertise sur des sujets spécifiques. Certaines associations risquent de devenir des « machines à projets », ce qui affaiblirait leur mission et leur nature. Des activistes de la première heure déplorent un passage de la société civile tunisienne de militante à « affairiste » : si de tels constats semblent injustes vu la présence active de nombreuses associations qui défendent vigoureusement des causes sociales et politiques même sensibles, le risque que la recherche de financements étrangers devienne prépondérante sur les missions de certaines OSC est réel.

En outre, ce système favorise les grandes OSC, qui disposent des compétences nécessaires (techniques, de gestion et linguistiques), de l’expérience et parfois des réseaux pour répondre aux appels des bailleurs internationaux et démontrer l’expérience de gestion financière et administrative requise par les partenaires techniques et financiers (PTF) pour la mise en œuvre des projets qu’ils financent.29 Malgré les efforts de certains bailleurs pour adapter et simplifier leurs appels à projets, les associations de petite taille, sans personnel salarié, ne maîtrisant pas le français ou l’anglais et établies loin de la capitale, sont donc souvent exclues en partie ou en totalité de ce système de financement.

Dans ce cadre, le gouvernement pourrait jouer un rôle plus important de coordination des appuis étrangers à la société civile. Il pourrait également encourager les bailleurs internationaux à continuer à fournir des financements et des appuis techniques aux associations, en ciblant plus spécifiquement le renforcement de la gestion et de la gouvernance interne des associations. Il serait aussi opportun que les autorités sensibilisent davantage les donateurs à utiliser des formes flexibles de financement, des appels à projets en arabe classique ou dialectal, et des conditions financières moins rigides, afin de ne pas exclure les associations bénévoles et peu structurées, qui constituent, au moins d’un point de vue numérique, l’essentiel du tissu associatif tunisien. D’une manière générale, les autorités devraient faciliter la réception de fonds des bailleurs étrangers et veiller à ce que les mesures légitimes de contrôle mises en place dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent ne l’entravent pas de manière disproportionnée, à travers la promotion d’un dialogue entre les associations, le gouvernement et les bailleurs principaux.

Par ailleurs, l’ARP a adopté en juin 2020 la loi n° 2020-30 relative à l’économie sociale et solidaire (République tunisienne, 2020[45]). L’article 2 alinéa 3 de la loi inclut les associations régies par le décret-loi n° 2011-88 exerçant une activité économique à finalité sociale dans la définition d’entreprise de l’économie sociale et solidaire. Si cette loi a pu susciter l’enthousiasme des OSC, aucun des décrets d’application – notamment concernant l’octroi du label d’entreprise de l’économie sociale et solidaire ou la mise en place d’une instance – n’a été pris, et la loi demeure de fait largement inapplicable. Il en va de même pour la loi n° 2020-37 relative au financement participatif (crowdfunding), promulguée au JORT le 6 août 2020 et qui met en place un cadre réglementaire pour les activités de crowdfunding en Tunisie (République tunisienne, 2020[46]). Il serait opportun d’adopter rapidement les décrets d’application de ces deux lois, qui représentent une possibilité de financement intéressante pour certains des acteurs de la société civile, afin de les rendre véritablement applicables. Ces deux lois, et notamment celle concernant l’encadrement légal des activités de crowdfunding, pourraient en effet constituer le fondement de nouveaux modes de financement participatif des OSC, tels que le mécanisme mis en place par la ville de Londres au Royaume-Uni (voir Encadré ‎5.4).

Compte tenu de l’insuffisance des financements publics, des défis liés aux financements par des bailleurs de fonds étrangers et de l’application encore incomplète de ces deux dernières lois, il importe d’étudier de nouvelles sources et de nouveaux mécanismes de nature à assurer une stabilité dans le financement des organisations. Au moment de la rédaction de ce scan, le gouvernement était en train d’élaborer un projet de loi pour améliorer le financement public et un autre concernant les fondations : il serait important que les autorités puissent mettre en place un cadre propice à ces formes de financement et en encourager d’autres, telles que les activités génératrices de revenus ou les partenariats avec le secteur privé. Les Encadré ‎5.5 et Encadré ‎5.6 présentent d’autres initiatives innovantes de financement pour les associations, en place dans certains pays de l’OCDE et qui pourraient inspirer le gouvernement et les associations tunisiennes.

