Résumé

La décentralisation fait partie des réformes les plus importantes de ces cinquante dernières années. Ce rapport montre que la question n’est pas de savoir si la décentralisation est bonne ou mauvaise en soit, mais que ses effets – en termes de de démocratie, d’efficience, d’obligation de rendre compte, de développement régional et local – dépendent pour une large part de la manière dont la décentralisation est pensée et mise en œuvre.

Il est d’autant plus crucial de mettre les avantages de la décentralisation au service du développement régional qu’il existe actuellement une « géographie du mécontentement » caractérisée par une fracture grandissante entre les territoires qui se sentent les laissés pour compte de la mondialisation et des évolutions technologiques, et ceux qui peuvent profiter des possibilités offertes par les mégatendances à l’œuvre. Les systèmes de décentralisation dysfonctionnels font notamment partie des facteurs à l’origine des crises que traversent certaines démocraties, d’où la nécessité de trouver des moyens de les rendre plus efficaces.

Quelles sont les tendances actuelles de la décentralisation ?

La décentralisation désigne le processus consistant pour l’État à transférer certaines de ses compétences et responsabilités à des autorités élues au niveau infranational (régions, communes, etc.) bénéficiant d’un certain degré d’autonomie. La décentralisation couvre trois dimensions distinctes mais indissociables : politique, administrative et budgétaire. Depuis plusieurs décennies des processus de décentralisation ont été mis en place dans la majorité des pays de l’OCDE et ont entraîné une augmentation des dépenses des collectivités territoriales, tant en proportion du PIB qu’en proportion des dépenses publiques totales.

Aujourd’hui les collectivités territoriales représentent 40.4% des dépenses publiques et 56.9% de l’investissement public. Les collectivités locales jouent un rôle de plus en plus important dans des domaines clefs liés aux megatrends, comme les transports, l’énergie, le haut débit, l’éducation, la santé, le logement, l’eau et l’assainissement. Par exemple, elles sont responsables de 64% des investissements publics pour l’environnement et le climat.

Les formes et le degré de décentralisation varient grandement d'un pays à l'autre. Les modes de financement des gouvernements infranationaux varient aussi de façon significative, indépendamment de la forme unitaire ou fédérale du pays. En 2016, les impôts représentaient la principale source de revenus des collectivités territoriales dans les pays de l’OCDE en moyenne pondérée (45 %), devant les dotations et subventions de l’État (37 %).

La décentralisation est trop souvent perçue comme un simple renforcement des compétences des collectivités locales. Or, la réalité est plus complexe, puisque les responsabilités sont, pour la plupart, partagées entre différents niveaux d’administration. La décentralisation consiste à reconfigurer les relations entre le pouvoir central et les administrations infranationales, dans le sens d’une coopération accrue et d’un rôle plus stratégique des administrations nationales/fédérales.

Les tendances à la décentralisation dans le monde sont souvent allées de pair avec un changement d’échelle de la gouvernance infranationale, via les regroupements de communes, la coopération intercommunale, la gouvernance métropolitaine, et le renforcement des régions. Le morcellement administratif du territoire a poussé les pouvoirs publics à adopter des politiques encourageant, voire imposant, les fusions ou la coopération. Néanmoins, le morcellement administratif reste très présent dans certains pays. Par exemple, les municipalités ayant moins de 5 000 habitants représentent 44% de toutes municipalités dans les pays de l’OCDE. Dans 10 pays, ce ratio dépasse les 80%. Le nombre d’autorité de gouvernance métropolitaine, tout type confondu, a augmenté, notamment à partir des années 1990. Le rôle attribué aux régions a lui aussi été de plus en plus important : sur les 81 pays couverts, 52 ont vu un net élargissement des compétences dévolues aux régions depuis les années 1970 (selon l’indice de compétence régionale).

Parallèlement, on a assisté à la montée en puissance de la décentralisation dite asymétrique i.e. le fait que des administrations infranationales de même échelon possèdent des compétences politiques, administratives ou budgétaires différentes. Si les dispositifs asymétriques semblent plus « naturels » dans les pays fédéraux, ils se rencontrent de plus en plus souvent dans les pays unitaires.

Tirer le meilleur parti des avantages de la décentralisation

La conception et la mise en œuvre de la décentralisation ont une incidence majeure sur les effets obtenus. La décentralisation peut encourager et renforcer la participation citoyenne en rapprochant l’administration des citoyens et peut permettre de mieux adapter la fourniture de services publics aux besoins des citoyens. Si les corrélations ne permettent pas de tirer de conclusions en termes de causalité, certaines mesures de performance économique, comme le PIB par habitant, est associé positivement à la décentralisation. La décentralisation des recettes publiques semble plus étroitement associée à l’augmentation des revenus que la décentralisation des dépenses publiques. Des études empiriques récentes montrent que la décentralisation des recettes peut être associée avec de plus faibles disparités économiques régionales.

Anticiper les risques et les réduire au maximum

Il incombe aux administrations centrales/fédérales de définir les conditions-cadres qui détermineront le fonctionnement des systèmes de décentralisation. Le manque de capacités administratives, techniques ou stratégiques est probablement l’un des défis les plus épineux de la décentralisation. Le renforcement de ces capacités est une entreprise de longue haleine qui requiert un engagement durable des autorités centrales et infranationales.

La dimension budgétaire est souvent le maillon faible, voire le chaînon manquant, de la décentralisation. Les mandats sous-financés ou non-financés, c’est-à-dire quand les administrations infranationales sont tenues de fournir certains services ou de prendre en charge certaines politiques sans disposer des ressources requises, sont loin d’être rares.

Le chevauchement des responsabilités entre les différents niveaux d’administration est un autre défi majeur des systèmes décentralisés. Le manque de clarté dans la répartition des responsabilités accroît les coûts de fourniture des services et d’élaboration des politiques.

La décentralisation peut entraîner la perte de certaines économies d’échelle et la fragmentation des politiques publiques. Déterminer la taille optimale des unités infranationales apparaît donc de la plus haute importance. Cependant, c’est une tâche qui dépend du contexte ; la taille optimale varie non seulement selon les régions ou les pays, mais aussi selon le domaine d’action considéré. Les gouvernements nationaux jouent un rôle clef dans la mise en place de cadres légaux et de régulation ainsi que d’incitations à la coopération entre juridictions.

Dix principes directeurs pour une décentralisation efficace, propice au développement régional

Les données d’expérience et les résultats de recherche accumulés depuis plusieurs décennies peuvent aider les décideurs à mettre en œuvre des réformes de décentralisation tout en évitant les principaux écueils. On constate que lorsqu’elles sont bien pensées et bien mises en œuvre, les politiques de décentralisation s’accompagnent de nombreux avantages comme l’amélioration de la prestation de service public au niveau infranational, une plus forte participation des citoyens, ou encore des retombées positives sur la croissance et le bien-être.

Afin d’aider les pays à déterminer quelles sont les conditions nécessaires pour réussir la décentralisation, ce rapport propose dix principes directeurs destinés à guider la mise en œuvre de la décentralisation, adaptés aux pays unitaires comme aux pays fédéraux. Ces principes directeurs ne se résument pas à de simples recommandations. Chaque section décrit la logique existant derrière chaque principe considéré, et livre des conseils pratiques, des indications sur les écueils à éviter et les bonnes pratiques, ainsi qu’une liste de contrôle des actions à mener, adaptée aux pays fédéraux comme aux pays unitaires.

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