Chapitre 4. Méthode de l’évaluation contingente

La méthode de l’évaluation contingente (EC) constitue une approche fondée sur les préférences déclarées dans laquelle il est directement demandé aux personnes interrogées d’indiquer leur consentement à payer (ou à accepter une compensation) pour une variation hypothétique de l’offre d’un bien non marchand. Elle est applicable dans un large éventail de situations, y compris celles où il s’agit de mesurer des changements futurs et des changements impliquant des valeurs de non-usage. Comme le montre le présent chapitre, d’abondantes données d’expérience peuvent désormais être trouvées dans les études consacrées à l’évaluation contingente, et elles peuvent éclairer les réflexions actuelles sur les moyens d’assurer une bonne conception des enquêtes et la robustesse des évaluations. C’est là quelque chose d’essentiel puisque la question de la validité de la méthode demeure au cœur du débat, ce qui transparaît dans l’examen de problèmes et de biais particuliers. Certains de ces problèmes sont de plus en plus étudiés à la lumière des enseignements de l’économie comportementale. D’autres évolutions notables, dont la montée en puissance des enquêtes en ligne, ont contribué pour une large part à permettre des applications plus étendues et à soumettre à un examen plus approfondi les biais et les mécanismes pouvant permettrede les atténuer.

    

4.1. Introduction

La méthode de l’évaluation contingente (EC) est une technique fondée sur les préférences déclarées mises en œuvre au moyen d’enquêtes permettant d’obtenir des informations sur les comportements que les individus envisagent d’adopter à l’avenir sur des marchés fictifs. Un questionnaire d’évaluation contingente décrit un marché hypothétique sur lequel le bien considéré peut faire l’objet de transactions. Ce marché contingent décrit le bien lui-même, dans quel contexte institutionnel il serait fourni, et quel en serait le mode de financement. Il est directement demandé aux personnes interrogées d’indiquer leur consentement à payer (ou leur consentement à accepter) pour une variation hypothétique de l’offre du bien considéré (Mitchell et Carson, 1989). Les personnes interrogées sont supposées se comporter de la même manière que si elles se trouvaient sur un marché réel.

Un des atouts des méthodes des préférences déclarées réside dans leur souplesse. Du fait de sa nature hypothétique et vu qu’elle n’est pas tributaire des marchés existants, la méthode de l’évaluation contingente peut être théoriquement appliquée à la plupart des biens ou services non marchands, tout comme aux variations passées et futures, et elle constitue en outre une des rares approches à même de rendre compte de tous les types d’avantages qu’ils pourraient procurer, et notamment de ceux qui ne sont liés ni à leur usage présent ni à celui qu’ils seraient susceptibles d’avoir à l’avenir, c’est-à-dire des « valeurs de non-usage ».

L’idée de l’évaluation contingente a d’abord été formulée par von Ciriacy-Wantrup (1947) et sa première application a été entreprise par Davis (1963) pour évaluer les avantages liés aux activités récréatives de plein air. Au fil du temps, l’évaluation contingente est devenue la méthode prépondérante parmi celles fondées sur les préférences déclarées, largement appliquée à l’évaluation d’un vaste éventail de variations d’éléments non marchands dans les pays développés comme dans ceux en développement : qualité de l’eau, loisirs de plein air, sauvegarde des espèces, protection des forêts, qualité de l’air, agrément esthétique, gestion des déchets, amélioration de l’assainissement, biodiversité, impacts sur la santé, dommages aux ressources naturelles, réduction des risques environnementaux, patrimoine culturel et nouvelles technologies énergétiques, pour n’en citer que quelques-uns. Cette expansion a en grande partie été impulsée par les conclusions du groupe de travail spécial constitué en 1993 par l’Administration océanique et atmosphérique nationale des États-Unis (National Oceanic and Atmospheric Administration ou NOAA) à la suite de la marée noire provoquée par l’Exxon Valdez en Alaska en 1989 (Nelson, 2017). Ce groupe de travail a en effet considéré que, sous réservequ’un certain nombre de recommandations de bonnes pratiques soient respectées, les études d’évaluation contingente pourraient offrir des estimations suffisamment fiables pour que les autorités judiciaires puissent s’en servir pour déterminer le montant des dommages infligés aux ressources naturelles. Et malgré les critiques formulées alors par certains (par exemple Diamond et Hausman, 1994), le nombre d’études d’évaluation contingente a sensiblement augmenté depuis. En 2011, Carson a publié une bibliographie annotée des études d’évaluation contingente (publiées ou non) : elle comportait plus de 7 500 références issues de plus de 130 pays (Carson, 2011). En outre, une recherche bibliographique sur Web of Science à l’aide du terme anglais « contingent valuation » a produit près de 6 000 résultats en janvier 2017.

Près de vingt-cinq ans se sont désormais écoulés depuis les délibérations de la NOAA et il n’est nullement exagéré de dire qu’un examen des expérimentations et des évolutions méthodologiques survenues dans le domaine des méthodes fondées sur les préférences déclarées, et de l’évaluation contingente en particulier, pourrait donner matière à plusieurs volumes. Au cours des années qui se sont écoulées depuis, les méthodes fondées sur les préférences déclarées ont été couramment appliquées par les pouvoirs publics. Des lignes directrices élaborées à la demande des autorités sont désormais disponibles, qu’elles portent de manière générale sur l’utilisation de ces méthodes pour éclairer l’action publique au Royaume-Uni (Bateman et al., 2002) ou qu’elles fournissent des indications spécifiques pour certains secteurs (voir par exemple Bakhshi et al., 2015, pour le secteur culturel au Royaume-Uni). Des lignes directrices à la pointe du progrès couvrant la plupart des aspects de l’évaluation non marchande (environnementale) ont également été publiées aux États-Unis (Champ et al., 2003).

Ces évolutions ne se sont pas limitées à l’application des outils en question au domaine de l’économie de l’environnement. Des interactions fructueuses se sont par ailleurs produites, par exemple avec l’économie de la santé ou plus récemment avec celle de la culture ou des sports, ainsi qu’avec d’autres domaines d’action des pouvoirs publics. Par ailleurs, les recherches sur les méthodes des préférences déclarées ont également contribué aux progrès accomplis par les sciences économiques dans leur ensemble. Selon Kerry Smith (2006), « l’évaluation contingente a donné lieu à l’étude la plus sérieuse des préférences individuelles jamais entreprise dans le cadre des sciences économiques » (p. 46). En particulier, la récente montée en puissance des sciences économiques comportementales et expérimentales doit beaucoup aux recherches sur les anomalies dans les méthodes des préférences déclarées (Carson et Hanemann, 2005 ; Carlsson, 2010 ; Nelson, 2017). Les perspectives sont particulièrement prometteuses puisque l’on sait à présent bien mieux dans quels cas ces méthodes donnent de bons résultats – et débouchent sur des conclusions valables et fiables – et dans quelles circonstances il faut s’attendre à des difficultés. Les recherches dans le domaine de l’économie comportementale ont montré que certaines des anomalies initialement décelées sur lesmarchés hypothétiques s’observent également sur les marchés réels et constituent une caractéristique inévitable de la manière dont les individus se comportent et réagissent aux incitations et à l’information (plutôt qu’une défaillance propre à l’évaluation contingente). Ces constatations ont grandement contribué à faire progresser les meilleures pratiques, par exemple en matière de conception des questionnaires d’évaluation contingente.

Cependant, malgré des milliers d’études, de nombreux progrès méthodologiques et une application largement répandue, l’évaluation contingente reste controversée. Les détracteurs de longue date, tels que Jerry Hausman, demeurent sceptiques quant aux mérites des préférences déclarées et de l’évaluation contingente en particulier. En 1994, Diamond et Hausman ont publié une critique souvent citée de la méthode de l’évaluation contingente (Diamond et Hausman, 1994) dans laquelle ils émettent des doutes sur sa validité en mettant l’accent sur l’insensibilité à l’étendue. Plus récemment, en 2012, Hausman s’en est de nouveau pris sans ménagement à l’évaluation contingente en faisant valoir qu’il s’agit d’une méthode « sans espoir » malgré l’abondance des expériences et des avancées accumulées entre-temps (Hausman, 2012). Trois limites potentielles bien connues auxquelles se heurte l’évaluation contingente, à savoir le biais hypothétique, l’insensibilité à l’étendue et l’écart entre le CAP et le CAA, demeurent pour lui un sujet de préoccupation. Après un passage en revue « sélectif » des études d’évaluation contingente, il parvient à la conclusion que les personnes interrogées « fournissent des réponses improvisées sur le moment » et que « mieuxvaut encore ne disposer d’aucun chiffre que d’un chiffre issu d’une évaluation contingente ». Hausman poursuit en préconisant, de manière controversée, le recours aux experts pour déterminer les valeurs économiques. Un examen détaillé et des arguments en sens contraire pourront être trouvés dans Kling et al. (2012), Carson (2012) et Haab et al. (2013).

Le présent chapitre s’attache à passer en revue certains des principaux progrès récemment enregistrés par l’évaluation contingente, puis en tient compte pour offrir un examen critique des éléments permettant d’apprécier la validité de cette approche. La section 4.2 décrit brièvement le cadre conceptuel. La section 4.3 examine et évalue un certain nombre d’éléments fondamentaux susceptibles de favoriser une bonne conception de l’enquête, en partant du principe qu’il est bien plus probable de trouver des estimations valables et fiables des valeurs non marchandes dans les études prenant appui sur la vaste expérience qui peut être tirée des travaux sur l’évaluation contingente. La section 4.4 se penche sur la question de l’écart entre le CAP moyen et le CAP médian – qui s’avère particulièrement importante lors de l’agrégation des résultats des études fondées sur les méthodes des préférences déclarées. La section 4.5 se penche sur les éléments permettant d’en apprécier la validité et la fiabilité et offre un examen critique d’un certain nombre de difficultés et de biais potentiels qui risquent de figurer parmi les principaux problèmes rencontrés par les praticiens de l’évaluation contingente. La section 4.6 propose une vue d’ensemble des évolutions récentes, telles que l’influence exercée par les travaux connexes du domaine de l’économiecomportementale et la montée en puissance des enquêtes en ligne. Enfin, la section 4.7 formule quelques remarques en guise de conclusion ainsi que des recommandations à l’intention des pouvoirs publics.

4.2. Fondements théoriques

La valeur d’un bien ou service non marchand est liée à son impact sur le bien-être humain, mesuré en termes monétaires. Hicks (1943) a proposé quatre mesures de la valeur économique permettant de maintenir l’utilité constante, contrairement à la rente du consommateur de Marshall, qui maintient les revenus constants. Les mesures du bien-être proposées par Hicks comprennent la variation compensatoire et la rente compensatoire, qui mesurent les gains ou les pertes par rapport au niveau d’utilité initial (autrement dit, le droit de propriété implicite est lié à la situation de statu quo) ; et la variation équivalente et la rente équivalente, qui mesurent les gains ou les pertes par rapport à un nouveau niveau d’utilité (autrement dit, le droit de propriété implicite est lié à la nouvelle situation) (Mitchell et Carson, 1989). Les mesures correspondant aux variations sont utilisées pour évaluer les effets des changements de prix, l’individu pouvant réagir en faisant varier les quantités du bien ou du service considéré, alors que les mesures relatives aux rentes sont utilisées dans les situations impliquant des modifications de la quantité ou de la qualité des biens et des services, l’individu ne pouvant dépenser qu’une somme fixe pour se les procurer (Freeman, 1994). Une explication plus détaillée des mesures du bien-être proposées par Hicks se trouve à l’annexe 4.A1. La plupart des applications au domaine de l’environnementportent sur des situations donnant lieu à des augmentations ou à des diminutions fixes de la quantité ou de la qualité d’un bien ou d’un service non marchand. Dans ce type de contextes, les mesures appropriées du bien-être sont donc les mesures de la rente compensatoire et de la rente équivalente proposées par Hicks (Freeman, 1994) :

  • la rente compensatoire (RC) correspond à la variation des revenus, acquittée ou reçue, qui permettra à l’individu de conserver son niveau de bien-être initial après une variation de la disponibilité du bien ou du service ;

  • la rente équivalente (RE) correspond à la variation des revenus, acquittée ou reçue, qui permettra à l’individu de bénéficier du niveau de bien-être consécutif en l’absence de variation de la disponibilité du bien ou du service.

De manière formelle, pour une amélioration du bien-être, ces mesures du bien-être peuvent être exprimées comme suit (Freeman, 1993) :

picture [4.1]

picture [4.2]

u désigne la fonction d’utilité indirecte, M un montant monétaire ou un revenu, Q le bien non marchand, RC la rente compensatoire, RE la rente équivalente, et où les exposants 0 et 1 indiquent respectivement les situations antérieure et postérieure à la variation de la disponibilité du bien non marchand.

Selon que la variation considérée a un effet positif ou négatif sur le bien-être, la rente compensatoire (RC) et la rente équivalente (RE) peuvent être reformulées en termes de consentement à payer (CAP) ou de consentement à accepter (CAA). Le tableau 4.1 récapitule les quatre mesures envisageables (Freeman, 1994).

Tableau 4.1. Mesures du bien-être par la rente compensatoire et par la rente équivalente proposées par Hicks

Rente compensatoire (RC)

Rente équivalente (RE)

Gain de bien-être

(1) CAP pour s’assurer la variation positive

(2) CAA une compensation pour renoncer à la variation positive

Perte de bien-être

(3) CAA une compensation pour supporter la variation négative

(4) CAP pour éviter la variation négative

4.3. Conception d’un questionnaire d’évaluation contingente

Tout comme pour les autres techniques fondées sur des enquêtes, un questionnaire bien conçu constitue un élément fondamental des études d’évaluation contingente. C’est en effet un instrument de collecte d’informations qui regroupe diverses questions expressément destinées à obtenir les renseignements souhaités (Dillon et al., 1994). La conception du questionnaire pourrait paraître aller de soi puisqu’il suffirait de réunir une série de questions portant sur le sujet considéré. Cette apparente simplicité est toutefois à l’origine de bon nombre d’enquêtes mal conçues qui aboutissent à des résultats faussés, inexacts et sans aucune utilité tout en imposant des coûts parfois très élevés. Le libellé, la forme, le contenu, l’ordre et la structure des questions même les plus simples exigent en effet mûre réflexion si l’on veut recueillir des informations dignes de foi1. Les projets de questionnaire doivent par ailleurs être testés avec succès avant que l’on puisse affirmer qu’ils sont prêts à être utilisés sur le terrain. Mitchell et Carson (1989, p. 120) font remarquer que :

« le principal problème qui se pose à ceux chargés de concevoir une étude d’évaluation contingente consiste à faire en sorte que le scénario paraisse suffisamment compréhensible, plausible et sensé aux personnes interrogées pour qu’elles puissent effectivement exprimer des valeurs valables et fiables malgré leur méconnaissance d’un ou plusieurs aspects dudit scénario ».

Cette section présente les principes fondamentaux auxquels doit obéir la conception des questionnaires d’évaluation contingente, qui s’attachent généralement à obtenir des informations sur les préférences individuelles, exprimées en termes monétaires, concernant les variations quantitatives ou qualitatives de l’offre de biens ou services non marchands. Ces questionnaires visent à déterminer la valeur estimée que les individus attribuent à la concrétisation ou au contraire à l’évitement des changements considérés. Pour exprimer ces préférences sous forme monétaire, il faut établir quel est le consentement à payer (CAP) maximal ou le consentement à accepter (CAA) minimal des individus pour les diverses variations envisagées. Autrement dit, les questionnaires d’évaluation contingente sont des instruments d’enquête constitués d’une série de questions destinées à estimer la valeur monétaire de certaines modifications subies par un bien non marchand. Ces changements sont généralement de nature hypothétique.

La plupart des instruments d’enquête utilisés dans le cadre des études d’évaluation contingente comportent trois grands volets.

On commence d’ordinaire par poser aux personnes interrogées une série de questions sur leurs attitudes et leurs comportements face au bien public à évaluer, afin de les préparer à répondre à la question relative à la valeur qu’elles lui attribuent, mais aussi pour déterminer quels en sont les principaux facteurs sous-jacents.

Dans un second temps, on présente le scénario contingent aux personnes interrogées et on leur demande quelle serait d’après elles la valeur monétaire du bien considéré. Ce scénario décrit le bien en question et les conditions auxquelles il serait en théorie proposé. Il indique également quelles seraient la qualité et la fiabilité de l’approvisionnement, selon quel calendrier et par quels moyens logistiques il serait assuré, tout comme le mode de paiement envisagé. Les personnes interrogées sont alors invitées à dire quelle valeur elles attribueraient au bien considéré si elles avaient la possibilité de se le procurer dans les conditions indiquées. La question destinée à obtenir cette information peut être posée sous différentes formes comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre. L’existence de biens de substitution et la nécessité de procéder à des ajustements compensatoires des autres postes de dépenses pour que cette transaction financière supplémentaire puisse être effectuée sont par ailleurs rappelées aux personnes interrogées. La conception du scénario contingent et des questions destinées à obtenir une estimation de la valeur constituent les éléments centraux de la méthode d’évaluation contingente.

Enfin, on invite les personnes interrogées à répondre à des questions relatives à leurs caractéristiques socioéconomiques et démographiques afin de vérifier que l’échantillon sur lequel porte l’enquête est bien représentatif de la population concernée, de s’assurer de la similitude des groupes auxquels sont soumises différentes versions du questionnaire et d’examiner comment le consentement à payer des individus varie en fonction de ces caractéristiques.

Des techniques économétriques sont alors appliquées aux résultats de l’enquête en vue d’en tirer les mesures du bien-être souhaitées, telles que le CAP moyen ou le CAP médian (et elles sont en outre utilisées pour expliquer quels sont les principaux déterminants de ceux-ci).

La suite de cette section sera principalement consacrée à l’examen du deuxième volet des questionnaires d’évaluation contingente, dont il constitue l’élément essentiel et qui se compose lui-même de trois éléments interdépendants : i) l’identification du bien à évaluer, ii) l’élaboration du scénario hypothétique, et iii) l’obtention des valeurs monétaires.