Un régime fiscal favorable constitue un levier supplémentaire de soutien indirect aux OSC. En Tunisie, la question de la fiscalité est une problématique prégnante pour les associations. En effet, il n’existe pas de texte consolidé relatif au régime applicable aux associations, mais différentes dispositions présentes au sein de plusieurs textes. Cela inclut le Code de l’impôt, la loi de finances et le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, qui sont par ailleurs régulièrement modifiés, ce qui rend difficilement lisibles les dispositions à suivre, en particulier pour les petites associations n’ayant pas les moyens de recourir à un expert dans ce domaine (Mnasri, 2016[2]).

Les associations ont l’obligation de déposer leur déclaration d’existence auprès des autorités fiscales, d’obtenir un identifiant et de remplir une déclaration d’impôt mensuelle à déposer auprès du RNE. Les associations exerçant leurs activités conformément aux dispositions du décret-loi n° 2011-88 ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés (Ministère des Finances, 2019[50] ; République tunisienne, 2018[51]) et peuvent prétendre à certaines exonérations fiscales, suivant leurs activités. Ainsi, au titre de l’article 27 de la loi de finances n° 2020-46, les biens, travaux, prestations, produits, matériels et équipements importés et acquis localement – à l’exclusion des voitures de tourisme –, livrés ou financés au titre d’un don aux associations œuvrant dans le domaine de la promotion des personnes handicapées et dans celui du soutien et de l’assistance des personnes sans soutien familial, bénéficient d’une suspension de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). De même, le Code de la taxe sur la valeur ajoutée stipule que les associations peuvent bénéficier de la suspension de la TVA pour des biens, marchandises, travaux et prestations livrés à titre de don dans le cadre de la coopération internationale, sur présentation d’une attestation délivrée à cet effet par le bureau de contrôle des impôts compétent.30 Cela implique de présenter à ce bureau un certain nombre de documents et de justificatifs relatifs aux activités de l’association ainsi qu’aux accords de don, un processus compliqué et chronophage, qui soumet en outre les OSC à des risques accrus de sanctions financières et de contrôles financiers. L’élaboration d’un guide sur les dispositions applicables aux associations suivant leur activité, ainsi que sur les procédures et conditions d’exemption pourrait répondre au problème du manque de clarté du cadre et aider les associations à mieux se conformer à leurs obligations. De plus, afin d’actionner le levier de soutien indirect que représente une fiscalité adaptée, la Tunisie pourrait envisager de mettre en place un système de taxation avantageux propre aux OSC.

Ce chapitre a mis en exergue que l’environnement opérationnel des OSC tunisiennes, bien que globalement propice, présente également différents défis, dont certains d’ampleur. Parmi les défis principaux déjà cités, il y a ceux relatifs à l’enregistrement des associations, à leur inscription au RNE, aux mesures de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, au manque d’une stratégie étatique globale de soutien, au faible financement public et à la dépendance des bailleurs de fonds étrangers. Cependant, d’autres défis existent et peuvent entraver l’efficacité de la société civile en tant que force de proposition et de veille.

