7. Perception

La fonction de recouvrement consiste à intervenir auprès des contribuables et à prendre éventuellement des mesures à l’encontre de ceux qui ne produisent pas leurs déclarations à temps, ou n’effectuent pas un paiement à la date d’échéance. Malgré le développement des régimes de déclaration préremplie ou d’absence de déclaration au cours de ces dernières années (voir chapitre 4), le dépôt d’une déclaration demeure obligatoire dans la majorité des juridictions étudiées dans cette publication. Même si en 2021 les taux moyens de respect des délais de dépôt se sont situés entre 76 % et 88 %, au moins 160 millions de déclarations n’ont pas été déposées à temps (voir chapitre 4). Il importe par conséquent que les administrations fiscales continuent de concentrer leurs efforts sur les moyens d’agir contre le dépôt tardif ou le défaut de déclaration.

En ce qui concerne le recouvrement des arriérés d’impôt, toutes les administrations participant à l’enquête, à l’exception d’une seule, ont indiqué affecter du personnel à cette tâche (l’administration fiscale chilienne a déclaré que le recouvrement des créances fiscales ne relevait pas de ses attributions ; voir tableau A.20.). Selon les informations communiquées par les administrations fiscales dans le cadre de l’enquête ISORA 2022, la fonction de recouvrement mobilise en moyenne 11 % environ du total des agents (voir tableau D.8.).

Le cadre législatif confère aux agents du fisc des pouvoirs qui leur permettent de mettre en œuvre certaines mesures concernant la gestion des créances fiscales, le recouvrement des paiements non honorés, ainsi que les actions coercitives pouvant être prises à l’encontre des débiteurs défaillants. L’édition 2019 comportait une section récapitulant les pouvoirs des administrations fiscales en matière de gestion, de recouvrement et d’exécution et l’usage qu’elles en font (OECD, 2019[1]). Cette question n’a pas fait depuis l’objet d’un examen plus poussé. On peut toutefois supposer que l’existence et l’utilisation de tels pouvoirs n’ont pas changé de manière significative.

Ce chapitre :

  • examine brièvement les caractéristiques d’une fonction moderne de recouvrement des créances fiscales, ainsi que les éléments indispensables à une stratégie de gestion efficace dans ce domaine ;

  • analyse les performances des administrations fiscales en matière de recouvrement des créances fiscales ; et

  • fournit des exemples de solutions visant à prévenir l’accumulation de créances.

Pour maintenir un niveau élevé de respect volontaire des obligations fiscales et de confiance dans le système fiscal, les administrations doivent veiller à ce que leurs procédures de recouvrement soient « adaptées à l’objectif poursuivi » et qu’elles répondent aux attentes des contribuables quant à la manière dont le système sera géré. Il s’agit non seulement de prendre des mesures fermes à l’encontre des contribuables qui manquent sciemment à leurs obligations, mais aussi de s’inspirer des principes de la relation client pour être plus à l’écoute de ceux souhaitant s’y conformer, mais qui ne sont pas en mesure de le faire pour des raisons compréhensibles, comme des problèmes de trésorerie passagers. De plus en plus d’administrations fiscales adoptent une vision de bout en bout ou systémique de leurs processus et cherchent à connaître les raisons pour lesquelles les déclarations n’ont pas été déposées ou les paiements n’ont pas été effectués. Elles s’appuient également sur des informations concernant les antécédents du contribuable afin de mettre en évidence des schémas ou des anomalies. L’encadré 7.1. donne un aperçu de quelques initiatives nouvelles dans ce domaine.

Le rapport de 2014 intitulé Working Smarter in Tax Debt Management (OCDE, 2014[2]) donne un aperçu d’une fonction moderne de recouvrement des créances fiscales et en présente les caractéristiques essentielles :

  • Analyses avancées – Elles permettent d’exploiter toutes les informations dont les administrations fiscales disposent sur les contribuables afin de cibler les débiteurs avec plus de précision et d’intervenir au bon moment.

  • Stratégies de traitement – La fonction de recouvrement nécessite plusieurs types d’interventions, qu’il s’agisse de minimiser le risque d’impayés, d’aider les contribuables à effectuer des paiements, ou de mettre en œuvre des mesures coercitives appropriées si nécessaire.

  • Centres d’appels sortants – Ils permettent de traiter efficacement un volume important de créances.

  • Organisation – Le recouvrement des créances est une fonction spécialisée qui est généralement organisée en conséquence. Des indicateurs de performance appropriés et une démarche d’amélioration continue permettent de parvenir aux résultats souhaités.

  • Dettes internationales – Le recours approprié et au moment opportun à l’assistance internationale est crucial, en particulier les « articles concernant l’assistance en matière de recouvrement » figurant dans les conventions entre juridictions.