4.3.1. Quel changement entraîné par l’action des pouvoirs publics s’agit-il d’évaluer ?

Avant de s’engager dans la conception du questionnaire, les chercheurs doivent avoir une idée très précise du changement entraîné par l’action des pouvoirs publics qu’ils souhaitent évaluer, c’est-à-dire de la ou des variations qualitatives ou quantitatives auxquelles ils s’intéressent, ainsi que du ou des biens ou services non marchands considérés. Il s’agit essentiellement de formuler le problème à évaluer. Mais pour fondamentale qu’elle soit, la tâche risque de ne pas être si simple. Premièrement, il peut exister une certaine incertitude scientifique quant aux impacts physiques de certains changements. Deuxièmement, il est possible que l’on ne sache pas très bien quelle est l’incidence exercée sur le bien-être humain par ces variations des variables physiques. Troisièmement, certaines des modifications en question peuvent avoir des effets difficiles à dépeindre à l’aide de mots ou de phrases aisément compréhensibles pour les personnes interrogées. Quatrièmement, ces changements peuvent parfois s’avérer très complexes et présenter de multiples aspects, d’où la difficulté de les décrire de façon satisfaisante compte tenu du temps et des moyens dont on dispose pour soumettre le questionnaire aux personnes interrogées. Cinquièmement, les descriptions textuelles de certains d’entre eux peuvent n’offrir qu’une image incomplète de la réalité (notamment dans le cas des impacts sonores, olfactifs ou visuels). Le tableau 4.2 offre divers exemples de changements qui pourraient être difficiles à définir.

Tableau 4.2. Exemples de situations à évaluer et de difficultés potentielles

Changements à évaluer

Difficultés

Dommages subis par une rivière à la suite de l’accroissement des prélèvements d’eau

Incertitude scientifique quant aux impacts physiques entraînés par l’accroissement des prélèvements

Difficultés à décrire bon nombre des changements affectant la faune, la flore, l’agrément esthétique, la qualité de l’eau et le potentiel récréatif sans faire crouler les personnes interrogées sous une masse d’informations

Difficultés à distinguer les impacts des prélèvements effectués dans une rivière de ceux réalisés dans les autres

Possibilité que les dommages varient selon les tronçons de la rivière et selon les saisons.

Diminution du risque de contracter une maladie ou une infection

Difficultés de compréhension des variations des risques et des probabilités

Difficultés à faire comprendre la notion de faibles variations des risques

Difficultés à distinguer les impacts prenant la forme de douleurs et de souffrances des coûts des médicaments ou des pertes de salaires.

Dommages occasionnés à un monument historique par les émissions dues à la circulation

Difficultés à distinguer l’impact des émissions atmosphériques dues à la circulation de ceux imputables aux autres sources de pollution

Difficultés à expliquer le type de dommages occasionnés (selon qu’ils se traduisent par exemple par un noircissement ou par une érosion de la pierre)

Difficultés à faire comprendre les impacts esthétiques du changement sans recourir à des supports visuels.

Dommages causés par l’introduction d’un ennemi des cultures

Possibilité que les informations scientifiques soient trop limitées pour permettre d’identifier tous les impacts environnementaux entraînés par les ennemis des cultures

Difficultés à expliquer en termes simples les dommages causés à la biodiversité et aux écosystèmes

Possibilité que les impacts occasionnés par un ennemi des cultures soient trop complexes à expliquer vu le temps limité dont on dispose pour soumettre le questionnaire aux personnes interrogées.

4.3.2. Élaboration du scénario hypothétique

Comme toutes les enquêtes, celles menées dans le cadre de l’évaluation contingente dépendent du contexte. Autrement dit, les valeurs estimées sont fonction des divers éléments du scénario présenté aux personnes interrogées et des questions auxquelles elles sont invitées à répondre. Certains de ces éléments n’auront vraisemblablement guère d’influence sur l’opinion des personnes interrogées alors que d’autres auront sans doute une grande incidence, dont les informations fournies au sujet du bien, le type de questions posées pour en déterminer la valeur, ainsi que la façon dont elles sont formulées, ou encore les indications quant à l’environnement institutionnel et au mode de paiement. La conception du scénario hypothétique et le choix du mode de paiement revêtent donc une importance fondamentale si l’on veut obtenir des réponses précises et fiables.

Le scénario hypothétique se compose de trois éléments essentiels : i) la description du changement envisagé, ii) la description du marché fictif et iii) la description du mode de paiement.

Description du changement envisagé

Dans le cas des politiques n’ayant d’impact que sur une seule variable, la description du changement à évaluer doit avoir lieu en plusieurs étapes. Celle des caractéristiques du bien considéré doit à l’évidence avoir un sens et être compréhensible pour les personnes interrogées. Certaines des difficultés évoquées au tableau 4.2 risquent dès lors de surgir, puisqu’il peut être indispensable de synthétiser une multitude d’informations très complexes au moyen d’un nombre restreint de « grands indicateurs » pertinents. La disponibilité de substituts du bien considéré (qui indique à quel point il est ou non unique à l’échelle locale, nationale ou mondiale) et les autres usages auxquels pourraient être affectées les dépenses correspondantes peuvent avoir une incidence sur les valeurs exprimées par les personnes interrogées, et il devrait à ce titre en être fait mention dans le scénario. Le changement de politique envisagé devrait enfin être décrit, tout comme la manière dont les caractéristiques du bien considéré s’en trouveraient modifiées2. Les niveaux de référence (situation de statu quo ou de départ) et ceux pris pour objectif (état des choses après le changement proposé) doivent en particulier êtreclairement indiqués pour chacune des caractéristiques examinées.

L’évaluation des politiques multidimensionnelles pose des problèmes supplémentaires de conception du questionnaire. Le changement particulier dont il s’agit d’estimer la valeur peut ainsi faire partie intégrante d’une politique plus large prévoyant d’en mener simultanément à bien un certain nombre d’autres (protéger les tigres blancs, mais aussi les rhinocéros noirs, les baleines bleues, les pandas géants et les gorilles des montagnes, par exemple). Il est alors fondamental qu’il apparaisse comme un élément de cet ensemble plus vaste. Les personnes interrogées ont dès lors la possibilité de tenir compte de tous les effets de substitution, de complémentarité et de revenu susceptibles de se produire entre les diverses composantes de cette politique, ce qui n’aurait pas été le cas si l’élément auquel on s’intéresse avait été présenté de façon isolée (d’où de possibles « effets d’enchâssement », les personnes interrogées assimilant la valeur d’une « partie » du changement de politique à celle qu’elles attribuent à l’« ensemble », ce qui aboutit à une surestimation de la valeur du changement particulier considéré).

Une façon de procéder consiste à aller du plus général au plus particulier, les personnes interrogées étant tout d’abord invitées à évaluer la politique d’ensemble puis à répartir ce chiffre global entre ses diverses composantes. La quantité d’éléments dont la valeur peut être estimée selon cette méthode est à l’évidence limitée : la description de chacun d’entre eux est par nécessité d’autant plus brève que leur nombre est plus élevé, d’où une moindre précision du scénario, tandis que les personnes interrogées risquent par ailleurs de se lasser ou de se sentir désorientées. Il convient de noter que l’évaluation contingente peut certes en théorie permettre d’estimer la valeur des changements entraînés par les politiques multidimensionnelles, mais, comme cela a été précédemment indiqué, la modélisation des choix pourrait offrir un moyen plus efficace d’y parvenir (voir chapitre 5).

Description du marché fictif

Le marché fictif renvoie au contexte social dans lequel s’inscrit la transaction hypothétique objet de l’évaluation contingente, c’est-à-dire le changement entraîné par la politique envisagée. Un certain nombre d’éléments du marché fictif revêtent de l’importance.

L’institution chargée de produire le bien ou le changement considéré n’est pas sans importance. Ce peut être une administration publique, une collectivité locale, une organisation non gouvernementale (ONG), un institut de recherche, une entreprise, une œuvre de bienfaisance, etc. Les choix en la matière exerceront une influence sur le CAP étant donné que les personnes interrogées peuvent avoir leur propre opinion quant au niveau d’efficacité, de fiabilité et de crédibilité de ces divers types d’institutions. La faisabilité technique et politique du changement est un élément fondamental dont il doit être tenu compte lors de la conception du questionnaire. Les personnes interrogées ne peuvent fournir des estimations pertinentes de sa valeur que si elles sont convaincues de la faisabilité du scénario décrit.

Les conditions de fourniture du bien recouvrent deux éléments, à savoir l’idée que les personnes interrogées se font de l’obligation de paiement ainsi que leurs attentes concernant cette fourniture. S’agissant du premier point, plusieurs possibilités peuvent se présenter : les personnes interrogées peuvent présumer que la somme à acquitter sera égale au montant qu’elles auront indiqué, mais elles peuvent également penser qu’elle est indéterminée (et qu’elle pourrait tout aussi bien être supérieure ou inférieure au CAP déclaré par elles), tout comme elles peuvent avoir été informées qu’elles auraient à payer un prix forfaitaire ou une certaine proportion des coûts de fourniture. Pour ce qui est du second point, il s’agit fondamentalement de savoir si les personnes interrogées sont ou non convaincues que l’offre du bien dépendra du montant de leur CAP. Ces deux types d’information sont importants étant donné que chacune de leurs combinaisons renvoie à des comportements stratégiques de nature différente (Mitchell et Carson, 1989). Il convient en particulier d’encourager les personnes interrogées à révéler leurs véritables estimations de la valeur, c’est-à-dire de concevoir un système de fourniture compatible avec des incitations. Cette question est abordée à diverses reprises plus loin dans le présent chapitre (voir en particulier l’encadré 4.2).

Le calendrier de fourniture – c’est-à-dire à quel moment et pendant quelle durée le bien serait fourni – doit également être expressément indiqué. Compte tenu des préférences temporelles des individus, un bien aura plus de valeur s’il est proposé aujourd’hui que s’il l’est dans 10 ans. La durée pendant laquelle le bien ou le service serait fourni peut également revêtir une importance cruciale. La valeur d’un programme destiné à sauvegarder les rhinocéros noirs pendant 50 ans ne représente qu’une fraction de celle qu’il aurait eue s’il avait visé à les protéger indéfiniment.

Description du mode de paiement

Un certain nombre d’aspects du mode de paiement devraient être clairement définis dans les questionnaires d’évaluation contingente. Le choix de l’instrument de mesure des avantages constitue une étape tout à fait fondamentale des études d’évaluation contingente. L’encadré 4.1 fait état d’un autre problème, à savoir celui de l’éventuelle existence et de la possible obtention d’un CAP négatif lorsque certaines des personnes interrogées pourraient aussi bien préférer le statu quo.

Encadré 4.1. Obtention d’un CAP négatif

Les décideurs ont souvent à choisir entre un ou plusieurs projets de modification de l’état de l’environnement et le statu quo. Pour les y aider, il peut être fait appel à des techniques d’enquête fondées sur les méthodes des préférences déclarées, dont celle de l’évaluation contingente, en vue d’estimer l’ampleur des avantages en termes de bien-être que procurerait chacune des modifications envisagées. Une certaine variation de l’offre de paysages ruraux pourrait par exemple susciter des avis partagés, une partie des personnes interrogées se montrant favorables à un tel changement alors que d’autres expriment une préférence pour le statu quo. En pareil cas, les praticiens de l’évaluation contingente pourraient envisager de concevoir une enquête qui permette aux personnes interrogées d’attribuer une valeur monétaire au gain ou au contraire à la perte de bien-être qu’entraînerait pour elles le changement considéré.

Un certain nombre d’études, dont celles de Clinch et Murphy (2001) ou de Bohara et al. (2001), ont cherché à examiner le problème de l’obtention d’un CAP négatif. Atkinson et al. (2004) offrent une illustration des problèmes qui peuvent se présenter. Cette étude d’évaluation contingente, relative aux préférences quant à de nouveaux modèles de pylônes supportant les lignes électriques à haute tension, faisait apparaître des avis partagés. Certaines des personnes interrogées étaient en effet favorables à un changement alors que d’autres exprimaient une préférence pour le statu quo. De fait, une partie des personnes interrogées jugeaient certains des nouveaux modèles suffisamment laids pour que le paysage s’en trouve défiguré s’ils étaient installés.

Dans le cas des personnes interrogées qui préféraient l’un des nouveaux modèles à l’existant, le CAP était déterminé à l’aide d’un mode de paiement prenant la forme d’une majoration exceptionnelle de leur facture d’électricité. Pour celles qui préféraient au contraire le type de pylônes existant à certains des nouveaux modèles ou à la totalité d’entre eux, la façon de procéder était moins simple. Elles auraient pu être interrogées sur leur consentement à accepter (CAA) une réduction du montant de leur facture d’électricité à titre de compensation du désagrément imposé par la vision du nouveau modèle de pylônes. Cette réduction pourrait par exemple être justifiée en invoquant la diminution des coûts de maintenance rendue possible par ce nouveau modèle. Dans de telles circonstances, un individu donné pourrait préférer un certain changement au statu quo tout en n’en « préférant pas » un autre. Or, dans le cadre des efforts pour déterminer la valeur respective de chacun des changements envisagés, les personnes interrogées doivent avoir la conviction que ceux auxquels elles accordent leur préférence se traduiraient par une majoration de leur facture d’électricité, alors que ceux qu’elles aimeraient mieux éviter entraîneraient une diminution de son montant. Les auteurs se sont demandé si les personnes interrogées pourraient juger crédibleun tel scénario.

Une autre solution consisterait à demander aux personnes interrogées quelles seraient, parmi une liste de tâches classées par ordre de difficulté croissante, celles qu’elles seraient prêtes à exécuter pour éviter que les pylônes existants soient remplacés par ceux d’un nouveau modèle. Ces tâches sont décrites à la première colonne du tableau 4.3 : signature de pétitions, rédaction de lettres de doléances ou dons à des groupes protestataires. Il est alors possible d’attacher à chacune des actions envisagées une valeur monétaire supposée égale à celle du temps nécessaire à leur réalisation (dans le cas de la rédaction de lettres ou de la signature de pétitions) ou à la somme d’argent investie à cet effet (pour ce qui est des dons).

La seconde colonne du tableau 4.3 indique le montant du CAP correspondant à chacune des actions qui pourraient être entreprises pour éviter le remplacement du modèle existant, en désignant par c la valeur monétaire du temps, de l’effort et de la dépense nécessaires pour écrire une lettre de doléances. Les personnes interrogées qui déclaraient qu’elles ne feraient rien étaient présumées exprimer leur indifférence, c’est-à-dire un CAP égal à zéro pour conserver le modèle existant. Celles qui assuraient qu’elles signeraient une pétition, mais n’iraient pas jusqu’à écrire une lettre à leur député étaient supposées indiquer qu’elles n’étaient pas indifférentes, mais qu’elles ne souffriraient pas d’une perte de bien-être suffisante pour investir le temps, l’effort et la dépense nécessaires à la rédaction d’une telle lettre. Leur CAP était donc supérieur à zéro, mais inférieur à c. Celles qui affirmaient qu’elles écriraient une lettre, mais ne verseraient pas 10 GBP à un groupe protestataire faisaient savoir que leur perte de bien-être était comprise entre c (inclus) et c + 10 GBP (exclu). Celles qui déclaraient qu’elles écriraient une lettre etverseraient 10 GBP à un fonds de financement des actions de protestation, mais n’iraient pas jusqu’à verser 30 GBP indiquaient que leur perte de bien-être se situait dans une fourchette allant de c + 10 GBP (inclus) à c + 30 GBP (exclu). Quant à celles qui se disaient prêtes à faire un don de 30 GBP, on peut en déduire que leur CAP maximal était égal ou supérieur à c + 30 GBP.

Tableau 4.3. Traduction des actions envisagées en estimations du CAP

Action envisagée

CAP supposé pour conserver le modèle existant

Je ne ferai rien, car cela me laisse indifférent

CAP = 0

Je signerai une pétition pour me plaindre à mon député et à ma mairie

0 < CAP < c

Je signerai une pétition et écrirai par ailleurs à ma mairie et/ou à mon député et/ou à la compagnie d’électricité pour me plaindre

c ≤ CAP < 10 GBP + c

Je suis non seulement prêt à signer une pétition et à écrire des lettres de doléances, mais aussi à donner 10 GBP à un groupe coordonnant la protestation

10 GBP + c ≤ CAP < 30 GBP + c

Je suis non seulement prêt à signer une pétition et à écrire des lettres de doléances, mais aussi à donner 30 GBP à un groupe coordonnant la protestation

CAP ≥ 30 GBP + c

Note : c représente la valeur monétaire du temps, de l’effort et de la dépense nécessaires pour écrire une lettre de doléances.

Source : Atkinson et al. (2004).

La valeur de c n’étant pas connue, on est parti du principe qu’il faudrait une heure pour écrire et expédier une telle lettre. Autrement dit, la valeur de c est présumée égale à celle attribuée par le ménage à une heure de son temps. Conformément à une hypothèse fréquemment formulée concernant la valeur du temps consacré à d’autres activités que le travail, c est calculé sur la base du revenu annuel après impôts. La valeur d’une heure de temps est en l’espèce supposée égale à un tiers du taux de salaire, soit approximativement deux millièmes du revenu annuel après impôts du ménage.

Pour ce qui est des modes de paiement susceptibles d’être retenus – c’est-à-dire de la manière dont la fourniture du bien sera financée – il s’agit fondamentalement de choisir entre ceux de nature volontaire et ceux à caractère contraignant. Ces derniers prennent la forme d’impôts, de taxes, de droits et de redevances, ou encore de tarifs. Les premiers consistent quant à eux en des dons et donations. Le mode de paiement constitue un élément essentiel du scénario d’ensemble qu’il s’agit d’évaluer et n’est généralement pas jugé sans incidence sur les résultats de l’enquête. Le choix de modes de paiement tels que l’impôt sur le revenu et les redevances sur l’eau n’est assurément pas sans conséquences, et il est relativement fréquent que des personnes interrogées se refusent à répondre à la question relative à la valeur au motif qu’elles s’opposent par principe au paiement d’impôts ou de redevances sur l’eau de montant plus élevé, même si le changement proposé accroît leur bien-être. Le recours à l’impôt soulève également des problèmes de transparence et de confiance dans les pouvoirs publics, sans compter que les recettes fiscales ne peuvent en règle générale être spécialement affectées à un usage particulier. Il exclut en outre de l’échantillon les personnes non imposables et il risque de ne pas être crédibledans le cas des scénarios qui font appel au CAA, c’est-à-dire qui impliquent un allègement d’impôts. Les paiements volontaires risquent pour leur part d’encourager le resquillage étant donné que les personnes interrogées ont intérêt à surestimer leur CAP afin d’obtenir la fourniture du bien ou du service considérés, la décision de les acquérir ou non dans le futur n’étant (librement) prise qu’à une date ultérieure (voir encadré 4.2). Le choix d’un mode de paiement sous la forme de tarifs pose également des problèmes étant donné que les personnes interrogées peuvent accepter de payer davantage, mais ajuster tout simplement les quantités consommées afin que la dépense totale demeure inchangée.