En premier lieu, l’image de la société civile, longtemps largement positive, s’est en partie détériorée.31 Cela peut être imputé à des amalgames concernant le risque que des associations soient utilisées à des fins de financement illicite, des interprétations inexactes culpabilisant les OSC pour l’inscription de la Tunisie sur la liste noire du GAFI et de l’UE, des médias qui ne donnent pas une image précise des associations, des campagnes de diffamation accusant certaines OSC d’être politisées, ainsi qu’à une perte de confiance généralisée envers les institutions publiques, qui affecte aussi la société civile. Des campagnes de communication publique soulignant l’importance de la société civile dans la transition démocratique tunisienne pourraient aider à inverser cette tendance. Le renforcement de l’accès des OSC aux médias, notamment audiovisuels, à travers des mesures incitatives prises par exemple par la HAICA leur permettrait également d’accroître leur visibilité auprès de la population et de mettre en avant leur champ d’action et leur contribution à la vie publique. Le Centre Ifeda pourrait également accompagner ces initiatives à travers la poursuite des efforts de formation sur les techniques de communication à destination des OSC. Quant aux associations, elles devraient respecter scrupuleusement les dispositions du décret-loi n°2011-88 relatives à l’enregistrement, au statut et à la gestion financière transparente, afin de contribuer à prévenir toute suspicion dans l’opinion publique.

En outre, la question des capacités des associations elles-mêmes se pose. Les OSC tunisiennes sont souvent divisées en deux grandes catégories. La première est constituée des associations qui ont accès aux financements des bailleurs internationaux, qui disposent de personnel salarié, de bureaux, et qui présentent en général un niveau élevé de professionnalisme (dans la mise en œuvre des activités, mais aussi dans la gestion interne) ; il s’agit d’associations bien connues et presque toujours établies dans la capitale ou les autres grandes villes du pays. La seconde catégorie est constituée d’associations essentiellement volontaires, composées de bénévoles qui consacrent à l’activité associative leur temps libre ; ce sont des OSC qui, dans la plupart des cas, n’ont ni bureau ni salarié. Les associations de cette dernière catégorie, largement majoritaires numériquement, ont souvent de faibles capacités humaines, financières, opérationnelles et d’organisation interne, ce qui limite leur impact, malgré une motivation et un engagement parfois très importants. Selon certaines OSC, la question de l’organisation interne constitue un débat permanent et une véritable problématique influant sur la durabilité des activités des associations.32 Même les grandes associations déclarent ne pas disposer de suffisamment de temps et de fonds pour travailler en profondeur sur cette question, et ainsi établir les fondations de la pérennité de la société civile en Tunisie.

Un autre défi pourrait aussi relever du manque d’une plateforme nationale de la société civile, qui puisse servir de forum de coordination et permette aux associations de parler d’une seule voix sur des thématiques d’intérêt commun. Les OSC tunisiennes travaillent souvent de concert. Ces coalitions sont cependant souvent informelles et ad hoc, focalisées sur une campagne ou une thématique spécifique, bien que le décret-loi n° 2011-88 permette la création de réseaux formels (chapitre IV du décret-loi). La création d’une plateforme nationale n’est pas une tâche facile, compte tenu de l’hétérogénéité de la société civile tunisienne, mais elle pourrait renforcer la force et la légitimité de l’action de plaidoyer sur des sujets concernant l’ensemble du secteur associatif. Les entretiens ont en effet montré la difficulté pour certaines associations d’avoir une visibilité sur les champs d’action d’autres associations, ce qui diminue les possibilités de trouver des synergies et de mettre en place des collaborations.33

Les associations situées en dehors de la capitale, et en particulier celles qui opèrent dans un contexte rural loin de Tunis et des grandes villes du littoral, font face à des défis supplémentaires. En effet, les structures de soutien et de suivi sont essentiellement établies dans la capitale, et les outils numériques ne sont pas encore très développés ou utilisés, ce qui rend plus difficiles – pour ces organisations – les relations avec les autorités, l’accès aux réseaux et à l’information (par exemple, concernant les financements), mais aussi les démarches telles que l’enregistrement. Certaines institutions, telles que le Centre Ifeda ou la Direction de la relation avec la société civile, ont cependant fourni des efforts en tentant régulièrement de décentraliser leurs activités et en organisant des formations et séminaires en région, afin d’atteindre les associations locales. Ce clivage entre la capitale et les zones économiquement plus avancées d’un côté, et les régions de l’intérieur de l’autre, est une caractéristique de la Tunisie et n’est pas spécifique au monde associatif (Institut national des statistiques et Banque mondiale, 2020[52]). La poursuite des initiatives de renforcement des capacités, y compris en gestion financière et administrative, des associations en dehors de la capitale représente à ce titre un levier important contribuant à résorber les inégalités géographiques.