Le rapport de 2019 intitulé Successful Tax Debt Management: Measuring Maturity and Supporting Change (OCDE, 2019[3]) apporte des éclairages supplémentaires quant aux éléments nécessaires à une stratégie efficace de gestion des créances fiscales et énonce quatre principes stratégiques dont les administrations fiscales jugeront peut-être bon de tenir compte lors de l’élaboration de leur stratégie de gestion des créances fiscales. Ces principes se concentrent sur le calendrier des interventions dans le cycle de gestion des créances, depuis l’examen des mesures visant à prévenir la naissance des créances, en passant par un dialogue précoce et continu avec les contribuables avant d’engager une action en exécution, jusqu’à des mesures coercitives efficaces et proportionnées, et des stratégies raisonnables d’annulation. Ils reposent sur l’idée selon laquelle le meilleur moyen de minimiser le risque de créances impayées est de s’y attaquer sans perdre de temps, idéalement avant qu’elles ne voient le jour. Le rapport présente également un modèle de maturité de gestion des créances fiscales, ainsi qu’un recueil d’initiatives jugées concluantes en la matière.

Le montant total des arriérés reste très élevé, de l’ordre de 2 500 milliards EUR en fin d’exercice. À des fins d’enquête et d’analyse comparative, le « total des arriérés en fin d’exercice » correspond au montant total des créances fiscales et des créances sur d’autres recettes gérées par l’administration fiscale, dont le paiement est en souffrance à la fin de l’exercice. Ce montant inclut également les intérêts et pénalités. Sont aussi pris en compte les arriérés dont le recouvrement a été reporté (par exemple, à la suite de la mise en place d’un échéancier de paiements).

Le montant total des « arriérés recouvrables » à la fin de l’exercice s’élevait à 710 milliards EUR environ. Les arriérés recouvrables correspondent au total des arriérés, après déduction des montants litigieux, ou des montants qui ne sont pas légalement recouvrables. Ils comprennent également les arriérés qui ne peuvent pas être recouvrés, mais qui n’ont pas encore fait l’objet d’une procédure d’annulation.

Par conséquent, et malgré des initiatives visant à garantir la comparabilité des données, il convient d’être prudent lorsque l’on compare certaines données, car l’organisation des systèmes fiscaux et les pratiques administratives diffèrent d’une juridiction à l’autre. Il convient également de faire montre de prudence en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19 et de ses probables répercussions sur les chiffres des années 2020 et 2021. En effet, de nombreux pays ont pris des mesures afin d’aider les particuliers et les entreprises dans le contexte de la pandémie, en prolongeant les délais de paiement ou en suspendant le recouvrement des créances fiscales. De telles mesures pourraient expliquer dans une large mesure l’augmentation des arriérés recouvrables après 2019. (CIAT/IOTA/OCDE, 2020[4]) Il est probable que les prochaines éditions de cette série continueront de s’intéresser aux conséquences de ces mesures dans la mesure où les administrations fiscales reprennent lentement le cours normal de leurs activités d’avant la pandémie.

En 2021, le ratio moyen du total des arriérés à la fin de l’exercice en pourcentage des recettes nettes perçues s’établissait à 32 % (voir tableau D.33.). Comme les années précédentes, il reste fortement influencé par le niveau très élevé des ratios d’un petit nombre de juridictions qui affichent des ratios supérieurs à 50 %. Si l’on exclut ces juridictions, la moyenne descend à environ 14 % des recettes nettes (voir les graphiques 7.1. et 7.2. ainsi que le tableau D.33.). (Remarque : Les pourcentages mentionnés dans ce paragraphe sont différents de ceux du tableau 7.1., car le tableau montre les ratios moyens des arriérés pour les juridictions qui ont été en mesure de fournir ces informations pour les années 2018 à 2021.)

Une comparaison des données de 2020 et 2021 fait apparaître une diminution du total des arriérés en pourcentage des recettes nettes perçues à la fin de l’exercice. Cette baisse fait suite à la hausse significative de plus de 20 % en moyenne du ratio enregistrée en 2020, première année de la pandémie. Malgré la baisse survenue en 2021, le ratio du total des arriérés en fin d’exercice en pourcentage des recettes nettes perçues reste supérieur de 7 % aux valeurs de 2018 (voir tableau 7.1.).

Les données au niveau des juridictions reflètent également en grande partie la diminution observée entre 2020 et 2021 : en 2020, le ratio « Total des arriérés en pourcentage des recettes nettes perçues » a augmenté dans environ 85 % des juridictions, tandis qu’en 2021, il a diminué dans 68 % des juridictions (voir tableau D.33.).