Encadré 4.2. Contrainte ou volontariat et CAP pour un bien public

Carson, Groves et Machina (2007) ont analysé de façon détaillée dans quels cas les personnes interrogées dans le cadre d’une enquête d’évaluation contingente sont incitées à « resquiller ». Ils parviennent à la conclusion que la fourniture d’un bien public moyennant des contributions volontaires est particulièrement problématique en raison d’une forte incitation à surestimer le CAP lors de l’enquête (s’il ne semble pas y avoir de lien entre le CAP déclaré et le paiement effectif). Une surestimation du CAP hypothétique accroît en effet la probabilité que le bien public considéré soit fourni sans avoir à payer pour en disposer. À l’inverse, les personnes interrogées peuvent décider de resquiller (et déclarer un CAP inférieur à ce qu’elles seraient en réalité prêtes à payer) s’il leur paraît crédible que les valeurs déclarées par elles correspondent aux contributions effectives qu’elles auront à verser. Les modes de paiement sous la forme de contributions volontaires devraient donc être généralement évités dans les enquêtes d’évaluation contingente, car ils semblent générer davantage de distorsions que le caractère hypothétique de la méthode. Il convient d’avoir recours à des modes de paiement compatibles avec des incitations afin de réduire au minimum le risque de comportements stratégiques.

Une étude effectuée par Champ et al. (2002) s’est attachée à vérifier certaines de ces idées. Les auteurs ont examiné trois types de modes de paiement, qu’ils ont utilisés pour obtenir le CAP pour la création d’un espace vert dans le Comté de Boulder, dans le Colorado : (A) une contribution volontaire individuelle à un fonds spécial, (B) une contribution volontaire individuelle à un fonds spécial qui serait intégralement remboursée si le projet d’espace vert n’aboutissait pas, et (C) une taxe exceptionnelle payable par les résidents dont le montant serait établi en fonction des résultats d’un référendum. Sous réserve que les personnes interrogées aient la conviction que le montant de leur CAP pourrait déterminer celui des coûts effectifs qu’elles auraient à supporter pour financer le projet, il était par principe admis que la théorie (précédemment décrite) permettrait de prévoir l’obtention des résultats suivants :

1. CAP(C) ≤ CAP(A)

2. CAP(C) ≤ CAP(B)

3. CAP(A) ≤ CAP(B)

En d’autres termes, les auteurs pensaient que les modes de paiement relativement contraignants ont moins de probabilité de favoriser le resquillage que ceux de nature plus volontaire. Leur étude paraît leur donner en partie raison puisque de nombreux indices concourent à conforter la première de ces hypothèses. Autrement dit, le CAP était sensiblement plus faible quand il prenait la forme d’une taxe (C) que lorsqu’il revêtait celle de contributions volontaires (A). Les éléments tendant à confirmer les deux autres postulats sont moins nombreux (voire inexistants), mais ces conclusions étayent dans une certaine mesure l’idée que les modes de paiement contraignants réduisent l’ampleur des comportements implicites susceptibles d’être jugés de nature stratégique. Cependant, comme le font remarquer les auteurs, ce n’est là qu’une des caractéristiques souhaitables des modes de paiement et, dans la pratique, leur crédibilité jouera également un grand rôle dans la détermination de leurs mérites respectifs.

Un certain consensus paraît se dégager sur la nécessité d’éviter dans la plupart des cas les modes de paiement de nature volontaire en raison du problème insurmontable du resquillage, mais le choix du mode de paiement n’en dépendra pas moins, en dernière analyse, du bien particulier considéré et du contexte dans lequel il sera fourni. La crédibilité et l’acceptabilité sont en l’occurrence d’importants éléments à prendre en considération. Un principe simple consiste à retenir le mode de paiement auquel il sera selon toute vraisemblance réellement fait appel. Le recours aux tarifs de l’eau ou redevances sur l’eau devrait ainsi être privilégié sur le marché contingent dès lors qu’elles constituent le moyen par lequel il est prévu de réaliser la modification de l’approvisionnement considérée. Ce principe n’est toutefois pas absolu puisqu’il peut entrer en conflit avec certains des critères précédemment mentionnés. Une étude menée par Georgiou et al. (1998) a par exemple constaté une forte résistance à l’utilisation des tarifs de l’eau comme mode de paiement immédiatement après la privatisation des sociétés publiques de distribution d’eau au Royaume-Uni. L’utilisation d’un autre mode de paiement pourrait alors se justifier dans la pratique (pour autant qu’il soit crédible).

Obtention des valeurs monétaires

Après que le scénario hypothétique, le système de fourniture et le mode de paiement leur ont été présentés, un certain nombre de questions sont posées aux personnes interrogées en vue de déterminer quelle valeur elles attribueraient au bien considéré si elles avaient la possibilité de l’obtenir dans les conditions indiquées.

La question destinée à recueillir cette information peut se présenter sous différentes formes. Le tableau 4.4 résume les principaux modes d’obtention de valeurs monétaires pour certaines modifications du paysage aux alentours de Stonehenge, au Royaume-Uni (Maddison et Mourato, 2002). Les exemples mentionnés ont tous trait à l’obtention du CAP, mais pourraient aisément être transposés de telle sorte qu’ils s’appliquent au CAA.

Tableau 4.4. Différents modes d'obtention de valeurs monétaires couramment utilisés

Mode d’obtention

Exemple

Questions ouvertes

Quelle est la somme maximale que vous seriez prêt à payer tous les ans sous la forme d’une majoration d’impôts (ou d’une surtaxe) pour améliorer le paysage aux alentours de Stonehenge conformément à ce que je viens de décrire ?

Systèmes d’enchères

Accepteriez-vous de payer 5 GBP par an sous la forme d’une majoration d’impôts (ou d’une surtaxe) pour améliorer le paysage aux alentours de Stonehenge conformément à ce que je viens de décrire ?

Si oui : l’enquêteur continue à augmenter le montant proposé jusqu’à ce que la personne interrogée réponde non. Le CAP maximal est dès lors déterminé.

Si non : l’enquêteur continue à diminuer le montant proposé jusqu’à ce que la personne interrogée réponde oui. Le CAP maximal est dès lors déterminé.

Carte de paiements

Laquelle des sommes indiquées ci-dessous se rapproche le plus du montant maximal que vous seriez prêt à payer tous les ans sous la forme d’une majoration d’impôts (ou d’une surtaxe) pour améliorer le paysage aux alentours de Stonehenge conformément à ce que je viens de décrire ?

0

0.5 GBP

1 GBP

2 GBP

3 GBP

4 GBP

5 GBP

7.5 GBP

10 GBP

14.5 GBP

15 GBP

20 GBP

30 GBP

40 GBP

50 GBP

75 GBP

100 GBP

150 GBP

200 GBP

200 GBP

Choix dichotomiques à simple proposition

Accepteriez-vous de payer 5 GBP par an sous la forme d’une majoration d’impôts (ou d’une surtaxe) pour améliorer le paysage aux alentours de Stonehenge conformément à ce que je viens de décrire ? (Le montant proposé varie de façon aléatoire selon les personnes interrogées.)

Choix dichotomiques à double proposition

Accepteriez-vous de payer 5 GBP par an sous la forme d’une majoration d’impôts (ou d’une surtaxe) pour améliorer le paysage aux alentours de Stonehenge conformément à ce que je viens de décrire ? (Le montant proposé varie de façon aléatoire selon les personnes interrogées.)

Si oui : Et accepteriez-vous de payer 10 GBP ?

Si non : Et accepteriez-vous de payer 1 GBP ?

Source : Pearce et al. (2006).

Les questions ouvertes offrent un moyen d’obtenir de façon simple et directe des valeurs monétaires. Elles ne donnent aux personnes interrogées aucune indication sur celles que pourraient avoir les modifications considérées, elles fournissent une grande quantité d’informations dans la mesure où elles permettent de déterminer le CAP maximal de chaque personne interrogée, et elles ne nécessitent que des techniques statistiques relativement rudimentaires. Elles ne génèrent donc aucune distorsion imputable à l’effet d’ancrage ou à l’influence exercée par le point de départ. En d’autres termes, les personnes interrogées ne sont pas influencées par les valeurs de départ et par les montants qui leur sont ensuite proposés. Cependant, un certain nombre de problèmes ont poussé les praticiens de l’évaluation contingente à se détourner progressivement de cette méthode (bien qu’elle puisse dans certains cas donner de bons résultats, voir encadré 4.3). Elle suscite en effet un fort taux de non-réponse, de réponses de protestation, de réponses faisant état d’un CAP égal à zéro, ou encore de réponses aberrantes ou plus généralement peu fiables (Mitchell et Carson, 1989)3. Il est en effet très difficile aux personnes interrogées de déclarer « de but en blanc » le vrai montant de leur CAP maximal pour un changement qu’elles ontdu mal à appréhender et qu’elles n’ont jamais songé à évaluer auparavant. Qui plus est, la plupart des transactions qui ont quotidiennement lieu sur les marchés impliquent la décision d’acheter ou non un bien à un certain prix et non la déclaration d’un quelconque CAP maximal.

Les systèmes d’enchères ont été l’une des techniques les plus largement utilisées dans les années 70 et 80. Dans cette approche, comme dans une vente aux enchères, les personnes interrogées sont confrontées à une série de questions impliquant des choix discrets, dont la dernière est une question ouverte sur le CAP. De l’avis général, cette procédure itérative facilitait la réflexion des personnes interrogées et les encourageait à mûrement peser leurs préférences. Elle présente toutefois un inconvénient majeur : elle risque de générer des distorsions imputables à l’effet d’ancrage ou à l’influence exercée par le point de départ. Elle aboutit également à un grand nombre de réponses aberrantes, c’est-à-dire faisant état de montants irréalistes, ainsi qu’à un assentiment systématique de certaines des personnes interrogées quelle que soit la somme proposée, par souci d’éviter la situation socialement embarrassante d’avoir à opposer un refus. L’évaluation contingente ne fait plus guère appel aux systèmes d’enchères dans la pratique.

Les cartes de paiement ont été mises au point en vue de disposer de meilleures méthodes que les questions ouvertes ou les systèmes d’enchères. La présentation aux personnes interrogées d’un support visuel qui leur propose un grand nombre de valeurs monétaires facilite leur effort d’évaluation en mettant en contexte les montants proposés, et elle permet dans le même temps d’éviter toute distorsion imputable à l’influence exercée par le point de départ. Le nombre de réponses aberrantes est également réduit par rapport aux méthodes précédemment mentionnées. Certaines cartes de paiement comparent les valeurs monétaires qui y sont indiquées aux dépenses réelles du ménage ou au montant effectif des impôts acquittés par lui (points de référence). Dans les enquêtes en ligne, les cartes de paiement peuvent être présentées sous la forme d’échelles, le long desquelles les personnes interrogées peuvent faire glisser le curseur pour choisir la valeur retenue par elles (graphique 4.1). Plusieurs variantes de la méthode de la carte de paiement ont également été mises au point pour remédier à certains problèmes empiriques, tels que l’existence d’une part d’incertitude dans les évaluations. L’encadré 4.3 présente un exemple de carte de paiement spécialement conçue pour permettre de distinguerles valeurs certaines des incertaines. Les cartes de paiement risquent néanmoins de générer des distorsions liées à l’éventail des sommes qu’elles proposent et au choix des points de référence.

Graphique 4.1. Exemple de carte de paiement sous la forme d’une échelle glissante tirée d’une enquête en ligne
Graphique 4.1. Exemple de carte de paiement sous la forme d’une échelle glissante tirée d’une enquête en ligne

Source : Arold (2016), The Effect of Newspaper Framing on the Public Support of the Paris Climate Agreement, MSc thesis, Department of Geography & Environment, LSE.

Encadré 4.3. Méthode de détermination du CAP au moyen de questions ouvertes sur mesure : évaluation d’un changement d’utilisation des terres dans l’Amazonie péruvienne

Mourato et Smith (2002) ont eu recours à des questions ouvertes sur mesure afin d’estimer la compensation exigée par les agriculteurs pratiquant l’agriculture sur brûlis dans l’Amazonie péruvienne pour passer à des systèmes d’agroforesterie plus durables. Au total, 214 agriculteurs du district de Campo Verde, au Pérou, ont été interrogés dans le cadre d’une enquête en face à face. Des dessins simples en noir et blanc ont été utilisés pour décrire le scénario et le mode d’évaluation appliqué (graphique 4.2), puisque la plupart des agriculteurs étaient illettrés.

Graphique 4.2. Support Graphique d’aide à l’évaluation
Graphique 4.2. Support Graphique d’aide à l’évaluation

De droit à gauche: Traditionel, agroforestier. De haut en bas: Investissement, main d’oeuvre, produits économiques.

Les agriculteurs se voyaient présenter un projet potentiel dans lequel les entreprises d’électricité des pays développés, poussées par la perspective de l’adoption d’une législation imposant une réduction des émissions, étaient disposées à offrir une compensation aux agriculteurs prêts à préserver la forêt en adoptant des systèmes d’agroforesterie à strates multiples. Un montant forfaitaire annuel leur serait versé pour chaque hectare d’agroforesterie. Les paiements ne seraient plus effectués en cas de déforestation de la superficie correspondante.

À l’aide des dessins présentés au graphique 4.2, les agriculteurs étaient interrogés sur les impacts économiques potentiels de l’agroforesterie sur l’investissement, la main-d’œuvre, les rendements, et les produits disponibles, par rapport au système traditionnel d’agriculture sur brûlis. Il leur était ensuite demandé, au moyen de questions ouvertes, d’indiquer le montant minimal de leur consentement à accepter une compensation annuelle pour convertir à l’agroforesterie à strates multiples un hectare de forêt primaire ou secondaire consacré à l’agriculture sur brûlis.

Il était dans le même temps rappelé aux agriculteurs qu’ils se trouvaient en concurrence avec d’autres fournisseurs de services de compensation des émissions de carbone. Il était donc souhaitable de proposer un montant aussi faible que possible, d’autant plus que rien ne garantissait qu’aucune offre ne soit retenue. Ce mécanisme avait deux objectifs : accroître le réalisme du scénario et réduire au minimum les risques de surenchère, qui constituent l’un des inconvénients liés aux méthodes d’évaluation du CAA.

La phase pilote de l’étude avait démontré que les approches fondées sur les choix dichotomiques ne donnaient pas de bons résultats : les agriculteurs formaient une communauté très soudée, et se communiquaient mutuellement les offres reçues, suscitant un mécontentement général. Au lieu de cela, grâce à la procédure sur mesure décrite cidessus, les agriculteurs avaient la possibilité de réfléchir aux coûts et aux avantages des différentes utilisations des terres et de formuler des offres sur cette base. Compte tenu de la taille relativement réduite de l’échantillon, cette approche permettait également d’obtenir davantage d’informations.

La compensation moyenne exigée pour passer à l’agroforesterie s’élevait à 138 USD d’après l’enquête d’évaluation contingente. Ce chiffre était très proche de l’écart moyen entre les rendements de l’agriculture sur brûlis et de l’agroforesterie au cours des deux premières années, établi sur la base de données expérimentales (144 USD). Aussi les compensations estimées au moyen des questions ouvertes sur le montant du CAA dans un contexte concurrentiel paraissent-elles correspondre aux pertes économiques prévues, plutôt qu’au résultat de comportements stratégiques.

Les choix dichotomiques à simple proposition ou « méthode du référendum » ont connu une popularité croissante dans les années 90. Ils sont censés simplifier l’effort de réflexion des personnes interrogées (auxquelles il est seulement demandé de porter un jugement sur un prix donné, de la même façon qu’elles décident d’acheter ou non un bien à un certain prix dans un supermarché) tout en leur donnant des incitations à indiquer sincèrement quelles sont leurs préférences dans un contexte donné – autrement dit, il est dans l’intérêt stratégique des personnes interrogées d’accepter le montant proposé si leur CAP est supérieur ou égal à cette somme et de le rejeter si tel n’est pas le cas (voir l’encadré 4.2 pour un examen du problème de la compatibilité avec des incitations). Ce mode d’obtention de valeurs monétaires réduit au minimum le taux de non-réponse et évite les réponses aberrantes. Le succès des choix dichotomiques a atteint son apogée en 1993, date à laquelle le groupe de travail de la NOAA en a admis la supériorité (Arrow et al., 1993). L’enthousiasme pour les questions fermées est toutefois progressivement retombé, car de plus en plus d’études empiriques ont révélé que les valeurs obtenues au moyen des choix dichotomiques sont notablement supérieures à cellestirées de questions ouvertes comparables. L’assentiment systématique de certaines des personnes interrogées pourrait également engendrer des distorsions. Les choix dichotomiques sont par ailleurs relativement inefficients dans la mesure où ils fournissent moins d’informations sur chacune des personnes interrogées (le chercheur sait uniquement si le CAP est supérieur ou inférieur à un certain montant), de sorte qu’ils exigent des échantillons de plus grande taille et des hypothèses statistiques plus solides. Les enquêtes sont donc plus coûteuses et leurs résultats plus sensibles aux hypothèses statistiques formulées.

Les choix dichotomiques à double proposition sont plus efficients que ceux à simple proposition, car ils permettent d’obtenir davantage d’informations sur le CAP de chaque personne interrogée. On sait ainsi que le vrai montant du CAP d’un individu se situe entre 5 GBP et 10 GBP dès lors qu’il a répondu positivement à la première de ces propositions, mais négativement à la seconde. Cependant, tous les inconvénients des choix dichotomiques à simple proposition subsistent en l’occurrence. Un autre problème tient à la probabilité d’une moindre compatibilité avec des incitations, puisque les personnes interrogées pourraient considérer que la seconde question n’est pas indépendante de la situation de choix, sans compter le risque accru de distorsions imputables à l’effet d’ancrage et à l’assentiment systématique de la part de certains.

Parmi les autres évolutions concernant les différents modes d’obtention de valeurs monétaires, il convient de citer la méthode proposée par Hanemann et Kanninen (1999), qui constitue un moyen terme entre les choix dichotomiques à simple et à double proposition et dans laquelle les personnes interrogées sont d’emblée informées que les coûts de fourniture du bien en question se situeront entre X GBP et Y GBP (X<Y), les valeurs de X et de Y variant selon les individus au sein de l’échantillon. Les personnes interrogées sont alors invitées à dire si elles seraient prêtes à payer le montant le plus bas, c’est-à-dire X GBP. Si la réponse est négative, aucune autre question ne leur est posée. Si elle est positive, il leur est demandé si elles accepteraient de payer Y GBP. Il est également possible de commencer par leur proposer le chiffre le plus élevé, c’est-à-dire Y GBP, et de ne leur présenter le montant de X GBP que si elles ne se déclarent pas prêtes à payer la première de ces sommes.