Enfin, les OSC travaillant sur des thématiques sensibles comme la promotion et la défense des minorités (ethniques, religieuses ou sexuelles) seraient confrontées à plus de défis et à une plus grande probabilité de rencontrer des difficultés dans la pratique, bien que le cadre légal interdise toute discrimination. Selon elles, elles seraient suivies, observées et interpellées par les autorités bien plus que les autres associations travaillant dans des domaines considérés comme moins délicats. Ces sujets seront abordés plus en détail dans le chapitre 7.

Références

[10] Al Bawsala (s.d.), Al Bawsala, https://www.albawsala.com/ (consulté le 5 juillet 2021).

[11] Al Bawsala (s.d.), Marsad Majlis, https://majles.marsad.tn/ar/ (consulté le 14 juin 2021).

[14] Al-Kawakibi Democracy Transition Center (2017), Bridging the Gaps between Legal Texts and Administrative Aractices with Regard to Freedom of Association, https://www.kawakibi.org/wp-content/uploads/2020/02/Policy-Brief-Eng-CSO-draft.pdf.

[7] Boussen, Z. (2018), L’Érosion de la liberté d’association en Tunisie, https://www.kawakibi.org/wp-content/uploads/2020/01/Policy-Brief-Vs-Fran%C3%A7aise-1.pdf.

[8] Centre Ifeda (2021), Tableau Général des Associations en avril 2021, http://www.ifeda.org.tn/stats/francais.pdf (consulté le 29 avril 2021).

[23] Commission européenne (2020), La Commission intensifie la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_800 (consulté le 9 juillet 2021).

[20] Commission européenne (2018), « Règlement délégué (UE) 2018/212 de la Commission du 13 décembre 2017 portant modification du règlement délégué (UE) 2016/1675 complétant la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil », Journal officiel de l’Union européenne L41, http://data.europa.eu/eli/reg_del/2018/212/oj.

[31] Cour des comptes (2021), Trente-deuxième rapport annuel de la Cour des comptes, http://www.courdescomptes.nat.tn/upload/rapport32/rapport32.pdf.

[27] CTAF (2019), Rapport d’activité 2018-2019 : Accomplissement du plan d’action du GAFI.

[17] GAFI (2021), FATF-GAFI, https://www.fatf-gafi.org/fr/aproposdugafi/ (consulté le 8 juillet 2021).

[22] Global NPO Coalition on FATF (2021), Tunisia: Lessons in a Successful Multi-Stakeholder Engagement Process, https://fatfplatform.org/stories/tunisia-lessons-in-a-successful-multistakeholder-engagement-process/ (consulté le 7 juillet 2021).

[47] Greater London Authority (2021), Crowdfund London: Five Years of Empowering Communities through Civic Crowdfunding, https://www.london.gov.uk/sites/default/files/crowdfund_london_report_web.pdf.

[28] Human Security Collective, KADEM, GreenAcre Group, ECNL, ICNL (2020), Financial Access (Bank Derisking) Issues Facing Civil Society Organizations in Tunisia, https://www.hscollective.org/assets/Tunisia_Derisking_FINAL.pdf.

[52] Institut national des statistiques et Banque mondiale (2020), Carte de la pauvreté en Tunisie, http://ins.tn/sites/default/files/publication/pdf/Carte%20de%20la%20pauvret%C3%A9%20en%20Tunisie_final_0.pdf.

[44] Jamaity (à paraître), Cartographie des appuis techniques et financiers à destination des organisations de la société civile en Tunisie.

[15] Kaye, D. et al. (2019), Communication à la Tunisie : Mandats du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ; du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, AL TUN 4/2018, https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=24235.

[18] MENAFAFT/GAFIMOAN (2016), Tunisia: Mutual Evaluation Report 2016, https://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/reports/mer-fsrb/Tunisia_MER_2016_EN.pdf.