S’agissant des arriérés recouvrables, les données de 2021 font apparaître qu’en moyenne, plus de la moitié du montant total des arriérés est considérée comme recouvrable. Cela représente une augmentation de 7 % par rapport à 2018 (voir tableau 7.1.). Le graphique 7.3. met bien en évidence toutefois les différences qui existent entre les juridictions. Dans certaines d’entre elles, presque tous les arriérés sont considérés comme recouvrables, tandis qu’ils sont non recouvrables dans d’autres.

Le graphique 7.4. montre l’évolution du total des arriérés à la fin de l’exercice entre 2020 et 2021. En valeurs absolues, le montant total a augmenté dans 36 des 53 juridictions en mesure de transmettre des données.

Si l’on examine le montant des arriérés pour les principaux types d’impôts (voir tableau 7.2.), il semble que les particuliers soient plus susceptibles que les entreprises de respecter les délais de paiement. Le ratio moyen des arriérés liés à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) par rapport aux recettes nettes tirées de l’IS et celui des arriérés concernant les taxes sur la valeur ajoutée s’élève à environ 25 % en 2021. Le ratio de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) est beaucoup plus faible et se situe aux alentours de 15 %.

Les données confirment également les difficultés rencontrées par les entreprises au début de la pandémie. Les ratios moyens concernant l’IS et la TVA avaient sensiblement augmenté entre 2019 et 2020, mais sont revenus à leurs niveaux d’avant la pandémie en 2021.

Le ratio des impôts à la source prélevés par les employeurs est le plus faible et se situe à environ 7 %, ce qui n’est guère surprenant dans la mesure où les employeurs sont chargés de reverser ces impôts à l’administration pour le compte de leurs employés et n’ont donc aucun droit sur ces montants.

Les mesures prises par les administrations afin de prévenir la naissance de créances et de recouvrer les arriérés continuent d’évoluer. L’encadré 7.2. illustre les approches adoptées par certaines administrations. Les progrès en matière de modélisation prédictive et de techniques expérimentales, présentés dans le rapport de l’OCDE Advanced Analytics for Better Tax Administration (OCDE, 2016[5]) et dans le recueil des pratiques de gestion des créances fiscales jugées concluantes que l’on trouvera dans le rapport de l’OCDE intitulé Successful Tax Debt Management: Measuring Maturity and Supporting Change (OCDE, 2019[3]), aident de nombreuses administrations à adapter leurs interventions en fonction des risques propres à tel ou tel contribuable. Les approches retenues relèvent de l’une des catégories suivantes :

  • l’analyse prédictive, qui cherche à évaluer la probabilité de réalisation de certains résultats et qui, en ce qui concerne le recouvrement des créances, repose sur une modélisation du risque qu’une personne physique ou une entreprise manque à ses obligations de paiement, ainsi que sur des modèles visant à estimer la probabilité d’insolvabilité ou d’autres difficultés de paiement ;

  • l’analyse prescriptive, qui consiste à prévoir l’impact probable de mesures sur le comportement des contribuables, pour permettre aux administrations fiscales de choisir la bonne ligne d’action pour un contribuable ou un groupe de contribuables donné (OCDE, 2016[5]).

De nombreuses administrations combinent ces deux pratiques et ont expérimenté diverses méthodes destinées à modifier le « comportement des contribuables ». Comme on l’a vu au chapitre 6, trois quarts des administrations ont recours à des méthodologies ou des techniques d’analyse comportementale. Ces pratiques sont susceptibles de modifier les stratégies en matière de gestion des créances fiscales, à l’heure où les administrations abandonnent les approches universelles (lorsque cela s’avère rentable) et s’efforcent plutôt de déterminer :

  • les cas devant faire l’objet d’une intervention ;

  • à quel moment il convient d’intervenir (par exemple, avant même la date de dépôt de la déclaration ou de réception du paiement) ; et

  • le type de mesure qui permettrait d’obtenir le meilleur rapport coût-bénéfice.

Bibliographie

[18] CIAT/IOTA/OCDE (2020), « Réponses de l’administration fiscale au COVID-19 : Mesures prises pour soutenir les contribuables », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/69d26e77-fr.

[31] OCDE (2019), Successful Tax Debt Management: Measuring Maturity and Supporting Change, http://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/successful-tax-debt-management-measuring-maturity-and-supporting-change.htm (consulté le 22 mai 2023).

[14] OECD (2019), Tax Administration 2019: Comparative Information on OECD and other Advanced and Emerging Economies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/74d162b6-en.

[25] OCDE (2016), Advanced Analytics for Better Tax Administration: Putting Data to Work, https://dx.doi.org/10.1787/9789264256453-en.

[30] OCDE (2014), Working Smarter in Tax Debt Management, https://dx.doi.org/10.1787/9789264223257-en.

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