Le choix du mode d’obtention des valeurs monétaires revêt une importance cruciale, étant donné que les différents modes d’obtention produisent généralement des estimations différentes. Ce choix n’est pas sans conséquences sur les résultats du questionnaire. Carson et al. (2001) présentent quelques constatations sommaires sur les modes d’obtention des valeurs monétaires. Elles sont décrites au tableau 4.5. Compte tenu des avantages et des inconvénients respectifs des approches mentionnées ci-dessus, certaines contributions telles que celles de Bateman et al. (2002) ou de Champ et al. (2003) recommandent généralement de privilégier les choix dichotomiques et, dans une certaine mesure, les cartes de paiement. Ces dernières fournissent en effet davantage d’informations sur le CAP des personnes interrogées et sont moins coûteuses à mettre en œuvre que les choix dichotomiques, et elles s’avèrent supérieures aux questions ouvertes directes comme aux systèmes d’enchères. Les choix dichotomiques pourraient quant à eux être compatibles avec des incitations et facilitent l’effort d’évaluation des personnes interrogées4. L’approche plus récente à mi-chemin entre les choix dichotomiques à simple et à double proposition paraît également prometteuse. Une dernière considération est que, s’il importe d’établir quel mode d’obtention des valeurs monétairesest le plus valable et le plus fiable, un certain degré de souplesse dans l’utilisation des différents modes est néanmoins souhaitable, et qu’il convient de prêter attention aux spécificités empiriques de chaque application, comme le suggèrent les exemples des encadrés 4.3et 4.4.

Tableau 4.5. Différents modes d'obtention de valeurs monétaires – quelques constatations sommaires

Mode d’obtention

Principaux problèmes

Questions ouvertes

Grand nombre de réponses faisant état d’un CAP égal à zéro, faible proportion de réponses positives de montant modeste

Systèmes d’enchères

Dépendance de l’estimation finale par rapport au point de départ retenu

Cartes de paiement

Légère dépendance de l’estimation à l’égard des montants indiqués sur la carte

Choix dichotomiques à simple proposition

Estimations généralement supérieures à celles établies à l’aide des autres modes d’obtention

Choix dichotomiques à double proposition

Hétérogénéité des distributions sous-jacentes du CAP correspondant respectivement à l’une et l’autre des deux réponses

Source : Carson et al. (2001), « Contingent Valuation : Controversies and Evidence », Journal of Environmental and Resource Economics, vol. 19, n° 2, pp. 173-210.

Encadré 4.4. Incertitude des valeurs dans les cartes de paiement

Il paraît vraisemblable que les individus n’aient pas tous des préférences très précises concernant les variations de l’offre de certains biens non marchands. Dans les études fondées sur les méthodes des préférences déclarées, il pourrait en résulter que certaines des personnes interrogées éprouvent des difficultés à exprimer une valeur unique bien définie. Il pourrait dès lors être souhaitable de leur permettre d’indiquer une fourchette de valeurs au sein de laquelle se situerait très probablement leur CAP, par exemple. Un petit nombre d’études basées sur des enquêtes d’évaluation contingente se sont efforcées de permettre aux personnes interrogées d’exprimer cette incertitude. Afin d’en estimer l’ampleur, tant Dubourg et al. (1997) que Hanley et Kriström (2003) ont adapté les cartes de paiement habituellement utilisées pour déterminer les valeurs monétaires.

La seconde de ces études décrit une enquête d’évaluation contingente visant à déterminer le CAP pour des améliorations de la qualité des eaux côtières dans deux localités écossaises. Une carte de paiement (voir tableau 4.6) proposant des valeurs comprises entre 1 GBP et 125 GBP était présentée à un échantillon de la population écossaise résidant à proximité de ces localités qui était composé d’individus ayant déclaré un CAP positif pour cette amélioration. Afin de vérifier si les personnes interrogées étaient incertaines du montant précis de leur CAP, les auteurs ont posé de deux façons différentes la question relative à la valeur de ce dernier.

Tableau 4.6. Carte de paiement utilisée dans l'étude d'évaluation contingente de l'amélioration des eaux côtières en Écosse

GBP par an

A : Je paierai certainement (✓)

B : Je ne paierai certainement PAS (✗)

1

2

5

10

13

15

20

26

34

40

52

60

65

70

93

104

125

Source : D’après Hanley et Kriström (2003), What’s It Worth? Exploring Value Uncertainty Using Interval Questions in Contingent Valuation, Department of Economics, University of Glasgow, document non publié.

Les personnes interrogées étaient tout d’abord priées de dire si elles seraient vraiment prêtes à payer le plus faible montant indiqué sur la carte (soit 1 GBP) pour améliorer la qualité des eaux côtières. Si elles répondaient « oui », il leur était ensuite demandé si elles seraient vraiment prêtes à payer la plus faible des autres sommes figurant sur la carte (à savoir 2 GBP), et ainsi de suite, des montants de plus en plus élevés leur étant successivement proposés jusqu’à ce qu’elles répondent « non » pour un chiffre donné.

En second lieu, outre ce moyen classique d’obtention du CAP à l’aide d’une carte de paiement, les personnes interrogées étaient invitées à dire si le plus élevé des montants indiqués (soit 125 GBP) leur paraissait excessif. Si elles répondaient « oui », il leur était demandé si la plus grosse des autres sommes (à savoir 104 GBP) était trop élevée, et ainsi de suite, des montants de plus en plus faibles leur étant successivement proposés jusqu’à ce qu’elles déclarent ne pas être sûres qu’un chiffre donné soit excessif. Le tableau 4.6 offre une illustration de cette manière de procéder pour mettre en évidence l’incertitude de la personne interrogée. L’écart entre les cases cochées et celles marquées d’une croix sur cette carte de paiement indique jusqu’à quel point la personne interrogée est incertaine du montant exact de son CAP. Celle-ci n’est en l’occurrence vraiment pas prête à payer 60 GBP, mais elle n’est pas sûre que les montants supérieurs à 34 GBP et inférieurs à 60 GBP sont trop élevés. Il importe à l’évidence que les études de ce type qui seront entreprises à l’avenir se préoccupent de mieux comprendre les causes de cette incertitude, qui pourrait être imputable à un certain nombre de facteurs, etd’établir si elle varie ou non en fonction du bien non marchand considéré.

Quel que soit le mode d’obtention retenu, l’existence de biens de substitution devrait être rappelée aux personnes interrogées, tout comme les contraintes budgétaires auxquelles elles sont soumises (ainsi que la possible nécessité qui en découle de procéder à des ajustements compensatoires de leurs autres postes de dépenses pour permettre la transaction financière supplémentaire impliquée par l’enquête). Il s’agit de leur remettre en mémoire que le bien en question pourrait ne pas être unique et que ce n’est pas sans incidence sur sa valeur, mais aussi que leurs revenus sont limités et qu’elles doivent procéder à des arbitrages entre l’affectation de leur argent à l’amélioration de l’environnement ou à d’autres usages. Une fois achevé le processus d’obtention du CAP, un certain nombre de questions peuvent par la suite leur être posées pour qu’elles expliquent leurs réponses afin d’aider l’analyste à comprendre pourquoi elles étaient ou non prêtes à payer pour que le changement proposé se produise. Ces questions sont importantes, car elles concourent à identifier les réponses non valables (telles que celles de protestation), c’est-à-dire celles qui ne reflètent pas les variations du bien-être individuel liées au changement considéré.

4.4. Consentement à payer moyen ou médian ?

Les décideurs qui s’appuient sur les conclusions d’une analyse coûts-avantages (ACA) admettent par là même que les préférences exprimées par les individus au travers de leur CAP permettent entre autres de mesurer valablement les effets exercés sur le bien-être par une certaine variation de l’offre d’un bien public donné. Il n’est généralement pas tenu compte du fait que la capacité de paiement peut limiter le montant de leur CAP (ce qui revient à dire que la répartition des revenus existante est censée être donnée) et l’on présume que ceux qui déclarent un CAP plus élevé montrent tout simplement une plus grande préférence pour ce bien (voir cependant le chapitre 11 pour un examen des moyens de prendre en considération la répartition). Dans ces circonstances, le CAP moyen est préféré au CAP médian, car il rend mieux compte de la variation des préférences des différents individus, dont l’agrégation doit permettre de déterminer les préférences de l’ensemble de la société.

Pour certains biens environnementaux et culturels, il n’est pas rare que la distribution du CAP soit asymétrique, un très petit nombre de personnes interrogées déclarant un CAP extrêmement élevé alors que l’écrasante majorité fait état d’un montant extrêmement modeste (voire égal à zéro). Autrement dit, le CAP moyen confère alors un poids « excessif » à une minorité de personnes interrogées exprimant des préférences positives très marquées. Le CAP moyen est certes l’instrument de mesure qu’il convient en théorie d’utiliser dans l’ACA. Il est toutefois probable que le CAP médian puisse mieux prédire la somme que le plus grand nombre accepterait effectivement de payer (en cas de forte dispersion des montants déclarés). Cet état de choses revêt une importance extrême lorsque les décideurs souhaitent recouvrer une partie des avantages monétaires d’un projet afin, par exemple, d’en amortir les coûts de mise en œuvre. Vu que le CAP médian correspond à la somme que la majorité des individus seraient prêts à payer, répercuter une fraction des coûts ne dépassant pas ce chiffre paraîtra vraisemblablement plus acceptable à l’opinion publique que répercuter un montant plus proche d’un CAP moyen, qui pourrait être trop influencé par un nombre relativement restreint de réponses faisant état de valeurs très élevées.

L’ACA décrit la procédure d’évaluation des projets au niveau micro-économique, mais elle ne fournit aucun modèle permettant de rendre compte de la manière dont les grandes questions politiques sont tranchées – autrement dit par les élections aboutissant à la désignation du gouvernement. En l’occurrence, si l’on retient un système simple limité à deux options (pour permettre une comparaison avec le mode d’évaluation d’un projet qui n’envisage que deux possibilités : soit il est approuvé, soit il est rejeté), la décision est prise à une majorité simple par le corps électoral concerné. Ce système s’apparente à la mesure du CAP médian dans une étude d’évaluation contingente. La question de savoir s’il convient de préférer l’une ou l’autre de ces mesures de la valeur fait toutefois l’objet d’un débat qui n’est toujours pas clos au sein de l’économie de l’environnement. Pour résumer, aussi bien les mesures moyennes que les mesures médianes méritent d’être prises en considération, tant dans les procédures de décision les plus modernes que pour la gestion des biens environnementaux.

4.5. Validité et fiabilité

Malgré les nombreuses améliorations méthodologiques qui lui ont été apportées et la large application qui en est faite, en particulier dans le domaine de l’économie de l’environnement, l’évaluation contingente n’en suscite pas moins certaines controverses (voir par exemple Hausman, 2012). Un des principaux motifs de préoccupation concerne la capacité de cette méthode à fournir des estimations du CAP valables et fiables. La validité des estimations fournies par les études d’évaluation contingente (c’est-à-dire jusqu’à quel point elles mesurent la variable souhaitée, ou l’absence de biais systématique) et leur fiabilité (c’est-à-dire leur degré de reproductibilité, ou l’absence de biais aléatoire) ne sont pas faciles à évaluer pour la bonne raison qu’aucun paiement effectif ne peut être observé. Divers aspects de la validité et de la fiabilité peuvent néanmoins être indirectement testés.

4.5.1. Validité

Les tests de validité apparente ou de contenu examinent l’adéquation, le réalisme et la neutralité de l’instrument d’enquête aussi bien que la compréhension, la perception et les réactions des personnes interrogées face au questionnaire. Les premiers de ces éléments peuvent être vérifiés dans le cadre de réunions avec les parties prenantes au démarrage du projet, puis tout au long de sa mise en œuvre, dans celui d’un comité consultatif invité à donner son avis sur divers aspects de la réorientation de l’action publique et de la conception de l’enquête. Les derniers de ces éléments peuvent être examinés lors de la phase pilote d’élaboration du questionnaire, qui peut s’appuyer sur des groupes de discussion, des entretiens approfondis et, surtout, sur des essais sur le terrain (Bateman et al., 2002). En outre, le taux de réponses de protestation fournit de précieuses informations sur la manière dont les personnes interrogées réagissent aux scénarios et aux mécanismes de paiement.

Les tests de validité de la convergence comparent les estimations issues d’une étude d’évaluation contingente aux valeurs pour un bien identique ou similaire obtenues au moyen d’autres méthodes d’évaluation, telles que celles fondées sur les préférences révélées. Carson et al. (1996) ont réalisé une méta-analyse à partir de 616 estimations de la valeur tirées de 83 études faisant appel à plusieurs méthodes d’évaluation. Ils sont parvenus à la conclusion qu’en règle générale les estimations obtenues à l’aide de l’évaluation contingente étaient très similaires, quoique légèrement inférieures à celles établies au moyen des méthodes des préférences révélées, les unes et les autres étant fortement corrélées (leurs coefficients de corrélation allant de 0.78 à 0.92). Comme nous le verrons plus en détail plus loin dans la présente section, les détracteurs de l’évaluation contingente reprochent fréquemment à cette méthode de fournir des estimations du CAP qui surestiment les véritables valeurs attribuées au changement envisagé par les personnes interrogées (voir par exemple Cummings et al., 1986). Ces constatations confortent l’idée que, malgré le caractère hypothétique de la méthode qu’elles utilisent, les études d’évaluationcontingente fournissent des estimations raisonnables de la valeur des biens environnementaux, puisqu’elles sont très proches de celles fondées sur les comportements réels mis en évidence au moyen des préférences révélées, malgré la nature hypothétique de la méthode. Les tests de validité convergente ne sont cependant utiles que pour les biens quasi publics, puisque seules peuvent être comparées les estimations des valeurs d’usage compte tenu de la portée restreinte des techniques des préférences révélées. La valeur des biens publics au sens strict ne peut donc être analysée au moyen de celles-ci.

Le test de validité le plus souvent utilisé consiste peut-être à vérifier si les résultats de l’évaluation contingente sont conformes à ce que prévoit la théorie économique. Cette façon de procéder renvoie au concept de validité théorique (Bateman et al., 2002). En général, les tests de la validité théorique examinent l’influence qu’exercent sur le CAP estimé un certain nombre de variables démographiques, économiques, comportementales et géographiques présumées en être les déterminants. Ils sont normalement réalisés en régressant sur ces variables le CAP estimé et en observant si les coefficients obtenus sont significatifs et si leur signe et leur ordre de grandeur sont conformes aux attentes. Ils sont désormais couramment mis en œuvre dans le cadre de l’évaluation contingente et la plupart des études en font état. Un test de la validité théorique fréquemment utilisé consiste à voir si le pourcentage de personnes interrogées prêtes à payer un prix donné diminue à mesure que le montant qu’il leur est demandé d’acquitter augmente (dans le cadre des choix dichotomiques). Cette condition équivaut à une élasticité négative de la demande par rapport au prix dans le cas d’un bien individuel. On en vérifie généralement le respect en s’assurant que le coefficient des prix est négatif et significatif, et les études d’évaluation contingente montrent qu’elleest presque toujours satisfaite (Carson et al., 1996).

Un autre test de la validité théorique fréquemment utilisé consiste à analyser la relation entre le revenu et le CAP. Si l’actif environnemental qu’il s’agit d’évaluer est un bien ordinaire, il faut s’attendre à ce que le coefficient du revenu soit positif et significatif5. Les études d’évaluation contingente appliquées aux actifs environnementaux parviennent souvent à la constatation empirique que l’élasticité du CAP par rapport au revenu est positive, mais sensiblement inférieure à un. Cette faible élasticité par rapport au revenu a été à l’origine d’une partie des critiques adressées à l’évaluation contingente : la plupart des actifs environnementaux sont généralement considérés comme des biens de luxe plutôt que de première nécessité, aussi beaucoup d’auteurs s’attendaient-ils à ce que l’élasticité du CAP par rapport au revenu soit en règle générale supérieure à un. Cependant, comme le font remarquer Flores et Carson (1997), les études d’évaluation contingente calculent l’élasticité du CAP par rapport au revenu pour des quantités constantes et non l’élasticité de la demande par rapport au revenu, qui est établie pour des quantités variables. Ces auteurs démontrent qu’un bien de luxe défini en fonction du comportement de la demande peut tout autant se caractériser parune élasticité du CAP par rapport au revenu inférieure à zéro, comprise entre zéro et un, ou encore supérieure à un. Ils analysent également dans quels cas il est probable que cette élasticité s’avère inférieure à celle de la demande par rapport au revenu pour le même bien.

Dans un vaste tour d’horizon de 20 années de travaux de recherche sur l’évaluation contingente dans les pays en développement, Whittington (2010) montre que le CAP est généralement faible dans ces pays, en termes absolus, autrement dit en pourcentage du revenu, mais aussi en termes relatifs, c’est-à-dire par rapport aux coûts de fourniture. Cette constatation vaut pour le vaste éventail de biens et services non marchands examinés : amélioration des infrastructures de distribution d’eau, systèmes d’assainissement, traitement des eaux domestiques, services écosystémiques et protection des bassins versants, gestion des déchets solides, conservation des tortues marines, vaccins contre la typhoïde et le choléra, sauvegarde du patrimoine culturel, etc. Ce résultat n’est bien sûr nullement surprenant, puisque la capacité de paiement moyenne est très faible dans les pays en développement, dont une grande partie de la population arrive tout juste à assurer sa subsistance, ses revenus étant trop bas pour pouvoir épargner. Whittington fait par ailleurs remarquer que la population peut avoir d’autres priorités et d’autres besoins urgents que les biens ou services non marchands proposés. Sur le plan de l’action, la solution peut impliquer des subventions, une aide internationale et d’autres formes de parrainage, ou encore un report des projets jusqu’à ce que les revenus soient plus élevés.

D’autres tests de la validité théorique consistent à vérifier si les valeurs sont sensibles à l’ampleur du bien ou du service qu’il s’agit d’évaluer, et si les mesures du CAP et du CAA portant sur un changement similaire sont elles-mêmes similaires. Le problème de l’insensibilité à l’étendue (ou du « biais d’enchâssement ») sera, tout comme celui de l’écart entre le CAP et le CAA, examiné plus en détail ci-dessous.