[19] MENAFATF/GAFIMOAN (2017), 2nd Enhanced Follow-up Report for Tunisia, Re-Ratings Request – The Republic of Tunisia, 6 décembre 2017, https://www.fatf-gafi.org/countries/s-t/tunisia/documents/fur-tunisia-2017.html.

[50] Ministère des Finances (2019), « Note commune n° 10/2019 de la Direction générale des études et de la législation fiscales », https://doc-fiscale.finances.gov.tn/cimf-internet/page/document/fr/preview?path=/Notes%20communes/2019/Note%20Commune%20N%C2%B010.pdf.

[41] Ministère des Finances (2018), Subventions accordées aux amicales et associations – 2015, 2016, 2017, http://www.finances.gov.tn/sites/default/files/2018-11/associations_traitement.pdf.

[26] Ministère des Finances (2016), « Arrêté du ministre des Finances du 1er mars 2016, portant fixation des montants prévus aux articles 100, 107, 108, 114 et 140 de loi n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent », Journal officiel de la République tunisenne, vol. 20, pp. 678 - 679, https://legislation-securite.tn/fr/law/45600.

[2] Mnasri, A. (2016), Enabling Environment National Assessment of Civil Society in Tunisia, https://www.civicus.org/documents/reports-and-publications/eena-reports/eena-tunisia-en.pdf.

[16] Ní Aoláin, F. (2019), Report of the Special Rapporteur on the Promotion and Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms while Countering Terrorism, (Report No. A/HRC/40/52) New York, NY : United Nations.

[49] OCDE (2021), Civic Space Scan of Finland, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/f9e971bd-en.

[1] OCDE (2020), Civic Space Scan Analytical Framework in the Area of Open Government, GOV/PGC/OG(2020)6, OCDE, Paris.

[30] OSCE, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme et Commission de Venise (2015), Lignes directrices sur la liberté d’association, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme, https://www.osce.org/files/f/documents/c/1/200736.pdf.

[21] Parlement européen (2018), La Tunisie sur la liste noire de la Commission des pays exposés au blanchiment de capitaux, https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20180202IPR97031/la-tunisie-sur-la-liste-noire-des-pays-exposes-au-blanchiment-de-capitaux (consulté le 9 juillet 2021).

[35] Présidence du gouvernement (2018), « Décret gouvernemental n° 2018-741 du 16 août 2018, rattachant des structures à la Présidence du gouvernement », Journal Officiel de la République Tunisienne, vol. 72, p. 2988, https://legislation-securite.tn/fr/law/104370.

[40] Présidence du gouvernement (2016), « Décret gouvernemental n° 2016-568 du 17 mai 2016, complétant le décret n°2013-5183 du 18 novembre 2013, fixant les critères, les procédures et les conditions d’octroi du financement public pour les associations », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 40, pp. 1572 - 1573, https://legislation-securite.tn/law/45798.

[39] Présidence du gouvernement (2015), « Décret gouvernemental n° 2015-278 du 1er juin 2015, complétant le décret n° 2013-5183 du 18 novembre 2013, fixant les critères, les procédures et les conditions d’octroi du financement public pour les associations », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 46, pp. 1125 - 1226, https://legislation-securite.tn/law/44954.

[9] Prix Nobel (2015), Prix Nobel de la Paix 2015 – Annonce, https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2015/9355-prix-nobel-de-la-paix-2015/ (consulté le 12 juillet 2021).

[42] République Tunisienne (2017), « Loi n° 2017-63 du 16 novembre 2017, portant loi de finances complémentaire pour l’année 2017 », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 92, pp. 3931 - 3940.

[38] République Tunisienne (2013), « Décret n° 2013-5183 du 18 novembre 2013, fixant les critères, les procédures et les conditions d’octroi du financement public pour les associations », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 102, p. 3583, https://legislation-securite.tn/law/44077.

[45] République tunisienne (2020), « Loi n° 2020-30 du 30 juin 2020, relative à l’économie sociale et solidaire », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 63, pp. 1399 - 1404, https://cdn2.webmanagercenter.com/wmc/wp-content/uploads/2020/07/Loi2020_30.pdf.

[46] République tunisienne (2020), « Loi n° 2020-37 du 6 août 2020, relative au « crowdfunding » », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 81, pp. 1743 - 1751, http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/download/news/2020/Loi_Crowdfunding-n2020-37.pdf.

[37] République tunisienne (2019), « Loi organique n° 2019-41 du 30 avril 2019 relative à la Cour de compte », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 39, https://legislation-securite.tn/law/104563.

[25] République tunisienne (2019), « Loi organique n° 2019-9 du 23 janvier 2019, modifiant et complétant la loi organique n°2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la prévention du blanchiment d’argent », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 9, pp. 203 - 210, https://legislation-securite.tn/fr/law/104480.

[51] République tunisienne (2018), « Loi n° 2018-56 du 27 décembre 2018, portant loi de finances pour l’année 2019 », Journal Officiel de la République Tunisienne 104, pp. 4526 - 4700.

[29] République tunisienne (2018), « Loi n°2018-52 du 29 octobre 2018, relative au Registre national des entreprises », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 89, https://legislation-securite.tn/fr/law/104426.

[34] République tunisienne (2016), « Décret gouvernemental n° 2016-465 du 11 avril 2016, portant création du ministère de la Relation avec les Instances constitutionnelles et la Société civile et des Droits de l’Homme et fixant ses compétences et ses attributions », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 30, pp. 1186 - 1188, https://legislation-securite.tn/fr/law/45698.

[24] République tunisienne (2015), « Loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent », Journal Officiel de la République Tunisienne 63, pp. 1735 - 1761, https://legislation-securite.tn/law/44992.

[12] République tunisienne (2014), Constitution de la République tunisienne, https://lib.ohchr.org/HRBodies/UPR/Documents/Session27/TN/6Annexe4Constitution_fr.pdf.

[33] République tunisienne (2013), « Décret n° 2013-4573 du 8 novembre 2013, modifiant et complétant le décret n° 2012-641 du 25 juin 2012 portant création d’une unité au sein de la Présidence du gouvernement », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 93, https://legislation-securite.tn/fr/law/44005.

[32] République tunisienne (2012), « Décret n° 2012-641 du 25 juin 2012 portant création d’une unité au sein de la présidence du gouvernement », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 50, https://legislation-securite.tn/fr/law/43679.

[5] République tunisienne (2011), « Décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 74, pp. 1977 - 1982, https://www.acm.gov.tn/upload/1410083987.pdf.

[36] République tunisienne (2000), « Décret n° 2000-688 du 5 avril 2000, portant création du centre d’information, de formation, d’études et de documentation sur les associations et fixant son organisation administrative et financière et les modalités de son fonctionnement », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 29, pp. 815 - 818.

[48] République tunisienne (1984), « Loi n° 84-63 du 6 Août 1984, portant organisation et développement des activités physiques et sportives », Journal officiel de la République tunisienne, vol. 47.

[4] Shahin, Y. (2018), Pushing Back against Narrowing Space for Civil Society in Tunisia, Center for Strategic and International Studies, https://csis-website-prod.s3.amazonaws.com/s3fs-public/publication/181220_PushingBackTunisia_0.pdf.

[3] USAID, ICNL et FHI 360 (2020), 2019 Civil Society Organization Sustainability Index, https://www.fhi360.org/sites/default/files/media/documents/csosi-mena-2019-report.pdf.

[43] USAID, ICNL et FHI 360 (2020), 2019 Civil Society Organization Sustainability Index: Central and Eastern Europe and Eurasia 23rd Edition – October 2020, https://www.fhi360.org/sites/default/files/media/documents/csosi-europe-eurasia-2019-report.pdf.

[6] V-Dem (2020), Variable Graph, https://www.v-dem.net/data_analysis/VariableGraph/ (consulté le 12 janvier 2022).