Le moyen le plus puissant et direct de vérifier la validité et l’exactitude des estimations hypothétiques obtenues grâce à l’évaluation contingente pourrait consister à comparer celles-ci avec les valeurs « réelles » ou « véritables » correspondantes lorsqu’il est possible de déterminer ces dernières du fait qu’elles sont révélées par les comportements observés. Ces tests de validité des critères analysent dans quelle mesure la nature hypothétique de l’évaluation contingente fausse systématiquement les résultats lorsque l’influence de tous les autres facteurs est neutralisée. C’est là le test de validité le plus difficile à réaliser étant donné qu’il ne peut s’appliquer à de nombreux types de biens. De fait, une grande partie des tests de validité des critères ont été menés en laboratoire sous la forme de transactions « en monnaie réelle » simulées et la plupart ont porté sur des biens privés. Beaucoup de ces études mettent en évidence une tendance à surestimer le CAP sur les marchés hypothétiques. Ces résultats sont examinés plus en détail ci-dessous, lors de l’étude du biais hypothétique.

4.5.2. Test et correction des biais

Les principaux sujets de préoccupation concernant les méthodes empiriques telles que l’évaluation contingente tiennent aux divers biais auxquelles elles sont exposées (pour un examen approfondi, voir Mitchell et Carson, 1989 ; Bateman et al., 2002 ; ou encore Champion et al., 2002). La validité peut également être interprétée comme l’absence de biais systématique et le test des biais consiste souvent en une vérification de la présence ou de l’absence de certains biais. Beaucoup de ces biais ne sont pas propres aux méthodes d’évaluation contingente, mais s’avèrent communs à la plupart des techniques fondées sur des enquêtes et paraissent essentiellement liés aux problèmes de conception et de mise en œuvre de ces dernières. Mais de manière générale, plus le scénario est éloigné de la réalité et moins il est familier, plus il sera difficile aux personnes interrogées de se comporter comme ils le feraient sur un marché réel. Chose importante, certaines des anomalies observées sur les marchés contingents se produisent également sur les marchés réels et ne représentent pas tant un problème imputable à la méthode mise en œuvre qu’une caractéristique du comportement réel des individus (Carson et Hanemann, 2005). Cet aspect est examiné plus en détail à la section 4.6.

Parmi les problèmes les plus étudiés figurent les biais hypothétiques (terme générique désignant l’ensemble des problèmes qui découlent du caractère fictif du marché objet de l’évaluation contingente) ; l’insensibilité à l’étendue (l’estimation de la valeur étant insensible à l’ampleur du bien considéré) ; l’écart entre le CAP et le CAA (le CAA étant bien plus élevé que le CAP) ; et les effets de la formulation ou biais informationnels (lorsque l’énoncé de la question influe indûment sur les réponses). Ces biais sont examinés plus en détail ci-dessous.

Biais hypothétique

Bien entendu, compte tenu de la nature hypothétique des scénarios des préférences déclarées, la critique adressée à l’évaluation contingente qui a peut-être suscité la plus grande attention a trait au biais hypothétique (Arrow et Solow, 1993 ; Champ and Bishop, 2001 ; Hausman, 2012), où l’on constate que les individus surestiment systématiquement le CAP déclaré par rapport au montant des paiements effectifs, du fait de la nature hypothétique de l’enquête. Foster et al. (1997) ont passé en revue les travaux publiés dans ce domaine, qui portent aussi bien sur les expériences sur le terrain que sur celles menées en laboratoire. Des mécanismes de paiements volontaires sont habituellement utilisés, en raison des difficultés liées à la mise en œuvre d’expériences portant sur des contributions obligatoires. Les données empiriques montrent que les études d’évaluation contingente, qui ont un caractère hypothétique, ont tendance à surestimer le CAP effectif. On a pu constater que la plupart des facteurs de calibrage (c’est-à-dire des ratios CAP hypothétique/CAP effectif) se situaient dans une fourchette allant de 1.3 à 14. Carson et al. (1997) relèvent que le biais hypothétique est plus répandu en cas de recours à des mécanismes de paiements volontaires, puisque les personnes interrogées sont alors incitées à « resquiller ». Les données portent à croire qu’ilexiste une forte incitation à surestimer le CAP dans le contexte de l’enquête et à resquiller au moment de s’acquitter de contributions réelles (un phénomène connu sous le nom de biais stratégique). Une surestimation du CAP accroît en effet la probabilité que le bien public considéré soit fourni sans avoir à payer pour en disposer. Afin d’expliquer la raison de l’écart constaté dans leur étude entre les valeurs réelles et hypothétiques, Foster et al. (1997) ont également réalisé une expérience dans laquelle ils comparaient les statistiques relatives aux dons effectivement reçus à la suite d’un appel à la générosité du public en vue de sauvegarder une espèce d’oiseaux menacée avec les valeurs estimées au moyen d’études d’évaluation contingente portant sur des ressources environnementales similaires. Ils en ont pour l’essentiel conclu que l’écart entre les valeurs réelles et les estimations hypothétiques pourrait être autant dû aux comportements de resquillage – compte tenu de la nature volontaire du mode de paiement – qu’au caractère hypothétique de l’évaluation contingente.

Par ailleurs, le biais hypothétique tend à être plus fréquemment observé lors de l’évaluation de biens et services éloignés, complexes et peu familiers, car les individus risquent de ne pas avoir de préférences préalables bien définies et pourraient ne pas être en mesure d’établir quelles sont leurs préférences dans le court laps de temps que dure une enquête (ponctuelle). Ce problème pourrait affecter tout particulièrement certains types de valeurs de non-usage dans le cas de changements peu connus et éloignés entraînés par l’action des pouvoirs publics. Les valeurs d’usage, et les biens et services déjà familiers aux individus pourraient être moins exposés au biais hypothétique. Une récente enquête d’évaluation contingente portant sur le CAP des visiteurs pour avoir accès au Museum d’histoire naturelle de Londres, moyennant un droit d’entrée, a débouché sur des valeurs légèrement inférieures à 7 GBP par visite (Bakhshi et al., 2015). Ces valeurs d’usage sont crédibles et conformes à l’évolution tendancielle des tarifs des expositions payantes dans les institutions culturelles au Royaume-Uni.

Tout un éventail de procédures ou d’ajustements permettant de contrebalancer les biais hypothétiques ou de les corriger a été mis au point pour contribuer à réduire au minimum leur incidence. Beaucoup de ces mécanismes interviennent ex ante, avant la réalisation de l’évaluation, et ils impliquent des modifications de la conception et de la mise en œuvre des enquêtes d’évaluation contingente. En premier lieu, comme précédemment indiqué, le biais hypothétique est lié à l’utilisation des mécanismes de paiements volontaires, car les personnes interrogées sont incitées à resquiller (Carson et al., 1997). Il s’agit donc pour les analystes d’éviter d’avoir recours aux paiements volontaires dans toute la mesure du possible et de leur préférer les mécanismes de paiements obligatoires sous la forme d’impôts, de redevances ou de tarifs (voir encadré 4.2).

Une autre évolution tient à l’utilisation de mécanismes établissant un seuil de fourniture dans le scénario contingent, afin de restreindre les comportements de resquillage lors du recours aux mécanismes de paiements volontaires en guise de mode de paiement. Dans un tel mécanisme, les personnes interrogées sont informées que le projet ne sera mis en œuvre que si un certain volume de dons (autrement dit le seuil de fourniture) est atteint. Si le montant total des dons collectés est inférieur à ce seuil, le projet n’est pas mis en route et les dons effectués sont remboursés aux personnes interrogées. Comme le montrent les expériences en laboratoire (Bagnoli et McKee, 1991), ce mécanisme incite à dire la vérité, puisqu’une sous-estimation du CAP pourrait avoir pour conséquence la non-mise en œuvre du projet. Poe et al. (2002) ont constaté que la définition d’un seuil donne également de bons résultats dans le cadre d’une étude de terrain fondée sur l’évaluation contingente, incitant à révéler le montant réel du CAP. Cependant, ce mécanisme présente aussi certains inconvénients potentiels. Champ et al. (2002) n’ont constaté aucune différence entre un mécanisme établissant un seuil de fourniture assorti d’une garantie de remboursement et un système standard de contributions volontaires, les personnes interrogées n’ayant pas cru que le seuil serait atteint, ce qui a probablement découragé les contributions. Groothuis et Whitehead(2009) ont de même constaté que ceux estimant que le seuil de fourniture ne serait pas atteint avaient une plus grande probabilité de rejeter les montants proposés dans le cadre des choix dichotomiques, en guise de protestation.

Les mesures (ex ante) destinées à contrebalancer les biais prennent souvent la forme d’une « exhortation » insérée dans l’énoncé de l’enquête. Cummings et Taylor (1999), notamment, ont mis au point une exhortation connue sous le nom de cheap talk (« parole sans engagement ») visant à réduire le biais hypothétique, c’est-à-dire un message de mise en garde décrivant le problème posé par ce type de biais et invitant les personnes interrogées à ne pas surestimer leur véritable consentement à payer. Les données disponibles donnent à penser que cette exhortation réduit le biais hypothétique sans pour autant l’éliminer totalement (voir par exemple Aadland et Caplan, 2006 ; Carlsson et al., 2005 ; Carlsson et Martinsson, 2006 ; List et Lucking-Reiley, 2000 ; Lusk, 2003 ; Murphy et al., 2003)6. D’autres précisions sur les travaux expérimentaux relatifs à cette technique sont fournies à l’encadré 4.5.

Encadré 4.5. Caractère imaginaire de la situation : cheap talk et méthode de l’évaluation contingente

Des études en nombre restreint, mais croissant se sont efforcées d’examiner l’impact qu’exerce sur le biais hypothétique l’adaptation du concept de cheap talk (défini comme la communication d’informations n’impliquant aucun engagement) dans le cadre d’expériences faisant appel à des méthodes similaires à celle de l’évaluation contingente. Il convient notamment de citer les expériences pilotes réalisées par Cummings et Taylor (1999), ou encore par Brown et al. (2003).

Dans ces études, le « biais hypothétique » est défini comme l’écart entre ce qu’un individu se déclare prêt à payer dans une situation imaginaire et la somme qu’il verse en conditions réelles. La technique du cheap talk consiste à ajouter à la question (portant sur un scénario imaginaire) posée aux personnes interrogées un texte complémentaire ou un message de mise en garde leur expliquant le problème du biais hypothétique et les invitant à répondre comme si elles étaient en situation réelle. Cette approche vise donc à déterminer s’il est possible de demander aux personnes interrogées de se comporter en faisant abstraction du caractère imaginaire de la situation.

L’impact psychologique que cette approche pourrait exercer sur les personnes interrogées suscite, il est vrai, certaines craintes (risque qu’elle génère un biais en sens inverse et/ou que la mise en garde soit jugée par trop évidente). Il n’en reste pas moins que les résultats de ces études sont non seulement intéressants, mais revêtent aussi une grande importance. Cummings et Taylor (1999) soumettent un seul et même montant à toutes les personnes interrogées, qu’ils invitent à répondre par « oui » ou par « non » au chiffre proposé. Ils observent que la technique du cheap talk réduit efficacement le biais hypothétique ; autrement dit, elle assure une plus grande concordance entre le montant du CAP déclaré et celui du paiement effectif. Brown et al. (2003) font varier le montant proposé selon les personnes interrogées et ils constatent eux aussi que cette technique donne de bons résultats dans des conditions similaires.

La plupart de ces études sont basées sur des expériences menées en faisant appel à des étudiants d’université (rémunérés) ; autrement dit, elles ne sont pas fondées sur des applications réalisées sur le terrain auprès du grand public. Cela permet un message de mise en garde relativement long. Un des problèmes tient au fait que le message doit être bien plus court si l’on veut que cette méthode puisse être largement appliquée sur le terrain. Les effets de son raccourcissement ne paraissent toutefois guère encourageants, ni en situation expérimentale (Loomis et al., 1996) ni sur le terrain (Poe et al., 1997).

Un type d’exhortation récemment proposé se présente sous la forme d’un serment, les personnes interrogées étant généralement invitées à accepter de promettre ou de jurer qu’elles se montreront honnêtes au moment de répondre aux questions ou de faire état de valeurs. Dans le cadre de l’économie de l’environnement, la formule du serment n’a été que rarement mise en application (voir par exemple Carlsson et al., 2013 ; de-Magistris et Pascucci, 2014 ; Ehmke et al., 2008 ; Jacquemet et al., 2013 ; Stevens et al., 2013 ; Bakhshi et al., 2015). Dans une enquête portant sur les préférences pour des sushis à base d’insectes, de-Magistris et Pascucci (2014) ont trouvé des éléments tendant à démontrer l’efficacité du serment en tant que moyen de faire baisser les estimations du CAP, par rapport à l’approche du cheap talk et à un groupe témoin. Dans une étude récente ayant pour objectif d’estimer la valeur qui pouvait être accordée au fait de garantir l’avenir de deux institutions culturelles du Royaume-Uni, Bakhshi et al. (2015) ont constaté que la formule du serment avait pour effet de réduire le CAP moyen, qu’elle soit utilisée seule ou en association avec la technique du cheap talk. Ces résultats portent à croire que la formule du serment peut constituer un bon moyen de remédier au biais hypothétique dans les enquêtes d’évaluationcontingente.

Certains changements sont complexes et difficiles à expliquer et les personnes interrogées pourraient ne pas être certaines de leurs effets potentiels sur leur bien-être. L’incertitude est généralement liée aux biens et services complexes et peu familiers. Champ et Bishop (2001) ont tenté d’utiliser des questions sur le degré de certitude (par exemple « dans quelle mesure êtes-vous certain que vous paieriez vraiment le montant indiqué si cela vous était demandé ? ») dans une expérience avec paiements réels. Ils ont constaté que les personnes interrogées indiquant un degré de certitude élevé pour ce qui est du montant de leur CAP déclaré étaient plus susceptibles d’indiquer qu’elles verseraient réellement ces montants lorsqu’il leur était demandé de le faire. Cela donne à penser que la valeur prédictive des résultats pourrait être accrue, par exemple, en recodant les réponses faisant état d’un CAP incertain comme si elles indiquaient un paiement nul (ajustement ex post). Bien qu’en règle générale bon nombre d’études d’évaluation n’en tiennent pas compte, la détermination du degré de certitude dans les réponses relatives à l’estimation de la valeur paraît contribuer à en renforcer la validité.

D’autres facteurs importants peuvent contribuer à réduire le biais hypothétique : il s’agit notamment de concevoir le scénario contingent de telle manière que la crédibilité, la neutralité et le réalisme en soient garantis ; de faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que les personnes interrogées aient le sentiment que les enquêtes ne sont pas sans conséquences, autrement dit qu’elles soient persuadées que leurs réponses comptent et auront un impact ; de rappeler l’existence de contraintes budgétaires et de biens de substitution ; et de donner le temps de la réflexion aux personnes interrogées (Arrow et al., 1993 ; Mitchell et Carson, 1989 ; Bateman et al., 2002 ; Whittington, 1992 ; Carson et Groves, 2007 ; Haab et al., 2013).

Pour finir, il importe de noter que, malgré le risque que des problèmes surgissent du fait du caractère hypothétique de l’évaluation contingente, ce dernier trait constitue également son principal atout, étant donné qu’il lui confère une souplesse, une applicabilité et une portée que les autres méthodes n’offrent pas au même degré, puisqu’elles sont au plus haut point tributaires des données existantes.

Insensibilité à l’étendue

L’insensibilité à l’étendue7 renvoie à une absence de sensibilité des valeurs fournies par les personnes interrogées à l’égard des variations de l’ampleur du bien ou du service évalué. De manière plus formelle, une insensibilité à l’étendue se fait sentir lorsque les valeurs déclarées ne varient pas sensiblement (ou, selon un critère encore plus strict, proportionnellement) en fonction de l’ampleur des avantages procurés (autrement dit, le montant du CAP devrait être d’autant plus élevé que ces avantages sont grands, mais ce n’est pas le cas) (Mitchell et Carson, 1989 ; Bateman et al., 2002). La question de savoir si les estimations obtenues au moyen de l’évaluation contingente respectent ce critère est une des plus controversées dans le cadre du débat sur la validité de cette méthode. Il est possible de faire remonter ce débat à deux études très souvent citées, Kahneman et Knetsch (1992) et Desvousges et al. (1993), qui ont constaté que les réponses des individus aux enquêtes d’évaluation contingente ne diffèrent pas sensiblement en fonction de l’ampleur des variations quantitatives ou qualitatives du bien considéré. Les tests de sensibilité utilisés pour en mesurer le degré peuvent être internes : il est en l’occurrence demandé à un même échantillon d’évaluer divers niveaux d’offre du bien. Ils peuvent également êtreexternes, des sous-échantillons différents, mais équivalents étant invités à évaluer divers niveaux d’offre du bien. Les tests internes infirment le plus souvent l’hypothèse selon laquelle les personnes interrogées ne seraient pas sensibles au niveau d’offre du bien permis par le changement hypothétique. La controverse a essentiellement porté sur les tests externes, plus puissants. Il convient de noter un point important : du fait des contraintes de revenu et d’une utilité marginale parfois fortement décroissante, il est improbable que le CAP enregistre des variations liées par une fonction linéaire à l’ampleur du changement ; mais il est tout de même vraisemblable qu’il montre une certaine variation.

Un certain nombre d’explications ont été avancées pour rendre compte de ce phénomène. Kahneman et Knetsch (1992) ont ainsi fait valoir que les individus ne montrent pas de préférences très marquées pour les biens environnementaux et tendent à privilégier d’autres facettes de la protection de l’environnement, telles que la satisfaction morale de contribuer à une bonne cause. Ce sentiment de satisfaction serait donc indépendant de l’ampleur de la cause. Ne pas utiliser les dons en tant que mode de paiement aurait manifestement pour effet de réduire au minimum cette possibilité, puisque la perspective de payer des impôts a peu de chances de faire réellement chaud au cœur. D’autres auteurs ont affirmé que l’effet d’enchâssement résulte pour l’essentiel d’une mauvaise conception de l’enquête, que ce soit dû, par exemple, à une description trop vague du bien à évaluer ou à une information insuffisante sur l’ampleur du changement (Carson, Flores et Meade, 2001 ; Smith, 1992). Il a également été suggéré que, pour faciliter l’évaluation et les décisions financières, les individus réfléchissent selon un système de postes de dépenses ou de « comptes mentaux » entre lesquels ils répartissent leurs revenus (Thaler, 1984). Dans le cas des améliorations environnementales, en admettant qu’ils affectent un budget relativement faible au « poste environnement », ils risquent de ne pas pouvoir procéder à desajustements significatifs de leurs estimations de la valeur pour tenir compte des changements quantitatifs ou qualitatifs du bien environnemental considéré. L’effet d’enchâssement pourrait être en l’occurrence principalement dû au fait que les estimations de la valeur prennent en considération une contrainte budgétaire relativement stricte et inflexible par rapport aux variations du revenu total de la personne interrogée.