[13] Voule, C. (2019), Visite en Tunisie : Rapport du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, https://undocs.org/fr/A/HRC/41/41/Add.3.

Notes

← 1. Table ronde avec des organisations de la société civile, 29 avril 2021.

← 2. Séance de consultation de la société civile, Tunis, 26 février 2021 ; table ronde avec des organisations de la société civile, 29 avril 2021.

← 3. Chiffre du Centre Ifeda, tableau de recensement des associations en Tunisie, 12 avril 2021.

← 4. Cette classification est opérée à des fins scientifiques par le Centre Ifeda au moment du recensement manuel des associations enregistrées, mais ne correspond pas à une classification officielle exigée par le gouvernement au moment de l’enregistrement.

← 5. Voir les sites Internet de l’association I Watch, https://www.iwatch.tn/, de l’ATCP, http://atcp.org.tn/, et de Cabrane, http://cabrane.com/.

← 6. Séance de consultation de la société civile, Tunis, 26 février 2021 ; table ronde avec des organisations de la société civile, 29 avril 2021.

← 7. Entretien avec la Direction des relations avec la société civile, Présidence du gouvernement, 12 avril 2021.

← 8. Ibid.

← 9. Séance de consultation de la société civile, Tunis, 26 février 2021.

← 10. Entretien avec une organisation de défense des droits des minorités, 6 mai 2021.

← 11. La recommandation 8 du GAFI exige que les lois et règlements qui régissent les organisations à but non lucratif soient revus, afin de limiter le risque que ces organisations ne soient utilisées pour le financement du terrorisme, https://www.fatf-gafi.org/fr/documents/documents/meilleures-pratiques-abus-obnl.html.

← 12. La motivation du GAFI est la suivante : « The FATF welcomes Tunisia's significant progress in improving its AML/CFT regime and notes that Tunisia has strengthened the effectiveness of its AML/CFT regime and addressed related technical deficiencies to meet the commitments in its action plan regarding the strategic deficiencies that the FATF identified in November 2017. Tunisia is therefore no longer subject to the FATF's monitoring process under its ongoing global AML/CFT compliance process », https://www.fatf-gafi.org/countries/d-i/iceland/documents/fatf-compliance-october-2019.html.

← 13. Entretien avec la Présidence du gouvernement, 12 avril 2021.

← 14. Table ronde avec des organisations de la société civile, 29 avril 2021.

← 15. Ibid.

← 16. Ibid.

← 17. Un questionnaire a été envoyé à 600 associations sélectionnées de manière aléatoire, parmi lesquelles 233 ont répondu.

← 18. Entretien avec la Commission tunisienne des analyses financières, 21 mai 2021.

← 19. Table ronde avec des organisations de la société civile, 29 avril 2021.

← 20. Ibid.

← 21. Entretien avec le Centre national du registre des entreprises, 27 avril 2021.

← 22. Ibid.

← 23. Table ronde avec des organisations de la société civile, 29 avril 2021 ; Entretien avec la Présidence du gouvernement, 22 mars 2021.

← 24. Entretien avec la Direction générale de la relation avec la société civile, Présidence du gouvernement, 12 avril 2021.

← 25. Ibid.

← 26. Chiffres communiqués au Secrétariat de l’OCDE par le Centre Ifeda.

← 27. Séance de consultation de la société civile, Tunis, 26 février 2021 ; table ronde en ligne avec des organisations de la société civile, 29 avril 2021.

← 28. Entretiens avec la Présidence du gouvernement, 22 mars 2021 et 12 avril 2021.

← 29. Table ronde avec les organisations de la société civile organisée par l’ambassade d’Allemagne en Tunisie, 2 juillet 2021.

← 30. Article 13 bis du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.

← 31. Séance de consultation de la société civile, Tunis, 26 février 2021.

← 32. Table ronde avec les organisations de la société civile organisée par l’ambassade d’Allemagne en Tunisie, 2 juillet 2021.

← 33. Séance de consultation de la société civile, Tunis, 26 février 2021.

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