Pour évaluer empiriquement l’ampleur de ce phénomène, Carson (1998) a procédé à un vaste tour d’horizon des travaux publiés concernant les tests de sensibilité réalisés sur la base d’échantillons fractionnés. Il a mis en évidence que, depuis 1984, l’hypothèse d’une insensibilité aux variations a été infirmée par 31 études, alors que 4 autres parvenaient à la conclusion contraire. Cette question peut également être examinée en procédant à une comparaison de différentes études portant sur des biens similaires. Une méta-analyse de la valeur attachée aux améliorations de la qualité de l’air (Smith et Osborne, 1996) a également écarté l’hypothèse d’un effet d’enchâssement et a montré que les estimations obtenues par les études d’évaluation contingente présentaient des variations systématiques et prévisibles en fonction des différences de caractéristiques du bien considéré. Les premières conclusions quant à une insensibilité persistante à l’égard de ces différences paraissent donc pouvoir être en partie attribuées au manque de puissance statistique du test utilisé pour détecter les variations de la valeur.

De nombreux praticiens sont parvenus à la conclusion que, si tant est qu’elle existe, l’insensibilité à l’étendue du bien considéré est généralement due à l’imprécision des scénarios ou à une description vague et abstraite du changement que devrait entraîner la politique mise en œuvre, d’où la possibilité que les personnes interrogées ne puissent percevoir de différence réelle entre des impacts de différentes ampleurs (Carson et Mitchell, 1995). Une bonne conception des enquêtes devrait donc permettre de surmonter dans une certaine mesure ce problème potentiel. L’ampleur du changement proposé doit être définie de façon claire, précise et pertinente. Une solution envisageable au niveau de la conception consisterait à adopter une approche descendante, les personnes interrogées étant d’abord invitées à estimer la valeur du bien ou service de plus grande ampleur, puis à attribuer une part proportionnelle de cette valeur aux biens ou services de moindre étendue qui le composent. La montée en puissance des enquêtes d’évaluation contingente en ligne rend peut-être plus facile la communication d’informations, la vérification du degré de compréhension, et bien entendu une adaptation sur mesure des informations fournies aux personnes interrogées qui pourraient avoir des difficultés à comprendre les détails de ce qu’il leur est demandé d’évaluer. D’autres suggestions seraient d’éviterles dons (pour éviter le sentiment de « chaud au cœur ») et de donner aux personnes interrogées le temps de réfléchir, de lire attentivement les scénarios et d’apprécier les différences d’ampleur des changements impliqués.

Il n’en est pas moins particulièrement difficile de décrire dans certains cas l’ampleur des changements envisagés. Le mode de présentation des variations des risques pour la santé (sous la forme de faibles pourcentages de variation) en est un parfait exemple, puisqu’une insensibilité à l’ampleur de ces variations est systématiquement constatée, malgré les efforts des chercheurs pour communiquer ces informations de manière simple et accessible aux personnes interrogées (voir encadré 4.6). En effet, les êtres humains ont du mal à manier les petits nombres et éprouvent des difficultés à distinguer des variations de très faible ampleur dans l’absolu. Cette limite n’est pas propre aux enquêtes et caractérise au contraire le comportement des individus sur les marchés réels.

Encadré 4.6. Insensibilité aux risques dans les études fondées sur les méthodes des préférences déclarées

Un certain nombre d’indices recueillis par le passé tendent à montrer que, dans les enquêtes fondées sur les méthodes des préférences déclarées, le CAP des personnes interrogées pourrait être insuffisamment sensible à l’ampleur de la réduction des risques et que tel est en particulier le cas des très faibles variations de ces derniers par rapport à leurs niveaux de référence (Jones-Lee et al., 1985 ; Beattie et al., 1998). Dans un vaste tour d’horizon, Hammitt et Graham (1999) sont parvenus à la conclusion suivante : « Dans l’ensemble, les données limitées dont on dispose sur les études d’évaluation contingente appliquées au domaine de la santé ne sont pas rassurantes concernant la sensibilité du CAP aux variations des probabilités » (p. 40). Corso et al. (2000) ont cependant constaté que divers éléments paraissaient révéler une certaine insensibilité aux risques lorsque les réductions apportées à ceux-ci étaient exclusivement décrites par oral aux personnes interrogées, mais que d’importants indices de sensibilité aux risques étaient observés lorsqu’elles l’étaient également par des moyens visuels. À la suite de cette constatation, beaucoup de praticiens ont eu recours à des supports visuels pour illustrer la notion de variation des risques.

Ce mode particulier de présentation visuelle a été utilisé avec succès dans une étude des préférences individuelles en matière de réduction des risques de décès au Canada et aux États-Unis réalisée par Alberini et al. (2004). Il était demandé aux personnes interrogées d’indiquer – au moyen de choix dichotomiques – quel serait leur CAP pour réduire ces risques de 1 pour 1 000 ou de 5 pour 1 000, ce qui constitue en d’autres termes un test externe de la sensibilité à leurs variations. Pour les aider à visualiser ces faibles variations, les auteurs ont eu recours à un mode de présentation des risques similaire à celui recommandé par Corso et al. (2000). Il se composait en l’occurrence d’une grille de 1 000 carrés dont ceux de couleur rouge mettaient en évidence la prévalence des risques, cet outil étant associé à d’autres dispositifs destinés à familiariser les personnes interrogées avec le concept de risque de décès). Les premières questions qui leur étaient posées visaient à identifier celles qui avaient saisi ce concept et celles auxquelles il échappait manifestement. Il leur était par exemple demandé de comparer les grilles de deux individus hypothétiques et de dire lequel avait le plus de risques de mourir. Il est intéressant de noter qu’environ 12 % des personnes interrogées aux États-Unis et au Canada ont échoué à cetest puisqu’elles ont désigné (à tort) celui qui avait le moins de risques de disparaître (sa grille comportant moins de carrés rouges).

Cette question, tout comme d’autres posées par les auteurs en vue d’effectuer une présélection au sein de l’échantillon, avait pour objet de déterminer quelles étaient les personnes interrogées qui saisissaient « correctement » les risques – et étaient donc à même de répondre aux questions ultérieures relatives au CAP – et celles qui n’y parvenaient pas. Les auteurs s’attendaient à ce que les préférences déclarées des membres du premier groupe aient plus de probabilités de satisfaire à un test de sensibilité aux variations des risques (leur CAP étant par exemple proportionnel à l’ampleur de ces dernières) que celles « contaminées » par les réponses des membres du second groupe. Les auteurs ont certes constaté que l’exclusion de ceux ayant échoué aux tests de sensibilité aboutissait à des CAP d’un montant nettement différent selon qu’il s’agit de réductions des risques de 1 pour 1 000 ou de 5 pour 1 000, sans que le respect du critère de proportionnalité auquel beaucoup voudraient que se conforment ces tests puisse pour autant être observé. Il s’agit en d’autres termes de savoir si le CAP est ou non (environ) 5 fois plus élevé lorsque la variation des risques atteint 5 pour 1 000 que lorsqu’elle n’est que de 1 pour 1 000.

Une question d’auto-évaluation ultérieurement posée aux personnes interrogées en vue de déterminer si elles se sentaient plus ou moins assurées de leur réponse au sujet de leur CAP semble constituer le trait distinctif de cette étude. Les résultats en sont résumés au tableau 4.7. Les personnes interrogées les plus assurées de leurs réponses paraissent dans l’ensemble déclarer des CAP satisfaisant au critère plus strict de proportionnalité par rapport à l’ampleur des variations (le ratio des CAP médians n’est pas exactement égal à 5, ni dans le cas des États-Unis ni dans celui du Canada, mais ce qui importe en l’occurrence, c’est qu’il ne s’en écarte pas significativement). Les CAP médians calculés en ne tenant compte que des personnes interrogées qui n’étaient pas tellement assurées de leurs réponses ne respectaient par contre pas ce critère particulier. Ces constatations offrent donc manifestement des indications essentielles à la compréhension du CAP et de l’insensibilité aux risques.

Tableau 4.7. Test de sensibilité à l'étendue des risques de mortalité
CAP médian, USD

Réduction des risques

CAP médian au Canada

CAP médian aux États-Unis

Plus assurées

Moins assurées

Plus assurées

Moins assurées

5 pour 1 000

414

268

205

445

1 pour 1 000

126

136

23

236

Ratio

3.3

2.0

8.9

1.9

Source : Alberini et al. (2004), « Does the value of statistical life vary with age and health status? Evidence from the US and Canada », Journal of Environmental Economics and Management, vol. 48, pp. 769-792.

Écart entre le CAP et le CAA

Comme expliqué à la section 4.2, les mesures hicksiennes du bien-être que les études d’évaluation contingente visent à estimer peuvent être obtenues à l’aide de questions portant soit sur le CAP soit sur le CAA. En théorie, ces deux mesures de la valeur devraient être similaires8, mais dans la pratique les données empiriques mettent systématiquement en évidence que les valeurs du CAA peuvent être sensiblement plus élevées que celles du CAP correspondant. Horowitz et McConnell (2002) ont passé en revue 45 études exploitables faisant aussi bien état du CAP que du CAA, et ils ont observé des écarts significatifs entre ces deux variables (tableau 4.8). Ils ont constaté que le CAA était en moyenne sept fois plus important que le CAP, et que plus le bien évalué était différent d’un bien privé ordinaire, plus le ratio entre le CAA et le CAP était élevé. Chose importante, Horowitz et McConnell ont également constaté que les enquêtes concernant des biens réels ne faisaient pas apparaître des ratios plus faibles que celles axées sur des biens hypothétiques. Cela porte à croire que l’écart entre le CAP et le CAA n’est pas uniquement observé dans les situations hypothétiques caractéristiques des études fondées sur les préférences déclarées, contrairement à une des explications parfois avancées pour justifier cet écart,mais qu’il s’agit au contraire une fois encore d’une caractéristique inhérente au comportement réel des consommateurs.

Tableau 4.8. CAA/CAP pour différents types de biens

Types de biens

Ratio

Erreur-type

Biens publics ou non marchands

10.4

2.5

Santé et sécurité

10.1

2.3

Biens privés

 2.9

0.3

Loteries

2.1

0.2

Ensemble des biens

 7.2

0.9

Source : Horowitz et McConnell (2002), « A Review of WTA/WTP Studies », Journal of Environmental Economics and Management, vol. 44, pp. 426-447.

Ces éléments ont incité la NOAA à privilégier dans ses lignes directrices les mesures de la valeur fondées sur le CAP (Arrow et al., 1993). En effet, comme il est limité par le montant des revenus, il y a moins de risques qu’il soit surestimé. Cependant, les mesures du bien-être fondées sur le CAA sont souvent celles qu’il conviendrait en toute logique d’utiliser. Mitchell et Carson (1989) font valoir que le choix entre le CAP et le CAA dépend des droits de la personne interrogée à l’égard du bien évalué : si la personne interrogée est invitée à renoncer à un droit, le CAA est alors la mesure appropriée (Carson, 2000). Par exemple, dans l’étude de Mourato et Smith (2002) décrite à l’encadré 4.3, les agriculteurs se voyaient offrir une compensation pour renoncer à l’utilisation des terres qui avait leur préférence au profit d’une autre qui ne serait pas aussi rentable pour eux à court terme ; dans ce cas précis, il serait absurde de vouloir déterminer leur CAP pour un changement d’utilisation des terres.

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer l’écart entre le CAP et le CAA. Quelques-unes des principales explications sont examinées à tour de rôle ci-après. L’absence de biens et services étroitement substituables à ceux évalués impliquera un écart plus important entre le CAP et le CAA (Hanemann 1991, 1999). Intuitivement, si les biens environnementaux n’ont que peu de substituts, une compensation de montant très élevé sera nécessaire pour qu’une réduction des quantités soit tolérée. D’un point de vue plus théorique, le ratio CAA/CAP est fonction du rapport entre les effets de revenu et de substitution.

Une autre explication en vogue de l’écart entre le CAP et le CAA, qui fait d’ailleurs l’objet d’un nombre non négligeable d’études, s’est développée autour des notions d’« aversion pour la perte » et de « dépendance à l’égard du point de référence » et aurait, si elle s’avérait exacte, des conséquences majeures pour l’analyse coûts-avantages. L’idée fondamentale est que la perte d’un droit établi exigera une compensation plus élevée que le gain d’un nouveau droit. En effet, l’importance attachée aux pertes est bien plus élevée que celle attribuée aux gains lorsque ces pertes et ces gains sont quantitativement identiques. Le point de référence pour la perte et le gain est constitué par un point de dotation qui correspond souvent à l’ensemble de biens ou à la quantité d’un bien particulier déjà possédés, mais pourrait tout aussi bien se rapporter à un niveau d’aspiration, par exemple. Le modèle de dépendance à l’égard du point de référence est essentiellement dû à Tversky et Kahnemann (1991) et il s’appuie sur l’ouvrage précédemment consacré par ces auteurs à la « théorie prospective » (Kahnemann et Tversky, 1979). Bon nombre de travaux marquants traitant de la dépendance à l’égarddu point de référence sont répertoriés dans Kahnemann et Tversky (2000). La dépendance à l’égard du point de référence a pour l’essentiel une explication psychologique : les tenants de cette approche affirment que cette dépendance peut être constatée dans de nombreux cas de gain ou de perte, si bien que la théorie ne fait que tenter d’expliquer les comportements observés. D’autres explications comportementales des anomalies observées dans les préférences déclarées sont examinées ci-dessous. Le point de savoir si les seuls effets de substitution ou les seuls effets de dotation suffisent à expliquer l’écart entre le CAA et le CAP est en dernière analyse un problème de nature empirique. Certains auteurs (tels que Morrison, 1996, 1997 ; Knetsch, 1989 ; Knetsch et Sinden, 1984) ont affirmé que l’écart entre le CAA et le CAP s’explique aussi bien par des effets de dotation que par des effets de substitution. L’aversion pour les pertes renforce de fait les effets de substitution puisqu’elle entraîne un déplacement de la courbe d’indifférence.

Un certain nombre d’autres explications ont été proposées. Les personnes interrogées incertaines de leurs réponses tendent à déclarer un CAP de faible montant et un CAA de montant élevé du fait de leur méconnaissance de la procédure d’évaluation ou du bien lui‐même (Bateman et al., 2002). Les personnes interrogées invitées à indiquer le montant de la compensation qu’elles accepteraient pour renoncer à leurs droits initiaux peuvent déclarer des CAA très élevés en guise de protestation (Mitchell et Carson, 1989). L’écart entre le CAP et le CAA peut également, dans une certaine mesure, être le fruit de l’inexpérience et d’un manque d’information. Par exemple, List (2003) a constaté que le comportement des opérateurs plus expérimentés (sur divers marchés réels) n’a montré aucun signe d’existence d’un effet de dotation. Par ailleurs, une mauvaise conception des études sur le CAA peut entraîner une surestimation des montants déclarés pour les compensations souhaitées, faute de rappeler aux personnes interrogées que la mesure du bien-être qu’il s’agit d’évaluer correspond à la compensation minimale requise pour produire le même degré (et non un niveau plus élevé) de bien-être que le changement auquel ils sont invités à renoncer (dans le cas d’une politique d’amélioration du bien-être) (Bateman et al., 2002).

Biais de cadrage

La qualité des réponses aux enquêtes d’évaluation contingente dépend fondamentalement des informations fournies dans le scénario contingent, c’est-à-dire de l’exactitude et de la plausibilité des scénarios, afin d’engager les personnes interrogées à révéler leurs préférences de manière sincère ou d’en favoriser la formation. Ces dernières années, le recours accru aux enquêtes d’évaluation contingente en ligne a facilité la communication d’informations, vu qu’il permet d’accélérer l’adaptation des informations en question aux besoins de la personne interrogée (et à son degré de compréhension), de mesurer le temps (l’effort) consacré à la lecture des informations, d’en vérifier la bonne compréhension, et de faire appel à d’autres types de médias, tels que des images, des vidéos ou des documents sonores. Toutefois, malgré le très grand nombre d’études consacrées aux effets de l’information dans le cadre de l’évaluation contingente (voir par exemple Hoehn et Randall, 2002 ; Blomquist et Whitehead, 1998 ; Ajzen, Brown et Rosenthal, 1996 ; Bergstrom, Stoll et Randall, 1990, 1989 ; Samples, Dixon et Gowen, 1986), les données empiriques relatives au volume d’informations « approprié » à fournir lors d’une enquête demeurent limitées.

Une autre question importante relative au mode de communication des informations est de savoir si les changements envisagés sont présentés séparément, successivement, ou simultanément, comme un élément faisant partie intégrante d’un ensemble de changements (Carson et Mitchell, 1995 ; Carson et al., 2001). L’évaluation séparée des changements peut aboutir à un classement des préférences et à des valeurs monétaires différents de ceux obtenus au moyen d’une évaluation conjointe ou multiple, étant donné que les informations sont utilisées différemment lorsque l’on dispose d’un élément de comparaison (Hsee et Zhang, 2004). Il peut en résulter une inversion des préférences, ainsi que des classements contradictoires des valeurs selon l’ordre d’évaluation des changements envisagés (voir par exemple Brown, 1984 ; Gregory et al., 1993 ; ou encore Irwin et al., 1993). Par ailleurs, les enquêtes axées sur un unique problème d’action des pouvoirs publics risquent d’en gonfler artificiellement l’importance (phénomène également appelé « biais de focalisation ») (Kahneman et Thaler, 2006). En effet, au moment de faire état de leurs préférences, les individus se focalisent uniquement sur les aspects saillants de la politique proposée et il se peut que leur réaction ne corresponde pas à ce qu’ils éprouveraient vraiment si cette politique était mise en œuvre dans la vie réelle, où biend’autres phénomènes se trouveraient en concurrence pour attirer leur attention (Kahneman et al., 2006 ; Dolan et Kahneman, 2008). Par ailleurs, les individus pourraient s’adapter à certains changements et donc les évaluer différemment au bout d’un certain temps.

Pour finir, le mode de présentation des informations dans le cadre d’une enquête devrait être conforme à la manière dont on s’attendrait à ce que les changements se produisent dans la pratique, séparément, successivement, ou simultanément. Pour éviter une trop grande focalisation sur le changement qu’il s’agit d’évaluer, les enquêtes fondées sur les préférences déclarées devraient prendre soin de ne pas en exagérer l’importance. Les changements auxquels s’intéresse l’enquête devraient être intégrés dans le contexte plus large de la vie et de l’expérience personnelles des individus. À cet effet, il importe d’introduire dans le scénario des rappels des biens et services de substitution, tout comme des rappels des contraintes budgétaires et des autres dépenses qui pourraient être supportées (Bateman et al., 2002 ; Arrow et Solow, 1993). En effet, si l’on omet de rappeler aux personnes interrogées l’existence d’autres biens similaires, elles risquent de surestimer leur CAP pour un bien spécifique ou d’indiquer en lieu et place la valeur qu’elles attachent à l’ensemble des biens du même type (Arrow et Solow, 1993 ; Loomis et al., 1994). À cet égard, des problèmes de surcharge d’information pourraient se présenter, étant donné que pour garantir que les personnes interrogées prennent suffisamment en considération les biens et services de substitution, il faudra fournir des quantités d’informations équivalentes,non seulement sur les biens et services à évaluer, mais aussi sur leurs substituts (Rolfe, Bennett et Louvière, 2002).

Il est par ailleurs souhaitable d’accorder dans toute la mesure du possible aux personnes interrogées un long délai pour réfléchir à la question, à l’importance qu’elle revêt à leurs yeux et à la valeur qu’elles lui attachent, et pour leur donner la possibilité d’en discuter avec d’autres parties prenantes. Whittington et al. (1992) ont montré que donner aux personnes interrogées la possibilité de rentrer chez elles et de penser à l’enquête pendant 24 heures avait un impact négatif significatif sur les valeurs du CAP, les personnes interrogées ayant la possibilité de réfléchir à l’importance de la question considérée dans le contexte plus large de leur propre existence. Grâce aux enquêtes en ligne, les personnes interrogées peuvent avoir la possibilité d’interrompre l’enquête pour la reprendre ultérieurement, ce qui leur donne un délai de réflexion supplémentaire.

4.5.3. Fiabilité

La fiabilité est un indicateur de la stabilité et de la reproductibilité d’une mesure. Un test de fiabilité couramment utilisé consiste à évaluer la reproductibilité dans le temps des estimations obtenues au moyen de l’évaluation contingente (procédure de test et retest). McConnell et al. (1997) ont examiné les données disponibles sur les tests de fiabilité temporelle et constaté que les CAP exprimés par les individus étaient fortement corrélés dans le temps (les coefficients de corrélation étant généralement compris entre 0.5 et 0.9), quelles que soient la nature du bien et la population étudiée, ce qui indique que l’évaluation contingente est une méthode de mesure fiable. En outre, le questionnaire établi en faisant appel aux techniques les plus modernes, utilisé à l’origine en Alaska à la suite du naufrage de l’Exxon Valdez (Carson et al., 1992), a été soumis deux ans plus tard à un autre échantillon de la population : les coefficients des deux équations de régression permettant de prédire le montant du CAP étaient presque identiques (Carson et al., 1997).

4.6. Évolutions récentes et domaines inexplorés

4.6.1. Apports de l’économie comportementale

L’économie comportementale a bénéficié d’une extraordinaire progression de sa popularité au cours des dix dernières années (voir Camerer et al., 2011, pour un des premiers tours d’horizon, ainsi que l’ouvrage rédigé sous la direction de Shafir, 2013), et il en a été de même, par voie de conséquence, de son influence sur l’économie environnementale (par exemple Horowitz et al., 2008 ; Shogren et Taylor, 2008 ; ou encore Brown et Hagen, 2010). La recherche expérimentale en ce domaine a identifié à plusieurs reprises des phénomènes empiriques qui ne sont pas expliqués de manière satisfaisante par l’analyse économique néoclassique traditionnelle. Rabin (2010) distingue trois étapes dans le développement de l’économie comportementale : elle a d’abord mis l’accent sur l’identification des anomalies comportementales, avant de procéder à une formalisation des nouvelles conceptions théoriques dans des modèles rigoureusement définis, pour parvenir ensuite à une totale intégration de ces nouvelles interprétations dans l’analyse économique, améliorant et rénovant ainsi les principes économiques.

Le développement de l’économie comportementale a amené à réinterpréter à la lumière de ces nouvelles théories certains des problèmes bien connus posés par les méthodes des préférences déclarées. D’après Shogren et Taylor (2004, p. 29), « l’économie comportementale a probablement exercé le plus grand impact sur l’économie de l’environnement par le biais des recherches sur l’évaluation non marchande des biens environnementaux ». Il convient de noter que deux numéros spéciaux de la revue Environmental and Resources Economics (datant respectivement de septembre 2005 et de juin 2010) ont été consacrés à l’économie comportementale et à l’environnement, ainsi qu’aux méthodes mises au point pour remédier aux anomalies relatives aux préférences dans les études d’évaluation fondées sur les préférences déclarées.

En réalité, la plupart des biais affectant les préférences déclarées avaient été identifiés avant que l’économie comportementale ne devienne un moyen à la mode de rendre compte de ces constatations (Mitchell et Carson, 1989 ; Carson et al., 2001 ; Carson et Hanemann, 2005 ; Kahneman, 1986). Par exemple, les « effets informationnels », comme on les appelait auparavant, sont désormais souvent connus sous le nom de biais de cadrage, d’amorçage ou de focalisation, à la suite de ce virage général en faveur de l’analyse comportementale pris par les sciences économiques. En fait, l’évaluation environnementale et l’économie comportementale maintiennent des relations complexes et leurs évolutions passées sont profondément imbriquées. Les recherches sur les anomalies décelées dans les études fondées sur les préférences déclarées ont sans doute contribué au développement et à la popularité de l’économie comportementale. D’après Carson et Hanemann (2005, p. 30) : « il y a bien sûr une certaine ironie dans le fait que beaucoup des principes essentiels de ce que l’on appelle souvent à présent « la révolution de l’économie comportementale » aient d’abord été démontrés dans le cadre d’études d’évaluation contingente et considérés comme des anomalies imputables à laméthode plutôt que comme d’authentiques comportements économiques. » Comme il en a été précédemment question dans le présent chapitre, des problèmes tels que la capacité cognitive limitée à manier des petits nombres, ou l’aversion pour la perte, s’observent dans les comportements adoptés sur les marchés réels et ne sont pas une simple conséquence des marchés hypothétiques, contrairement à ce qu’avaient initialement tenu pour acquis les détracteurs de l’évaluation contingente. Quinze ans plus tard, Carlsson (2010) a également fait valoir que le mariage de l’économie comportementale et des techniques d’évaluation non marchande a été inspiré par les anomalies apparues dans les études appliquées faisant appel aux préférences déclarées. Et, comme l’ont affirmé Horowitz et al. (2008, p. 4), « [l]’évaluation est une forme d’expérimentation et cette expérimentation a joué un grand rôle dans l’acquisition de connaissances sur les préférences et, par extension, sur l’économie comportementale ». Plus récemment, Nelson (2017) a avancé que ce sont les efforts déployés par l’industrie pétrolière pour discréditer l’évaluation contingente après la catastrophe de l’Exxon Valdez qui ont contribué à promouvoir une économie comportementale de nouvelle génération.

Les anomalies observées s’agissant des données obtenues à l’aide des préférences déclarées sont souvent liées à une rationalité limitée (du fait en règle générale de la complexité des changements considérés et de leur mauvaise compréhension), et elles peuvent prendre des formes très diverses. Les préférences peuvent par exemple être imprécises, ou n’être perçues ou définies qu’au cours de la réalisation de l’enquête (et même dans ce cas il est probable que leur connaissance demeure incomplète). Peuvent également entrer en ligne de compte des facteurs qu’il ne devrait en théorie pas être utile de connaître pour déterminer les préférences des personnes interrogées, mais dont le rôle pourrait ne pas être dans la pratique si superflu qu’il y paraît (comme des éléments du contexte, tels que l’humeur du moment de la personne interrogée, ou son environnement immédiat) ; tout comme il est possible que les personnes interrogées accordent au changement évalué une plus grande importance au moment de l’enquête que ce ne serait le cas dans d’autres circonstances (« illusion de focalisation »). Divers problèmes liés à la complexité des tâches d’évaluation peuvent également être considérés de la sorte, par exemple celui du choix en présence de risques et d’incertitudes(Sugden, 2005 ; Swait et Adamowicz, 2001 ; Horowitz et al., 2008 ; Shogren et Taylor, 2008 ; DellaVigna, 2009 ; Brown et Hagen, 2010 ; Carlsson, 2010 ; Gsottbauer et van den Bergh, 2011 ; Bosworth et Taylor, 2012).

Sugden (2005, p. 7) affirme que, pour tenter de comprendre les anomalies constatées même dans les études les mieux conçues portant sur les préférences déclarées, « il nous faut tenir compte de données issues d’un ensemble bien plus large de tâches connexes de jugement et de prise de décision ». Ces données peuvent par exemple provenir de l’évaluation d’expériences de laboratoire menées par des psychologues ou par des spécialistes de l’économie du comportement, ou encore de l’observation du comportement économique des individus dans d’autres contextes que celui des études fondées sur les préférences déclarées. La meilleure compréhension des facteurs à l’origine des problèmes rencontrés dans le cadre des préférences déclarées, acquise grâce aux études relatives à l’économie comportementale, permettra d’élaborer de meilleures solutions pour les réduire au minimum, comme nous le verrons plus en détail ci-après.

Diverses études ont montré que la vision selon laquelle le comportement de l’Homo economicus serait exclusivement fondé sur son intérêt particulier est bien éloignée de la réalité, puisque dans la vraie vie les individus montrent en règle générale leur souci d’égalité et de réciprocité (Fehr et Gächter, 2000 ; Camerer et al., 2011). Il a été démontré que les individus punissent ceux qui ne se comportent pas de manière coopérative, tout en récompensant ceux qui agissent dans l’intérêt commun. Cai et al. (2010) ont constaté que les personnes interrogées dans le cadre d’une étude d’évaluation contingente hypothétique réalisée en ligne (et destinée à mesurer le CAP pour des stratégies d’atténuation du changement climatique) faisaient état de CAP d’un montant plus élevé lorsqu’ils pensaient que les populations les plus pauvres de la planète supporteraient une part disproportionnée des effets négatifs du changement climatique, et que ceux réputés avoir une plus grande responsabilité dans l’apparition de ce phénomène assumeraient de plus fortes proportions des coûts d’atténuation. Le contexte social dans lequel a lieu l’évaluation n’est par ailleurs pas indifférent, car les individus se soucient du regard des autres et recherchent leur approbation. Alpizar et al. (2008) ont ainsi constaté que les contributions à une caused’intérêt général déclarées en public étaient de 25 % plus élevées que celles déclarées en privé.

Le rôle des émotions dans la formation des préférences déclarées concernant des biens non marchands a également été étudié (Peters, 2006). Peters, Slovic et Gregory (2003) ont examiné l’impact des affects sur l’écart entre le CAP et le CAA. Ils ont constaté que les acheteurs dont les sentiments positifs à l’égard du bien étaient les plus marqués étaient disposés à payer davantage pour son obtention, tandis que les vendeurs montrant les sentiments négatifs les plus intenses face à l’idée de devoir s’en passer déclaraient un consentement à accepter minimal plus élevé à titre de contrepartie. Araña et León (2008) ont pour leur part pris en considération les variations de l’intensité des émotions pour prédire les effets d’ancrage et le CAP. En outre, dans un article récent, Hanley et al. (2016) se sont penchés sur l’influence des émotions incidentes d’ordre général (joie, tristesse et état d’esprit neutre, indépendamment du bien évalué) sur l’évaluation des variations de la qualité des eaux côtières et des populations de poissons en Nouvelle-Zélande. Cette étude ne constatait aucun effet statistiquement significatif des variations de l’état émotionnel sur le CAP.

Comme précédemment mentionné, l’existence d’un écart entre les valeurs respectivement obtenues par les études sur le CAP et sur le CAA a été amplement démontrée (Horowitz et McConnell, 2002). Knetsch (2010) s’est efforcé de déterminer laquelle de ces deux méthodes d’obtention il convient de choisir selon le cas considéré, et il a mis en évidence qu’une bonne compréhension des états de référence contribuera à éviter la sous-estimation des biens environnementaux non marchands. S’inspirant des apports de l’économie comportementale, Bateman et al. (2009) ont constaté que l’écart entre les valeurs du CAP et du CAA pour des changements d’affectation des terres était d’autant plus réduit que les tâches à réaliser par les personnes interrogées étaient simples. Horowitz et al. (2008, p. 3) ont également examiné de manière assez détaillée l’écart entre les montants du CAP et du CAA, et ils ont montré que la connaissance comportementale du mode de conception de l’enquête et de la dépendance à l’égard du contexte peut aider à comprendre l’écart entre le CAP et le CAA : « il est essentiel d’expliquer ces écarts pour soutenir la validité de cette méthode d’évaluation ».

Les résultats de la méta-analyse des études d’évaluation contingente réalisée par Brander et Koetse (2011) ont montré comment la conception des études influe sur les estimations de la valeur, et ces auteurs ont mis en évidence la nécessité d’en prendre conscience et d’en tenir compte lors de l’utilisation des résultats de ce type d’études (voir également OCDE, 2012). Ils ont constaté que la conception méthodologique d’une étude d’évaluation contingente avait une influence notable sur les résultats et que les valeurs obtenues lorsqu’il était fait appel à des modes de paiement tels que des dons volontaires ou des contributions obligatoires avaient tendance à être sensiblement inférieures qu’en cas de recours à d’autres formes de paiement. Comme pour bien d’autres études, les auteurs ont constaté que l’utilisation de méthodes reposant sur les choix dichotomiques ou sur les cartes de paiement produisait des valeurs sensiblement plus faibles que le recours à des questions ouvertes. Brown et Hagen (2010) ont considéré que les différences de comportement pourraient être atténuées en assortissant l’enquête d’éléments tels que des rappels des contraintes budgétaires ou des procédures « donnant le temps de la réflexion ».

Akter et al. (2008) se sont attachés à déterminer si le degré d’incertitude des personnes interrogées pouvait ou non être mesuré avec précision. Pour ce faire, ils se sont penchés sur sept études empiriques dont les estimations du CAP étaient ajustées au moyen de scores d’incertitude des préférences indiquant, sur une échelle numérique, dans quelle mesure les personnes interrogées se déclaraient incertaines du montant de leur CAP (par exemple sur une échelle de 0 à 10, où 0 correspondrait à une incertitude totale et 10 à une certitude absolue). Ils ont ensuite comparé ces montants ajustés avec les estimations classiques (c’est-à-dire non ajustées) obtenues par la méthode des choix dichotomiques à double proposition. Contrairement à l’avis formulé par le groupe de travail de la NOAA (Arrow et al., 1993), les données empiriques examinées dans cette étude suggéraient que la prise en compte d’informations relatives à l’incertitude débouchait sur des estimations du bien-être en grande partie incohérentes (et moins efficientes). Cela dit, avoir conscience du degré de certitude associé à l’estimation de la valeur dont font état les personnes interrogées peut aider à comprendre les résultats des enquêtes. Morrison et Brown (2009) se sont quant à eux intéressés aux techniques susceptibles de réduire le biais hypothétique, telles que les échelles de certitude, la technique du cheap talk et la réduction de la dissonance cognitive (formule dans laquelle les personnes interrogées sont autorisées à exprimer leur soutien à un programme sans avoir à l’accompagner d’aucun paiement). Ils ont constaté que les échelles de certitude et la réduction de la dissonance cognitive étaient les moyens les plus efficaces de limiter le biais.

En dernier lieu, dans un article fondateur, Bateman et al. (2008) ont fait valoir qu’un mécanisme fondamental permettant de réduire les anomalies observées dans les études fondées sur l’évaluation contingente consiste à donner aux personnes interrogées la possibilité d’apprendre par la répétition et l’expérience. Les auteurs ont testé trois conceptions différentes des préférences individuelles : i) des préférences a priori bien établies, qui peuvent être mises en lumière par la méthode des choix dichotomiques à simple proposition comme le recommandent les lignes directrices de la NOAA (Arrow et al., 1993) ; ii) des préférences dont la connaissance a été acquise ou qui ont été « découvertes » par un processus de répétition et d’expérience basé sur « l’hypothèse des préférences découvertes » de Plott (1996), laquelle considère que les préférences stables et cohérentes ne constituent pas des éléments préexistants, mais bien le produit de l’expérience acquise grâce à la répétition ; et iii) des préférences caractérisées par leur cohérence interne, mais fortement influencées par des points d’ancrage arbitraires, conformément à une hypothèse inspirée par les travaux d’Ariely et al. (2003). D’aprèsceux-ci, même s’ils présentent une cohérence interne, les choix individuels n’en peuvent pas moins être fortement ancrés à quelque point de départ arbitraire, les valeurs pouvant être arbitrairement manipulées par une modification de ce point de départ (un type de comportement appelé « arbitraire cohérent »).

Pour tester ces différentes options, Bateman et al. (2008) ont mis au point une méthode qu’ils qualifient « d’évaluation contingente avec possibilité d’apprentissage ». Reposant pour l’essentiel sur un mode de paiement fondé sur les choix dichotomiques à double proposition (Hanemann et al., 1991), elle est appliquée à plusieurs reprises à des biens s’excluant mutuellement, afin de permettre l’apprentissage et l’acquisition d’expérience concernant les tâches d’évaluation et pour donner la possibilité de « découvrir » les préférences au cours de la durée de l’enquête. Les résultats obtenus viennent à l’appui d’un modèle dans lequel les préférences convergent vers des attentes standard par un processus de répétition et d’apprentissage, c’est-à-dire conformément à « l’hypothèse des préférences découvertes » (Plott, 1996). La connaissance des règles de fonctionnement du marché contingent s’est également avérée être une condition préalable à l’obtention de valeurs fiables et précises.

Les résultats auxquels sont parvenus Bateman et al. (2008) suggèrent un certain nombre de solutions empiriques d’ordre pratique pour remédier aux problèmes communs posés par les méthodes d’évaluation contingente. Premièrement, ils soutiennent le recours aux choix dichotomiques à double proposition plutôt qu’à ceux à simple proposition mis en œuvre une seule et unique fois. Les modèles à double proposition présentent en outre l’avantage de permettre une amélioration non négligeable des résultats statistiques d’un échantillon donné par rapport à ceux procurés par l’application d’un format à simple proposition (du fait qu’ils fournissent davantage d’informations sur les préférences des personnes interrogées). Aussi les formats d’évaluation contingente à double proposition ont-ils gagné en popularité ces dernières années et sont-ils sans doute devenus l’une des méthodes d’évaluation contingente les plus répandues. Deuxièmement, les résultats font apparaître que c’est la dernière réponse au sein d’une série d’estimations de la valeur (et non la première) qui doit être retenue. Troisièmement, ils militent en faveur de l’utilisation de questions « d’entraînement » (comme celles décrites par Plott et Zeiler, 2005) qui pourraient alors être suivies d’une seule et unique question d’évaluation contingentecompatible avec des incitations. Pour finir, ils mettent également en évidence l’avantage comparatif dont bénéficie la méthode de plus en plus courante de l’expérimentation des choix, qui sera examinée au chapitre suivant, en tant que moyen de favoriser l’apprentissage institutionnel et la « découverte » de la valeur. Les chercheurs ayant recours à la méthode de l’expérimentation des choix ont également adhéré à l’idée qu’un apprentissage des préférences se produit lors d’un processus de choix répétés. Plusieurs études ont montré que les estimations des préférences et de la variance obtenues sur la base des choix initiaux s’écartent souvent de celles établies à partir des choix ultérieurs (Carlsson et al., 2012 ; Hess et al., 2012 ; Czajkowski et al., 2014).

Il y a lieu d’espérer qu’une adoption plus large des méthodes d’enquête offrant des possibilités d’apprentissage pourra donner lieu à une réduction des problèmes posés par les études fondées sur les préférences déclarées qui étaient auparavant considérés comme des anomalies insolubles. Ce pourrait être, en particulier, un moyen prometteur d’obtenir des estimations plus précises des valeurs de non-usage, dans le cadre desquelles les biens peu familiers et les préférences mal établies sont particulièrement propices à toute une série d’effets heuristiques et de cadrage.

4.6.2. Évolutions des technologies et des médias sociaux

Sur un plan plus pratique, beaucoup de progrès ont été accomplis dans la mise en œuvre des enquêtes des préférences déclarées. Le développement de l’internet, la plus grande pénétration du haut débit et la popularité des forums en ligne ont donné lieu à une évolution marquée en faveur de la conception et de la mise en œuvre des enquêtes en ligne (Lindhjem et Navrud, 2010). Nombre d’excellents logiciels (qu’ils soient protégés par des droits de propriété ou qu’ils soient libres) sont désormais disponibles et peuvent être utilisés pour produire des enquêtes de grande qualité sur le Web (Qualtrics ou Survey Monkey, par exemple). En règle générale, la mise en œuvre est assurée par l’intermédiaire d’une société d’études de marché ayant accès à un panel d’enquête en ligne couvrant un large éventail de caractéristiques démographiques, laquelle est rémunérée pour réaliser les enquêtes. Il existe par ailleurs de nouvelles ressources de production participative telles que le « marché de tâches d’intelligence humaine » d’Amazon, auquel cette société a donné le nom de « Turc mécanique » (Mechanical Turk). Là, les chercheurs (les « demandeurs », ou Requesters) peuvent directement proposerdes tâches à réaliser (des enquêtes en l’occurrence). Les participants potentiels (ou Turkers) passent alors en revue les tâches proposées et choisissent celles qu’ils acceptent d’accomplir en contrepartie d’une incitation monétaire versée par les chercheurs.

Les enquêtes en ligne offrent de nombreux avantages : elles peuvent être réalisées dans de très brefs délais (il n’est pas rare de recevoir des centaines de questionnaires remplis dans les 24 heures de leur lancement) ; elles sont peu onéreuses (en particulier si on les compare aux entretiens en face à face) ; il n’est pas nécessaire de saisir les données sur une feuille de calcul, puisque cette tâche est réalisée automatiquement ; les réponses sont exemptes de tout risque de biais lié à l’enquêteur ; et les personnes interrogées peuvent se sentir plus à l’aise pour répondre à des questions sensibles et progresser dans l’enquête à leur propre rythme, et dans l’environnement auquel ils sont habitués (Bateman et al., 2002 ; MacKerron et al., 2009). Et, surtout, ces enquêtes offrent une grande souplesse de mise en œuvre. Par exemple, le questionnaire peut être adapté sur mesure à la personne interrogée, et il est facile de modifier le flux des questions en fonction des réponses reçues. Il est aisé d’y adjoindre du son ou des images, et il est possible de contrôler le temps passé sur une page particulière, ou de vérifier si la personne interrogée a eu accès à un complément d’information.

Inutile de préciser qu’il existe également des chausse-trappes. Tout le monde n’a pas accès à l’internet (bien qu’avec le temps, ce ne sera plus tant un problème à mesure que l’expansion du haut débit se poursuivra, même dans les pays en développement), et les enquêtes en ligne pourraient ne pas être la meilleure solution pour certains groupes tels que les personnes très âgées ou illettrées (bien qu’il soit possible de concevoir des enquêtes graphiques pour éviter ce problème). Il n’est par ailleurs pas possible de fournir des éclaircissements aux personnes interrogées si elles se sentent déroutées par certaines parties du texte ou certaines questions. Un nombre considérable d’études ont été consacrées à l’impact exercé par le mode d’enquête sur les valeurs déclarées (comme Dickie et al., 2007, ou encore Marta-Pedroso et al., 2007).

Par chance, il semble que bon nombre des problèmes potentiellement soulevés par les enquêtes d’estimation de la valeur réalisées en ligne puissent être corrigés, voire totalement évités. Si par exemple certaines personnes interrogées bâclent leurs réponses à l’enquête, il est aisé de s’en rendre compte et de les exclure au besoin de l’échantillon. Certaines questions peuvent être insérées pour vérifier le degré d’attention et de compréhension des personnes interrogées. Des mécanismes d’apprentissage et des questions « d’expérimentation » peuvent leur être ajoutés si les essais pilotes font apparaître des difficultés, etc. Sous un angle plus positif, certaines études suggèrent que les enquêtes de panel en ligne présentent des caractéristiques souhaitables sous divers aspects essentiels (Bell et al., 2011). Chose importante, Lindhjem et Navrud (2010) n’ont constaté aucune différence significative entre les valeurs obtenues à l’aide des méthodes d’évaluation contingente selon que celles-ci étaient mises en œuvre en ligne ou au travers d’entretiens directs. Dans ce contexte, ces auteurs n’excluent pas un abandon massif des entretiens directs, qui constituent traditionnellement la norme en matière de réalisation des enquêtes d’évaluation contingente, au profit des enquêtes par l’internet, beaucoup plus rapides et efficaces par rapport aux coûts.

4.7. Synthèse et recommandations à l’intention des décideurs

Bien qu’elle soit à certains égards controversée, de nombreux universitaires et décideurs reconnaissent de plus en plus que l’évaluation contingente constitue une méthode souple et puissante d’estimation de la valeur monétaire des impacts non marchands des projets et des politiques. De façon plus générale, les approches fondées sur les préférences déclarées s’appuient sur des enquêtes directes pour déterminer les préférences des individus ou des ménages, et plus spécifiquement le montant du CAP pour des variations de l’offre de biens (non marchands), lequel présente une corrélation systématique avec les préférences sous-jacentes des personnes interrogées. Cette technique est donc particulièrement utile pour évaluer les impacts sur les biens non marchands, dont la valeur ne peut être déterminée à l’aide des méthodes des préférences révélées. Il convient toutefois de noter que l’évaluation contingente est souvent utilisée même quand il est possible de faire appel à ces dernières.

Cet intérêt croissant a été à l’origine d’un considérable développement des recherches concernant l’évaluation contingente depuis un quart de siècle. La question de savoir quelle forme doivent de préférence prendre les questions posées en vue de déterminer le CAP des personnes interrogées dans le cadre des enquêtes d’évaluation contingente est par exemple déjà passée par un certain nombre d’étapes différentes, comme cela a été précédemment indiqué dans ce chapitre. Cela ne signifie pas qu’une homogénéité des études du point de vue de la conception des enquêtes fondées sur les préférences déclarées puisse être espérée de sitôt. Ni que ce soit nécessairement souhaitable. Ce chapitre a montré que réduire au minimum les distorsions générées par les comportements stratégiques des personnes interrogées en adoptant systématiquement des modes de paiement compatibles avec des incitations constitue à juste titre une priorité, mais qu’il est tout aussi souhaitable et légitime de se préoccuper de la crédibilité de ces mêmes modes de paiement. Toujours est-il que la réponse à ce problème variera vraisemblablement selon les différents types de projets ou de politiques envisagés.

Comme pour toute méthode empirique, la validité et la fiabilité des conclusions des études d’évaluation contingente demeurent des sujets de préoccupation, en particulier pour ce qui est de la quantification des valeurs de non-usage. Une grande partie des recherches dans ce domaine ont visé à concevoir des tests rigoureux de leur robustesse méthodologique quels que soient les contextes et les biens et services non marchands considérés. L’évaluation contingente a été soumise à des tests plus rigoureux qu’aucune autre méthode comparable, et elle n’en est devenue que plus robuste. L’analyse des anomalies d’abord décelées dans l’évaluation contingente a amené à prendre conscience qu’elles n’étaient pas nécessairement une conséquence de l’évaluation contingente, mais qu’elles correspondaient bien souvent à la manière dont les individus se comportent en réalité. L’évaluation contingente s’est révélée être un terreau fertile pour le développement de l’économie comportementale.

Le tour d’horizon auquel il a été procédé dans la dernière partie de ce chapitre permet de finir sur une note d’optimisme concernant l’utilisation de l’évaluation contingente pour estimer la valeur des biens non marchands. Il y a en effet lieu d’espérer au vu des récents développements que les enseignements tirés des tests de validité et de fiabilité permettent de formuler des recommandations pratiques quant à la conception des enquêtes futures. Il est de fait possible d’affirmer que bon nombre des critiques adressées à cette technique tiennent davantage aux problèmes qui se posent aux stades de la conception et de la mise en œuvre de l’enquête (et à la manière dont se comportent les individus) qu’à un quelconque défaut intrinsèque de la méthode utilisée. Dans l’ensemble, les constatations empiriques corroborent pour une large part la validité et la fiabilité potentielles des estimations obtenues au moyen de l’évaluation contingente.

Les recherches les plus récentes en matière d’évaluation contingente soulignent dans leur immense majorité l’intérêt que peuvent présenter (par leur validité et leur fiabilité) les études de bonne qualité et elles montrent ce faisant qu’il est souhaitable que les praticiens respectent d’une façon ou d’une autre des lignes directrices définissant les bonnes pratiques. Celles établies par la NOAA font figure de référence, mais certaines autres plus récentes (dont celles de Bateman et al., 2002, qui visent à éclairer l’application des méthodes des préférences déclarées par les pouvoirs publics au Royaume-Uni, ou encore celles de Champ et al., 2003, pour les États-Unis) fournissent également aux praticiens d’utiles points de référence tenant compte des connaissances les plus récentes.

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Annexe 4.A1. Mesures hicksiennes de la rente du consommateur en cas de variation de prix

Variation compensatoire (VC)

Considérons une diminution de prix. L’individu bénéficie d’un plus grand bien-être si le prix diminue que si tel n’est pas le cas. La VC est alors égale à la somme maximale qui pourrait lui être retirée de sorte que la (nouvelle) situation postérieure à la variation de prix et celle (initiale) antérieure à ladite variation lui soient indifférentes. Le point de référence correspond au niveau initial de bien-être.

Considérons à présent une augmentation de prix. L’individu bénéficie d’un moins grand bien-être si le prix augmente que si tel n’est pas le cas. La VC est alors égale à la compensation qui devrait lui être versée pour que la nouvelle situation et l’ancienne lui soient indifférentes. Le point de référence correspond là encore au niveau initial de bien-être.

La VC renvoie aux situations où la variation de prix a effectivement lieu. Dans le cas d’une diminution de prix, elle est égale au montant maximal du consentement à payer de l’individu pour ne pas avoir à renoncer à la baisse de prix. Dans celui d’une augmentation de prix, elle correspond au montant minimal du consentement à accepter de l’individu à titre de compensation pour tolérer la hausse de prix. Il convient de remarquer que, pour ce qui est de la VC, on part de l’hypothèse implicite que les individus ont un droit au maintien de la situation antérieure à la variation de prix.

Variation équivalente (VE)

Considérons une diminution de prix. L’individu bénéficie d’un plus grand bien-être si le prix diminue que si tel n’est pas le cas. La VE est alors égale à la somme d’argent qui devrait lui être versée dans la situation initiale pour qu’il bénéficie d’un aussi grand bien-être que dans la nouvelle situation. Le point de référence correspond au niveau de bien-être dans la nouvelle situation.

Considérons à présent une augmentation de prix. La VE est à présent égale au consentement à payer de l’individu pour échapper à l’augmentation de prix, c’est-à-dire pour éviter la diminution du bien-être dont il souffrirait dans la situation postérieure à la variation de prix. Le point de référence correspond au niveau de bien-être dans la nouvelle situation.

La VE renvoie aux situations où la variation de prix n’a pas lieu. Dans le cas d’une diminution de prix, elle est égale au montant minimal du consentement à accepter de l’individu pour renoncer à la baisse de prix. Dans celui d’une augmentation de prix, elle correspond au montant maximal du consentement à payer de l’individu pour éviter la hausse de prix. Il convient de remarquer que, pour ce qui est de la VE, on part de l’hypothèse implicite que les individus ont un droit à bénéficier de la situation postérieure à la variation de prix.

Rente compensatoire (RC)

La rente compensatoire, RC, et la rente équivalente, RE, renvoient aux situations où l’individu est contraint de consommer soit la nouvelle quantité de X (RC) résultant de la variation de prix, soit l’ancienne quantité de X (RE). La RC est donc égale à la somme requise pour que la situation initiale et la situation dans laquelle l’individu est contraint d’acheter la quantité de X résultant de la variation de prix lui soient indifférentes. Dans le cas d’une diminution de prix, la RC est égale au consentement à payer pour garantir cette baisse de prix. Dans celui d’une augmentation de prix, la RC correspond au consentement à accepter une compensation pour cette hausse de prix.

Rente équivalente (RE)

La RE est également assortie d’une contrainte quantitative et est égale à la somme requise pour que la nouvelle situation (postérieure à la variation de prix) et l’ancienne soient indifférentes à l’individu s’il est contraint d’acheter la même quantité de X que dans la situation initiale. Dans le cas d’une diminution de prix, la RE est égale au consentement à accepter une compensation pour renoncer à l’avantage procuré par cette baisse de prix. Dans celui d’une augmentation de prix, la RE correspond au consentement à payer pour éviter cette hausse de prix.

Ces mesures peuvent être exposées sous la forme d’un diagramme, comme dans le graphique A4.1, qui décrit la situation en cas de diminution de prix. Les relations suivantes sont valables pour des variations de prix d’un même montant :

  • VC en cas de diminution de prix = - VE en cas d’augmentation de prix.

  • VE en cas de diminution de prix = - VC en cas d’augmentation de prix.

  • VE = VC si l’élasticité de la demande de X par rapport au revenu est égale à zéro.

  • VE > VC en cas de diminution de prix si l’élasticité de la demande par rapport au revenu est positive.

  • VE < VC en cas d’augmentation de prix si l’élasticité de la demande par rapport au revenu est positive.

  • L’écart entre VC et VE est d’autant plus important que l’élasticité de la demande de X par rapport au revenu est forte.

Graphique A4.1. Les quatre mesures hicksiennes de la rente du consommateur en cas de diminution de prix
Graphique A4.1. Les quatre mesures hicksiennes de la rente du consommateur en cas de diminution de prix

Il convient de noter que le graphique A4.1 fait apparaître les quatre mesures de la rente en cas de diminution de prix. Ces mêmes mesures s’appliquent en cas d’augmentation de prix, ce qui nous donne huit mesures en tout.

Notes

← 1. La rédaction de questions valables obéit à l’évidence à certains principes généraux, tout comme le choix de la forme et de la présentation du questionnaire. Les études fondées sur les méthodes des préférences déclarées doivent en outre respecter une série de recommandations. Des lignes directrices relatives à ces problèmes d’ordre général peuvent être trouvées dans diverses sources (voir par exemple Tourangeau et al. 2000).

← 2. La description des modifications subies par le bien considéré et du changement de politique envisagé pourrait devoir s’appuyer non seulement sur des informations textuelles, mais aussi sur des photos, des dessins, des plans, des diagrammes et des graphiques. Par exemple, l’OCDE (2012) présente une méta-analyse des études du CAP pour des variations des risques de mortalité faisant appel à la méthode des préférences déclarées et en tire la conclusion suivante : « Il y a de fortes indications que la VVS estimée tende à être plus faible dans le cas de l’utilisation d’un outil visuel ou d’une explication orale ou écrite précise pour présenter la modification du risque aux personnes interrogées » (p. 74).

← 3. Les réponses de protestation correspondent aux situations où les personnes interrogées sur lesquelles une politique a une incidence positive indiquent néanmoinsun CAP égal à zéro pour sa mise en œuvre sur les cartes de paiement ou dans leurs réponses à des questions ouvertes, ou rejettent toutes les offres dans le cadre des méthodes faisant appel aux choix dichotomiques. Les réponses aberrantes correspondent aux valeurs si élevées qu’elles en sont irréalistes, généralement rencontrées dans le cas des questions ouvertes sur le montant du CAP ou du CAA.

← 4. Un certain nombre d’ajustements doivent être apportés aux arguments précédemment exposés quand le CAA est préféré au CAP. Tout d’abord, contrairement à ce qui se produit lorsque l’on opte pour ce dernier, les questions ouvertes aboutissent généralement à des valeurs moyennes plus élevées que les choix dichotomiques. Elles peuvent également susciter de très nombreuses réponses aberrantes. Les choix dichotomiques constituent dès lors l’option la plus prudente. Les mesures fournies par le CAA n’étant pas limitées par le revenu, les personnes interrogées peuvent avoir une certaine tendance à la surenchère. Il pourrait être souhaitable de mettre en place des mécanismes pour y remédier.

← 5. Il convient de souligner que le fait que le revenu ou la capacité de paiement influencent le CAP ne constitue pas un biais des méthodes des préférences déclarées. Il montre au contraire que le CAP est conforme aux attentes théoriques. Ces méthodes s’efforcent de simuler ce qui se produiraitsur un marché réel s’il en existait un pour le bien ou le service en question. Sur un marché réel, la capacité de paiement exerce une influence sur les achats effectués ; il est donc normal qu’il en soit de même sur les marchés hypothétiques.

← 6. Ces exhortations ont bien d’autres utilisations potentielles. Atkinson et al. (2012) y ont par exemple recours pour réduire les réponses de protestation dans une étude d’évaluation contingente visant à estimer la valeur de la protection de la biodiversité tropicale pour ceux qui en bénéficient à distance.

← 7. L’insensibilité à l’étendue est souvent dénommée « effet d’enchâssement ».

← 8. Dans un article important, Willig (1976) fait valoir que la divergence entre le CAP et le CAA doit être faible, les effets sur le revenu étant eux-mêmes faibles.

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